Chapitre 2 - Missclicks
30 novembre, un mois plus tard – J-37
— Tsukki.
L'intéressé étudia la cour de Karasuno d'un air blasé.
— Eh, Tsukki.
Je suis certain d'avoir vu cette « Eigishi » quelque part.
— Tsukki !
Il tenta de se remémorer son visage, mais son esquisse d'effort ne lui offrit qu'une face indistincte. Mémoire sélective ? Ça ne m'étonnerait pas.
— Laisse-le, Yamaguchi, brocarda-t-on alors
Sa méthode EVSPR me refilerait des traumatismes.
— Je connais cette expression : des étoiles dans les yeux, comme lorsque tout un chacun pense à Kiyoko-san...
— Je ne pense pas que Tsukki soit intéressé par Shimizu-san.
— Tanaka, railla mécaniquement Tsukishima, ne me compare pas à des bêtes sauvages.
Et ses propres paroles de l'extirper de sa réflexion. Il releva la tête vers Yamaguchi et Tanaka, qui étaient assis avec lui à côté du distributeur de boissons. Si le premier parut simplement surpris, le second s'effaroucha dans l'instant.
— Nos pensées sont pures et innocentes ! gronda-t-il. Et on la protège de toute menace : tu appelles ça être des bêtes sauvages ?
Le blond réfléchit un instant.
— Vous n'êtes certes pas encore au niveau de Kageyama et Hinata, songea-t-il.
Il ignora Tanaka qui serrait le poing sous une irritation gentillette, pour se tourner vers Yamaguchi.
— Pourquoi m'avoir appelé trois fois, donc ?
— Ton téléphone vibre depuis tout à l'heure, mais tu n'y faisais pas attention.
Il attrapa son portable, et haussa les sourcils en voyant deux SMS d'un numéro inconnu. Il les ouvrit dans un « oh » plat. Ses yeux parcoururent le premier, puis le second, sans qu'il n'y apporte une quelconque importance.
Puis, leur contenu s'enregistra petit à petit dans son crâne. Il cligna de l'œil dans la plus grande des confusions.
« Inconnu, 12:26 : Bonjour, Kei Tsukishima. C'est Kana Eigishi. Je suis navrée de te contacter, mais on m'a renvoyée tes coordonnées à plusieurs reprises. Je les réenregistre sous indications de mon professeur, puis les supprime après comme tu l'as demandé il y a un mois. Cependant, cette manœuvre devient fatigante, et je risque une sanction en la répétant de la sorte. Puis-je les laisser dans ma base de données ? Je ferai en sorte de ne pas te joindre de newsletters. Kana Eigishi. »
Kana Eigishi... ? Il se raidit soudain. Kana Eigishi, comme la Kana Eigishi ? Bien évidemment que sa tête lui était familière : elle venait du même collège que lui et Yamaguchi.
Et là s'arrêtaient ses maigres réminiscence : il les balaya donc comme de pauvres moucherons. Maintenant, qui lui « renvoie mes coordonnées » ? Akiteru ? Ça ne l'aurait que peu étonné... si ce quelqu'un n'avait pas insisté ainsi en balançant son contact de la sorte. Il n'est pas insistant comme ça.
Puisque ce premier message était bien plus intriguant que le second, il ne porta pas grande attention à ce dernier.
« Moi, 12:44 : Bonjour. D'accord, tant que je ne reçois pas ces newsletters. Sinon, qui les renvoie et combien de fois c'est arrivé ? »
Si cette personne n'avait recontacté Eigishi que moins de trois fois, ça pouvait être Akiteru. Mais si le nombre de renvois excédait ce chiffre, Tsukishima avait de quoi s'inquiéter un poil pour sa cybersécurité. Puisqu'il était plus grand que la moyenne, si une connaissance avait assisté à cette conférence, on l'aurait remarqué, ou il l'aurait reconnue – or, il n'avait repéré aucun visage familier. Cette histoire est étrange.
— Dis, Tsukishima, glissa alors Tanaka.
Il releva la tête vers lui, les sourcils haussés : dans l'ombre des bâtiments, il voyait tout juste son air fouinard. De la vapeur suivait le moindre de ses mots, et il planquait ses mains dans les poches de sa veste sous le froid.
Il désigna le téléphone de Tsukishima.
— Une fille ?
— Oui.
— Une fille ?! s'écria-t-il.
— Tu as posé la question, se blasa Tsukishima. Pourquoi être choqué par ma réponse ?
— Je m'attendais à un... un déni, ou un « non », je ne sais pas !
— Pourquoi me demander ça, alors ?
Il se leva à l'instant où son portable sonna de nouveau.
« Inconnu, 12:51 : Deux fois. Ton frère. Je suppose que c'était une erreur, car il ne joignait pas d'objet ou de contenu, outre ton numéro de téléphone et ton adresse mail. »
Yamaguchi lui jeta une œillade curieuse. Le blond, lui, fronça simplement les sourcils.
« D'accord, bonne journée », envoya-t-il – on lui répondit aussitôt un simple « Bonne journée à toi ». Échange rapide, mais efficace. Mais rapide. Mais efficace. Il déroula sa barre de notifications en remarquant un second SMS.
Cette fois-ci, il perdit le lycéen avec brio.
« Aurais-tu l'amabilité de cesser de me suivre ? », qu'avait écrit Eigishi ; et elle transpirait l'exaspération. ... Je ne t'ai jamais stalkée ? Et elle venait de lui sortir un « bonne journée » des plus aimables – quel était son problème ? Était-elle un alien, elle aussi ? Il supportait assez de spécimens comme ça, au volleyball.
Il commença un « Je n'ai pas fait grand-chose », pour l'effacer quelques secondes après. Suivirent de vains brouillons : « Nous n'avons échangé aucun message », « Je n'ai pas renvoyé mes contacts à la place de mon frère », « Tu as dû te tromper de numéro ». Se tromper de numéro. Se tromper de numéro...
— ... Yamaguchi. On vient de m'envoyer ça.
Il lui montra le message d'Eigishi : non seulement son ami se tut-il sous l'étonnement, mais en plus Tanaka se pencha-t-il aussi dessus. Lui aussi lui servit une mine confuse – néanmoins, elle devait résulter de son manque de QI. Yamaguchi, lui, faisait preuve d'assez d'intelligence pour que Tsukishima lui accorde sa confiance.
— Oui, elle a dû se tromper, hésita-t-il. Beaucoup de noms commencent par « Tsu ».
— Ça ressemble au message d'une fille en détresse..., murmura Tanaka.
— D'une fille agacée, plutôt, lâcha Tsukishima.
Je lui signalerai son erreur si elle ne la remarque pas d'elle-même, et c'est tout.
— Cependant..., reprit son ami d'enfance. Tsukki, c'est un peu inquiétant.
— Qu'est-ce que tu veux que je fasse ? Je ne la connais pas.
— Eigishi-san, ce n'était pas une élève dans notre classe ? Elle a beau n'être qu'une connaissance, ça reste préoccupant. Et même si elle était une parfaite inconnue, une dérive de « qu'est-ce qu'il se passe ? » ne ferait pas de mal.
— C'est sa vie privée.
Sur ce, Tsukishima rangea son portable sans répondre à Eigishi. Il n'avait rien à voir là-dedans. Il y avait d'autres Tsukishima, dans ce monde. Et tirer des conclusions hâtives serait futile. Il songea même à effacer ce SMS.
Mais le soir même, il ne l'avait toujours pas fait. Assis sur son lit simple, il étudiait le dos de son téléphone, posé sur son bureau blanc de l'autre côté de la pièce. Son livre, il s'en décrochait toutes les deux pages. Il avait fouillé sans grande conviction dans ses étagères afin d'en dénicher un moins ennuyant, en vain.
Yamaguchi avait peut-être raison. Le message d'Eigishi pouvait être inquiétant. Puisque son regard n'avait de cesse de remonter sur son téléphone, il soupira avec exaspération, s'en saisit et répondit à l'adolescente.
Pour justifier ce retard de plusieurs heures après leur dernière discussion, il n'avait qu'à prétendre qu'il n'avait pas vu son message. Qu'il souhaitait juste lui dire qu'elle n'avait pas sélectionné le bon destinataire. Qu'il ne remarquait pas que « Aurais-tu l'amabilité de cesser de me suivre ? » était une demande assez peu commune.
Il se concentra tant pour lui signaler cette maladresse dans la plus grande des simplicités qu'il en oublia de demander à son frère pourquoi diable il l'avait recontactée deux fois.
« Inconnu, 21:28 : Je suis désolée. Je me suis trompée de destinataire, pardon. Navrée. »
Pourquoi s'excuser trois fois... ? Tsukishima s'assit à son bureau et en alluma la lampe : elle illumina ses figurines de dinosaures. Ses yeux éblouis clignèrent un instant avant de se reposer sur son écran.
Laisser Eigishi sans réponse après trois fichues excuses aurait été malpoli. Mais il ne comptait pas non plus rallonger leur conversation. Mais en citant Yamaguchi, si on la suivait, c'était « inquiétant ». Mais elle en parlait probablement à d'autres personnes. Mais ce monde est rempli d'idiots.
« Moi, 21:34 : Pas de problème. »
Quoi d'autre ? Peut-être lui conseiller d'avoir voir la police ? pensa-t-il, les sourcils froncés.
« Moi, 21:35 : Ce ne sont pas mes affaires, mais si on te suit, la gendarmerie est une option. Bonne soirée
Inconnu, au même instant : Est-ce que j'envoie un message pour prévenir ton frère ? »
Longues secondes. Tsukishima fixa son portable, interdit. Peu pour lui, de couper l'herbe sous le pied de quelqu'un de poli ; et il avait fallu qu'ils se répondent au même foutu moment. Ça lui arrivait, avec Yamaguchi. Néanmoins, il avait en face une fille qu'il connaissait à peine, et qui se retrouvait déjà dans une situation plutôt embarrassante.
Le changement seul de sujet d'Eigishi en disait long sur son désir de le détourner de son « arrête de me suivre ».
Son frère. Le contacter. Pourquoi pas. C'était une option. Il tapa donc une quatrième fois sur son clavier.
« Inconnu, 21:37 : Oui, bonne soirée
Moi, au même instant : Je le ferai »
Et le tic-tac de son réveil de résonner exécrablement dans son crâne.
Était-ce le moment d'éteindre son téléphone, ou de le balancer par la fenêtre, ou de déverser son sel sur Akiteru ? « Tu l'as recontactée ? », que lui demanda alors Yamaguchi. Oui, et c'est un désastre. Eigishi, elle, ne lui répondit plus ; un quart d'heure plus tard, toujours rien ; au bout de trente minutes, il conclut qu'il aurait bien mieux fait de se mêler de ses oignons.
Quelle merveilleuse soirée qu'elle devait passer. Lui en arriva à abandonner la partie et choper sa console. Mais cette enfoirée s'éteignit dès qu'il l'alluma. Plus de piles. Superbe. Il se rassit en se tenant le front ; puis, il se remémora son frère.
Il avait beau être plus de vingt-deux heures, il jeta un coup d'œil à sa messagerie, constata qu'il n'avait aucune nouvelle de « Inconnu », trouva ce surnom assez réducteur, et appela Akiteru.
— Kei ? Qu'est-ce qui t'amène si tard ?
— Eigishi-san, lâcha-t-il. Mes contacts.
— Oh, tu as Kana dans tes contacts ?
— Non. Enfin, si.
Même si elle s'appelle « Inconnu ».
— Mais peu importe : arrête de la harceler avec mon numéro.
— Oh, ça, rit-on avec nervosité. Mauvaises manip', n'y fais pas...
— Eh ? trancha-t-il. « Mauvaises manip' » ? Qui envoie trois fois le même numéro par erreur ?
— Il y a une option « joindre des contacts » dans leurs newsletters, et comme tu es dans mes favoris... Mon écran est capricieux, aussi. Donc...
— Achète-toi un nouveau téléphone – ou un cerveau, au choix.
Akiteru soupira, à l'autre bout du fil.
— Ce n'était vraiment pas volontaire. Elle t'a prévenu, je suppose ? Je ferai attention.
— Oui.
— Kei, est-ce que tu te souviens d'elle ?
L'intéressé haussa les sourcils.
— De quoi tu parles ?
— Elle était dans ta classe.
Je ne lui ai jamais parlé auparavant. Navré.
— Et comme tu n'as pas beaucoup d'amis, et que Kana non plus, je me suis dit que vous pouviez faire connaissance. Je connais sa sœur. Kana est une personne calme, il est facile de lui parler.
— Tu as donc envoyé mon numéro volontairement ? Merci pour le dérangement.
— Non, je parle juste de mon invitation à sa conférence.
Petit silence. Puis, Akiteru marmonna quelque chose que Tsukishima ne comprit pas.
— Tu peux répéter tes excuses ? railla-t-il. Je ne les ai pas bien entendues.
— Je disais juste qu'il faudrait éviter que tu sois... comme ça, avec elle.
— Comme ça ? Développe, je t'en prie.
— Je ne vais pas m'étaler, mais elle rencontre quelques soucis. Voilà tout.
En bref, on lui demandait de ne pas jeter son sel à la face d'Eigishi. Il me prend pour qui, un enfoiré ?
— Il est tard, souffla Akiteru. J'y vais. Bonne nuit, Kei !
— À plus.
Ainsi s'arrêta leur échange aussi fluide qu'effectif. Tsukishima étudia une nouvelle fois son écran. En effet, il était désormais plus de vingt-deux heures trente, et il n'avait reçu aucun message de « Inconnu ». « Elle rencontre quelques soucis », résonna dans sa caboche la voix de son frère.
Au hasard, un stalker et des méthodes SVPRE ? Après quelques secondes d'immobilisme – ou quelques minutes, il ne le sut pas, il ne regarda pas l'heure, il n'y songea pas même –, il renomma cette pauvre « Inconnu » en « Eigishi-san ».
Sa politesse valait tout de même un peu de respect, pensait-il : Eigishi méritait au moins qu'il l'appelle par son nom.
Fanart par Pixiv Id 102189 sur Pixiv. Lien : https://www.zerochan.net/1706205
Et me revoici avec un second chapitre ! Posté avant samedi, car je n'avais rien à faire cet après-midi... En espérant que vous avez eu du temps pour la lecture :(, et que ça vous a plu.e.s ! N'hésitez pas à me donner des retours ^^
Je suis déjà vers la fin de la rédaction de cette fanfiction. Ah, comme le temps passe vite, les enfants... (ou comme mon clavier souffre, au choix-)
Donc, à samedi, pour de bon, et pas plus tôt x)
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top