Chapitre 13 - Réveillon, Partie 1
24 décembre – J-13
« Signer son arrêt de mort » : et pourtant, Tsukishima se laissa faire. Ce jour-ci, paraissait que l'oncle d'Eigishi les promenait, elle et Ayaka, au sein de Sendai. Elle lui avait envoyé des photos d'un sapin de Noël mal foutu, d'une flopée d'arbres couverts de neige, et de sa sœur en pleine extase face à des chocolats pralinés. Jamais ne lui montrait-elle sa propre tête, mais ainsi allait la vie.
« Moi, 9:38 : Je dis à mon frère qu'elle va lui balancer des chocolats par la poste ?
Eigishi-san, 9:39 : Je n'ai pas même envie de m'en mêler... »
— Oh, Tadashi ! s'exclama alors Akiteru dans leur entrée.
Son cadet jeta une œillade derrière leur sofa. Yamaguchi était arrivé, une seconde boîte de chocolats dans les mains. Cette fois-ci, elle revint au jeune homme, dont la face s'éclaira en voyant le dessin de noisette plaqué dessus.
— Salut, Yamaguchi, posa Tsukishima.
— Salut, Tsukki !
Ainsi s'assit-il à sa gauche, un léger sourire aux lèvres. Son ami haussa un sourcil.
— Je pensais que tu te serais éclaté la panse.
— Non, j'ai enfin choisi entre des chocolats truffés ou à la liqueur pour Shimada-san. Je vais lui donner ça tout à l'heure.
— J'espère que tu n'as pas choisi ceux à l'alcool. S'il en mange et en donne un seul à Akiteru, ils vont tous les deux rouler sur le sol de mon salon comme des pochtrons.
— Eh bien..., rit-il en se frottant la nuque.
Oh, non...
— Akiteru, lança-t-il. Tu n'invites personne, ce soir ?
— Deux-trois amis, s'étonna-t-il.
Son frère se tourna donc vers Yamaguchi, lugubre.
— ... Yamaguchi.
— Désolé, Tsukki ! Ça ne devrait pas être un désastre...
« Un désastre. » Durant une fraction de seconde, la figure d'Eigishi s'imposa à lui. Il la laissa s'échapper d'elle-même... pour tomber sur l'expression étonnée de Yamaguchi. Lui aussi m'a cerné ? C'est certes moins ennuyant que si c'était Akiteru.
— Donc, pourquoi tu voulais nous rendre visite ?
— Prendre des nouvelles avant le Réveillon.
On aurait pu parler par message.
— Il... ne se passe pas grand-chose chez moi, répondit-il toutefois.
— N'est-ce pas... Moi non plus. Tu veux prendre l'air un instant ?
— Bonne idée ! intervint Akiteru, derrière.
— Je ne pourris pas non plus dans ma chambre, répliqua-t-il avec irritation.
Mais il se leva tout de même. Il était rare, chez son ami d'enfance, de proposer de « prendre l'air ». Habituellement, ils se contentaient de flâner à l'intérieur. Néanmoins, « prendre l'air »...
Tsukishima le suivit là-dehors, ignorant le froid glaçant ses joues, le plat silence de leur bourg et les potentielles notifications de son téléphone. Ils arrivèrent bientôt au niveau d'un espace herbeux, aux barrières et terre blanchies par la neige. Il s'y arrêta avant Yamaguchi même, pour braquer son regard sur lui.
— Donc, qu'est-ce qu'il se passe ? demanda-t-il.
On sursauta dans l'instant : sur sa face était inscrit un beau « oh, mince, il a deviné que j'avais deviné que... ».
— Quelque chose est étrange, depuis hier, déglutit-il.
— Étrange ?
Le blond le pointa du doigt.
— Tu as attrapé un rhume ? traîna-t-il.
— Non, je parle de toi.
— Je vois encore moins de quoi il s'agit, fit-il remarquer, un sourcil arqué.
— J'ai pu retrouver les contacts d'Eigishi-san.
Elle. Encore et toujours.
— Alors, j'ai pris quelques nouvelles, et j'ai appris...
— Ça va me refiler la migraine, l'arrêta-t-il.
Yamaguchi se tut avec stupeur ; l'autre se pinça l'arête du nez.
— Eigishi par-ci, Eigishi par-là ? Je lui parle assez comme ça.
Son ami ne méritait pas qu'il passe ses nerfs sur lui ; il ne comptait pas plus s'abaisser à une telle stupidité.
— Et mon frère aussi la mentionne une fois par heure, enchaîna-t-il d'un ton de plus en plus saturé.
Mais son exaspération était à son paroxysme.
— Elle est partout, et ça commence à me taper sur les nerfs.
Il se démenait assez contre lui-même : avoir les autres sur son dos, en train de lui répéter qu'Eigishi ceci, qu'Eigishi cela, c'était trop.
— Je n'ai pas non plus signé pour ça lorsque j'ai reçu son premier message et que vous l'ai montrés, à toi et Tanaka-san.
Son inquiétude pour les soucis de la jeune fille l'alourdissait déjà.
— Pour une fichue journée, est-ce qu'on pourrait parler d'autre chose qu'elle et ses problèmes et je ne sais quoi en relation avec elle ? Je pourrais prendre un peu de repos ?
Puisqu'il parvenait enfin à ne pas fuir, qu'on vienne répéter son nom au point de manquer de gâcher tous ses efforts...
— ... est la dernière de mes envies. Alors je passe, trancha-t-il.
Long silence, lourd silence, il desserra les poings. Peut-être que je devrais couper les ponts avec elle, au final, pensa-t-il, le menton bas. Si ça doit me plonger dans une confusion pareille...
— Désolé, souffla Yamaguchi. Tes efforts, je ne les gâcherai pas.
— D'accord...
... mais il se raidit bien vite.
— Mes quoi ? répéta-t-il, béat.
— Tu as mentionné des efforts.
— Où ça ?
Je n'ai pas parlé à voix haute ?!
— À l'instant, hésita son ami. Cependant, on peut changer de discussion.
— Non, non, attends. Je ne me suis pas entendu lancer un truc pareil.
Yamaguchi afficha un sourire nerveux.
— ... Ah, laissa tomber Tsukishima.
Il n'a pas besoin d'en dire plus. Il poussa un court soupir.
— Désolé.
— Hein ? s'étouffa-t-on.
— Tu n'as rien fait. Cela dit, tu n'as pas tort. Je dévie de mon comportement habituel, depuis quelques jours.
En face, les épaules de Yamaguchi se détendirent peu à peu.
— Mmh, acquiesça-t-il. C'est une mauvaise chose ?
L'intéressé s'appuya contre une clôture. Une mauvaise chose ? Il n'en savait rien – mais au moins, il venait de balancer ce sang d'encre qu'il avait accumulé au fil des jours et des échanges avec Eigishi. Quelque chose de grave se passait autour d'elle, rien ne semblait s'arranger, il coinçait. Pouvait-il expliquer ça à Yamaguchi, alors que ce sujet touchait les soucis d'Eigishi ?
Oui. Si cette discussion restait entre eux, oui. Alors, il lui rapporta le plus brièvement possible l'appel peu rassurant qu'elle avait eu, alors qu'ils se promenaient il y avait deux jours de cela. Des bouts de phrases qu'il en avait retenu. La façon dont elle avait soudain raccroché la veille et l'avait recontacté d'une voix étrange. Et enfin, son inquiétude, le sentiment d'être inutile et la frustration en découlant.
— Et je suppose que ce sont des raisons suffisantes pour que mon comportement « dévie », soupira-t-il. Mon frère semble sur l'affaire...
Il se tut un court instant, car il s'engageait là sur le terrain le plus glissant de tout ce qu'il supportait ces temps-ci.
— Ça a beau être complètement idiot, quelque chose me dérange dans son implication. Ça devrait être rassurant. Il est majeur et attentionné, grimaça-t-il. Et pourtant... ça renforce juste ma futilité.
— C'est vrai qu'il y a des limites dans ce qu'on peut faire, dans une telle situation..., souffla Yamaguchi.
Tsukishima l'entendit s'adosser à son tour contre le grillage.
— Si elle veut que tu restes en-dehors de ça, que faire d'autre ?
— N'est-ce pas...
— Mais je ne pense pas que tu sois insignifiant dans cette histoire. Le fait qu'elle te parle souvent en est la preuve, non ?
Son cœur rata un battement : il fixa le goudron, les paupières écarquillées.
— J'ai l'impression que tu l'aides à ta façon, sans t'en rendre compte, continua son ami. Que tu lui accordes des temps de pause où elle peut enfin souffler : en la voyant, lui parlant au téléphone ou échangeant des messages... Toutes ces petites choses empilées les unes sur les autres. Akiteru, lui, n'est pas sur ce front-là.
C'est vrai... Je n'ai pas à mettre les pieds dans le plat pour l'aider. Ce que je fais est déjà suffisant. Mais le jour où il n'y aura personne pour l'assister comme sa sœur ou Akiteru le font..., pensa-t-il soudain.
— Mais le jour où il n'y aura personne pour l'assister, réfléchit d'ailleurs Yamaguchi dans un murmure, tu devras peut-être franchir l'étape d'au-dessus, même pour un instant. Si c'est le cas, fais attention.
— Depuis quand est-ce que je me mets en danger ? C'est stupide.
Son ami d'enfance laissa échapper un court rire.
— Certes. Alors jusque-là, les choses ont l'air dans l'ordre, non ?
Tsukishima ferma les yeux. Parfois, il est bien plus lucide que moi.
— Oui. Jusque-là... les choses ont l'air dans l'ordre.
***
Ils avaient lâché le sujet d'Eigishi juste après ce bout de discussion : ensuite avaient-ils causé de ce qu'ils risquaient de recevoir à Noël, des matchs à venir, du reste de l'équipe. Tsukishima devait se l'avouer, cela l'avait un poil soulagé.
Désormais, il faisait face aux messages d'Eigishi sans souci sous-jacent, car il en faisait déjà assez, qu'elle était bien entourée, que les choses étaient dans l'ordre, et que seul son béguin à uni-sens restait parfois encombrant. Mais c'était comme ça. S'il avait pensé sur un coup de tête à couper les ponts, cette option, il l'écartait désormais.
Je veux dire, je n'ai toujours pas pu finir mon anecdote sur le musée des dinosaures.
Vingt heures avaient sonné, une odeur de poulet frit remontait jusqu'à sa chambre. Eigishi et lui avaient discuté une bonne partie de l'après-midi – et au fil des informations qu'elle lui refilait sur Ayaka, il commençait à avoir peur de celle-ci.
Déjà s'était-elle ramassée contre une barrière, ensuite avait-elle dû se faire recoudre le genou un peu après le déjeuner, et enfin buvait-elle désormais tout de même avec son oncle et sa tante.
« Eigishi-san, 20:13 : Elle reste amusante, ça va »
Ta tolérance va te perdre...
« Moi, 20:14 : Tant mieux pour toi. J'entends déjà Akiteru s'échauffer, en bas. Je crois que je vais retourner avec mes magazines après manger.
Eigishi-san, 20:15 : Tu ne comptes pas passer plus de temps avec eux ?
Moi, 20:15 : Pas avec mon grand frère alcoolisé...
Eigishi-san, 20:16 : Légitime
Et courage (╥_╥) »
Merci, je suppose ? Il fit brièvement tourner son ballon de volleyball dans sa main : son cerveau alternait entre le dessert qu'il allait se taper après leur poulet, ses stratégies pour esquiver son frère, et l'espoir que sa mère ne lui ait pas acheté une seconde paire de lunettes de sport, car il en avait assez d'une.
Il reprit ensuite son téléphone – à sa grande surprise, Eigishi envoya un SMS avant qu'il ne lui réponde.
« Eigishi-san, 20:20 : Tu souhaites tes joyeux Noël le vingt-quatre au soir ou le vingt-cinq au matin ? »
Pourquoi une telle question ? Souhaitait-elle déboucher sur un virulent débat sur l'exacte date appropriée pour souhaiter un joyeux Noël à quelqu'un ? Elle n'est quand même pas de cette espèce ? Non. Je la vois mal agir de la sorte.
« Moi, 20:22 : Peu m'importe. Pourquoi ?
Eigishi-san, 20:22 : Pour savoir quand je peux te le souhaiter
Moi, 20:22 : Quand tu veux ?
Eigishi-san, 20:23 : Certes... Mais maintenant, c'est trop tôt. Et je ne sais pas quand est-ce que ça serait trop tard. »
Il arqua un sourcil : cette phrase-ci sonnait étrangement dramatique. « Trop tard » ? Était-elle sur son lit de mort ? Il se retint de pouffer au nez de son écran. Non, Akiteru serait complètement paniqué.
— Kei, à table ! s'exclama alors sa mère.
Il dans un dernier « peu importe » et autre « Je vais manger, à plus ». La pièce à vivre de leur maison était scindée en deux : son aîné et deux amis regardaient la télévision, bière en main ; lui et sa mère s'assirent simplement à table.
Pas de décoration lumineuse ni de cadeaux empilés au pied d'un quelconque sapin. Seules quelques guirlandes pendaient de leur plafond blanc – du reste, tout était parfaitement sobre... sauf Akiteru, car voici qu'il commençait à hausser de plus en plus le ton. Shimada mis à part, Tsukishima ne connaissait pas même le nom de son dernier camarade. Mais au moins, ils semblaient mieux se comporter que lui.
Son point de vue n'était absolument pas biaisé par leur lien de sang. Non, loin de là. Il était purement et simplement objectif, si ce n'était scientifiquement prouvable...
— Shimada, t'as des chocolats à la liqueur ?!
— Tadashi me les a offerts !
Le lycéen comme sa parente échangèrent un regard mitigé. Yamaguchi, tu es vraiment dangereux !
— Comment est le poulet ? demanda sa mère, au-dessus des bavardages du trio et de l'insupportable voix des commentateurs de volleyball à la télévision.
— Bon. Merci.
— Tu n'en as mangé qu'une part, gronda-t-elle doucement. Tu es grand, il faut te nourrir plus que ça !
— Je ne vais pas me péter la panse, soupira-t-il.
Elle afficha un gentil sourire, puis piocha dans une salade. Elle se resservait – comme le commun des mortels, devinait Tsukishima. Nishinoya et Hinata, eux, devaient avoir déjà avalé trois bonnes assiettes ; et il en aurait mis sa main à couper, Kageyama se contentait certainement d'un dîner équilibré afin d'être en forme pour un potentiel jogging le lendemain.
Autour, l'air s'échauffa sous les clameurs d'Akiteru et compagnie, de l'odeur d'alcool et de la vapeur s'échappant toujours de leur four. Vraiment, Tsukishima n'avait plus faim. Il ne comptait plus que remonter dans sa chambre, à laisser sa mère avec les autres...
— Il y a du cake à la fraise, annonça-t-elle soudain.
— Oui, posa-t-il derechef.
Il se réinstalla sur sa chaise : en voyant ça, elle laissa échapper un léger rire.
— Je suppose que je l'amène maintenant ? Il en restera pour ton frère et ses amis.
Et ainsi élut-il sa parente « mère la plus compréhensive de l'année ».
Elle tint parole. Sa fichue part de gâteau, il en savoura la moindre bouchée au doux goût sucré, mêlé à une subtile acidité de son coulis rouge recouvrant le tout. Était-ce la définition du Paradis ? Comment avait-il pu oublier ce dessert ?
Il dut bien passer quinze grosses minutes à déguster ce met avant de sortir pour de bon de table. S'il remercia sa mère, il ignora complètement le « Kei ! » enthousiasmé d'Akiteru, et rejoignit sa chambre à la place. Sa porte étouffa les trois quarts du boucan que son aîné répandait dans le rez-de-chaussée – un bonheur.
Vingt-et-une heures quinze. J'ai quand même supporté cinquante minutes en bas... Eigishi, elle, devait être en plein repas. Que mangeait-elle ? Du poulet frit, aussi ? Ou son oncle et sa tante avaient-ils cuisiné un plat aussi singulier que le rythme de vie de la jeune fille ? Elle aime les gâteaux à la fraise ? se demanda-t-il, le nez froncé.
Il s'assit à même le sol : sa musique couvrit gentiment les bruits sauvages d'Akiteru et compagnie, son magazine le sortit de l'environnement un poil trop festif de ce Réveillon, il consulta sa messagerie, « Bon appétit, je re aussi ! »... et le morceau qu'il écoutait l'abandonna d'un coup.
Plaît-il ? Il appuya sur les touches de son MP3, en vain. Il ne se ralluma pas. Pire : il ne montrait aucun signe de vie, et cela suffit à Tsukishima pour qu'il se morfonde et maudisse ce vingt-quatre décembre. Il retira son casque dans un dépit magistral. Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? Maintenant, j'entends tout le bordel d'en-dessous...
« Moi, 21:19 : Poulet frit, toi aussi ? »
Il ne s'attendait pas à une réponse rapide, car Eigishi savait prendre son temps – alors à la place, il partit sur son échange avec Yamaguchi, qui lui souhaitait déjà un joyeux Noël.
« Yamaguchi, 20:53 : J'ai reçu un casque (≧ᗜ≦) Et toi ?? »
C'était définitif : ce monde pouvait aller au diable.
« Moi, 21:22 : Pour l'instant, rien. »
« Hinata, 21:22 : Joyeux Noël !! »
Un envoi groupé ? Cet insecte, il le balaya spontanément.
« Koushi Sugawara, 21:22 : Joyeux Noël ! »
... Certes.
« Moi, 21:24 : Merci. Toi aussi. »
Et ainsi décida-t-il de s'arrêter, car...
« Eigishi-san, 21:25 : Eh non, un mini buffet avec un peu de tout. Saumon, notamment. »
... car il devait faire un peu de tri dans sa messagerie. Oui. Du tri. Nécessaire, toujours nécessaire.
« Moi, 21:26 : Tu n'aimes pas ça ?
Eigishi-san, 21:26 : « Saumon, notamment (ง '̀͜ '́ )ง »*
Moi, 21:27 : Tout est plus clair, avec cet emote.
Eigishi-san, 21:27 : Hehe ! Je ne tire pas ma passion des smileys de nulle-part !
Moi, 21:28 : Je ne veux pas savoir ce que tes émoticônes fusils veulent dire, alors.
Eigishi-san, 21:29 : Rassure-toi, je ne souhaite pas ta mort »
Il cligna de l'œil avec confusion. Oui, c'est encore heureux ?
« Eigishi-san, 21:30 : Tu sais, je suis plutôt contente d'avoir tenu ce séminaire de chimie. Déjà que les électrons de valence sont ma passion... Mais j'ai été surprise de t'y voir. Je suis contente que tu sois venu !
Merci de supporter le désastre que je suis (^ˬ^) »
Et Tsukishima de bloquer pour de bon, raide comme un piquet.
Ses pensées s'embrouillaient mieux encore que l'esprit d'un Akiteru bourré. Ses yeux s'arrêtèrent sur le moindre des mots d'Eigishi : de « je ne souhaite pas ta mort » à « je suis contente que tu sois venu ! » en finissant, encore et toujours, par « merci de supporter le désastre que je suis ». Elle pensait toujours être un désastre...
Non, peu importait, ça déviait complètement du sujet qu'elle abordait ici. Il dut s'essuyer les paupières trois bonnes fois, pour réaliser qu'elle venait de le remercier – ce qui était trivial – de la supporter. Et cela le bouscula un peu plus. La supporter. La supporter... Tsundereigishi ? Tsundereigishi est là, c'est ça ?!
Il prit une longue inspiration : son cœur battit de plus en plus follement. J'ai cru voir qu'elle a compris que j'avais quelques sentiments pour elle ; de plus, elle ne dirait pas ça de nulle-part. Qu'est-ce qu'elle veut ? Ça a l'air sincère. Je réponds quoi ? Je demande à... Non, non, je demande à personne, trancha-t-il. Pire idée du siècle.
Il devait se débrouiller seul. Lui qui ne s'était absolument jamais retrouvé dans une situation pareille et affrontait son premier béguin, devait choisir la réponse la moins inappropriée...
« Moi, 21:38 : Tu n'es pas un désastre. »
Et ainsi s'immobilisa-t-il de longues secondes. Il étudia son écran dans un mutisme de plomb, à lire et relire son message tel un arriéré. ... Pardon, je suis le désastre, pensa-t-il avec irritation. Il reprit son téléphone de ses mains moites, trop tard.
« Eigishi-san, 21:40 : Haha, merci »
Il plaqua ses mains sur son front. Et ainsi Kei foira-t-il. Superbe. Après mon casque, ça... Il laissa sa tête retomber sur son lit, l'estomac noué. Il pouvait toujours réparer les pots cassés. Ce n'était pas trop tard. Et puis, la réponse d'Eigishi transpirait la déception. La déception... Oui, justement, la déception. Un type comme moi n'est vraiment pas doué dans... ce domaine. Elle ne tirerait aucun intérêt à me fréquenter plus que ça...
Mais abandonner là, il s'était résolu à ne pas le faire. Alors il chopa de nouveau son portable : huit minutes s'étaient écoulées, il se maudit, il maudit tout autant le silence étouffant autour de lui. Le silence étouffant. Le silence tout court...
Vite brisé par une vive course dans les escaliers et la voix aussi pâteuse que précipitée d'Akiteru.
— Kana ? Tu m'entends ? Je vais dans ma chambre – reste en ligne, ne décroche surtout pas !
Son ton urgent heurta Tsukishima de plein fouet. Il se releva avec lenteur, le souffle court, pour s'immobiliser la seconde d'après.
— Quoi... qui est derrière toi ?!
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