III.

  Je suis frigorifié, alors qu'on est à la fin du printemps, et que cette année la saison est brûlante, contrairement à l'an passé. Le sol me fait souffrir, et mon visage aussi. Avec difficulté je me relève, et quitte le pond sous lequel je me suis caché. Je me dirige chez moi, malgré mon corps et mes muscles qui me font souffrir, malgré la morsure des coupures sur ma jambe. En voyant l'état de mon pantalon, je grogne. Il s'est déchiré. Heureusement que c'est un tissu que je peux recoudre.

Une fois devant chez moi, j'observe la maison peinte en blanche, les fenêtres de la face de devant toutes éteintes. Soudainement, Balto sors par la petite porte pour chien qui se trouve au bas de la porte. Il vint au grillage sans aboyer, et couine un peu en voyant mon état. Je lui souris doucement, passe le grillage noir et vernis, et me baisse pour passer plusieurs longues secondes à le câliner, à profiter de la douceur de Balto, qui est là depuis toujours. Je l'ai récupéré avec Papa, c'est même lui qui l'a nommé Balto. Il est beaucoup plus calme que Neptune, et sait lorsqu'il doit être silencieux.

« Elle n'était pas trop dure cette nuit sans moi ? » murmurais-je, tout bas, à l'intention du Husky, qui me donna un coup de langue affectif. Un petit rire m'échappe, un rire fatigué, que je déteste. Que je déteste toujours autant.

Une fois à l'intérieur, je ne prend même pas la peine de regarder le miroir brisé, en milles morceaux, au sol. Ni les quelques gouttes de sang séché qui doivent à présent décorer le carrelage gris clair. Je file à l'étage, dans ma chambre qui est un vrai foutoir à livres de cours et d'astronomie, mes piles de romans placées contre le mur, à côté de mon bureau en bois brun, plein de feuilles et de cahiers. Il me faut à peine dix minutes pour me laver, enfiler l'uniforme du lycée qui se résume à un pantalon brun, une chemise blanche et une cravate noire à rayure bleues taupe. Je ne prend pas la peine de coiffer mes cheveux teint, et refait simplement ma petite natte avec mes rares cheveux encore bruns. Sac sur le dos, la veste de l'uniforme de sport sur les épaules, je sors en silence de la maison et prend le chemin du lycée. Les cours vont bientôt commencer, je risque d'être en retard, mais je n'en ais pas spécialement grand-chose à foutre aujourd'hui.

Au moment où j'arrive devant le lycée, il n'y a personne dans les couloirs du rez-de-chaussé. Je soupire. Je suis en retard. Je ne prend pas la peine de passer à la vie scolaire, et me dirige tout de suite vers ma salle de classe, en Histoire, au second étage. Devant la porte, j'entends des bruits, des bavardages. Le prof n'est pas encore arrivé. Ma main sur la poignée, je la vois trembler. Je ne parviens même pas à entrer dans cette foutue salle de classe. Seul lieu où je parviens encore à me sentir à l'aise, grâce à la présence de Seiya, Ame, Ryouhei et Hiroto... Ou encore Terumi et Atsuya – qui est à l'internat du lycée, comme il habite à la montagne normalement – qui sont dans une autre classe. Je serre les dents, au point d'avoir mal à la mâchoire, et la douleur remonte jusque sous mon œil droit, au centre des mes grains de beauté. J'ai à peine eut la force de voir mon reflet dans le miroir, de voir le bleu sous mon œil, que je peux à peine cacher sous mes cheveux.

« Koushi ? Que fais-tu dans le couloir ? »

La voix grave de mon prof me fit sursauter. Je tourne instinctivement la tête vers lui, mais en voyant ses sourcils se froncer, je regarde tout de suite le sol.

« Comme vous n'étiez pas encore arrivé, j'ai fais un rapide tour aux toilettes... mentis-je rapidement.

- Je vois. Mais est-ce que tu es sûr que ça va ? Ton œil est...

- Je vais bien monsieur. Un sourire prend place sur mon visage, que je lui adresse tout de suite pour le rassurer. J'ai essayé d'aider mon voisin qui s'entraîne à la boxe, et je n'ai pas su me défendre c'est tout !

- Tu veux passer à l'infirmerie pour mettre de la glace ou quelque chose ? Ton visage est bien gonflé.

- Non, je vais bien. Au pire j'y irais à la pause ! Je préfère éviter de rater une partie de vos cours, on fait géo' et je ne suis pas spécialement doué...

- Hmm. C'est bien, je vois que tu suis ce que nous t'avons dis au second trimestre. »

Je souris de façon innocente comme simple réponse. Les professeurs sont si crédules... Mon prof d'Histoire-Géographie entre soudainement, faisant sursauter tout le monde, et de sa voix grave il les engueulent sans remords. Je ricane, puis entre discrètement et file m'asseoir au fond de la classe, évitant un seul contact visuel. Même avec Seiya, qui est malheureusement mon voisin de table.

Le silence pesant qui règne entre nous deux me fait frisonner. Je n'imagine même pas le regard pesant que tu dois me jeter. À tout les coups, tu as vu mon œil, le bleu en dessous. Et comme chaque fois que ça arrive, il m'est impossible de t'adresser la parole. Tu es du genre protecteur, je m'en suis rendu compte au collège, quand tu passais ton temps avec Nosaka. Je n'ai jamais rencontré quelqu'un d'aussi protecteur... Je me souviens de la fois où je t'ai demandé pourquoi tu l'étais autant. Et je me souviens encore de ton silence comme réponse.

Le cours se passe dans un horrible silence de mort, entre nous deux. Par moment je relève la tête, pour croiser le regard d'Ame, de Ryouhei ou de Hiroto. A chaque fois un soupire m'échappe.

Étalé sur la table, je n'ai même pas la force de me relever à la sonnerie, à la fin du cours. Je suis lessivé, alors que je n'ai même pas suivi le cours. C'est une main dans mes cheveux qui me fait me redresser d'un coup, surpris. Il n'y a qu'une seule personne qui fait ça habituellement. Je tourne lentement la tête vers Seiya, pour croiser son regard. D'habitude froid, je sais qu'il déteste que je lui cache mes problèmes, cette fois-ci ses yeux sont affligés, son regard... Mort d'inquiétude j'ai l'impression.

« Comment tu te sens ? Tu n'as pas mal ?

- Je... Juste fatigué. J'ai pas dormis cette nuit.

- Et ton œil ?

- J'ai mal, mais sans plus... »

Il soupire, puis se lève et prend mon poignet en silence. Pas besoin de mots, je comprend automatiquement qu'il veut m'emmener à l'infirmerie. Je le laisse faire ; de toute façon quand il a une idée en tête, impossible de la lui retirer... C'était pas comme ça avant. Il a prit plus confiance en lui, voir ça est agréable, mais là j'aurai préféré l'inverse...
  A la pause du matin, les couloirs sont bruyants, bondés de lycéens. Il faut descendre jusqu'au rez-de-chaussé, étage où se trouve les différents bureaux, ainsi que quelques salles de clubs, et bien évidemment l'infirmerie.

Il toque trois coups secs, puis entre. L'infirmier est au téléphone, nous jette un simple coup d'œil, et avant même que le plus grand puisse dire un seul mot, il donne un coup de tête vers l'un des placards, ainsi que vers le petit frigo où il range certaines crèmes qu'il doit garder au froid, de la salle principale, puis de la salle des lits. Ce n'est pas du tout la première fois que je ne me rende dans cette foutue salle. Seiya lâche mon poignet pour prendre dans le frigo une poche de glace, tandis que dans l'un des placard j'attrape le sopalin. On se rend dans la salle des lits, qui est vide. Toujours dans un silence désagréable il me force à m'asseoir sur l'un des lits, puis enveloppe la poche de glace de papier, avant de l'appliquer sous mon œil.

« J'imagine qu'encore une fois tu ne diras rien ? »

Je ne répond rien. Tu soupire. Je déteste ça, et baisse les yeux. J'ai peur de ta réaction. Si tu apprenais la vérité. Au bout d'un moment, je pose ma main sur la poche de glace, mais tu refuse de la lâcher, le tenant toujours contre ma peau. J'abandonne et baisse la main.

« J'ai peur de te dire la vérité.

- Rassure moi juste. Dis moi juste que tu ne te blesse plus volontairement.

- Que...?! Non ! J'ai arrêté ! »

J'ai presque crié, en relevant la tête, croisant ton regard bleu taupe. Tu as toujours ces yeux affligés, fatigués maintenant que je les observe un peu plus. Mais tes lèvres s'étirent en un sourire fébrile, qui pourrait se détruire à l'instant.

« Alors ça me va. »

Je te jure Seiya, de ce côté là, je ne suis plus le pauvre collégien, faible, qui passait son temps à se mordre et à se griffer quand il paniquait... Ça m'arrive seulement quand je ne suis plus moi-même, je te le promet. Crois-moi.

Sur les bancs de la salle du club, je ne cesse de lire et relire les messages sur mon téléphone. Il a fallut qu'il rentre. Sans me prévenir. Bordel.

Une main sur mon épaule me fit sursauter. En me retournant, je vis deux iris roses pastels, l'oeil droit tatoué d'un éclair bleu. Je soupire. Hiroto a sans doute lu par dessus mon épaule en silence. Il fait tout le temps ça. Le gris s'assit à côté de moi, puis se laisse tomber sur mon épaule. Il est dans sa période ''affectif'' et Terumi est encore en retard. C'est devenu une habitude, et ça ne me gène pas particulièrement. Je ne suis pas quelqu'un de ''câlin'', mais je ne rejette pas non plus les démonstrations d'affections. Et puis, Hiroto est un ami proche.

« Ça va ? Sa voix est blasée, ses yeux posés sur Ame et Ryouhei qui se disputent encore. Bordel, quand est-ce qu'il arrive Teru' ?

- T'a autant besoin d'un câlin ?

- Tu vois le contrôle super important en japonais qu'on a pas arrêté de réviser ?

- Celui sur la poésie et son histoire, ouais ?

- Je l'ai foiré.

- Outch. Je t'aiderai à rattraper ça si tu veux, j'ai eu la note maximale.

- Prévisible, avec le littéraire que tu es. Sinon, t'a pas répondu à ma question.

Ça va. Juste quelques soucis personnels...

- Tu sais que si besoin, tu peux venir à la maison. Mon vieux n'a pas son mot à dire, lui qui adore s'occuper des gosses.

- Attend, tu me traite de gosse là ?

- A peine. »

La seconde d'après la porte du club s'est ouverte sur Raiponce, et Hiroto s'est tout de suite caché derrière son mec, me faisant grogner. Terumi soupire, désespéré, et me demande tout en me saluant ce qu'il se passe, et me demande aussi de ne pas tuer son adorable petit Hiroto. Le gris rigole en me tirant la langue. Il est encore pire qu'au collège celui là. La coach de notre club entre à son tour dans la salle, je laisse donc tomber ma chasse au Kira Hiroto. Alors que je me dirige vers les vestiaires, il me rattrape et passe son bras autour de mon cou.

« Mais ma proposition est toujours d'actualité.

- Merci. Je t'envoie un message si besoin.

- Nice. Sauf si j'suis avec Terumi ou ceux de l'orphelinat, je serai sur mon tel. »

Il me lâche et se dirige vers son casier. Une fois devant le mien, je sors mon uniforme de foot, et hésite de longues secondes, en le regardant, le tenant dans mes mains. C'est quand j'aperçois Seiya dans mon champs de vision que je m'enfuis dans les toilettes pour me changer. Je ne peux pas lui montrer ce corps infâme.

Pourquoi ? Pourquoi j'ai honte de le lui montrer, alors qu'à d'autres ça ne me ferai ni chaud ni froid ? Bordel, j'en peux plus qu'il soit sans cesse le centre de mes pensées. Seiya, que m'as-tu fais...?

L'entraînement est semblable à celui d'hier, semblable à celui de demain. Mais aujourd'hui, courir, shooter, jouer ; tout ça m'est trop compliqué. Je ne sens même plus mon corps. Et j'en ais marre. Marre de paraître si faible.

« Atsushi. »

Sa voix me fit sursauter. En me retournant, je fus pecs à nez avec Seiya, Il me faut lever les yeux pour le regarder. Pourquoi faut-il que ce soit un géant ce type ? Sa mèche tombe toujours devant l'un de ses yeux, son uniforme est toujours pile assez grand pour que ses mouvements soient fluides dedans, mais en même temps, et à son plus grand désarroi, je le sais, il le moule légèrement. D'habitude, cette vision ne me fait rien, mais depuis quelques temps j'évite de le regarder. Je sens à chaque fois mes joues se chauffer. Cette sensation est si désagréable.

« Tu devrais cesser pour aujourd'hui, tu ne penses pas ?

- Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

- Peut-être le fait que tes jambes tremblent ? Et puis, aujourd'hui tu n'arrive pas du tout à suivre.

- Je- Non ! Je peux continuer !

- Ne rejoue pas à l'Atsushi du collège s'il te plaît. »

Instinctivement, je baisse les yeux vers le sol. Quand la coach nous demande ce que nous faisons, tu lui expliques que je ne me sens pas bien. Mes dents se serrent, je quitte le terrain sans répondre, furieux. Je sais parfaitement que tu fais ça pour mon bien. Même moi, en prenant du recul, je sais que je ne pourrai pas jouer plus longtemps aujourd'hui. Mais c'est horrible de l'admettre. Le football, ce sport, il n'y a que la dedans que je peux me défouler, espérer aller mieux. Ne pas pouvoir y jouer est une torture. Pire que que la mort presque. Je ne supporte pas qu'on m'empêche d'y jouer.

Le ciel est sans doute l'une des seules choses qui puisse me calmer. Voir ce ciel si noir, un noir de jais, si sombre, si froid, éclairé par une étoile, puis une autre, puis une autre, puis par cette lune blanche ivoire. Elle est parfaitement ronde, lumineuse, apaisante. Et je ne peux pas la rejoindre. Je lui ait promis après tout. Une promesse est une promesse. Je prendrai ma vie en main, je recollerai les morceaux.

Des bruits de pas m'extirpent de ma pensée. En tournant la tête, je vis la tête frisée de Hiroto apparaître dans mon champs de vision. Je le vois soupirer quand il me voit.

Le gris s'approche, puis une fois en face de moi, il me regarde de haut, puis s'accroupit, pour être à ma hauteur. Je suis affalé sur le pavillon de sa porte depuis près d'une heure, à regarder le ciel. On approche des vingt-trois heures, et le connaissant, il était soit chez Terumi, soit à l'orphelinat.

« Je t'avais dis de m'envoyer un message.

- J'ai plus de batterie.

- Heureusement que j'ai un chargeur compatible à ton téléphone. »

Je ne réagis pas à son sourire moqueur. Il le perd tout de suite et redevient sérieux. Il n'est plus vraiment le crétin du collège, et il est surtout un ami sur qui je peut compter. Je ne parviens pas à me réfugier chez Seiya. Je l'ai fuis aujourd'hui. De toute façon, on aurait pas pu étudier ensemble ce soir, et je n'ai jamais pu venir chez lui. Il m'a dit qu'il préférait attendre. Je n'ai jamais compris pourquoi. Mais à chaque fois, son regard devient froid, et triste. Comme bloqué dans le passé.

« 'Sushi ? »

Je ne répond rien.

« Pourquoi tu pleures ? »

Je suis pathétique. Fuir mon propre chez moi parce qu'il est de retour. Fuir un ami si précieux. Un ami... Me réfugier chez un abruti, bien qu'il soit sans cesse là si besoin, même si je ne dis rien. Il me soigne, m'héberge, et tout ça sans chercher à savoir. Un abruti semblable à un frère. Le frère que je rêve d'avoir depuis toujours.

« J'me dégoûte Hiroto...

- Arrête de dire ça.

- Je suis un faible...

- T'es encore en train de délirer 'Sushi. Calme toi... »

Mes larmes continuent de dévaler mes joues, et le mouchoir qu'il pose contre ma joue ne sert à rien. Je suis inconsolable ce soir. Finalement, même le ciel ne peut me calmer. Je ne désire qu'une chose. Ses yeux. Son sourire. Sa voix. Ses bras. Ses bras réconfortant autour de moi. Je veux entendre son rire contre mon oreille. Je ne veux rien d'autre.

« Je... Je crois que j'aime Seiya... »

Le frisé m'entoure de ses bras, ne sachant que faire d'autres. Je le laisse faire. Le froid m'a gelé, je ne me sens pas capable de faire un seul geste. A quoi bon de toute façon.

Pourquoi dois-je me rendre compte de mes sentiments ainsi ? De cette manière ? Pourquoi est-ce quelque chose qui me détruit à chaque fois ? Je refuse de vivre la même chose. Je ne veux pas retourner en arrière. Je sais que Seiya n'est pas ainsi. Pas comme lui. Mais je ne peux m'empêcher d'être terrifier. D'y repenser.

« Pourquoi tu te dégoûte ? Parce que tu l'aimes ?

- Pourquoi un sale type comme moi aime une personne aussi merveilleuse que lui...?! »

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