Antoine : la mission (canon)

/!\ Spoil sur el famoso chose qu'on apprend sur Antoine dans l'arc « Voyage » /!\

Cette scène est officiellement décrétée canon.

Dans THE petite ville de l'ouest de la France, 12 juin 2017

Il est temps.

Kenny Ackerman observa longuement leur GameCube, qui reposait sur la table basse en verre de leur salon-cuisine étroit.

Cette situation ne peut plus durer.

Une console si belle, un cube noir dont les fils noirs s'étaient depuis longtemps liés à la petite télévision noire, télévision au regard guerrier, lançant en continu des défis tous plus abracadabrantesques à leur sofa déchiré.

Est advenu le moment où il faudra y faire face...

Il n'y avait que la baie vitrée de droite pour éclairer les murs jaunâtres qui encadraient ce champ de bataille aussi cruel que bordélique.

... et où je ne peux plus reculer.

Immobilisme. Les yeux égéens de l'homme observèrent ses mains de trentenaire, remontèrent une nouvelle fois sur la manette sombre aux gâchettes usées. De longues secondes, de longues secondes, de nombreux tic-tacs envoûtants ; puis, il se leva.

Il fit volte-face, passa devant le frigidaire et le plan de travail et la table carrée collée à la tapisserie. Son environnement, il le connaissait pas cœur. L'entrée sombre et son cimetière de chaussures, le couloir aux nombreuses portes ne l'égratignèrent pas - à l'exception de ce battant, ce battant-ci, l'Antre des Enfers coincée au fond à gauche.

Ce qu'il y avait derrière, lui-même le craignait. Mais il dut bien s'y confronter : l'urgence était trop grande. Alors, ses doigts rencontrèrent lentement la poignée de fer froid, et l'abaissèrent avant qu'ils ne se découragent.

Dès que la pièce fut ouverte, le carnage assaillit de nouveau ses oreilles.

« Pentakill, mon cul ! T'as pris Katarina, mec, t'as aucun mérite ! Non, j'en ai rien à foutre, tu m'as volé mon kill là, je concours pour le platine bordel ! Tu crois que c'est facile, de main Cho'Gath ?! Reste au top, bon sang, c'est ma lane ici ! »

Kenny déglutit, sous pression. Recule pas, putain, pas maintenant ! T'as défoncé un nombre incomparable de gangsters, c'est pas un nerd qui va t'achever ! Bon, même si c'est aussi un Chaillot... Il serra les dents. Et, dans tous les cas, t'as une arme fatale. Facile, mon gars, facile...

Facile. Oui, ce qu'il allait faire était définitivement à sa portée. Il fit un pas dans la chambre plongée dans l'ombre, passa devant l'armoire de pin et le lit simple d'Antoine sans les remarquer, et s'arrêta derrière lui.

Son fauteuil de bureau lui tournait le dos ; ses deux écrans - l'un dédié à Discord, l'autre à une partie effrénée de League of Legends - lui faisaient face sans ciller. Son neveu, un casque sur la tête, était en train de bouger sa souris à une vitesse hallucinante, et de malmener son clavier avec une dextérité digne des plus grands gamers. Il était doué, c'était indéniable... Mais sa chevelure, elle, avait atteint les tréfonds depuis bien longtemps.

Longue, très longue, assez longue pour frôler le bas de son dos ; d'un noir de jais dont la nuit elle-même n'avait rien à lui envier ; souple aux racines, aussi lisse que des spaghettis. Elle aurait pu être considérée comme une œuvre d'art, s'il n'y avait pas eu quinze foutus centimètres de sec à son bout pour tout gâcher.

Voilà l'horreur à laquelle Kenny devait se confronter tous les jours. Si la situation avait simplement été irritante deux mois plus tôt, elle avait pris une tournure affreuse depuis quelques semaines. Mais l'oncle avait eu beau conseiller à son descendant de s'en occuper... Là, il n'en pouvait plus. Il fallait prendre les choses en mains, ce qu'il fit en ouvrant la bouche. Le jeune garçon le devança pourtant.

« Fabien », dit-il plus tranquillement. « Besoin de quelque chose ? » Il lança un sort, esquiva l'attaque d'un étrange poulpe violet, détruisit une tour particulièrement agressive. C'est que son ouïe est toujours aussi fine, à ce con.

Le tueur en série inspira longuement, et dégaina deux billets de vingt euros de sa poche. Un pas plus tard, il les plaqua sur la surface blanche du bureau du plus petit, et plissa les paupières. « Quarante balles », lâcha-t-il. « Tu sais quoi faire avec. »

Quelques secondes. Les yeux clairs de l'intéressé se posèrent sur l'argent en question, pour remonter vers lui ; ses doigts, eux, continuèrent par une obscure magie noire à enchaîner les attaques avec brio. Si son visage fin et pâle resta d'abord impassible, un rictus s'y dessina bien vite. « Quarante euros, hein », railla-t-il. « Je me demande combien de Twix ça vaut. Merci beaucoup pour ton offrande, je la prendrai en considération. » Sur ce, il retourna à ses activités, sous le regard éberlué que son tuteur légal.

Mais sa stupeur se transforma vite en irritation. Il posa brutalement sa paume sur l'épaule de son interlocuteur, lui arrachant une grimace.

« Te fous pas de ma gueule ! T'as vu l'état de tes pointes ?!

- Il me semble qu'elles se portent très bien.

- Zéro qu'elles se portent bien, c'est une horreur !

- Dixit l'homme qui rate toujours ses crêpes après dix ans d'entraînement... Et Marion, arrête de te foutre de moi ! se plaignit-il dans son micro.

- Continue de mépriser mes crêpes, et je t'éclate la tronche contre ton foutu bureau de merde, gronda-t-il.

- Oh ? »

Il tourna de nouveau sa face vers lui ; son expression sombrement narquoise fit plisser les paupières du plus vieux. « Je me demande, de nous deux, qui gagnerait le combat... Ça fait des années que cette question me taraude, ta proposition tombe à pic. Quelles sont les règles ? Pas de couteau ? À ta place, j'aurais peur pour ma condition physique, mais c'est à toi de voir... »

Silence. Kenny se contenta de saisir l'une des mèches d'Antoine, et de lui mettre sous le nez sans concession. « Regarde. Regarde bien. » Les yeux clairs de l'autre louchèrent dessus, s'écarquillèrent d'effroi la seconde d'après. « Tu la vois, la gravité de la situation, maintenant ? Alors va me couper ces putains de cheveux avant que je les crame ! »

Silence, durant lequel une horreur sans nom modela ses traits fins. Puis, l'irritation prit brusquement le dessus. « Sarah, couvre-moi », jeta-t-il. Là, il se leva de son fauteuil, et le prit par le col, dents serrées.

« Pourquoi tu ne me l'as pas dit plus tôt ?!

- Ça fait des semaines ! protesta l'adulte.

- ... Certes. »

Il se rassit, plus lugubre que jamais. « Je vais les appeler », souffla-t-il en se saisissant de son téléphone. Kenny eut tout juste le temps d'entrevoir sa conversation avec Marion avant que son neveu ne cherche le salon de coiffure le plus proche - en somme, le seul de leur petite ville. Une courte discussion plus tard, il posa le portable sur son bureau, et fit de nouveau face à son écran.

« Après-demain, dix-sept heures. »

***

Dans la seule et l'unique petite ville de l'ouest de la France, le surlendemain

Les rues dans lesquelles marchait tranquillement Antoine étaient surprenamment... Vertes. Les hauts murs de vieille pierre au gris naturel étaient dévorés par des roses et autre lierre fous. On était en juin, après tout. Le soleil brillait sur l'asphalte noir et abîmé - du moins là où les toits bruns des maisons le lui permettaient.

Mais Antoine ne les regardait pas : son âme était bien trop concentrée sur la voix qui sortait de ses écouteurs rouges. Aussi rouges que les lunettes de Marion, qu'il avait appelée dix minutes plus tôt.

« Je te jure, Antoine, l'épreuve de français va me rouler dessus, débitait-elle pour la dixième fois. Tu auras beau dire que...

- Que tu es brillante, que tu as explosé le BAC blanc et que je crois en toi ? J'ai peut-être oublié de te répéter de ne pas prendre l'invention, concéda-t-il avec ironie. Je veux dire, ce n'est pas comme si je te rabâchais ce pro tip depuis trois semaines... »

Silence. Un oiseau chanta un air, un frelon gros comme son poing lui frôla la joue dans un bourdonnement intempestif, son amie grommela quelque chose d'incompréhensible. Si un petit sourire naquit sur le visage fin de l'adolescent, il le transforma vite en rictus. Autocensure, songea-t-il rapidement, avant de le mettre immédiatement aux oubliettes.

« Et puis, sérieusement, Marion... Qui se prépare à l'épreuve écrite un mois en avance ? Tu n'as certes pas mon niveau...

- ... et tu peux bien aller te faire foutre...

- ... mais tu en fais trop. Comment je dis, déjà ? Mollo l'asticot ?

- Je suis un asticot, à tes yeux ? gémit-elle.

- Eh bien... »

Il réfléchit un instant.

« Plutôt un ébéniste qui ponce un meuble..., murmura-t-il.

- Quoi ? Tu es loin de ton micro, est-ce que tu pourrais...

- Oui ! Non ! Rien. »

Quelques secondes.

« Enfin, soupira-t-elle. On verra bien aux résultats...

- Je te parie un savon au lait de chèvre que tu auras au-dessus de dix-sept.

- Je te parie trois kebabs que je vais me rater.

- Pour foirer une bouse pareille, faudrait que tu ne viennes pas du tout. Or, je ne pense pas que tu sècherais une épreuve. Donc, facile. CQFD.

- Il y a d'autres moyens. Du genre, se faire...

- Non ! »

Lui-même sursauta face à son ton brusque. De longues secondes coulèrent ; il finit par passer une main sur son front. Son cœur s'était brutalement tordu. Une douleur familière commençait à assaillir ses tempes. Encore... Et Fabien qui me dit que c'est que dalle... Je vais faire un malaise, un jour, il va pas comprendre. Un malaise, ce qui n'était jamais arrivé en onze ans - depuis le début de ces maux de tête occasionnels et particulièrement chiants. Peu importe.

« C'était une blague, finit par grommeler Marion. Et j'avais même pas fini ma phrase !

- N'importe-quel truc qui commence par « se faire » amène à un acte potentiellement non-consenti.

- Depuis quand est-ce que tu en as quelque chose à faire ?

- Oh, je ne sais pas, railla-t-il. Peut-être depuis le CP ?

- Je veux dire...

- Ce n'est pas comme si j'avais tabassé tous les gens qui avaient essayé de te mettre une châtaigne.

- Comme c'est mignon, le petit garçon a frappé des marmots ? »

Il releva brusquement la tête... Pour froncer les sourcils. Il avait tourné dans cette ruelle qu'il connaissait bien, étroitement flanquée de hauts bâtiments humides. Elle menait vers la petite place de la ville, où se trouvait le coiffeur. Le genre de chemin qu'il comptait passer - et qu'il passait toujours - en deux-deux...

Mais, cette fois-ci, il y avait quatre gars pour lui barrer la route.

Ah. Deux blonds, un petit métisse, un grand dadais aux cheveux roux... Qui l'observaient avec des rictus qui n'arrivaient même pas à la cheville du sien. C'est qu'ils ont l'air vachement sympathique... Il les laissa l'admirer un instant - c'est qu'Antoine était clément -, pour reprendre simplement sa route. Ils ne furent manifestement pas de cet avis.

L'un des pseudo-aryens lui bloqua le passage ; sur son visage plat et rond, une confiance en soi inébranlable. « Ton téléphone », ordonna-t-il sèchement. L'intéressé haussa un sourcil. Bien évidemment. Je suis petit, on me prend pour la victime physique de la classe. Il inspira longuement... Mais ne put retenir une grimace ironique.

« Je suis vraiment navré pour vous, mais ma chère coiffeuse m'attend », expliqua-t-il obséquieusement. « Peut-être qu'on peut reporter votre vol à plus tard ? Dans une heure et demie, au kiosque ? J'en serai ravi. » Sur ce, il décala son obstacle humain, et s'engagea vers la fameuse place. Mais alors qu'il pensait avoir fini, le jeune homme se saisit brutalement de son bras.

Il se retrouva par terre l'instant.

Merde ! pensa l'adolescent. Je l'ai fauché par réflexe ! Il jeta un œil aux autres, dents serrées ; tous le regardaient avec choc. La colère prit vite le dessus, le plus petit se jeta sur lui.

Antoine se décala de justesse, et lança sa jambe dans le tibia de son adversaire. Celui-ci tomba à genoux dans une exclamation de douleur. Le lycéen tourna les talons ; ses yeux clairs s'écarquillèrent. Le poing du fameux roux venait de lui frôler le bout du nez.

Et il le lança encore, droit vers son menton : l'adolescent le bloqua illico, pour enchaîner avec une puissante manchette. Ils furent toutefois deux à chanceler. Le dernier avait planté son genou dans sa cuisse, et jetait désormais vivement son coude vers sa mâchoire.

Putain de merde ! ragea-t-il. Et déjà le visage hâlé de son adversaire reflétait-il sa satisfaction ; Antoine ne se baissa que de justesse. Un coup d'œil à son portable lui apprit que Marion était toujours là, au bout du fil... Et, éventuellement, qu'il allait être en retard.

À ces seules idées, la fureur assaillit son estomac. Il se décala en une fraction de seconde, attrapa vivement le poignet du délinquant, et le tourna sèchement. Un craquement sec retentit ; suivit un cri, et le bruit de la personne chutant sous la défaite.

Ils étaient quatre à terre, tous plus grimaçants les uns que les autres. Le lycéen, lui, reprit son souffle un instant, avant de les gratifier d'un air lugubre. « Essayez encore une fois de me prendre ça... »

Il dressa son écran, sur lequel était affichée la photo de profil de sa meilleure amie ; mais le groupe n'en vit que l'outil technologique. Antoine plissa les paupières. « Je laisse votre neurone célibataire imaginer la suite », conclut-il sombrement. Il reprit sa route sur ces belles paroles, les laissant seuls dans leur souffrance.

Ainsi Antoine acheva-t-il sa mission, et ses cheveux retrouvèrent-ils toute leur magnificence illégale.

***

« Ouah, Antoine, t'as changé de cheveux ?! » s'exclama Marion avec ravissement.

Il détourna brièvement le regard, un sourire intempestif collé sur son visage fin. Il y avait son armoire, à sa droite, et son bureau, à sa gauche ; son amie, elle, venait d'entrer dans sa chambre, et de se saisir de l'une de ses mèches. Dans le vert de ses yeux brilla bientôt une fascination exponentielle.

« Non... » Un rire nerveux s'échappa de sa gorge. « Je les ai coupés.

- Je sais bien, c'était une blague, marmonna-t-elle. Il faudrait peut-être que j'y songe aussi... »

Il la dévisagea avec surprise, posa ses prunelles claires sur son carré châtain, laissa échapper un hoquet d'horreur. Il n'avait jamais eu cette vision auparavant. Il avait été aveugle, et la vérité le frappait désormais en plein bide. Là, au bout de ses pointes...

Une sécheresse cruelle.

L'histoire se répétera-t-elle à l'infini ?! La suite dans un prochain épisode...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top