𓆞; 𝐊𝐞𝐧𝐧𝐲 𝐀𝐜𝐤𝐞𝐫𝐦𝐚𝐧,
⸻𝖐𝖊𝖓𝖓𝖞 𝖆𝖈𝖐𝖊𝖗𝖒𝖆𝖓;
𝐒𝐄𝐀𝐒𝐎𝐍 𝐓𝐇𝐑𝐄𝐄, 𝑃𝐴𝑅𝑇 𝑂𝑁𝐸.
La nuit était déjà tombée sur l'île de Paradis. Le soleil s'était couché et la lune, elle, levée. Les deux, d'un commun d'accord, berçaient chaleureusement le monde tour à tour. Et ce, même si certains en étaient privés.
Car, tandis que les plus riches vivaient en hauteur, les autres, eux, survivant dans la crasse.
Peu surprenant, quand on connaissait la cruauté de ce monde.
Dans les bas-fonds, les plus apeurés et faibles se cachaient, au contraire; les malfrat, pervers et autres crapules, eux, étaient de sortie. Ces gens aussi, d'un commun d'accord, vivaient selon cette simple règle. Les uns se levaient, les autres s'endormaient et ainsi de suite.
Cependant, il restait des lieux de fête dans ce monde, sur cette île, dans ces bas-fonds, qui étaient toujours actifs.
On y trouvait notamment une maison close, regroupant un nombre considérablement de prostituées et de clients principalement masculin. Ce lieu était constamment fréquenté, mais c'était plus impressionnant lorsque les 'bons' disparaissaient.
En cette maison close, se trouvait justement une jeune femme, dont la vie, pourtant si morose et répugnante, était depuis peu bercée par une joie de vivre étonnante.
La prostituée était accoudée à sa fenêtre de chambre, fumant un cigare tout en contemplant la pleine vue qu'elle avait sur les bas-fonds. Elle n'était que très peu vêtue, mais ce n'était pas surprenant en vue de l'homme se tenant sur son lit.
L'inconnu se rhabillait non sans dévorer du regard celle avec qui il avait échangé ce moment charnel, bestial et tout sauf consenti. Il terminait d'enfiler ses chaussures et une fois sa tenue remise en ordre, il se levait, un sourire carnassier sur les lèvres.
"C'était génial ce soir." la complimentait-il avec fierté.
Il n'obtint aucune réponse, tout simplement parce que la sublime jeune femme était déjà loin dans ses pensées. Elle frissonnait, frigorifiée, mais, les yeux clos, elle souriait. Tout en tirant une latte de son cigare, elle se sentait heureuse.
"Bon bah.. À plus tard, Y/N." murmurait timidement le jeune homme face à l'aura supérieur que dégageait la prostituée. "C'était sympa."
Une fois la porte refermée, elle entendait cet homme dévaler les escaliers de la maison close et soupirait de soulagement. Elle avait enfin quelques instants de répit et comptait bien en profiter accompagnée de ce silence divin. Car c'était tout ce qu'elle réclamait.
Elle fumait alors silencieusement, admirait la vue face à elle et se haïssait avec autant de bruit de s'être aussi peu vêtue. La chaleur était un luxe qu'elle n'était pas capable de s'offrir ici, gaspillant tous dans son obsession pour la nicotine.
Alors elle pouvait bien dire adieu à une maison bien isolée ou à des vêtements couvrants.
Mais cette vie ne lui déplaisait pas tant que ça. Certes, elle était coincée ici, à vendre son corps jusqu'à attendre la mort, mais elle était toujours un peu maîtresse de ses choix. Elle n'était pas prisonnière, juste pauvre. Elle voyait en cette différence la clef de son existence.
Après une bonne trentaine de minutes, on toqua à la porte de sa chambre.
La demoiselle, tapota le reste de son cigare dans le vide, en tira une latte, la laissait s'échapper dans l'air, jetait ses restes de nicotine dans la rue, puis fermait ensuite la fenêtre et se dirigeait vers la porte d'entrée. Elle en profitait pour soupirer d'aise, n'ayant plus autant froid que précédemment.
"Oh. Bonsoir."
Elle laissait entrer l'homme couvert dans la pièce et s'empressait de les enfermer tout en vérifiant que personne n'était dans le couloir. Si quelqu'un l'a voyait avec lui, elle risquait gros.
"Je suppose que je peux pas me pieuter dans ton lit ?" cracha l'homme.
Il dévisageait ses draps défaits et les vêtements déjà bien piétinés de la prostituée au sol. Celle-ci lui indiqua alors du doigt la seule chaise de la pièce, elle-même déjà bien usée par le temps et par ses précédent clients mais ça, elle ne le lui avouerait jamais.
"J'arrive pas à croire que tu me fasses revenir ici." grogna le jeune homme en prenant place.
Son interlocutrice, elle, déplaçait ses draps tachés d'un liquide douteux afin de s'asseoir sur son lit. Celui-ci grinça lourdement sous elle, lui hurlant qu'il était à deux doigts de rendre l'âme.
Elle sourit gentiment à l'homme, se rappelant en cet instant à quel point il était détestablement attachant.
"Je t'ai simplement dit, Kenny, que si tu voulais me revoir, tu devais en discuter avec mon patron." lui répondait-elle.
Le dit Kenny haussait les épaules et retirait ensuite son chapeau. Il le déposait sur son genou, gardant bien sa main dessus et plantait ensuite son regard assassin dans le sien étrangement si doux. Il était clair qu'elle n'avait pas sa place en ce lieu. Elle méritait mieux.
"Peu importe." il dériva. "J'ai enfin enterré Kuchel en haut, ce matin." il lui avouait.
La prostituée haussait les épaules, en une simple réponse, un air faussement désintéressé plaqué sur le visage.
Elle n'en restait pas moins heureuse.
Sa collègue avait toujours désiré sortir de ce monde étouffant. Elle y aurait à coup sûr emmené le petit bout de chou dont elle avait accouché quelques années plus tôt. Malheureusement, la vie en avait décidé autrement.
"Mhh. C'est bien." répondait-elle simplement.
Kenny se grattait la tête. Il était agacé.
"Te la joue pas je-m'en-foustiste, Y/N." il la coupait. "Livaï m'a dit que vous étiez proches toutes les deux." il avouait. "Tu aurais dû venir à son enterrement. Elle méritait mieux."
La jeune femme secouait la tête.
"Kuchel et moi n'étions pas proches. Son rejeton me voyait juste souvent parce qu'elle et moi étions voisines." elle contestait.
"Et puis je suis sûre qu'il ne sait même pas qu'il a un père. Regarde le." elle soufflait. "C'est juste un bâtard de plus dans notre monde." reprit-elle dans un ton âcre.
L'homme sourit puis rejetait sa tête en arrière. Elle le sentait presque prêt à rire de ce qu'elle venait de dire.
"Si tu as un problème avec les Ackermans, arrête de t'en cacher." il lui demandait. "Parce que ça en deviendrait presque insultant."
Soupirant, la prostituée détournait le regard. Celui de l'homme se reposa au même moment sur elle.
"T'as jamais aimé être vue avec ma frangine, mais tu passais ton temps à nourrir son rejeton, même quand elle était déjà morte tu lui glissais des assiettes sous le bec." lui rappelait Kenny. "Tu me la fais pas à moi."
Sous son silence, pris comme un aveux, il ricanait.
"Je tiens à ma sécurité." se justifiait la femme.
"Encore à cause de cette foutu réputation qu'on nous colle ?" s'énervait l'homme. "C'est pas surprenant finalement."
Il dépliait ses jambes et les déposaient sur le bord du lit sous le regard silencieux et honteux de son interlocutrice.
"T'as déjà du mal à te payer à bouffer. Tu ressembles à un sac d'os." il la piquait. "Mais si en plus tu venais à perdre des clients ou à te faire saigner parce qu'un de tes mecs apprenaient que t'es pote avec deux Ackerman.." il soufflait.
"Oui, je comprends. Et je t'en veux même pas." reprit-il.
Estomaquée, la prostituée n'osait même pas répondre. Elle était surprise qu'un homme comme lui puisse comprendre son élan d'égoïsme. Mais bon, Kenny était un tueur en série qui servait maintenant pour la justice, ce n'était pas si étonnant que ça finalement.
Il était juste imprévisible.
Simplement, elle vint alors frotter ses mains crasseuses l'une contre l'autre en baissant la tête.
"Je suis désolée." elle avouait. "Vous ne devriez pas avoir honte ou être discriminés." soufflait-elle. "Et je ne devrais même pas me cacher d'apprécier votre clan."
Kenny plantait ensuite ses yeux dans les siens et en eut presque le souffle coupé.
Elle lui était d'une beauté divine même en étant tachée par autant de péchés et de manque de soin hygiénique. Son regard le plongeait dans une douceur apaisante, telle les caresses d'une mère, dans ses bras réconfortant.
"Mais je risque ma vie en te fréquentant. C'est déjà très gros." reprenait la jeune femme. "Et puis ces petits rendez-vous ne dureront bientôt plus, alors..."
Elle eut un pincement au cœur en lui crachant cela. Parce que même si elle connaissait l'homme depuis peu, elle avait appris à apprécier sa présence, tout comme celle de Livaï et de sa mère. Les Ackerman étaient de bonnes personnes persécutées injustement. Injustement haï.
"Alors tu sais." murmurais Kenny.
La prostituée hochait la tête.
"Tout le monde en parle." elle acquiesçait. "Je suis heureuse pour toi, tu mérites de sortir d'ici. Je te souhaite le meilleur, Kenny."
Reposant son couvre-chef sur le haut de sa tête, le tueur en série esquissait un sourire triste.
"Tu pourras t'occuper du rejeton en mon absence ?" il lui demandait en se levant.
Se pinçant les lèvres, la jeune femme ne répondit pas. Cependant, son ami savait parfaitement qu'elle s'en chargerait, qu'il s'en soit assuré ou non. Elle était ainsi, honteuse à l'extérieur, mais douce à l'intérieur. Et c'était parfait comme cela.
"Est-ce que ce sont des adieux ?"
La question de la prostituée prit de court Kenny. Il la jugerait du regard un instant, tentant de bien choisir ses mots.
"Ça dépend." il répondait.
Avançant jusqu'à se tenir face à elle, il la forçait à relever la tête et à planter ses yeux de nouveau dans les siens. Kenny la toisait avec une arrogance presque respectueuse. Rien de bien étrange venant un justicier tueur série.. La jeune femme ne le contredit point.
"Ça dépend ?" répétait cette dernière.
Kenny plongeait ses mains dans les poches de son manteau, retenant une envie soudaine de caresser la joue de la prostituée. Il ne se sentait pas légitime de toucher son corps. Pas parce qu'il était souillé, mais parce que c'était un homme.
"Cette visite pourrait être un adieu." déclarait-il. "Si tu venais à refuser de me suivre en haut."
Dévisageant l'homme au dessus d'elle, la demoiselle soufflait en détournant le regard. Elle secouait ensuite la tête et, écrasant les paumes de ses mains contre ses cuisses, on pouvait entendre quelques jurons passer la barrière de ses lèvres.
"Kenny..." elle murmurait.
L'interpellé, lui, n'avait pas détourné le regard. Il semblait très sérieux, déterminé à emporter avec elle cette rose planté en plein désert.
Elle n'avait pas sa place ici et il désirait l'aider. Pour il ne savait quelle raison, il voulait la sauver.
Elle était si douce, gentille et si imparfaite dans ces bas-fonds. Il voulait juste la voir heureuse et lui faire découvrir ce nouveau monde en haut. Il voulait lui montrer que ce ciel bleu était aussi beau qu'on le disait, que la chaleur n'était pas un luxe et qu'on ne payait pas si cher pour vivre.
Il voulait prendre soin d'elle, parce qu'il avait déjà échoué avec sa sœur et son neveu.
"Alors dans ce cas,"
La prostituée relevait sa tête vers Kenny dans un sourire douloureux tandis que des perles de larmes roulaient délicatement sur ses joues.
Elle prenait une profonde inspiration, la poitrine lourde de regret, et soufflais :
"Adieu, Kenny."
Parce qu'elle appartenait au bas-fonds et qu'elle y resterait pour l'éternité.
Elle le voyait comme son destin, parce qu'elle ne méritait pas de vivre ce dont son amie et son enfant avaient été privés et tant rêvés.
⸻𝖊𝖓𝖉 𝖔𝖋 𝖙𝖍𝖊;𝖔𝖓𝖊 𝖘𝖍𝖔𝖙;
#𝐨𝐟𝐟𝐢𝐜𝐢𝐚𝐥 𝐚𝐫𝐭
⸻ᅳ𝖜𝖔𝖗𝖐 𝖇𝖞;
@_𝐒𝐇𝐎𝐄𝐒𝐔𝐊𝐄_
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