21. Le plan
J'étais de retour dans la tour avec l'ébauche d'un plan dans la tête, cependant je savais par habitude que rien ne se passait jamais comme on le souhaitait.
Les hommes d'Arad m'attendaient. Ils s'écartèrent en me voyant me diriger vers les portes de l'ascenseur.
Seul l'un d'entre eux resta sur mon chemin, il me fixait dans son regard sanguin, un sourire goguenard aux lèvres.
J'aurais aimé le lui faire ravaler, mais me contentai de lui donner un coup d'épaules en passant si près de lui que je pus sentir son haleine fétide.
J'esquissai un sourire alors que les portes se refermaient sur moi.
Une lueur meurtrière dansait dans ses yeux, j'en conclus qu'il devait être l'un des mignons d'Arad et qu'il ne devait pas apprécier de me voir débarquer.
Il enrageait de ne pouvoir poser un doigt sur moi malgré l'envie qu'il devait en avoir.
J'étais certes la proie de son maître, toutefois sur son échelle de valeur, je restai le prédateur.
L'ascenseur s'éleva dans un chuintement feutré. Je sentais le poids du poison contre ma peau comme s'il pesait des tonnes.
Je posai ma main dessus et murmurai une prière en espérant ne pas avoir à y recourir.
La double porte était déjà ouverte. Je passai devant le garde sans un regard pour pénétrer dans l'appartement.
Arad m'y attendait, négligemment appuyé sur le dossier du canapé, un sourire aux lèvres.
- Regardez qui voila, dit-il en se redressant et en s'avançant vers moi. Il semblerait que tu ne puisses plus te passer de ma présence, à moins que ce soit l'air de la ville qui t'ait manqué pendant ta petite excursion. Tu n'auras même pas tenu trois jours.
Je retins la réplique cinglante qui me vint. Je devais faire profil bas pour arriver à mes fins.
- Je viens te proposer un marché, dis-je simplement en ôtant mon blouson de cuir et en le jetant sur le canapé avec une décontraction que j'étais loin d'éprouver.
Il leva un sourcil moqueur, pourtant une lueur intriguée dansait dans ses yeux.
- Je croyais que tu ne voulais rien avoir à faire avec moi.
- Il semblerait que les événements me poussent à revoir mes ambitions.
- Les événements ou quelqu'un ?
- Je ne suis pas là pour parler de ma vie privée.
- Nul besoin d'en faire état en effet, tu pues son odeur à des kilomètres.
Je décidai de ne pas répondre et contournai le canapé pour rejoindre la baie vitrée qui s'ouvrait sur la ville. J'observai le panorama un moment avant de me retourner vers lui.
- Arrêtons de jouer au chat et à la souris, Arad. Je sais parfaitement que c'est toi qui as fait mettre le feu au Diner's. Je suppose qu'il s'agissait là des prémisses de ta petite vengeance pour ne pas avoir plié à tes desiderata, mais je ne te donnerai pas Jungkook et aucun d'entre eux. Je ne te laisserai pas leur faire du mal.
Il éclata d'un rire qui retentit désagréablement à mes oreilles.
- Tu crois vraiment que tu feras le poids ? Tu n'es pas en position de négocier quoique ce soit. Tu les crois peut-être en sécurité là où ils sont, mais ce n'est pas le cas. J'avoue que j'ai été surpris que tu décides de les amener dans cette vieille baraque que tu as toujours fui. Mais penses-tu réellement qu'ils n'en sortiront jamais ? Dois-je te rappeler que la caractéristique de ma race est l'immortalité ? Je peux attendre des mois, des années, des siècles même si j'en ai envie et à ce moment, je les tuerai un à un, rien que pour avoir pensé être plus malin que moi.
Je ne pus m'empêcher de frissonner à cette mention, pourtant je continuai de le regarder dans les yeux.
- C'est un petit jeu qui peut durer longtemps en effet, cependant je sais également que la patience n'est pas ton fort, n'est-ce pas ? demandai avec un sourire.
Un éclat de colère brilla dans ses yeux qui se teintèrent de carmin.
- Tu aimes prendre les choses que tu convoites dès que tu en émets le souhait.
- C'est ce que je pourrai faire. Qui te dit que je te laisserai sortir d'ici dorénavant ? Ma patience, comme tu viens de le souligner, est limitée et tes caprices me fatiguent.
- Il faudrait me tuer pour m'en empêcher, hors ce n'est pas ton but. Ce n'est pas ce que tu attends de moi. Tu n'aurais que faire d'un cadavre.
- Je peux t'obliger à rester sans avoir à te tuer, dit-il en se précipitant vers moi pour attraper mes poignées.
Je ne résistai pas.
- N'oublie pas que je ne suis pas qu'un vampire, je suis aussi un mage et à ce titre, je peux m'ôter la vie en un quart de seconde sans même que tu puisses réagir.
Je bluffais bien sûr, toutefois lui n'en avait aucune idée.
Je vis avec satisfaction une lueur de doute passer dans son regard.
Je dégageai doucement l'un de mes poignets et une flammèche bleue naquit dans ma paume, je jouai un moment avec avant de refermer la main pour la poser sur son torse.
Le geste me dégouta, mais je n'en laissai rien paraitre.
Comme à chaque fois que mes dons se réveillaient, il était fasciné. Si moi, je connaissais les limites de mon pouvoir, lui les ignorait et c'est en cela que j'avais un avantage sur lui.
J'en profitai pour continuer.
- Tout serait différent si, bien sûr, j'étais consentant.
Son regard se planta aussitôt dans le mien, ses yeux brillaient d'envie.
- Que proposes-tu exactement ?
Je fis un pas en arrière en laissant mon doigt glisser sur sa peau et constatai avec plaisir le frisson qui le traversa.
- Je suis à toi pour le temps que tu souhaiteras, mais seulement à la condition que jamais plus, tu ne les approches. Je veux ta parole que tu les laisseras en paix.
- Parce que ma parole te suffirait ?
- Tu as des défauts Arad, toutefois j'ose croire que tu en as une.
Je sentis que ma phrase l'avait ébranlé.
- Tu feras ce que je t'ordonnerai ?
- Oui, répondis-je sans hésiter, pourtant le mot même me brula la gorge.
Il eut un sourire extatique.
Je restai immobile, priant pour que mon stratagème marche.
Il s'approcha de moi et posa son doigt sur mes lèvres.
- Tu as ma parole, dit-il simplement.
Je retins le soupir de soulagement qui montait en moi et mordillai la pulpe de son doigt. Son sourire s'agrandit, mais avant qu'il ait pu faire un geste vers moi, des grands coups résonnèrent dans la pièce.
Il tourna la tête vers la porte et fronça les sourcils avant de s'éloigner à grands pas dans sa direction pour l'ouvrir à la volée.
L'homme que j'avais bousculé dans le hall se tenait sur le seuil.
Son regard se posa sur moi et je lui adressai un grand sourire. Son expression se crispa aussitôt.
- Qu'est-ce que tu veux, Jared ? Je crois avoir été clair quand j'ai dit que je ne voulais être dérangé sous aucun prétexte.
L'homme détacha enfin son regard de moi pour répondre à son patron. On pouvait voir dans son comportement qu'il s'agissait de bien plus qu'une relation patron-employé. Arad était réputé pour avoir un appétit sexuel insatiable et son harem était à la hauteur de sa réputation. Le dénommé Jared entrait parfaitement dans ses critères. Brun aux yeux bleus, la carrure fine malgré une musculature bien présente, il avait de faux airs de Jungkook.
Il fit un signe de tête dans ma direction pour faire remarquer à son employeur qu'ils n'étaient pas seuls, mais Arad balaya l'argument d'un geste vague de la main.
- La zone nord requiert votre attention, patron, finit-il par dire.
Le vampire fronça les sourcils, visiblement agacé par cette nouvelle, avant de se retourner vers moi.
- Très bien, j'arrive, dit-il à son sbire avant de se diriger vers moi.
- Un problème ? demandai-je.
- Rien dont tu ne dois te soucier, répondit-il avant de passer son bras autour de ma taille et de m'attirer à lui.
Je me laissai faire malgré la réticence évidente de mon corps à accepter ses mains sur moi.
Il posa ses lèvres abruptement sur les miennes. Je le laissai m'embrasser à pleine bouche malgré la nausée qui montait en moi.
Il eut l'air satisfait de ma comédie, car il se détacha avec un soupir de regret.
- Sois sage pendant que je vais régler cette affaire et installe-toi. Je suppose que tu n'as que ce que tu portes sur le dos ? demanda-t-il en posant un œil sur mon jean usé et mon vieux sweat-shirt.
- Quelqu'un a mis le feu à mon armoire, répondis-je calmement.
Il partit d'un grand éclat de rire.
- Je suis ravi de constater que tu n'as pas perdu ton sens de la répartie. Cela aurait été ennuyeux que tu deviennes une marionnette entre mes mains. J'aime les rapports de force, dit-il en passant une main sur mes fesses.
Je me contentai de lui sourire.
- Jared !
Le brun s'avança vers nous, non s'en m'avoir fusillé du regard. Apparemment, il n'appréciait pas les privautés de son patron envers moi.
- Fais venir Letia avec ses modèles. Jimin en choisira quelques-uns le temps qu'on lui refasse une garde-robe. Je ne voudrais pas que tu passes pour un miséreux, dit-il avec un sourire.
Je le remerciai d'un hochement de tête.
- Nous scellerons notre pacte à mon retour comme il se doit, murmura-t-il, une lueur de désir dans les yeux. Jared peut te tenir compagnie pendant mon absence si tu le souhaites.
Je répondis sans même jeter un regard au brun.
- Je ne voudrais pas empêcher ton employé de faire son travail.
J'insistai sciemment sur le mot employé.
- Je vais me reposer dans ta chambre en attendant l'arrivée de la dénommée Letia si cela ne te dérange pas.
- Au contraire, je ne demande pas mieux que de t'imaginer dans mon lit. C'est par là, m'indiqua-t-il en m'emmenant vers une porte au fond de la pièce avant de repartir sur un dernier baiser.
Je regardai la porte se refermer et m'appuyai contre le mur à bout de forces.
Je luttai contre ma peur, mais aussi contre le démon qui ne demandait qu'à sortir pour tuer ce sale porc qui avait osé poser ses mains sur moi.
J'appelai mentalement l'image de Yoongi et me remémorai l'étreinte que nous avions partagé. Elle gommait chaque geste, chaque attouchement que j'avais subi d'Arad.
Yoongi était dorénavant ma force, celle que je croyais avoir, mais qui ne s'était véritablement révélée qu'avec lui, que grâce à lui.
Je me redressai et partis faire connaissance avec mon nouvel environnement.
Le sort avait voulu me laisser un peu plus de temps avant de tenter quelque chose, j'en profitai et fouillai chaque recoin de l'appartement.
Il comportait trois chambres dont deux étaient visiblement inoccupées et deux grandes salles de bains dont l'une jouxtait la chambre de maitre. Je détournai mon regard du lit avec dégout pour me diriger vers une pièce qui faisait office de dressing.
J'en inspectai tous les murs et finis par trouver ce que je cherchai. Une porte était dissimulée dans le fond de l'un des placards et débouchait sur un escalier de béton très étroit. J'avais enfin trouvé la seconde sortie de cet appartement. Je remis tous en place juste à temps.
Quelqu'un frappait à la porte d'entrée.
Je vérifiai que la dague que j'avais cachée dans ma botte était toujours à sa place, je n'avais été fort heureusement pas fouillé et je doutai que quelqu'un le fasse maintenant.
Elle était mon ultime recours avant d'utiliser le poison.
Je me dirigeai vers l'entrée et ouvris la porte à une jeune femme d'une beauté irréelle. Ses courts cheveux blonds faisaient ressortir sa carnation laiteuse de poupée de porcelaine. De grands yeux violets dévoraient son visage fin. Elle portait des talons aiguilles qui devaient mesurer dix centimètres de haut. Ils allongeaient ses jambes menues soulignées par une minijupe en cuir qui lui arrivait au ras des fesses. Un haut de mousseline vaporeuse couvrait ses bras, pourtant je pus y voir la trace de nombreuses morsures, certaines anciennes, d'autres datant de quelques heures à peine.
Elle eut l'air surprise quand elle posa son regard sur moi avant de s'incliner.
- Je suis Letia, dit-elle avec une voix douce. Je suis là pour vous servir.
Elle dégageait une forte odeur de rose qui couvrait faiblement celle du sang séché, mais aussi quelque chose d'autres. Une fragrance lourde et aigre, de la peur....
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