J'aimais la lumière du jour qui dansait tout autour de moi et nimbait de son éclat chaque arbre, chaque fleur, chaque personne dans sa lumière crue, dévoilant leurs imperfections, leurs détails abimés.

Le jour était comme une vérité qui éclatait à chaque instant, il ne cachait rien et pourtant il occultait tout, car la réalité du monde ne perçait que lorsque la nuit recouvrait la ville de ses ombres.

Les masques tombaient et l'on pouvait enfin distinguer le vrai visage des âmes, leurs beautés, mais surtout leurs laideurs.

L'air de la nuit se remplissait de l'odeur putride des péchés qui se cachaient d'habitude sous des tenues irréprochables et des sourires factices, sous de fausses intentions.

La nuit, la nature des êtres se réveillait, avide, cupide, envieuse, jalouse.

Elle voyait s'accomplir les velléités de luxure, de domination et les pires folies.

La boîte de Pandore s'ouvrait et déversait ses abominations.

Le monde avait changé, de l'histoire que l'on pouvait lire dans les livres qui figuraient dorénavant dans les musées, il ne restait rien.

Les êtres de toutes races s'étaient réunis pour former ce qu'on appelait la Nouvelle Société.

Un monde d'apparence proche de l'idéal dans lequel chacun, quelles que soient ses caractéristiques, possédaient les mêmes chances de réussite que les autres.

Un monde dans lequel la magnificence des vampires côtoyait l'instinct sauvage des lycans, un monde dans lequel les humains apprenaient auprès des mages et bénéficiaient de leurs pouvoirs guérisseurs.

Un monde parfait, comme le claironnaient les informations qui étaient diffusées en boucle à la télévision d'État.

La Propagande, comme on l'appelait, qui faisait miroiter un environnement idéal où chacun pouvait vivre épanoui, malgré les différences.

La nuit balayait cet idéal à la faveur des ténèbres.

Les vampires n'étaient pas ces êtres mystiques qui, forts de leurs beautés et de leurs charismes, vivaient paisiblement auprès des autres. Par nature, ils étaient des chasseurs et leurs proies étaient les hommes qui s'enfermaient dès la nuit tombée dans leurs chaumières, priant les dieux de ne pas leur servir de nourriture.

Les mages n'étaient pas une lignée de guérisseurs qui soignaient et rendaient le monde plus beau. C'étaient aussi des personnes dotées d'egos monstrueux qui ne supportaient pas de ne pas être en haut de la pyramide de ce système fallacieux. Ils poursuivaient les lycans pour les réduire en esclavage, bridant l'animal en eux pour en faire des pantins de violence.

Ainsi était la nouvelle Société, une lutte de pouvoirs entre deux factions qui voulaient surpasser les autres au détriment même de la valeur de la vie.

Ainsi était la vérité de la nuit.

Une brigade inter-espèces avait été créée afin de pallier les défaillances du système, cependant elle avait rapidement sombré dans la corruption et les pots de vins. Elle était tombée sous le joug des vampires et des mages qui se disputaient encore et toujours le pouvoir.

Les plus faibles ne pouvaient compter que sur eux-mêmes pour s'en sortir.

Dans ce chaos qui régnait dorénavant sur la ville, l'enseigne du Diner's faisait office d'un havre de paix dans la nuit noire. Ses néons colorés caressaient le bitume et se reflétaient dans les flaques d'humidité que la pluie avait laissées derrière elle.

Ne pensez pas que tout est obscur, certains êtres portent malgré tout en eux la lumière.

Je protège ces personnes qui croisent mon chemin, à l'exception des humains.

Pourquoi me direz-vous ? Vous le saurez très bientôt.

Je m'appelle Jimin, je suis un hybride, je porte en moi les ténèbres de la nuit et la clarté des mages.

Le Diner's est ma maison et celle de mes protégés.

Je suis un survivant, je suis contre-nature.

Je suis puissant et je suis faible.

Je suis ce qu'ils appellent une aberration.

Certains envient mon pouvoir et le craignent, d'autres le convoitent.