- 𝙼𝙰𝚁𝚂 2086 -

C'était un mardi pluvieux, le printemps avait décidé de d'arroser le monde d'un fort voile d'eau. Les gens préféraient rester chez eux, devant une télé ou un livre. Et peut-être était-ce à cause de la météo, ou peut-être pas, mais l'air chargé d'orage ne se faisait pas sentir qu'à l'extérieur.

Dans une cuisine ouverte sur un large salon, deux hommes se jetaient des éclairs avec leurs yeux. La tension entre eux était pesante, presque palpable. Celui à la chevelure noire comme l'ébène poussa un long soupir, croisant les bras sur sa poitrine.

- Tu peux pas me dire qu'il n'y a pas de problème.

- Tu peux pas croire que j'ai un problème !

- Arrête de crier.

- Je crie parce que tu ne m'écoutes pas !

- Ce n'est pas que je ne t'écoute pas, c'est que je ne suis pas d'accord. C'est toi qui n'écoutes pas.

- Mais je te dis que ça va, bordel !!! I'M OKAY !

- Pourquoi tu t'énerves ?

Exaspéré au possible, Present Mic tourna dos à son interlocuteur et se mit à fouiller dans ses tiroirs. Le héros effaceur, lui, continuait de le regarder d'un œil impassible et fatigué. Cela faisait une bonne demi-heure qu'ils discutaient sur ce ton, et ça commençait à devenir redondant.

Le britanno-japonais trouva son Saint Graal : un paquet de Marlboro à moitié entamé. Il en tira une tige de nicotine puis partit à la recherche d'un briquet ou d'une allumette pour allumer le poison en rouleau.

- Cette conversation tourne en rond, releva le héros effaceur.

Yamada ouvrit la fenêtre de sa cuisine et s'y installa pour fumer. Sur la table qui le séparait de Shota se trouvaient trois parts de tarte au chocolat, une assiette de gaufres et une casserole de riz. Un peu plus loin, sur le plan de travail près de Hizashi, les ingrédients nécessaires pour préparer une omurice avaient été abandonnés là. L'anglophone avait eu l'intention de cuisiner ce plat japonais lorsqu'il s'était fait arrêter par son collègue et ami, qui expliquait au blond l'inutilité de se mettre aux fourneaux alors qu'il lui restait encore assez de nourriture dans son frigo. Pour appuyer ses dires, Aizawa avait, durant son discours, sorti un à un les restes de ladite nourriture dont la quantité était effectivement plus élevée que le nécessaire requis pour deux adultes en pleine santé.

Malheureusement, le DJ n'avait pas vraiment apprécié cette remarque, et s'en était suivi une violente dispute sur les habitudes alimentaires du métissé.

- Je comprends pas ce que tu me reproches, souffla-t-il.

- Tu ne veux pas comprendre, nuance, répliqua le noiraud sans sourciller.

Mic tira longuement sur sa taffe puis laissa échapper un épais nuage de fumée de ses lèvres.

- Leave me alone, please.

Eraser s'approcha et posa ses deux mains sur la table, le regard sévère. Il n'était pas prêt d'abandonner.

- Non.

Yamada tiqua, exaspéré. Il n'aimait pas la tournure des évènements. Les yeux verts rivés sur le ciel bleu, il continuait de se détruire les poumons sans aucune hésitation. C'était au moins une chose sur laquelle il avait le contrôle.

- Hizashi.

- LEAVE !

- Pourquoi est ce que tu refuses de le reconnaître ?

L'irritation du DJ anglophone contrastait avec le calme émanent de celui à l'alter d'effacement.

- Il n'y a rien à reconnaître ! Pourquoi tu refuses de laisser tomber ?!

L'ébène commençait lentement à perdre patience. Il essayait de ne pas hausser le ton, parce qu'il savait que c'était ce que le blond espérait : qu'il s'énerve à son tour et finisse par renoncer. Mais il ne pouvait pas, il avait laisser couler déjà trop longtemps. Ses doigts se crispèrent et il serra les poings. Il inspira doucement.

- Arrête de me retourner mes questions, j'essaie juste de t'aider.

- I DO NOT NEED YOUR HELP !

L'homme aux yeux onyx grimaça. Il lui semblait avoir déjà eu une telle discussion avec le blond, peut-être même plusieurs. A chaque fois, Mic arrivait à changer de sujet avec une touche d'humour ou à fuir plus ou moins discrètement pour ne pas avoir à répondre. Mais là, il n'avait pas vraiment d'échappatoire, et ça le frustrait au plus au point.
Aizawa pouvait comprendre que l'animateur radio ne voulait pas avoir cette conversation, mais elle était véritablement nécessaire. Ils ne pouvaient pas continuer de faire semblant que tout allait bien.

- C'est ce que tu dis à Yuki-kun aussi ? Que tout va bien ?

Déstabilisé par l'introduction d'un troisième homme dans leur conversation, Yamada lança un regard incertain à son interlocuteur.

- Pourquoi tu parles de lui ? demanda-t-il sur un ton défensif.

- Ne me dis pas qu'il n'a rien remarqué. Vous allez souvent au restaurant.

- Remarquer quoi ? Il n'y a aucun problème.

- Remarquer que tu ne manges rien, Hizashi, et que ça dure depuis des mois.

Le héros vocal écrasa sa cigarette sur le rebord de la fenêtre avec violence et quitta l'ouverture vers l'extérieur. Il devait regagner sa chambre au plus vite. En voulant dépasser Aizawa, il se fit retenir le bras par ce dernier.

- Je vois pas de quoi tu parles, nia Mic avec force. Je mange parfaitement bien ! Regarde toute la bonne nourriture que j'ai, comment tu peux prétendre que j'ai un problème ?

Le métissé désigna ce qu'il y avait sur la table et sur le plan de travail, espérant pouvoir distraire suffisamment l'ébène pour se détacher de son emprise. Mais ça ne fonctionna pas. Le noiraud ne se retourna pas. Il continuait de le maintenir avec fermeté.

- Tu te fous de moi ? C'est exactement ça le problème, Hizashi !!

Cette fois, Eraser Head était franchement énervé. Le soudain haussement de ton avait tellement surpris l'adulte aux yeux verts qu'il n'osa pas répondre.

- T'arrêtes pas de cuisiner mais tu bouffes strictement rien ! Tes placards et ton frigo sont remplis de nourriture, et tu trouves encore un moyen d'en acheter ! T'en as pas assez ? C'est comme si tu utilisais ça comme façade pour ne pas que les gens remarquent ton problème !

- Lâche moi–

- Je suis sérieux, c'est grave ce que t'as. Tu peux pas continuer de faire semblant, du moins, pas avec moi. Si aucun de tes mecs n'avait remarqué jusqu'ici c'est vraiment qu'ils ne font pas attention à toi.

- Shota...

La voix du bilingue était devenue faiblarde. Comme un fil fragile, tendu, à la limite de se casser. Mais c'était trop tard, Aizawa était sur sa lancée, et si sa violence était la seule manière de faire reconnaître à l'anglophone qu'il avait besoin d'aide, alors très bien. Il en assumerait les conséquences, et recollerait les morceaux de cette âme brisée, miette par miette.

- Ou peut-être que tu joues vraiment bien la comédie. Mais je refuse de croire que «tout va bien», comme tu le prétends. Parce qu'on sait tous les deux que c'est pas vrai.

- Please, stop . . .

- Et je vais pas te laisser dans la merde comme ça. On est amis, tu te souviens ? On est censés s'entre-aider. Alors si un truc te bloques, dis le moi. Je ferais de mon possible pour te soutenir. Je sais que je suis pas le mec le plus expressif du monde, je sais que j'agis souvent comme si t'étais une nuisance, mais Hizashi, je tiens vraiment à toi, alors laisse moi te donner un coup de main.

Le concerné restait bouche bée face à un tel discours. Il n'avait pas l'habitude d'être traité avec autant de considération par le noiraud. Certes, il adorait être le centre de l'attention et que les gens expriment qu'ils tiennent à lui, mais à cet instant-là, il ne savait pas comment accepter les sentiments qu'Eraser lui tendait. Yamada était bien trop habitué à l'inexpressivité sentimentale de son ami.

- S'il te plait, Hizashi. Je ne peux pas sauver quelqu'un qui refuse d'attraper ma main.

Aizawa avait baissé d'un ton et adopté une voix bien plus douce que précédemment. Ses yeux cherchaient les orbes de jade de l'anglophone, et finirent par les trouver. Les iris du bilingue brillaient à cause de leur humidité. Les mèches blondes encadraient chaotiquement mais harmonieusement son visage. Ses joues rouges témoignaient de son angoisse.

Bien sûr qu'il le savait, que ça n'allait pas. Il avait toujours fait semblant de rire, car il était Present Mic, le héros vocal, l'homme trop bruyant, l'hyperactif au sourire éclatant ; il était une personne sans soucis qui avançait dans la vie avec l'enthousiasme et la légèreté d'un nouveau-né. Personne ne soupçonnait jamais qu'il puisse avoir un quelconque blocage qui ait le pouvoir d'ombrager son éclat.

Personne, sauf Aizawa Shota. Et c'était étrange de se faire mettre à découvert par un individu qui n'avait cessé de répéter au cours de ces six dernières années qu'il se fichait bien de ce que les autres pouvaient penser ou ressentir.

Par réflexe, Mic eut envie de le repousser encore une fois. Il ne voulait pas faire peser une chose aussi minime sur qui que ce soit. Et puis, Shota avait ses propres affaires à régler. Cette histoire de nourriture, ce n'était rien. Il irait bien. N'est ce pas ?

Yamada fit un effort sur lui-même pour ouvrir la bouche et, d'une voix tremblante, il articula :

- M-mais . . . Tell me... Qu'est ce que je suis censé faire, maintenant ?

Ça ressemblait plus à une supplication qu'à une demande, et Eraser sentit son coeur louper un battement. Il n'aimait pas voir Hizashi ainsi, autant empreint de désespoir. Il fit lisser sa main de son poignet vers ses doigts.

- Reconnaître que ça ne va pas, me laisser t'aider, et continuer de vivre.

Les lèvres du blond se déformèrent en un triste sourire tandis que ses doigts s'accrochaient à ceux, froids et chaleureux à la fois, de son interlocuteur.

C'était étrangement douloureux, de saisir une main tendue vers soi. Lui qui était un héros avait l'habitude d'être de l'autre côté du gouffre. Mais justement, en tant que héros, et en tant qu'ami de l'homme le plus atone et impénétrable du monde, il savait à quel point il était frustrant de vouloir offrir son aide à quelqu'un qui restait hors d'atteinte.

- Ça . . . me semble faisable.

Mais il savait, au fond de lui, que demain il regrettera.
Il savait qu'il ne s'y tiendra pas.


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[ 1725 mots ]  —  15.10.2021

Un peu court, je crois, mais plein d'émotions, j'espère !

Je vous laisse faire vos théories complotistes et vos avis sur comment va continuer cette histoire, amusez moi dans les commentaires ➡

Comme j'ai dis précédemment, cette fanfic engage plusieurs sujets en même temps, donc parfois je donne l'impression de faire un virage à 270° d'un chapitre à l'autre (non non pas 45, mais bien 270, je tourne autour du rond-point) mais ne vous inquiétez pas ! Tout est prévu, tout est réfléchi et tout est travaillé !!!

A un moment où à un autre, chaque chose trouvera sa place et prendra son sens.

En attendant... on se revoit la semaine prochaine !

BON WEEKEND MES CHOCO-CHOCO 🖤

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Cho.

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