Jour 0

Eraserhead se tenait debout au milieu du quartier urbain,  paralysé par l'effroi, observant avec impuissance l'immeuble devant lui s'écrouler sous l'alter du super-vilain qui s'approchait de sa position.

- Merde ! CLOUD !!

Un adolescent aux cheveux bleus poussa son camarade et activa son pouvoir. Un volumineux nuage apparut au-dessus de la tête d'un groupe de civils près d'eux, les protégeant ainsi de la chute des débris. Par cette action, il n'eut pas le temps de se protéger lui-même et se fit violemment heurter par un gros morceau de béton.

- NON !! SHIRAKUMO TU VAS PAS ME FAIRE CA ?!

Paniqué, son ami aux cheveux ébènes lui lança un regard désespéré et tendit inutilement la main vers lui. L'immeuble continuait de s'effondrer, l'autre lycéen ne se relevait pas, et il restait des civils à évacuer. Il ne pouvait pas le rejoindre maintenant. Alors l'apprenti héros aux yeux obsidiennes leur prit le bras et leur indiqua une zone éloignée du danger.

Une fois cela fait, il se retourna vers la cause de ce désastre et se figea. Elle était déjà là, à une vingtaine de mètres. Le brun regardait le monstre qui détruisait les bâtiments, totalement apeuré. Ses yeux écarquillés fixaient les débris tombant au sol. Ses pensées embrouillées et son inquiétude pour le bleuté l'empêchaient de bouger. Qu'était-il censé faire ? Son patron était étalé au sol, hors combat, et son binôme avait disparu sous les éboulements. Les autres héros professionnels étaient soit blessés, soit occupés à évacuer les civils. La plupart n'était même pas parvenu à égratigner le super-vilain, alors qu'est ce que lui, pauvre adolescent manquant de confiance en soi, pouvait faire ?

Il n'était qu'un lycéen de seconde année en stage. Il venait à peine d'obtenir sa licence. Il ne maîtrisait pas assez bien son pouvoir. Il n'avait aucune force physique. Il avait perdu de vue son compagnon. Il était seul, faible, inutile, et horrifié.

- A TOI DE JOUER, SHOTA !

La voix du nuageux retentit au travers d'un haut parleur qui était tombé de sa tenue avant qu'il ne se fasse écraser. Ces mots redonnèrent espoir au brun.  Shirakumo Oboro était toujours vivant. C'était obligé. Il ne pouvait pas mourir comme ça. Ils avaient des projets ensemble, ils devaient survivre pour les réaliser. Et pour survivre, Aizawa devait combattre cette immense chose qui se dressait devant lui. Avec son alter d'effacement, il était le seul à pouvoir le stopper.

Alors il chaussa ses lunettes jaunâtres, ajusta le ruban autour de son cou et activa le pouvoir qu'il possédait, avant de se jeter sur son adversaire. Le vilain était puissant, beaucoup trop puissant, il lui envoyait des attaques que le brun parvenait à esquiver de justesse. A côté, Eraser Head ne réussissait qu'à lui mettre quelques coups légers qui ne lui faisaient rien. Il commençait à se décourager. Il avait beau observer encore et encore la personne à l'apparence inhumaine, il ne trouvait pas comment il pourrait le vaincre.

- ALLEZ SHOTA ! IL N'Y A QUE TOI POUR SAUVER TOUT LE MONDE !

Il devait se reprendre. Shirakumo était encore là, bloqué sous les décombres, mais il se soutenait encore. Il n'y avait pas cinquante solutions, il était obligé de le battre. Pour le nuageux, pour Hizashi, pour Sa Majesté Purple, pour les civils blessés et pour les autres héros présents. La défaite n'était pas une option.

- TU PEUX LE FAIRE . . . JE CROIS EN TOI !!

L'ébène se releva, plus déterminé que jamais, et s'engagea à nouveau dans un combat acharné contre un vilain de dix fois sa taille. Les encouragements du bleuté n'arrêtaient pas, ils étaient si puissants qu'ils semblaient résonner dans sa tête. Malgré la pluie qui tombait de plus en plus forts, les éboulement des bâtiments autour de lui, les cris des blessés apeurés et le bruit du combat, Aizawa pouvait distinctement entendre les mots de son partenaire.

Ils avaient commencé cette année ensemble, ils la finiront ensemble. Coûte que coûte. Ils ressortiront de ce stage plus expérimentés et plus puissants qu'avant. Ils deviendront de grands héros, avec Present Mic.

Après quelques minutes éreintantes durant lesquelles le garçon effaceur puisait dans ses ressources physiques et mentales, le vilain fut vaincu. Il l'avait fait. Shota avait réussi.
L'apprenti héro s'écroula au sol, fier de lui-même, le regard tourné vers le ciel. Il pleuvait à verse. Il n'y avait que les nuages au dessus de lui.

- Je l'ai eu . . . T'AS VU CA, SHIRAKUMO ?!

Aucune réponse ne lui parvint, alors il resta allongé là, incapable de faire le moindre mouvement de plus. L'adrénaline retombée, la fatigue pesait sur son corps mutilé durant la bataille. Son bras saignait. La police et les secours arrivèrent, le criminel fut embarqué, ainsi que les blessés. Le corps inconscient de Sa Majesté Purple –le tuteur de stage de Loud Cloud, Eraser Head et Midnight– fut prit en charge par les ambulanciers. Shota fut rejoint par trois autres élèves de Yuei en stage eux aussi, et les héros professionnels responsables du secteur. Tout le monde le félicitait de sa victoire, mais l'adolescent aux yeux onyx ne voulait pas recevoir tous les mérites.

- Non, c'était un travail d'équipe, expliqua-t-il d'une voix faiblarde. Mon partenaire m'a encouragé du début à la fin . . .

C'était ce qui lui avait donné la force de combattre. Il ne serait rien sans Shirakumo. Il regarda autour de lui. L'adolescente aux cheveux violets foncés d'un an son aînée lui tournait dos et serrait le tissus de sa veste, le regard tourné vers les ambulances.

- D'ailleurs, où est ce qu'il est ? Kayama-senpai ! Comment va Shirakumo, il a été blessé pendant l'attaque !

La fille ne lui répondit pas, ce qui inquiéta le noiraud. Il se leva, ignorant ses jambes tremblantes.

- C'est si grave que ça ? Alors qu'est ce qu'on attend pour le transporter à l'hôpital ?

Tout le monde autour de lui avait les yeux rivés au sol, et Shota ne comprenait pas pourquoi. En particulier Hizashi qui évitait ostensiblement son regard.

- Yamada ! Tu peux ramasser son haut-parleur ? Il faudra le lui rapporter . . .

Le blond s'exécuta très lentement, le visage déforma par une grimace étrange. La main du bilingue se stoppa au dessus de l'objet au sol. Il n'osait pas y toucher. Ses doigts tremblaient. Mais Aizawa était trop épuisé pour faire preuve de réflexion et ne pensa donc pas à s'interroger sur l'attitude de ses camarades.

Ce fut Sensoji, un élève de la Seconde B en stage dans la même agence que Mic, qui saisit l'accessoire du bleuté. Il fit remarquer que l'appareil était bien trop endommagé pour être utilisé, ce à quoi le noiraud répliqua que c'était impossible étant donné qu'il avait entendu la voix de son propriétaire. Le garçon dont l'alter était de tirer des flashs lumineux depuis ses mains soupira.

- Franchement, ça m'étonnerait. Tu avais besoin qu'on te motive alors tu as cru entendre des voix depuis un haut parleur cassé...

Shota secoua la tête. Il ne pouvait pas y croire. Le haut parleur fonctionnait parfaitement puisqu'il avait entendu les encouragements de Shirakumo. Mais l'adolescent de la Seconde B maintenait son hypothèse.

- Je suppose que ça peut arriver dans ce genre de situation extrême . . .

Kayama leur tournait toujours dos et Yamada continuait de garder les yeux baissés. Comme s'ils avaient compris une chose trop grave pour qu'ils puissent l'assumer. Mais toutes ces preuves-là ne suffisaient pas à Aizawa. Il était persuadé que le nuageux était vivant. Ce dernier n'avait pas le droit de mourir. Les autres lui faisaient simplement une mauvaise blague.
Une très mauvaise blague.

- N'importe quoi ! C'était bien lui qui criait "Allez Shota !" 

Il baissa d'un ton, et tenta un sourire incertain.

- Je n'ai pas rêvé, c'était sa voix . . .

Il se tourna vers le lieu de l'incident, et son visage se décomposa complètement. Quelques héros et pompiers avaient soulevés les morceaux de béton. Un objet jaune ricocha sur les pans de murs et tomba devant Shota. De petits bouts de verres restaient accrochés aux lunettes fissurées de son ami. Le brun n'osa même pas les toucher. Ses yeux écarquillés n'osaient pas croire la scène devant lui.

Sous un drap mortuaire ensanglanté, il pouvait deviner le corps sans vie de celui qui lui avait permis de vaincre. C'était impossible. Les battements de son coeur se firent de plus en plus fort, au point qu'il ne pouvait entendre que ça. Ça et le bruit de la pluie qui s'écrasait lourdement sur l'asphalte. Eraser n'écouta même pas le discours gratifiant de Sensoji qui se voulait réconfortant. Ce dernier expliquait que le brun devait être fier de lui pour avoir combattu vaillamment malgré la pression et le danger.

- Arrête, Sensoji-kun, marmonna Yamada en rejoignant son meilleur ami

La voix de l'apprenti héro n'avait jamais été aussi faible et peu assurée. Pourtant, ce n'était pas l'utilisation excessive de son alter qui lui donnait cette intonation là, mais seulement la douleur incommensurable de la perte d'un être cher.

Pour la première fois depuis l'arrestation du vilain, Midnight prit la parole. Elle était abritée sous un parapluie transparent et portait le grand imperméable qui constituait sa tenue héroïque.

- Allez, venez, on rentre . . . Vous allez attraper un truc, à rester sous la pluie !

Les trombes d'eau s'écoulant du ciel compensaient bien l'absence de larmes censées ruisseler du regard sombre d'Aizawa. Les pompiers venaient de sortir son corps de la zone accidentée. Leurs visages étaient graves et explicites. Il était trop tard. La cadavre pâle de l'adolescent aux cheveux bleus passa devant le noiraud. Ce dernier ne pouvait le quitter du regard. Ce matin même, ils riaient ensemble comme d'innocents enfants, et à présent, il ne restait que des souvenirs. Hizashi osa faire un sourire triste et désolé à son aînée.

- Merci Nemuri... Mais . . . On est d'humeur à rester trempés....

La brune ne protesta pas. Elle et Sensoji restèrent debout quelques minutes, regardant les deux amis découvrir avec effroi les décombres mortels, puis décidèrent de les laisser seuls. Aizawa et Yamada étaient immobiles devant la scène à présent vide de toute vie. Ils serraient les dents et se retenaient de pleurer. S'ils pleuraient, ça signifiait que tout était définitivement fini. Ca rendrait la situation réelle. Et Shota ne pouvait pas croire que ceci était vrai.

Une de ses mains serrait son bras blessé durant le combat. Il avait horriblement mal. Beaucoup trop. Le monde autour de lui vacillait. Sa tête allait exploser. Une telle douleur était bien trop élevée pour un simple mortel, il n'y survivrait pas. Il se sentait mourir.

Mourir, oui, c'était une solution pour rejoindre son camarade écrasé par l'effondrement.
Mort.
Oboro Shirakumo était mort.

Shota Aizawa s'effondra à genou. Il avait l'impression de se noyer les poumons remplis d'air. Respirer lui était insoutenable. Son cœur frappait sa poitrine à en arracher sa cage thoracique. La poussière lui piquait les yeux. Mic s 'approcha de lui, le visage était dévasté par les larmes qu'il n'arrivait plus à retenir. Il posa une main tremblante sur son épaule, marmonnant une phrase imperceptible aux oreilles sourdes du jeune héro effaceur.
La pluie était la seule chose qu'il entendait.
La douleur était la seule chose qu'il ressentait.
Le corps sans vie du bleuté était la seule chose qu'il voyait.
L'odeur de la poussière des débris était la seule chose qu'il sentait.
Et le goût amer de la perte d'un proche était la seule chose qu'il percevait.

En même temps que cet immeuble, c'était son univers qui s'était effondré sur une personne qui lui était chère. Il avait gagné le combat, mais à quel prix ? Jamais une victoire n'avait été aussi désolante.

En désespoir de cause, le garçon à l'alter d'effacement se retourna précipitamment vers le camion où les ambulanciers engouffraient le macchabée. Ce mouvement fit sursauter le blond qui se tenait en silence à ses côtés.

- . . . Shota ?

- Non.

Il ne pouvait pas les laisser faire.

- Shota attends !

Trop tard, le noiraud s'était élancé à la poursuite du cadavre, ramassant au passage les lunettes brisées de son binôme de stage. Il bouscula les adultes qui s'occupaient du corps tandis que ces derniers essayaient de le retenir.

- Attendez !! Shirakumo !

- Monsieur, s'il vous pl-

- NON ! T'AS PAS LE DROIT DE MOURIR ! SHIRAKUMO–

Aucune réaction.

- SHIRAKUMO !!!

Ce garçon ne se réveillera jamais. C'était évident. Malheureux. Mais évident.

- S'IL TE PLAIT ! REVEILLE TOI !

Quelqu'un le repoussa, et la porte arrière de l'ambulance claqua, lui coupant ainsi l'accès à celui qui avait donné sa vie pour protéger un groupe d'enfants. Le véhicule démarra et s'éloigna de l'adolescent qui tendait désespérément la main devant lui comme si ça pouvait arrêter le temps. Une douleur insoutenable déchirait son âme. Et tremblant de tout son corps, de toute sa voix, il hurla une dernière fois :

- OBOROOOO !!!!

C'était la première fois qu'il l'appelait par son prénom.
Et la dernière fois qu'il l'appelait tout court.

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[ 2200 mots ] — 25.12.2020
J'espère que vous avez passé un joyeux Noël ~   😘

Cho.