Allongée contre le flanc de mon petit ami, je m'amuse à tripoter les poils de son torse qui monte et descend au rythme de sa respiration, tandis qu'il farfouille dans mes cheveux avec ses doigts. Ces moments post-rapports sont délicieux. Je les chéris autant que la présence de Niall à mes côtés. Chaque minute que nous passons ensemble nous rapproche encore plus.

Alors que ma main glisse doucement vers son entrejambe et que je ressens le désir me posséder de nouveau, la sonnette retentit.

— Oh merde ! lâche-t-il. Skye...

Niall délaisse aussitôt la chaleur de notre étreinte en se redressant en position assise. J'avais complètement oublié que ma belle-sœur devait venir. Niall ne pouvait pas passer sur Londres sans voir sa meilleure amie, j'ai donc proposé qu'elle prenne un café chez moi et, pourquoi pas, poursuive la soirée avec nous.

Il quitte les draps à la hâte, nu comme un ver. Je profite de son affolement pour mater quelques secondes ses fesses musclées et rebondies. Une vague de chaleur sillonne mon corps et mon souffle s'accentue, c'est l'effet Niall qui se manifeste en moi. Quand il se retourne pour me fixer, je me lèche les dents et la lèvre supérieure, le regard toujours posé au même endroit. Je réprime mon sourire à la vue de son sexe qui se tend et m'agenouille sur le matelas, face à lui et en tenue d'Eve, avec une forte envie de le prendre en bouche. Le deuxième coup de sonnette nous sort définitivement de notre bulle et je me précipite hors du lit. Je hurle en espérant me faire entendre :

— On arrive !

Je vole un baiser à mon tentateur. Il me colle à lui pour le prolonger quelques secondes. Son érection se presse contre mon ventre, qui se comprime.

— Ciara, j'me sens tellement bien avec toi...

— Moi aussi, m'sieur l'ours, mais y a ta BFF à ma porte.

Je ris en me détachant de son emprise. Je lui tourne le dos et accentue ma démarche pour sortir de la chambre. Un profond soupir se fait entendre.

— M'attends pas, hein, j'dois débander...

— Bon courage !

Après un petit salut de la main, j'attrape au passage un short en jean et un débardeur noir qui traînent sur une chaise et les enfile rapidement. Pas le temps pour les sous-vêtements.

Je traverse la pièce principale pour aller ouvrir la porte d'entrée.

— Coucou, Skye ! Désolée pour l'attente.

— Salut, les tourtereaux.

Ses traits sont tirés et sa façon de parler bien trop lasse, elle qui est toujours pétillante. Elle m'embrasse sans entrain, puis rejoint Niall qui arrive derrière moi, habillé, pour lui faire un bref câlin.

— Un truc cloche ? la sonde-t-il.

— Non, non... t'inquiète. Alors, ce rendez-vous ?

Elle s'écarte et part s'affaler dans un fauteuil du salon. Les sourcils de Niall se lèvent tandis que je hausse les épaules, je n'en sais pas plus que lui. Je me dirige vers la cuisine pour préparer des cafés, lui se pose dans le canapé en face d'elle et commence à lui raconter son entrevue avec le médecin.

De retour près d'eux, elle m'interpelle :

— C'est sympa de l'avoir accompagné. Je suis contente pour vous deux.

Je m'installe à côté de mon Écossais après avoir distribué les boissons et hoche la tête. Les cernes sous les yeux rougis de la rouquine m'alertent.

— Skye, t'es sûre que ça va ?

— Je... Oui, c'est rien.

Le bref regard perdu qu'elle lance à Niall ne m'échappe pas, tout comme l'air renfrogné de ce dernier. C'est énervant qu'ils se comprennent sans rien dire.

— Crachez le morceau. C'est quoi, le problème ? J'ai pas le décodeur, moi.

Skye s'enfonce dans le fauteuil en croisant les bras. Niall souffle en posant les coudes sur ses genoux. On dirait deux enfants prêts à se chamailler, et c'est l'ours qui entame les hostilités.

— Le problème ? C'est Aïdan, comme d'hab.

— C'est faux !

La rousse s'emporte d'un coup, le sujet semble épineux. J'aurais dû me douter que mon imbécile de frangin serait impliqué dans l'humeur maussade de la future mariée.

— Il... reprend-elle avec hésitation. Y a pas de problème avec Aïdan. C'est juste que...

— C'est juste qu'il peut toujours pas m'encadrer, crache Niall en la coupant. Tu lui as dit que tu venais me voir ?

Elle se triture désormais les doigts, les mains coincées entre les cuisses. Coggy semble soudain vivement l'intéresser. J'ai loupé quelque chose ? Me voilà mal à l'aise, je me sens de trop. Je ne parviens pas à saisir ce qui se passe. Moi qui pensais bien faire en l'invitant chez moi sans Aïdan, l'idée n'était peut-être pas si bonne que ça.

Niall ne laisse pas à son amie l'occasion de répondre et enfonce le couteau dans la plaie.

— Bien sûr que non, il sait pas. Tu te rends compte que tu dois encore lui mentir pour voir ton meilleur pote ? C'est pas sain.

Je me retrouve entre deux feux et impuissante. J'aimerais disparaître entre les coussins ou claquer des doigts pour apaiser les âmes. Cette histoire leur prend la tête au point qu'ils ne font plus attention à moi.

— Et tu voulais que je lui dise quoi ?

— J'en sais rien ! Je te dis juste que cette situation devient ridicule !

— T'as raison, la prochaine fois, je lui dirai « Au fait, chéri, je vais chez ta frangine pour voir le deuxième homme de ma vie, tu sais, celui que tu peux pas blairer et qui maintenant va faire encore plus partie de ta famille ! » Tu veux qu'il pète définitivement un câble avant le mariage ?

Je n'ai jamais vu ma belle-sœur en colère, ou triste. Là, elle est les deux à la fois, ses yeux brillants et le ton de sa voix l'attestent. Pourtant, Niall ne semble pas prompt à apaiser la tension.

— En même temps, s'il était moins con !

— Arrête ! Il est pas con ! Il est... il est...

— Con, complète-t-il, c'est ce que je dis. Tu m'as dit de me laisser aller, et voilà dans quel état ça te met.

Les voir se disputer m'affecte et mon cœur se serre, tout comme mes poings. Je sais que mon frère peut être buté. Il a la fâcheuse tendance à vouloir tout contrôler et à ordonner qu'on fasse ce qu'il veut, comme il le veut. Déjà qu'il n'aime pas Niall parce que c'est le meilleur ami de sa chère et tendre, quand il apprendra qu'il est désormais le petit-ami de sa sœur, avec l'aval de Skye...

Mon bonheur prend soudain un horizon sombre. La dispute des deux amis me fait prendre conscience que ma relation avec Niall pourrait davantage ternir celle de ce trio infernal. J'entends d'avance Aïdan me dire que mes caprices foutent le bordel dans sa vie, encore...

Non, je ne peux pas accepter ça. Je ne veux pas de cette responsabilité, je ne veux pas...

— Je veux pas foutre la merde entre vous trois, murmuré-je subitement, cette situation est assez compliquée comme ça...

Je me force à retenir les sanglots qui m'étranglent, mais mon cœur se serre si brutalement qu'ils entendent la souffrance dans ma voix. Alors que je me lève pour les laisser, Niall me prend la main pour m'inciter à me rasseoir. Sa paume trouve ma joue et il plonge son regard dans le mien.

— T'y es pour rien là-dedans. Je suis tombé amoureux de toi, pourtant j'ai essayé de pas l'être... Mais je peux pas continuer d'aller à l'encontre de ce que je ressens. Comme il est hors de question que j'arrête de voir Skye sous prétexte qu'il n'est pas d'accord.

Cet aveu me retourne les entrailles et des chatouillis caressent mon ventre, cependant, le reniflement de Skye attire notre attention. Les larmes qui dévalent sur les joues de notre amie nous font délaisser le canapé pour la rejoindre. Assis sur les accoudoirs, chacun d'un côté de son fauteuil, nous l'entourons d'un bras. Après quelques secondes de réflexion, je reprends la parole, décidée à arranger les choses.

— Je vais parler à mon frère. Ça sert à rien de lui cacher notre relation, il l'apprendra tôt ou tard. Mieux vaut que ce soit de ma bouche qu'en nous surprenant en train de nous rouler des pelles en cachette à votre mariage.

Elle appuie une main sur mon bras et le presse. Un léger sourire apparaît sur son visage qui s'illumine enfin. Niall, lui, dépose un baiser sur sa tête en riant sous cape. Elle lève son regard embué vers moi.

— Merci, Ciara, glisse-t-elle doucement. Mais tu sais, le souci est plus profond que ça, et tu risques de t'attirer des problèmes.

— T'inquiète, j'ai pas peur de mon frangin. Et je pense que ça devient nécessaire, vu comme ça évolue. Mais toi, qu'est-ce qui te fait peur ?

Elle semble préoccupée, ce n'est vraiment pas dans ses habitudes. Si ce n'est pas la première fois, elle cache bien ce qu'elle ressent. Niall, soucieux, en rajoute une couche :

— Tu peux tout nous dire, Skye. Alors, tu veux en parler ou pas ?

— C'est rien de méchant, juste une dispute de couple. C'est sûrement la pression due au mariage.

Elle-même n'a pas vraiment l'air convaincue de sa réponse, pourtant, elle ne daigne pas changer de position et nous assure que tout va bien. Elle se redresse en inspirant un grand coup et balaye les larmes sous ses yeux. Un timbre plus allègre remplace sa tristesse :

— Assez parlé de moi. Alors, vous deux, comment ça se passe ?

Niall et moi échangeons un coup d'œil discret. Il est inutile d'insister, elle n'en dira pas plus pour le moment.