Chapitre 10.2 - Niall
— Bordel, Kenneth, rends-moi mon téléphone tout de suite !
Je tente d'attraper mon portable, à présent entre les mains de mon pote qui se lève pour m'échapper. Ses doigts pianotent sur le clavier, la panique m'envahit.
— Qu'est-ce que tu fous ?!
— Je réponds à ta place, ça ira plus vite.
Je quitte ma chaise pour lui courir après tandis qu'il tourne autour de la table dans le bar.
— J'accélère les choses entre vous deux. T'as passé la nuit avec elle chez sa grand-mère et tu n'en as pas profité ? Moi, j'aurais pas hésité. C'est une bombe !
Je l'empoigne par le col pour le rasseoir brutalement et récupérer mon bien.
— T'as de la chance que je t'aime bien. Mais répète ça une seule fois et je t'éclate. Compris ?
— Si on peut même pu te taquiner. Elle te plaît vraiment, on dirait.
— Pff...
Je me rassieds. Heureusement, cet imbécile n'a pas eu le temps de terminer d'écrire sa connerie.
[Je pourrais venir te rejoindre pour finir |]
Je dois la sortir de ma tête. Hors de question de finir quoi que ce soit. Pour ça, il faudrait déjà avoir commencé quelque chose, ce que je refuse.
— Ça se voit, t'es accro. Ne me dis pas que c'est à cause du connard qui sert de mec à Skye que tu t'empêches de faire des cochonneries avec cette beauté.
— Premièrement, ce n'est pas le mec de Skye, mais son futur mari, peu importe ce que je pense de lui. Deuxièmement, j'ai pas envie de faire des...
— Me la fais pas à moi. Je ne sais pas pourquoi tu t'obstines comme ça, mais fut un temps où ça t'aurait pas dérangé.
— Contrairement à toi, j'ai mûri.
Kenneth éclate de rire. OK. C'est aussi parce que je m'interdis la moindre liaison avec une femme depuis que je suis infecté par le VIH, même si je suis sous traitement. Or, mon ami ignore tout de mon état. Je m'empresse de répondre à Ciara avant de laisser passer trop de temps et d'oublier.
[Salut ! J'ai un peu de boulot ce week-end et je passe par Fort Augustus. J'en profiterai pour déposer la photo à ta grand-mère. Et toi ?]
— Bon, si tu préfères ta main droite, ça te regarde, lance Kenneth. Moi, je vais tenter le coup avec la demoiselle là-bas.
Ma forte expiration accompagne sa désertion. Il s'approche de la table de deux femmes qui nous matent. Je ne sais pas ce qu'il leur propose, mais il me pointe du doigt, me faisant signe de venir. À contrecœur, je les rejoins. Moi qui voulais juste boire une bière tranquille avec un pote... Il a fallu que cet empaffé, vestige du branleur de la bande du collège, soit le seul disponible.
— Mesdemoiselles, je vous présente mon ami photographe, Niall.
A dhia, il veut se servir de ma profession pour les draguer.
L'une d'elles pose sa main sur mon bras. Aucun frisson ne me parcourt. Serais-je anesthésié ? Pourtant, c'est une jolie blonde aux yeux verts, avec un décolleté plongeant qui n'est pas sans me rappeler celui que portait Ciara lors de l'annonce des fiançailles de son frère. Ciara...
— Vous nous offrez un verre ? minaude-t-elle.
— Je vais plutôt vous laisser avec ce brave jeune homme qui sera ravi de passer le reste de la soirée avec vous, décliné-je.
— Sérieux, mec ? Tu m'abandonnes ?
— Amusez-vous bien.
Alors que je prends la fuite, la blonde me rattrape. Elle se mordille la lèvre et tortille une de ses longues mèches. Ses pupilles brillent de malice et d'alcool. Sa main atterrit sur mon torse.
— Si tu veux de la compagnie cette nuit, murmure-t-elle à mon oreille, je me porte volontaire.
Je ne frémis pas à son contact et saisis son poignet pour l'écarter.
— C'est gentil, mais ça ira. Bonne soirée.
Son air déçu ne m'affecte pas et je me retire chez moi. En me couchant, je songe à peine à la nuit que j'aurais pu passer avec cette femme. Elle ne m'intéresse pas, contrairement à Ciara qui ne quitte pas mon esprit. Mon smartphone vibre, comme mon cœur quand je lis son nom.
[Fais attention à Seanmhair, elle serait capable de te séquestrer pour que tu restes avec elle. Elle n'a pas l'air comme ça, mais elle est tenace. Demain, Skye me traîne dans les boutiques pour les préparatifs du mariage. Je sais pas pourquoi elle tient à ce que je sois présente.]
Moi, je sais. Ma sœur de cœur ne peut pas s'empêcher de mettre son grain de sel pour me prouver que je peux vivre une vie normale. Par contre, elle ne vendra pas la mèche. Pour le moment, je suis plus inquiet du sort que me réserve Eilidh.
[J'espère que tu viendras me sauver. Elle a beau être gentille et bien cuisiner, j'aime ma liberté, et passer du temps avec toi.]
Quel con.
Je joue avec le feu, seulement, ce qu'elle déclenche en moi ravive la flamme qui s'était éteinte. Sa réponse arrive après la claque mentale que je m'inflige.
[Elle prendra soin de toi. Je te sauverai quand je viendrai. Quand ? J'sais pas, je suis une femme très occupée. Je te souhaite bon courage.]
Bien, elle n'a pas relevé ma dernière phrase. Je me suis peut-être fait des idées. Un peu déçu malgré tout, je m'apprête à répliquer quand un autre message s'affiche.
[J'aime aussi passer du temps avec toi. Tu reviens à Londres avant l'enterrement de pseudovie de célibataires de nos deux tourtereaux ? Enfin, si ma chère grand-mère ne fait pas de toi son esclave prisonnier.]
Mon esprit s'encombre de pensées contradictoires. J'ai autant envie de sauter de joie qu'elle veuille me revoir que de pourrir dans mon trou pour éviter toute déconvenue.
[Figure-toi que j'ai du boulot là-bas dans trois semaines. On pourra aller prendre un café ensemble.]
Pas d'alcool. Ça ne nous a pas trop réussi. Au souvenir de cette fameuse nuit et de ce week-end à ses côtés, mon souffle devient lourd et mon entrejambe réagit.
Le besoin de plaquer mes lèvres sur les siennes s'est fait pressant quand elle se trouvait dans mon studio dimanche. Mon cœur cognait si fort, j'avais l'impression qu'elle pouvait l'entendre. L'alchimie entre nous est évidente, ça n'en est que plus douloureux pour moi de la repousser.
[Avec plaisir, tiens-moi au courant. Apporte-lui des shortbread* pour détourner son attention et t'échapper, elle en raffole 😉 Comme ça, je suis sûre que tu pourras venir me voir.]
Cet échange me fait autant de bien que de mal. Il est temps de l'écourter.
[Je vais l'amadouer avec des biscuits alors, pour m'enfuir en courant avant qu'elle ne m'attache dans son lit. Bonne nuit, Ciara]
[😅 Bonne nuit, Niall]
Trois semaines. J'ai trois semaines pour décider de comment faire évoluer ma relation avec cette femme qui ne quitte plus mes pensées.
Oui, je suis séropositif au VIH. Je suis aussi sous traitement efficace. Ma charge virale est indétectable dans mon organisme. Je ne suis pas contaminant. Je ne peux pas le transmettre ni en cas d'accident d'exposition au sang ni lors d'un rapport sexuel, même non protégé. Je ne vais pas mourir plus vite qu'un autre.
Je respire un grand coup. Je peux sortir avec elle. Elle ne court aucun risque. Elle ne m'abandonnera pas. Du moins, je l'espère, parce que je n'ai rien ressenti de tel pour quelqu'un depuis des lustres.
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*Shortbread : biscuits sablés écossais traditionnels (farine, beurre mou et sucre)
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