𝐗𝐕 | 𝑯𝒆𝒓 𝐍𝐞𝐰 𝐉𝐞𝐰𝐞𝐥𝐫𝐲
𝐄𝐥𝐯𝐞𝐬𝐳𝐞𝐭𝐭 𝐕𝐚̀𝐫𝐨𝐬
𝐃𝐢𝐦𝐚𝐧𝐜𝐡𝐞 𝟏𝟓 𝐬𝐞𝐩𝐭𝐞𝐦𝐛𝐫𝐞, 𝟐𝟑 𝐡𝐞𝐮𝐫𝐞𝐬
« Le voilà. »
Cette voix lui paraissait si belle, si charmeuse, comme venue du plus beau Séraphin qui eut été créé. Elle coulait à ses oreilles telle une cascade d'eau douce sur une roche qu'elle aurait lissée pendant des milliers d'années, jusqu'à produire ce son magnifique et envoûtant.
« Taehyung ? »
Il connaissait cette voix. Ce n'était pas la même ; elle avait des intonations plus graves, plus chaudes. À la fois tentatrices et douces. Un frisson le parcourut de la tête aux pieds. Cela faisait longtemps qu'il n'avait plus rien ressenti.
Depuis combien de temps était-il allongé dans cette boîte poussiéreuse ? Il s'y sentait bien, confortablement installé. Il n'avait aucune envie de bouger. Vraiment aucune.
Pourtant... Tout cela lui semblait étrange, comme s'il n'aurait pas dû se trouver là.
Des voix l'appelaient inexorablement. Des voix teintées de joie, d'angoisse. De fierté. Taehyung... Était-ce son nom ? Il ne s'en souvenait plus. Il ne savait ni comment ni pourquoi il se trouvait ici. Il y avait eu ce grand brasier qui l'avait consumé, puis un froid intense.
Que s'était-il passé ?
En explorant dans son esprit, des images lui parvinrent, revenant dans sa mémoire en même temps que le processus déclenchait des réactions incontrôlées dans son corps.
Soif ! Il avait tellement soif ! Que quelqu'un lui donne de l'eau !
Mais il ne pouvait pas bouger. C'était comme si son corps ne lui appartenait plus. Et il se sentait si bien... Comme dans un cocon dans lequel il était difficile d'en sortir tant il était duveteux, berceur.
Comme les bras d'une mère.
Une femme. Brune. Des yeux sombres qui le fixaient intensément. Une femme qui pleurait, qui hurlait. Il la connaissait... Il la revit couverte de peinture. Il la visualisa devant les fourneaux. Il l'aperçut qui soignait sa blessure au genou en lui souriant et en lui soufflant des mots doux, aimants, tendres. Il la distingua dans la pénombre d'une chambre, le bordant.
Elle s'imposa dans sa souvenance. Farouche et déterminée.
Maman !
Mais à peine pensait-il à ce doux terme que d'autres images l'assaillirent.
Une fille. Très belle. Des cheveux améthyste et yeux émeraude, dans une classe. Dans une cour. Dans une voiture. Dans un bus. Dans un magasin. Dans sa chambre. Parmi une foule excitée. Dans une salle de bains. Dans un lit. Dans la cuisine. Dans une robe verte. Dans une rue. Dans un sac de couchage...
Dans un accident...
Hazel !
Et aussitôt, son esprit le força à contempler une forme majestueuse. Il n'y avait plus de défilé ; c'était une image statique. Beau... Quel être magnifique... Il se perdit dans ces yeux noirs, aussi profonds que les abysses dans lesquels il avait vogué. Ils brillaient. Intensément. Il y lisait tant de choses, tant d'émois différents que c'en était déroutant.
Une haine féroce, une tristesse incommensurable, une joie indéchiffrable, une honte sourde et... une tendresse inavouée. Tant de passion dans un seul regard. Tant d'émotions enfouies dans un seul corps. Il eut soudainement un fort désir de toucher ce visage, révérencieusement. De sentir sous ses doigts la peau marmoréenne.
Il ressentit le besoin furieux de prononcer son nom, de l'appeler.
Un courant d'air glacé l'arrêta dans son geste. Non. Là, il était bien. Il ne devait pas se lever, ce n'était pas bien. Ici, il était en sécurité. Tout se passera bien ; tant qu'il restait caché, tout irait bien. Elle ne le retrouverait jamais, ici.
Mais qui était « elle » ?
Il ne devait pas chercher à savoir, il devait oublier. C'était mieux ainsi. Tout était mieux. Il ne savait guère la raison d'une telle décision, mais il ne devait pas se lever.
Sa gorge le brûlait. Son estomac le taraudait. Soif. Faim. Il devait se lever et...
Non ! Rester caché.
Se terrer.
Disparaître.
Sinon elle le retrouverait.
S'évanouir.
S'effacer.
« Qu'est-ce qu'il fait ? Pourquoi il ne se lève pas ? »
Cette incroyable et douce voix... Hazel ? Non, il délirait. Hazel était morte.
Morte...
Sa meilleure amie, sa confidente, sa sœur d'âme, sa moitié...
Disparue...
Et lui, si seul. Combien de temps resterait-il ici, avant de mourir et la rejoindre ? Il ne devait surtout pas sortir, ellele tuerait.
« Ce n'est qu'une question de temps, amie Vampire. »
La voix de Séraphin. L'avait-il rêvé ? C'était étrange. C'était comme s'il y avait un écho. Il entendait à la fois les voix dans son esprit et par ses oreilles.
Vampire...
Vampire...
Vamp...
Hazel ! Brutalement, l'image s'imposa à lui. Sa Hazel était en vie ! Elle était devenue une Vampire ! Les dernières images de sa vie se mirent en place comme un puzzle, ravivant ses souvenirs.
Puis, d'une limpidité évidente, tout lui revint.
Elle ! La Mère des Vampires ! Cette Vampire cruelle, sans pitié et immonde ! Comment osait-elle le séparer de son amour ?
Sa colère retomba aussi vite qu'elle était montée. Elle avait le pouvoir de le détruire. Elle l'avait déjà fait.
« Taehyung... Ouvre les yeux, je t'en supplie... »
Encore cette magnifique voix grave et douce. Elle soulevait son âme de la plus belle des manières. Étrange... À qui appartenait-elle ? Non, il ne devait plus chercher à saisir le sens de tout cela, aussi singulière cette situation fut-elle. Il devait rester allongé là, il ne devait pas sortir de cette boîte poussiéreuse.
Le doute s'installa.
Mais, n'était-il pas déjà mort ? Alors comment pouvait-il penser ? Était-ce la Mort ? Était-il en Enfer ? Il avait aimé un Vampire, il ne pouvait qu'être condamné aux abysses, n'est-ce pas ?
Un Vampire...
Jungkook...
Cette voix ! C'était lui qui l'appelait ! C'était Jungkook ! Pourquoi était-il là ? Cela voulait-il dire qu'il avait enfin quitté la Mère ? Pourquoi était-il à son chevet ?
« Pourquoi ne se réveille-t-il pas ? Que se passe-t-il ? Vénérable Luha ! Vénérable Zirka ! Dites-moi, je vous en prie !
— Du calme, amie Vampire. »
Une voix chaude qu'il n'avait encore jamais entendue.
Il imaginait l'homme qui allait avec elle ; grand, fort. Charismatique.
« Jeune Vampire, nous entends-tu ? »
La voix de Séraphin... À qui parlait-elle ?
« Il est venu le temps d'affronter ton destin. »
Que disait-elle ? À qui s'adressait-elle ?
« J'ai vu l'avenir, tu n'as pas à t'inquiéter, l'Élite te protégera, tu seras intouchable. Mère ne peut rien tenter contre toi. Tu vivras ton idylle librement, tu es le plus puissant jamais né après elle. Accepte ton destin, jeune Vampire. Rencontre Mère. Tu deviendras son bijou, son arme secrète. Lève-toi, Vampire du Feu. Il est venu ton temps. »
Pourquoi avait-il la sensation qu'elle s'adressait à lui ? C'était pourtant d'une absurdité sans pareille.
« Que veux-tu faire de plus dans ce cercueil, jeune Vampire ? Le monde a déjà trop souffert de ton absence. L'Élite te protège, Kim Taehyung. Lève-toi. »
Lui... On lui parlait... La voix de Séraphin lui parlait ! L'Élite le protégerait de la Mère ? Alors il pourrait vivre sans crainte ? Mais vivre sans son amour, quel intérêt à cela ? Il était tellement bien, là.
« Babe ? Babe, je t'en prie, réveille-toi. Ne m'abandonne pas ! »
Hazel ! Il ne pouvait pas l'abandonner ! Où était son corps ? Comment faire pour reprendre le contrôle ? Hazel ! Il était resté trop longtemps sans bouger, son corps rechignait à lui obéir. Il imaginait déjà la douleur de ses muscles et ses os...
Soudain, ce qui l'empêchait de bouger céda enfin, telle une bulle qui éclatait. Il ressentit l'intégralité de son corps, comme un long fleuve gisant tranquillement en lui.
La vie coulait dans ses veines.
Lentement, il se redressa en position assise. À sa stupéfaction, il ne sentit rien. Aucune douleur. Il était... si léger...
Des sentiments confus l'assaillaient de toute part, les ressentant comme s'ils étaient siens, le rendant de plus en plus perplexe. Du respect, de la fascination, de l'hystérie, de l'amour...
« Taehyung ! »
Et cette douce exclamation, profondément empreinte de joie véritable, lui fit enfin ouvrir les yeux.
Deux yeux, à l'exacte réplique d'une pierre émeraude le fixaient sans sourciller. Des yeux pétillants de bonheur et d'extase.
« Oh, dear God ! Babe !
— Ma Hazel... » souffla-t-il.
Le fait de lui répondre par l'esprit lui était venu naturellement, si naturellement que le doute s'installa en son for intérieur. Puis la peur.
Comment... comment pouvait-il faire cela ? Et pourquoi Hazel prenait-elle ce visage si fasciné à son égard ? Qu'avait-il ?
« Le Vampire le plus puissant après Mère, mh... ? À peine né, le voilà qu'il échange déjà par la pensée. Extraordinaire. »
Encore cette voix chaude. Il releva la tête et tomba sur un tableau idyllique. Deux Vampires enlacés. Une femme couverte d'un voile noir transparent qui lui confectionnait une robe, habillée par ses longs cheveux noirs d'encre, encadrant son corps gracile aux formes voluptueuses.
Elle le fixait de ses grands yeux diamants, copie exacte de ceux de l'homme derrière elle.
« Oui, Zirka. Le plus puissant. »
Mais de qui parlaient-ils ? Il ne pouvait pas être un Vampire ! Pourquoi le serait-il devenu, avant tout ? Comment ?
« Ne t'affole pas, jeune Vampire, murmura la voix de Séraphin. Je t'ai sauvé de la Mort à la demande de notre amie ici présente. »
Il sentit que Hazel remuait, semblant gênée. Elle marmonnait quelque chose qu'il lui fut incapable de percevoir tant les propos étaient confus.
Il n'avait toujours pas conscience de son état, tant la réalité lui semblait absurde. Tant de choses l'assaillaient qu'il lui était difficile de réellement comprendre ce qui lui arrivait. Tant de pensées voletaient dans son esprit. Trop de choses. Trop de questions. Il devait faire le vide.
Il n'aurait pas dû se lever. Il avait peur.
Soudain, une lourde présence le fit sursauter.
Une aura écrasante, supérieure, si... oppressante.
Électrique.
Une vague de tendresse le submergea brutalement, transcendant son âme au point où il la sentit s'élever dans les cieux tant elle était euphorique. Sous l'émotion intense, il manqua de s'étouffer avec sa gorge trop sèche.
« Taehyung... »
Encore cette voix qui le mettait dans tous ses états... Elle l'appelait, le suppliait.
Lentement, très lentement, il tourna la tête.
Et, de nouveau, il tomba amoureux.
Plus que jamais.
☾
𝐕𝐢𝐥𝐥𝐚 𝐊𝐢𝐦
𝐃𝐢𝐦𝐚𝐧𝐜𝐡𝐞 𝟏𝟓 𝐬𝐞𝐩𝐭𝐞𝐦𝐛𝐫𝐞, 𝟐𝟑 𝐡 𝟑𝟔
Les yeux injectés de sang et douloureux, Hana faisait les cent pas dans le salon. La douleur de ses pieds lui remontait jusque dans le dos. La domestique partie, elle avait ouvert tous les volets, toutes les fenêtres. L'air frais s'engouffrait dans la villa, agitant les rideaux en voile blanc.
Elle s'arrêta un instant et posa son regard sur la Lune. Immense, ronde, elle illuminait les jardins et le salon de sa lumière argentée douce et apaisante.
Elle reprit sa marche. Les ombres des meubles se dessinaient lentement et elle foulait chaque pas comme si elle s'assurait que personne ne s'y cachait.
« Il viendra... il viendra... », chuchotait-elle comme un mantra.
Depuis qu'elle s'était levée, elle n'avait plus que ces mots à la bouche, elle l'attendait. À présent, elle n'en pouvait plus. Cette Vampire, cette Luha... Lui aurait-elle menti ? Avait-elle tué son fils pour avoir aimé un Vampire de quatre siècles ?
Le Favori de la Mère... ?
Soudain, un bruit la fit sursauter. Le cœur battant, elle courut jusqu'à la porte et sortit sur la terrasse. Le carrelage en marbre blanc lui glaçait les pieds. Le vent fouettait son corps mince enroulé dans un peignoir crème.
Dans la nuit, paisible, une ombre jaillit des buissons, lui arrachant un petit cri surpris.
Un chat.
Profondément déçue, elle tomba sur les genoux, les mains sur le visage, abattue. Pourquoi ne venaient-ils pas ? On lui avait promis de l'avertir du retour de son fils ! Le 15 septembre ! Il devait revenir le 15 septembre ! Où était-il ? Son bébé !
Elle avait patienté un an... Un an sans son fils... Un an dans cette villa froide et sombre, dénuée de vie.
« Belle Dame », surgit une voix magnifique et enchanteresse.
Derrière ses mains gracieuses, elle écarquilla les yeux, son cœur battant douloureusement vite.
Enfin...
☾
𝐄𝐥𝐯𝐞𝐬𝐳𝐞𝐭𝐭 𝐕𝐚̀𝐫𝐨𝐬
𝐃𝐢𝐦𝐚𝐧𝐜𝐡𝐞 𝟏𝟓 𝐬𝐞𝐩𝐭𝐞𝐦𝐛𝐫𝐞, 𝟐𝟑 𝐡 𝟑𝟔
Il ne fit pas attention à Zirka et Luha qui quittaient la pièce dans un souffle d'air. Il ne remarqua pas Hazel, fascinée par son apparition, le détailler sous tous les angles.
Il n'y avait plus que ce visage parfait face à lui qui faisait trembler les murs de son âme de la plus intense des façons. Il se sentait... complet. Étrange sensation, mais si grisante. Unique.
Comme il lui avait manqué... Et comme il avait mal rêvé ! Tous ses souvenirs n'étaient que de piètres esquisses comparées à cet être d'une majesté sans pareille qui le fixait si amoureusement. Encore une fois, ses prunelles sombres étaient éloquentes de nombre de choses belles, tristes, contradictoires... Jungkook...
Comme au premier jour et plus encore, il se trouva subjugué par ses yeux d'une noirceur étouffante. Ses iris, plus noirs que leur pupille, semblaient contenir le gouffre de l'Enfer et, si on parvenait à les fixer assez longtemps, on les voyait chatoyer.
Il se souvenait de ces yeux amoureux, coléreux, vides. Mais jamais il n'y avait vu cet abandon total au bonheur, le fixant fébrilement. Ces obsidiennes se posaient sur chaque parcelle de son visage, sondant ses yeux de manière si pressée par la joie de le redécouvrir.
La pénombre de la pièce donnait à sa peau d'albâtre une part de mystère. Un mystère qu'il savait antique de quatre siècles et dont il lui tardait de connaître toute l'existence. Ses lèvres vermeilles tremblotaient, ne sachant s'il leur fallait s'étirer en un sourire ou grimacer pour accompagner cette horrible douleur de manque qui tiraillait Jungkook.
Lentement, Taehyung sortit du cercueil ouvert dont il n'avait pas pris conscience et s'avança. Plus il s'approchait de Jungkook, plus il le voyait resplendir. Ses lèvres pleines avaient adopté un pli ferme, comme elles le faisaient souvent.
Néanmoins, ses yeux étaient à eux seuls un hymne à la vie.
Bientôt, ils ne furent plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Aucun n'entendit Hazel sortir. Taehyung releva le visage, non surpris de se voir plus petit que le ténébreux. Son rire resta coincé dans sa gorge lorsque, timidement, un sourire lumineux apparut sur son visage.
Il n'avait rien à voir avec les sourires imparfaits auxquels Jungkook avait eu droit le premier jour. Ni ceux plus doux lorsqu'il avait découvert sa véritable nature. Ni ceux amoureux lorsqu'il avait accepté ses sentiments.
Et à des années-lumière de l'horreur peinte sur son visage lors de son dernier jour...
Son dernier jour... ? Combien de temps était-il resté endormi ? Quelle heure était-il ? Il fallait qu'il aille rendre visite au docteur Ahn pour lui montrer qu'il avait survécu.
« Taehyung... », souffla-t-il d'une voix tremblotante, porteuse d'une pléthore d'émotions.
Son Jungkook l'appelait de cette merveilleuse voix... Le noiraud fit un pas en avant, plongeant immédiatement son nez dans son cou. Ses mains s'égaraient sur la taille de Taehyung et ce dernier fut surpris qu'il mette tant de force et de volonté dans son geste pourtant si doux.
Lui qui, pas plus tard qu'hier, avait peur de le toucher au risque de le blesser.
Son corps se pressa contre le sien. Jungkook était... chaud. Son corps était chaud. Incroyable... Étrange...
Fermant les yeux, Taehyung s'abandonna, se coula avec allégresse dans son étreinte, si heureux de ce moment pour s'en inquiéter davantage. Il ne s'était jamais senti aussi bien, là, dans ses bras, contre son torse massif et rassurant. Contre ce buste familier dont il en adorait l'unicité. Sa place.
Avec une acuité inégalable et nouvelle, Taehyung sentait les muscles puissants du noiraud rouler sous son haut, même ceux tendus de son dos.
« Si je pouvais pleurer... chuchota Jungkook.
— Pleurer ? releva Taehyung, sans même se rendre compte de son mode de communication.
— Oui... Je n'entendrai plus jamais ton rire gêné. Plus jamais je ne te rattraperai sur un faux pas ou parce que ton cœur aura décidé de faire cavalier seul. Tu ne rougiras plus jamais pour moi. Et je ne pourrais plus jamais coller mon oreille contre ton torse pour écouter ton cœur battre. Ces simples choses me manqueront à jamais... Si tu savais combien leur perte m'anéantit...
— Jungkook ? s'alarma Taehyung en se cramponnant davantage à lui, le front contre sa clavicule chaude. Pourquoi tu dis ça ? Tu vas encore me quitter ? Tu vas rejoindre ta Mère ? Pourquoi tu es là, si c'est pour m'abandonner une nouvelle fois ? », murmura-t-il, affolé.
Il avait envie de hurler, mais la peur de perdre Jungkook de nouveau le paralysait sur place.
« Je ne t'abandonnerai plus, souffla Jungkook en le serrant davantage contre lui. Jamais, Taehyung, tu m'entends ? S'il me faut choisir entre Mère et toi, je te choisirai sans hésiter. Je ne referais plus jamais la même erreur, et quelle erreur. Je t'en supplie, pardonne ma lâcheté. Je te croyais mort, j'ai voulu mourir tant de fois à mon tour sans que jamais ce souhait ne puisse m'être accordé ! Je refuse de revivre cela. Je me hais tant à la simple idée d'avoir osé préférer Mère à toi... Si tu savais comme je me hais, Taehyung...
— Je ne suis pas mort, murmura-t-il. Je me demande bien pourquoi, d'ailleurs... »
Il se nicha un peu plus contre son torse, honteusement soulagé de savoir que plus jamais il n'aurait à quitter le réconfort de ses bras. Et si jamais il osait fléchir, il le remettrait sur le droit chemin, quitte à devenir égoïste et à l'emmener à la maison de force.
Un magnifique rire franc secoua soudain Jungkook. Étonné de le voir rire aussi librement, Taehyung se dégagea de son étreinte, l'âme enchantée par ce son doux et familier. Si agréable à l'oreille... Il ne se souvenait pas de l'avoir entendu aussi mélodieux. Aussi parfait. Son âme vibrait.
« Pourquoi tu ris, Jungkook ? lui demanda-t-il, un sourire aux lèvres malgré lui.
— Taehyung ! Te demandes-tu vraiment comment tu es encore en vie ?
— Eh bien... oui ? Je te signale qu'avec mon cœur, ce n'est pas de tout repos ! Et l'autre nuit, ta Mère s'était pointée chez moi juste après que je sois revenu de l'hôpital ! Je n'ai jamais eu aussi mal au cœur de toute ma vie. D'ailleurs, il faut que je rende visite à Docteur Ahn, histoire que je sois inscrit dans le livre des records ! Tu sais qu'elle m'avait donné jusqu'au lever du soleil ? Eh bien, j'ai survécu ! Au fait, quelle heure est-il ? J'ai l'impression d'avoir dormi des jours. Et on est où ? », finit-il en regardant autour de lui, perplexe par ce que sa vision aiguisée lui montrait.
Les yeux ronds et un sourire ahuri au visage, Jungkook le fixait, dubitatif. Face au silence du noiraud, il le regarda et, à la vue de son expression, Taehyung se renfrogna.
« Mais... quoi ?
— Nous... somme à Elveszett Vàros... lâcha Jungkook avec une légère hésitation mêlée à un amusement attendri.
— Oh... », souffla-t-il en regardant de nouveau autour de lui, soudainement craintif, ses mains se cramponnant aux pans de la chemise entrouverte du noiraud qui ne cessait de le fixer de son regard tendrement amusé.
Lorsque ses yeux se posèrent sur le cercueil, Taehyung bondit en arrière et siffla, les crocs sortis. Il buta contre Jungkook et, si le choc ne le déstabilisa pas, il le laissa sceptique. Il était perplexe, son instinct était... primaire ? Venait-il de... feuler ? Plus déroutant encore, ; son cœur ne tambourinait pas à lui en briser les côtes.
Oh, non... Ça, c'était bizarre...
Il entendit la voix de Jungkook, chaude, traînante. Roulant gracieusement dans sa gorge, divinement rauque. Si sereine. Comme s'il était soulagé, comme si un poids énorme lui avait été ôté de ses épaules.
« Tu es mort l'année dernière. Et aujourd'hui, grâce à notre vénérable Luha, te voilà un Vampire. »
Quoi ?!
Son cœur silencieux ne venait pas du fait qu'il n'en avait plus besoin ! Si ?
Qu'il discute calmement par la pensée ne venait pas du fait qu'il était n'avait plus besoin de prononcer les mots de sa bouche ! Si ?
Que la Mère ne l'ait toujours pas embroché et vidé de son sang ne signifiait pas qu'il était devenu comme elle ! N'est-ce pas ?
Que Jungkook s'autorise à le serrer aussi fort contre lui ne venait pas du fait qu'il se le permette parce qu'il était devenu aussi résistant que le marbre, désormais... !
Que Hazel l'ait regardé avec des yeux si fascinés n'avait absolument rien à voir avec sa nouvelle beauté dangereuse !
Qu'il venait de bondir sous la surprise à une vitesse ahurissante et feuler tout en sentant ses crocs doubler de volume, ne ressemblait en rien au comportement de Jungkook ! Si ?
Si Jungkook était aussi agréablement chaud... ce n'était pas parce qu'il était devenu aussi froid que lui !
Et son horrible soif ne signifiait pas qu'il avait besoin de l'étancher avec du... sang !
... Si ?
« Si, Taehyung. Ton cœur est toujours en toi, mais il ne te fera plus souffrir, désormais. Il ne te sert plus qu'à ressentir les émotions alimentées par ton âme. Mère ne peut plus rien contre toi grâce à l'Élite et à ton nom. Et Hazel a entièrement raison, tu es d'une beauté stupéfiante... Par le Saint-Esprit, tu es si resplendissant comme tu ne l'as jamais été... J'en tombe amoureux chaque fois que mes yeux se posent sur ta beauté éthérée. Plus splendide qu'un ange...
— Je... Comment tu as compris... ? souffla-t-il, intimidé par tant d'éloges sur sa personne tout en le voyant s'approcher de lui, les obsidiennes fixées sur ses lèvres légèrement entrouvertes.
— Nous sommes des Vampires, j'entends tout ce que tu penses depuis que tu as ouvert les yeux. »
Non, non, non ! Non ! Il ne voulait pas ! Il ne pouvait pas être comme... ça !
« Taehyung... souffla-t-il en stoppant son avancée, mettant au second plan son désir de cueillir les lèvres rosées qui l'appelaient puissamment.
— Maman ! »
Son cri surprit Jungkook qui sursauta en relevant les yeux vers lui. Puis, un sourire attendri naquit sur ses lèvres vermeilles.
Qu'importe ce qu'était devenu Taehyung, qu'importe ce à quoi il ressemblait désormais. Parce qu'à présent, il n'y avait que sa mère qui comptait. Quand il pensait qu'il l'avait abandonnée pendant un an...
« Jungkook, s'il le plaît... Emmène-moi voir maman... »
☾
𝐕𝐢𝐥𝐥𝐚 𝐊𝐢𝐦
𝐃𝐢𝐦𝐚𝐧𝐜𝐡𝐞 𝟏𝟓 𝐬𝐞𝐩𝐭𝐞𝐦𝐛𝐫𝐞, 𝟐𝟑 𝐡 𝟓𝟐
Hana fixait la Vampire prophétesse avec une dévotion inégalée. Dans une robe noire transparente qui laissait voir ses courbes, elle avait posé ses deux mains sur ses genoux et s'était penchée depuis son mètre quatre-vingt pour être à la hauteur de Hana.
Ses longs cheveux aile de corbeau étaient rabattus sur son épaule et touchaient presque le sol de leurs pointes. Derrière elle se tenait un homme à la carrure impressionnante, tout de blanc vêtu. Il possédait de longs cheveux noirs et des yeux semblables aux diamants.
« Belle Dame, nous vous demandons pardon pour notre retard. »
Incapable de prononcer le moindre mot, Hana laissait les larmes coulant le long de ses joues répondre à sa place.
« Il y a un an, je vous ai promis de prendre soin de votre fils et de venir vous prévenir dès son éveil. Il est en effet venu le temps où votre fils a ouvert les yeux. Me voici donc, belle Dame. Je suis heureuse de vous apprendre l'ascension de votre fils. »
Son fils ! Son fils était vivant !
« Merci... Merci... sanglota-t-elle.
— C'est nous qui vous remercions de nous avoir confié votre précieux enfant.
— La... La Mère...
— Ne vous inquiétez pas. Votre fils est l'enfant de Kim Du-Ho. Elle ne pourra rien tenter contre lui. D'autant que le futur prouve qu'il sera un pilier de plus dans notre insertion dans le monde humain. Quant à vous, belle Dame, vous êtes désormais la mère d'un Vampire puissant et une Kim par alliance, nos portes vous seront toujours ouvertes. Elveszett Vàros vous accueillera autant que vous souhaiteriez rendre visite à votre enfant. »
Un doux vent caressa les cheveux de la Vampire. Celle-ci plissa les yeux quand ils vinrent la gêner. La main de l'homme repoussa délicatement les mèches de cheveux noirs pour les remettre derrière son oreille. Elle sourit.
Le Vampire se pencha alors en avant, tendant une main liliale à Hana.
« Noble Dame... », dit-il, un léger sourire fendant ses lèvres corallines.
Hana se dit qu'ils avaient tout de même de drôles appellations, avant d'être enchantée par sa voix grave et merveilleuse.
« Accepteriez-vous de vous joindre à nous pour une première visite à votre fils ?
— M-maintenant ? s'étrangla-t-elle. Mais je ne suis pas habillée ! »
Prenant conscience qu'elle se trouvait devant deux magnifiques Vampires, habillée en peignoir, elle rougit.
« Vous avez bien sûr le temps de vous changer, belle Dame, sourit la Vampire. Nous vous attendrons ici. »
Rougissante, Hana se releva vivement et courut à l'intérieur, puis dans sa chambre. Sur la terrasse, Zirka se redressait avec un air confus.
« Cette femme est étrange.
— Zirka, elle est la mère du Vampire le plus puissant après Mère.
— Tout de même, s'inquiéter de sa tenue lorsque l'on revoit son fils mort depuis un an... Je sais que si tu disparaissais si longtemps, je ne chercherais pas à comprendre comment y aller ni dans quel accoutrement je me trouve... »
La Vampire secoua malicieusement la tête puis vint se nicher dans ses bras.
« Mon précieux Zirka... Tu ne dois pas dire des choses aussi horribles...
— Il n'y a aucunement de choses horribles, dans mes propos... J'admets cependant que cela n'est pas tout à fait vrai...
— Comment cela ?
— Si tu disparaissais, comment pourrais-je espérer vivre sans ton essence ? Rien ne m'empêchera d'être auprès de toi. Ni Mère ni la Mort.
— Ni nos compagnons ? sourit-elle, soucieuse de détendre l'atmosphère, le sujet ne lui plaisant guère.
— Que dis-tu ? Krv et Bijes ne tiendraient pas deux secondes face à ma puissance !
– Zirka ! », rit-elle.
Son rire, carillon ensorcelant, tira un sourire béat à son compagnon éternel. Il passa une main dans ses cheveux, rapprochant son visage du sien. Comme il aimait sentir leur douceur sous ses doigts. Comme il aimait se perdre dans l'éclat divin de son regard...
« Zirka, nous savons tous les deux qu'il te faudrait plusieurs minutes pour vaincre nos compagnons d'armes. Si tu y arrives.
— Les minutes sont horriblement longues lorsque nous sommes un Vampire, ma Luha. Et je ne te permets pas de mettre en doute mes compétences, bougonna-t-il, faussement vexé.
— Nos compagnons sont de niveau égal au nôtre. À deux contre un, tu perdras. Mais si tu étais réellement capable de ressentir autant de peine que je ressentirais à ta disparition, je sais malheureusement que tu choisiras un combat contre eux...
— Pour mourir de leurs mains et te rejoindre, ma Luha, avoua-t-il. Et ces quelques minutes seraient les plus longues de ma vie.
— Dire que celles que nous vivons au quotidien semblent défiler si vite... »
Un bruit leur fit tendre l'oreille. Croyant que Hana revenait, ils se tournèrent vers la villa. Ce fut une présence électrique et un autre ardente qui leur fit faire volte-face.
« Zirka ? Luha ? »
Celui qui venait de parler était le grand Vampire et splendide aux cheveux noirs et aux yeux abyssaux. Zirka se souvenait du jour où il l'avait mordu, quatre siècles plus tôt. Luha s'était occupée de son frère, lui semblait-il.
Mais il était aussi le Vampire Fou redevenu sain. Il n'avait jamais entendu parler d'un tel cas. L'Élite allait devoir le surveiller afin de s'assurer qu'il ne replonge pas dans la folie, quand bien même cela n'était plus nécessaire, à présent accompagné de son compagnon d'âme.
« Aurais-tu oublié notre titre, Vampire ? », grogna Zirka sous le regard désapprobateur de Luha qui lui asséna une petite tape sur son bras, mécontente.
Le Vampire courba aussitôt la tête, invitant son compagnon aux saphirs à faire de même.
« Vénérable Zirka, Vénérable Luha, les salua-t-il. Puis-je vous demander la raison de votre venue chez Taehyung ?
— Taehyung ne vit plus ici, souligna doucement Luha. Il vivra désormais à Elveszett Vàros. Nous sommes simplement venus annoncer son réveil à celle qui l'a mis au monde. »
Un bruit de chute puis un juron leur parviennent depuis la villa et, cette fois, ils virent Hana trotter jusqu'à eux, vêtue d'un pantalon léger et d'un simple tee-shirt. Elle passait une veste lorsqu'elle prit conscience qu'il n'y avait plus deux Vampires, mais quatre.
Puis ses yeux se posèrent sur les pupilles bleues translucides de son fils et son visage se mua en un cri de surprise. Elle n'eut pas le temps de cligner des paupières ni de le voir arriver, qu'il la serrait déjà dans ses bras à l'en étouffer.
Ébahie par ce regain d'énergie inhabituel, elle qui le connaissait si faible, elle referma ses bras sur lui afin de lui rendre son étreinte.
« Oh, mon bébé... lâcha-t-elle, la voix tremblante et empreinte d'émotion.
— Maman... !
— Tu m'as tellement manqué... Je savais que tu survivrais, je le savais... »
Elle pleura de joie, s'accrochant au haut de son fils, le serrant si fortement contre elle, insouciante de la dureté nouvelle de sa peau, encore moins de sa froideur mordante. Son fils était là, c'était le principal.
Elle était si heureuse... Jamais elle ne connaîtrait pareil bonheur, une telle joie intense de retrouver la chair de sa chair.
« Mon bébé... », sanglota-t-elle de plus belle.
Taehyung nicha son visage au creux du cou de sa mère et les larmes qu'il ne pouvait plus jamais verser se transformèrent en une lente litanie, ignorant son immense soif.
« 𝑀𝑎𝑚𝑎𝑛... »
𝐴̀ 𝑠𝑢𝑖𝑣𝑟𝑒...
Relu par Ostaraa_
Il en avait fallu du temps à Taetae pour reconnecter ses neurones, hein ? 🫠
En même temps, il s'était transformé si lentement que ça a duré presque un an, vampire ou pas, les neurones ont besoin de se reconnecter !
Blague à part, c'est une grosse phase de déni et de réalisation, tout de même, soyons réalistes. Et puis, il fallait bien faire durer le suspense...
Alors, cet éveil ? ^^
𝑾𝒊𝒕𝒉 𝑳𝒐𝒗𝒆, 𝑫𝒂𝒓𝒌 𝑬𝒚𝒆𝒍𝒆𝒕 🖤
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