𝐕𝐈𝐈 | 𝐑𝐞𝐧𝐚𝐢𝐬𝐬𝐚𝐧𝐜𝐞

𝐕𝐢𝐥𝐥𝐚 𝐊𝐢𝐦
𝐉𝐞𝐮𝐝𝐢 𝟏𝟑 𝐬𝐞𝐩𝐭𝐞𝐦𝐛𝐫𝐞, 𝟔 𝐡 𝟒𝟓

Taehyung papillonna des paupières, légèrement perdu dans les limbes du sommeil. Une caresse froide sur sa joue lui fit lentement ouvrir les yeux. Un bâillement lui échappa tandis qu'il prit son téléphone pour lire l'heure : sept heures moins le quart.

Pourquoi donc lorsque Jungkook dormait avec lui, se réveillait-il plus tôt que prévu ? Il poussa un profond soupir en pensant à ces minutes de sommeil perdues et se plaça sur son flanc.

L'homme qu'il vit étendu à ses côtés lui coupa le souffle. L'espace d'un instant, il se demanda si un jour, il s'habituerait à sa beauté irréelle, mirifique. Jungkook, attendri par les traits encore endormis de Taehyung, lui caressait la joue du bout de ses doigts.

« Bonjour, souffla-t-il. Je suis désolé, je ne voulais pas te réveiller.

— Pas grave, marmonna-t-il de sa voix rauque matinale. Dis-moi, les Vampires ne dorment jamais ? »

Jungkook pouffa sobrement. À peine réveillé, Taehyung l'assommait de questions. Adorable.

« Jamais, sourit-il, comblé de le voir enfin se mouvoir, lui parler, entendre sa voix et surtout, plonger dans ses saphirs luisant de mille et une émotions, paradoxalement éteints par le poids de ses souffrances.

— Mmh... Alors je ne te demande pas si tu as passé une bonne nuit ? plaisanta-t-il, la voix basse.

— J'en ai passé une très bonne, Taehyung. Je donnerai tout ce que je possède pour revivre une pareille nuit », susurra-t-il de son souffle enchanteur.

Lâchant un hoquet de stupeur, le plus jeune fronça les sourcils, aussitôt alerte.

« Il ne se serait pas passé un truc dont je ne me souviendrais pas du déroulement, par hasard ? demanda-t-il en plissant les yeux, suspicieux.

— Absolument rien. Je t'ai simplement observé dans ta latence.

— Je ronfle. »

Le doux rire de Jungkook lui chatouilla le ventre et il se sentit rosir. Taehyung pesta intérieurement contre les réactions incontrôlables de son corps, bien que ses yeux brillaient en contemplant le sublime visage du noiraud.

« En effet. Mais tu demeures adorable, sourit-il, les yeux empreints d'une tendresse étourdissant légèrement le plus jeune.

— Je ne suis pas sûr qu'"adorable" soit un qualificatif adapté à ma personne », pouffa-t-il, les joues rosies et la mine embarrassée qui se voulait neutre.

Sans succès. Surtout pour un œil surnaturel aussi perçant que celui de Jungkook.

« Alors devrais-je plutôt dire que je ne suis guère parvenu à détacher mon regard de ta noble personne, cette nuit ? le taquina-t-il, le visage tendrement rieur.

— Dis donc, le Vampire. Ça suffit, maintenant. Je vais finir par croire que tu me fais du charme, grommela-t-il, sa teinte incarnadine laissant place à une teinte rivalisant avec les coquelicots.

— Et si tant est que ce même Vampire te fait réellement du charme, petite créature ? » souffla-t-il, la voix si basse, mêlant ronronnement et grondement, faisant hérisser la peau du plus jeune sous le foudroyant frisson qui le parcourut à lui en couper le souffle.

D'emblée, le silence les enveloppa.

Jungkook avait bel et bien perçu le violent tremblement ayant secoué l'humain, fier de son effet. Il chérissait le fait de percevoir les réactions de Taehyung ; il lui suffisait de baisser sa voix d'une ou deux octaves pour qu'il réagisse de la plus belle des manières, titillant son instinct de prédateur. Mais il se retenait de renchérir, craignant pour son cœur malade. Autrement, il l'aurait taquiné jusqu'à le faire suffoquer sous ses assauts vils et sournois, le rendant pareil à une masse frémissante et faible. Pareille à une proie.

Et il l'aurait goûté.

Entièrement.

Un grondement sourd sortit du fond de la poitrine du Vampire, appréciant ses songes plus qu'il ne le devrait.

Taehyung, les sourcils de nouveau froncés, étudiait l'expression taquine de son ami qui s'était métamorphosée en une mimique chargée de convoitise.

Il serra les draps et les dents, s'empêchant violemment de réagir à ce grondement incendiaire.

Oh.

Il voulait jouer à ça ?

Promptement – mais pas assez pour que le Vampire puisse réagir –, il se redressa sur un coude et s'approcha du visage de Jungkook. À quelques centimètres de ses lèvres, il s'arrêta. Les yeux verrouillés, ils restèrent ainsi un long moment avant que Taehyung s'avance très lentement. Mais il dut de nouveau s'arrêter, au risque de vraiment effleurer les lèvres du Vampire.

Ce dernier, un petit sourire suffisant et tendre illuminant son visage de marbre, n'avait pas bougé d'un iota, amusé par le comportement de l'humain qu'il jugeait des plus charmants. Il se fit l'image d'un chaton tentant d'intimider un tigre.

Un bref rire cristallin lui échappa, fort diverti par la représentation de son esprit.

Voyant que sa tentative d'intimidation ne fonctionnait guère, d'autant plus qu'il se permettait de lui rire au nez, Taehyung grogna, ronchon. Il allait se retirer lorsque, d'un geste vif, Jungkook s'avança et effleura ses lèvres, lui faisant ressentir un violent frisson au contact de sa douce froideur.

Contre sa chaleur incandescente, le contraste était exquis.

Taehyung gémit et fronça les sourcils, se laissant retomber sur le lit, une main sur la bouche.

« Pris à ton propre piège, murmura Jungkook, l'expression suffisante, mais tendre.

— Saligaud », grogna Taehyung en bondissant du lit.

À peine avait-il mis un pied au sol que son téléphone sonnait. Le réveil. Il allait sauter dans sa direction avant qu'il réveille sa mère – et les maisons alentour – lorsqu'un léger son l'interrompit.

Un bruit doux, bien que répétitif remplaça immédiatement la voix de ténor de Leigh Kakaty qu'il entendait chaque matin. Pourquoi ne changeait-il pas de sonnerie, lui diriez-vous ? Simple flemme.

Taehyung bondit en direction de Jungkook, les poings sur les hanches.

« Tu viens de faire juter mon téléphone ? s'exclama-t-il, les sourcils froncés.

— Ne me l'avais-tu pas si gentiment demandé ? », rétorqua-t-il, espiègle.

Taehyung ne réussit pas à rester fâché longtemps et se permit de pouffer, faisant davantage sourire Jungkook. Puis, ce fut avec un grand sourire et une bonne humeur évidente qu'il se rendit dans la salle de bains. Il ne remarqua guère le regard grandement appréciateur de Jungkook sur la croupe simplement recouverte d'un bas de pyjama noir assez proche du corps pour deviner ses courbes affolantes.

Ainsi, il avait une excellente vue sur une chute de reins des plus appétissantes. À ses yeux, Taehyung était divinement bâti et ne lui facilitait guère la tâche de rester de marbre face à cet Adonis se pavanant innocemment sous son nez.

Comme s'il n'était pas en présence d'un chasseur capable de se repaître de son sang en une seule morsure.

Capable, d'un claquement de doigts, de le posséder entièrement.

Capable, en un clin d'œil, de lui ôter la vie.

Jungkook perdit son doux sourire et sa mine appréciatrice pour une expression plus sombre et grave, avant que ses lèvres forment un rictus attristé.

Quelques minutes plus tard, Taehyung revenait tout de noir vêtu – pour changer. Il portait un pantalon cargo noir et un débardeur sombre, complétant la tenue d'un léger bomber tout aussi noir.

Il marchait en chaussettes, les mains fourrageant ses cheveux à l'arrière avant d'aplatir les mèches rebelles après sa douche chaude.

Sans mot dire, il attrapa vivement Jungkook par le poignet et c'est d'un pas guilleret qu'il le remorqua jusqu'à la cuisine. Une fois encore, Taehyung déjeuna seul, bien qu'il ne s'en formalisât guère.

Alors qu'ils prenaient la direction de la faculté, Taehyung ralentit le pas, d'ores et déjà essoufflé. Il était encore tôt, peu de gens se promenaient dans les ruelles du côté Sud d'Incheon.

« Comment cela se fait-il que tu sois aussi dynamique, le matin ? Tu ne finis toujours par épuiser ton souffle comme... un bœuf, tiens.

— Merci pour la comparaison, sangsue. Néanmoins, je ne suis pas sûr que "bœuf" et "adorable" soient compatibles, non plus, grommela Taehyung sous le haussement de sourcil amusé du Vampire. Lorsque je dors, mon corps se repose. Et au réveil, pendant quelques minutes, j'ai la chance d'être comme tout le monde, en pleine forme. Puis mon cœur s'épuise rapidement. Beaucoup plus qu'avant, si tu veux savoir.

— Depuis quand en souffres-tu ? souffla-t-il, son visage irréel perdant toute trace de gaieté.

— Depuis toujours. C'est peut-être pour ça que ma mère m'avait éloigné d'Incheon, avant qu'on revienne. Toutes ces histoires ne sont pas bonnes pour mon pauvre cœur... »

Ces mots heurtèrent Jungkook en plein fouet. Il détourna le regard, une grimace semblable à une personne ayant commis une faute.

Il se sentit coupable.

Damnable.

Incriminable.

Taehyung suivit son mouvement et s'en voulut aussitôt.

« Jungkook, je ne disais pas ça contre toi.

— C'est du pareil au même.

— Mais non, idiot ! Certainement pas !

— Que dis-tu ? Ne fais-je pas partie de ces histoires qui te perturbent ?

— Puisque je te...

— Je m'en veux, souffla-t-il en le coupant, la voix grondante et le visage fermé, bien que ses obsidiennes brillaient de mille feux, témoignant de la tempête faisant rage en son âme tourmentée pour le sort de son humain.

– Jungkook... », murmura Taehyung en s'arrêtant.

Le noiraud fit de même, son regard irradiant d'une douleur insondable pourtant rivé vers celui troublé du plus jeune.

« J'ai conscience de ce que tu es, reprit-il. Te voir et te savoir près de moi m'aide à me rendre compte de la réalité. Parce que je le sens depuis le début ; tu n'es pas totalement humain. Il y a eu beaucoup de mystère autour de ton être qui a fait naître des interrogations à ton égard. Ce n'est pas pour autant que je te considère comme un monstre, comme tu t'es décrit. Tu es toi, qui que tu sois. Avec toi à mes côtés, la réalité est moins dure à supporter. Et puis, tu es mon ami, non ?

— Je ne pense pas que...

— Tu ne penses pas que quoi, Jungkook ? C'est ta Mère, le souci ?

Elle... abhorre les humains. Pire ; ils ne sont rien d'autre que d'abominables insectes qu'elle écrase sans remords. Elle nous a élevés dans cette idée, même si nous vous voyons plutôt comme une source de nourriture. Si elle nous savait ensemble, elle te tuerait. Comme elle me tuera.

— Même si tu es son sujet favori ?

— Je vois. Tu ne parais absolument pas ébranlé par mes propos pourtant lourds de conséquences, grogna sarcastiquement Jungkook.

— Tu connais mon rapport avec la Mort, nous n'allons pas de nouveau avoir une discussion dessus, si ? Je vais mourir d'ici quelques semaines, Jungkook. Tu dois t'y faire », cingla-t-il plus durement qu'il l'aurait voulu.

Le visage terrifié de Jungkook le cloua sur place ; sa bouche incarnadine s'ouvrit en un cri muet, ses yeux fous hurlaient déjà leur démence. Il se prit la tête dans les mains, semblant se contenir. Ses doigts griffèrent ses tempes, essayant d'en arracher la peau froide et dure comme le marbre, sans succès.

« Ne prononce pas de telles cruautés... ! », lâcha-t-il d'une voix sifflante, montant dans les aigus tant sa peine était grande, tant son effroi le dévorait.

Incapable du moindre mot, Taehyung avait l'impression d'assister à son propre reflet, à la Mort de Hazel.

Était-il la cause de la souffrance de Jungkook ? Comment de tels mots pouvaient-ils tant affecter un Vampire ? N'était-il pas censé exécrer tout humain ? N'était-il pas là pour faire de lui sa source de nourriture ?

Taehyung se gifla mentalement. Jungkook lui avait juré qu'il ne lui ferait jamais de mal. Mais il ne connaissait pas la raison profonde d'une telle promesse. Son cœur ? Pas uniquement...

Alors pourquoi... ?

« Jungkook, murmura-t-il, en faisant prudemment un pas vers lui. Pardonne-moi. »

Il posa une main rassurante, bien que légèrement tremblante face au choc de la réaction du Vampire, sur celle froide, agrippée à une mèche. Jungkook sembla cesser de se torturer intérieurement, aussitôt happé par le regard de l'humain, avide de tout ce qu'il allait lui dire.

« Pourquoi tu restes avec moi ? », murmura-t-il.

Le noiraud secoua farouchement la tête, refusant de lui révéler quoi que ce soit sur la raison de sa dépendance. Il craignait d'y mettre les termes et de réaliser à quel point ils étaient condamnés.

Tous les deux.

« Jungkook, l'appela-t-il de nouveau, souhaitant plonger dans ses yeux. Tu es un Vampire. Je suis un humain. Pourquoi tu me tolères ? Pourquoi tu restes avec moi ? Qu'est-ce que je suis pour toi ? »

Vif comme l'éclair, Jungkook bondit sur lui, faisant disparaître le peu de distance subsistant entre leurs deux corps, lui attrapant le visage entre ses mains capables de lui briser le crâne en une simple pression. Taehyung s'efforça de ne pas bouger, mais il se doutait bien que son cœur lancé en pleine vitesse le trahissait. Son souffle erratique butait contre le visage Apollinaire.

Le plus jeune frémit en distinguant les iris crépusculaires fébriles d'un amour profond et d'une colère mêlés. Un mélange hargneux, lui coupant le souffle. Lorsque Jungkook gronda faiblement, Taehyung déglutit péniblement en agrippant les poignets glacés. Deux canines pointaient de tout leur éclat.

Toutefois, le Vampire relâcha lentement sa prise et Taehyung se détendit. Le noiraud souffla difficilement avant de doucement entourer la taille du plus jeune et de plonger dans son cou, humant son odeur tentatrice, l'apaisant, comme il l'avait espéré. Il se détendit davantage lorsque l'humain entoura à son tour son cou robuste, une main tendre enfouie dans ses mèches soyeuses.

Il entendit autant qu'il sentit le léger soupir de bien-être de Taehyung et cela suffit à éradiquer toute trace d'angoisse dans son âme agitée. Jungkook en avait vécu, des épreuves. Il était coutume de penser qu'il était fort, qu'il savait prendre du recul sur chaque évènement troublant survenant dans sa longue vie.

Mais pas avec Taehyung. Pas lorsqu'à peine retrouvées après une attente longue de quatre siècles, leurs âmes ne se côtoyaient qu'un court laps de temps. Un temps se comptant en secondes, aussi fugace et éphémère qu'une flamme de bougie, au regard des siècles que vivra Jungkook sans lui.

Non, il ne vivrait pas un siècle de plus sans sa présence, puisqu'il se laisserait mourir dès la seconde où le monde sera vide de Taehyung.

« Vendredi dernier, commença-t-il péniblement de sa voix profonde et enchanteresse, la seule chose qui me préoccupait encore était de savoir si la femme sur qui je venais de boire accepterait que nous nous rencontrions de nouveau le jour suivant ou la semaine suivante. Ma vie se résumait à cela : enchaîner les conquêtes pour leur sang. Chaque nuit. Le tout minuté par Mère. »

Il inspira profondément, son parfum enivrant ses sens.

« Puis je t'ai aperçu », finit-il par un murmure à la limite de la douleur.

Taehyung frémit en sentant un long souffle glacial chatouiller son cou et accentua sa prise contre la chevelure sombre.

« Plus précisément, je t'ai senti. Ton odeur captivante a surpassé celle de l'humidité de la pluie, celles nauséabondes des vieux commerçants, même celle alléchante d'une jeune femme vierge. Je t'ai cherché du regard, ma raison déconnectée. Je n'ai ressenti que le Vampire, la bête, le monstre en moi qui voulait ardemment te déposséder de ton sang en s'en approprier. »

Taehyung ferma les yeux, attentif à la suite. Fébrile par ce qu'il entendait. Effrayé par la teneur de ces mots. Avide de découvrir, de comprendre. Ambitieux de la suite.

« Tu m'es alors apparu. Beau comme un ange, je t'ai convoité de tout mon être. Je te voulais. Ton sang, ton corps. Je désirais te faire mien jusqu'à en être repu. Que cela te mène à la Mort ou non, je m'en moquais éperdument. Tout ce que je savais était que je te pourchasserais véhémentement. Ton odeur m'assaillait, ton corps m'appelait. Je n'ai jamais connu pareille appétence, pareille pulsion brûlante. »

Respirant avec difficulté, Taehyung n'aurait jamais pensé qu'un jour, de tels mots lui seraient adressés. Que de tels mots lui feraient cet effet-là. Que de tels mots le satisferaient égoïstement autant qu'ils l'effrayeraient.

Il se remémora cet instant sur la place commerçante, se demandant si lui-même n'avait pas éprouvé un certain désir pour ce corps parfait. Oui, il avait justement été attiré par sa beauté inhumaine et renversante.

Et lorsqu'il avait appris que Jungkook était un Vampire, cette soudaine attirance qu'il éprouvait pour lui avait pris tout son sens.

Le noiraud le lui avait expliqué...

Il était un prédateur et lui une proie. Il existait pour le chasser, l'attirer, le séduire afin de se nourrir.

Mais Jungkook ne se nourrissait guère, ne l'ayant pas une seule fois blessé dans ce sens, alors qu'il en mourait. Littéralement.

« Faisant fi de toutes les personnes sur la place, j'étais à deux souffles de t'approcher, t'enlever et me satisfaire de toi sans même te demander ton accord. J'allais perdre toute trace de conscience. »

Chose qui ne m'était plus arrivée depuis quatre siècles.

Taehyung eut un accroc à sa respiration, ébranlé par l'honnêteté crue de son ami. Il frissonna, en s'imaginant piégé contre ce même Vampire qui lui volerait ce qui lui appartenait, sans son accord.

Il eut du mal à se figurer Jungkook ainsi, lui, qui était si doux, si avenant, si... protecteur envers lui. Fébrile, il resserra son étreinte autour de la statue de marbre enfouie dans ses bras, dont le front frais se blottit davantage contre son cou chaud, les bras puissants se comprimant légèrement autour sa taille.

« Puis un faible bruit, perdu dans cette cacophonie ambiante, m'avait soudainement interpellé, me stoppant net dans ma folie interne. Si faible, comme le battement d'ailes d'une mésange. Ton cœur. Ton cœur blessé qui battait de toutes ses maigres forces. Cela a suffi à me dompter, à m'étriller jusqu'à me sortir de ma profonde torpeur. J'étais sur le point de bondir contre ta jugulaire. En fin de compte, ma conscience s'était éveillée. Je ne sais encore comment ni par quelle force invisible j'ai réussi cet exploit ni par quelle volonté divine je me contrôle encore. »

Il soupira discrètement, l'âme en osmose avec celle de l'humain qui l'accueillait comme jamais il ne l'avait fait pour quiconque.

Pas même pour Hazel, malgré tout l'amour qu'il éprouvait pour elle.

Taehyung se pinça les lèvres tout en fronçant les sourcils, déstabilisé. Il ne put s'empêcher se serrer ses bras autour du cou du Vampire, souhaitant le sentir d'autant plus proche.

« Mes lèvres sont pile contre ta carotide, Taehyung. Pourtant, l'idée même de te mordre me répugne autant qu'elle me séduit férocement. Je veux te goûter si fort, mais je suis hanté par le mal que je suis malheureusement capable de t'infliger. Je veux m'éloigner de toi afin que je m'affranchisse de ce supplice, mais la seule pensée de ne plus me perdre dans tes magnifiques cobalts suffit à nourrir mon égoïsme. Je nous ai condamnés. »

Il soupira de nouveau, perdu, bouleversé et effrayé par ce qu'il rendait réel, par ses propres mots. Il poursuivit, la voix torturée.

« Quand je t'ai vu reculer et prendre ton visage entre tes mains, j'ai bondi vers toi, prêt à t'aider, mais tu as perçu ma présence. Ton cœur malhabile avait été si erratique que j'ai préféré m'enfuir : contre toute attente, totalement à l'opposé de ce que j'avais ressenti, j'avais peur de te briser par ma simple présence. Peur de te faire du mal. Je ne comprenais pas la raison de ce soudain revirement. »

Une main chaude et tremblante glissa contre sa nuque et Taehyung ne résista pas longtemps à l'envie de déposer un long baiser contre la tempe de Jungkook qui sentit âme se calmer de ses tourments avant de virevolter de bonheur sous ce simple geste. Il clôt ses paupières de bien-être. Le plus jeune plongea ses deux mains dans la chevelure sombre et se serra contre lui, comme s'ils ne l'étaient pas assez, à son goût. Il souhaitait se fondre en lui. Lui montrer que ses propos le touchaient autant qu'ils l'ébranlaient.

Le Vampire poursuivit, la voix plus douce, s'autorisant à serrer davantage le faible corps de celui qui avait secoué son être, pourtant froid, dès le premier regard.

« Je me suis enfui. Je ne me souviens pas du nombre d'heures que j'ai passé en dehors de la ville, à courir, simplement. À courir de toutes mes forces pour enlever ton odeur, ton regard, ta présence de mon esprit. J'ai échoué. Alors, je suis rentré à Incheon. J'ai passé le reste de mes jours et de mes nuits à te chercher, en vain. Je ne savais guère la manière dont j'allais entamer mes recherches. J'étais déterminé, cependant. C'était... viscéral. »

Il soupira sous les caresses prodiguées par des mains chaudes contre son cuir chevelu.

« J'ai tenté de suivre ton odeur, mais celle des passants par milliers la recouvrait. J'ai perdu espoir. J'ai perdu l'esprit. Je suis allé ravager des terres. J'ai déraciné des arbres. J'ai chassé, mais je n'avais pas la foi de me nourrir. Mon esprit s'était d'ores et déjà imprégné de ton essence, uniquement la tienne. Et lorsque j'ai enfin trouvé ta trace, elle m'a mené jusqu'à l'université de l'Est. J'étais féru d'allégresse, vibrant d'euphorie. Je t'y ai attendu, je ne sais guère pourquoi. Mais une chose est sûre, dès la seconde où j'ai de nouveau croisé ton regard, ce jour-là, j'ai su que plus jamais je ne pourrais vivre sans te voir. »

Taehyung trembla, un faible soupir lui échappa. Il grimaçait, l'âme en pleine effervescence et le cœur frétillant dans sa cage thoracique.

« J'ai eu besoin de toi comme jamais je n'ai eu besoin de quelqu'un. Je savais pertinemment que nous commettions une erreur et cela s'est confirmé lorsque tu m'as embrassé, en me promettant de me revoir. J'ai eu si peur... Si peur de te perdre. Nous sommes condamnés, Taehyung. »

Jungkook inspira, se sentant suffoquer, alors même qu'il ne respirait guère. Sa voix se fit plus profonde, ténébreuse.

« Il suffirait que Mère soit au courant pour que nous disparaissions de la surface de la Terre. Mais en dépit de tout cela, tu es devenu une nécessité, Taehyung, mon dessein, ma convoitise. Je ne me l'explique guère. Mais le simple fait de te savoir vivant, de m'imprégner de ton odeur, d'entendre ta voix, me réconforte dans l'idée que nous pourrions rester ensemble et que Mère n'en sache rien. »

Il resserra encore son étreinte contre le faible corps, la voix de nouveau plus douce, telle du velours.

« Pour la première fois de ma longue existence, je veux décider de mes propres choix. Taehyung... je veux rester avec toi. Je veux te protéger. Je ne te ferai aucun mal. Que la foudre de Zeus s'abatte sur moi si j'osais ne serait-ce que te blesser. »

Le silence.

Taehyung était étourdi, ses pensées tourbillonnaient.

Était-ce dû au fait que Jungkook soit un Vampire ? N'y avait-il rien d'autre qui cachait cette attirance qu'il éprouvait pour lui ? Taehyung ne savait plus. Il ne comprenait plus rien.

La veille lui avait semblé un moment magique, comme si le simple fait d'être entouré par les bras de Jungkook lui avait fait oublier le temps, le présent.

La réalité.

Désormais, il prenait conscience que Jungkook, tout comme lui, ne pourrait se passer de sa présence. Mais il sentait qu'il y avait autre chose sous cette première attirance naturelle chez le Vampire.

Quelque chose qui se mêlait au cœur, auxsentiments...

Taehyung secoua farouchement la tête. Pas de ça. Il avait déjà payé avec la disparition définitive de Hazel.

« Jungkook ?

— Mmh...

— Je n'ai pas peur de toi. Je sais que tu ne me feras aucun mal. Regarde-toi, même assoiffé depuis cinq jours, tu arrives à rester si près de moi. Et je sais bien que c'est complètement inconscient. »

Le noiraud rit doucement.

« Je me faisais la même réflexion.

— Mais je veux être digne de partager ta vie, poursuivit le plus jeune, un doux sourire fendant ses lèvres. Je te promets à mon tour de ne rien révéler sur ta nature et de te soutenir dans tes choix. Et, Jungkook ?

— Oui ?

— Moi aussi, je veux rester avec toi... »

Le ronronnement qui atteignit son oreille lui tira un sourire attendri et heureux.

Jusqu'à ce qu'il se rappelle qu'il devait se rendre à la faculté.




𝐄𝐥𝐯𝐞𝐬𝐳𝐞𝐭𝐭 𝐕𝐚̀𝐫𝐨𝐬
𝐉𝐞𝐮𝐝𝐢 𝟏𝟑 𝐬𝐞𝐩𝐭𝐞𝐦𝐛𝐫𝐞, 𝟕 𝐡 𝟓𝟗

Soif.

Elle avait si soif.

Sa gorge sèche l'irritait tant qu'elle avait l'impression que même en buvant la quantité de la Manche, elle n'arriverait jamais à l'apaiser.

Autour d'elle ; le noir complet. Des sons lui parvenaient, comme un lointain écho se répercutant contre les parois de son esprit. Se trouvait-elle dans une pièce vide ? Cela faisait plusieurs jours – ou des semaines ? – qu'elle reposait là, allongée.

La sensation de froid qui l'avait d'abord envahie avait peu à peu disparu pour laisser place à un brasier épouvantable. Brasier qui était redescendu quelques jours – ou semaines – plus tard.

Désormais, elle se sentait bien. Simplement bien.

Graduellement, il lui semblait que ses sens se développaient. Ou alors, entendait-elle des individus approcher et, dans sa précédente torture, avait-elle confondu les jours avec les minutes ? Mais les sons se faisaient de plus en plus distincts, son toucher se précisait, la pulpe de ses doigts ressentait, le creux de sa paume tâtonnait. Doucement.

Elle était allongée sur de la pierre froide. Elle n'était pas dans une pièce vide, mais dans une... boîte ? Assez longue pour s'y étendre, mais trop juste en largeur pour qu'elle puisse trouver une position confortable.

De toute manière, elle n'avait aucune envie de se lever. Elle était tellement bien, là.

Étrange, n'est-ce pas ?

Ce qui était le plus étrange ; elle parvenait à percevoir des bruits de pas, dans le couloir qui passait juste devant la pièce dans laquelle elle se trouvait. Quelqu'un riait. Une jeune femme, certainement. Elle avait une voix splendide et enchanteresse. Irréelle.

En tendant l'oreille, elle percevait la respiration d'une personne dans la pièce. Lente, mesurée, se stoppant pendant de longues minutes – mortelles – avant de reprendre tout aussi doucement.

Oui, c'était définitivement étrange.

Parmi tous les sons qu'elle entendait, elle ne percevait nulle part le battement de son propre cœur, encore moins celui de la personne dans la pièce.

Soudain, elle se rendit compte qu'elle ne respirait pas. Pourquoi donc ? Quelle était cette blague ? Et son cœur ? Était-elle... morte ? Si c'était le cas, elle ne serait pas en train de penser... si ?

Cette pensée ne lui plaisait absolument pas.

Ses lèvres s'entrouvrirent et elle chercha à inhaler une bouffée d'air qui ne fit que lui assécher davantage la gorge, alors qu'elle était assoiffée. Elle toussa et se redressa en position assise.

Le mouvement la surprit.

Elle qui était restée si longtemps couchée, ne ressentit aucune douleur en se relevant.

La personne présente dans la pièce bondit dans sa direction. Elle sentit deux mains larges et chaudes encadrer ses épaules. Sans qu'elle puisse s'en empêcher, elle laissa un sourire fleurir sur ses lèvres.

Les yeux clos, elle n'avait besoin que de son odorat pour savoir qui se tenait devant elle.

Comment pourrait-elle oublier une telle odeur exquise ?

Une voix murmura et elle frémit. Son sourire s'agrandit.

« Tu es réveillée, salang*. Tu m'as tellement manqué. »

Un rire monta dans sa gorge. Il avait une voix si belle ! Sa propre voix lui fit perdre son sourire ; depuis quand était-elle capable de produire un son si merveilleux ?

Lentement, elle ouvrit les paupières.

Ce qu'elle vit à cet instant était paradoxal ; à la fois magnifique et affreux.

Devant elle se tenait le plus bel homme qu'elle n'avait jamais vu. De courts cheveux châtains encadrant son visage fin et pâle, où deux yeux d'un noir volcanique la fixaient avec amour. Un sourire béat étirait ses lèvres sensuelles et divinement attirantes, dévoilant une rangée de dents éblouissantes.

Mais ce qu'elle vit à travers l'homme lui donna la nausée. Elle se tendit comme un arc, prête à échapper à la poigne de cettesilhouette Apollinaire.

Des milliers d'images emplirent son esprit, affluant de toutes parts. Des images qui racontaient la vie d'une jeune fille. Une mère tendre et aimante. Une petite ville étrange. Un magnifique jeune homme aux yeux bleus aux sourires gigantesques et carrés.

Puis, un accident.

Un accident dans lequel elle avait perdu la vie.

Inconsciemment, son réflexe humain fut de nouveau d'inhaler une grande goulée d'air qui la blessa plus qu'il ne l'apaisa.

« N'essaie pas de respirer, salang. Tu dois te nourrir, tu risques de te faire mal. »

Elle fonça les sourcils.

Se nourrir... ?

Lentement, tout se mit en place dans son esprit. Oui, elle avait reconnu cet homme. Et si elle n'était pas morte, si lui était là, si elle avait si soif à en avoir mal à la gorge, alors cela signifiait...




... 𝑄𝑢'𝑒𝑙𝑙𝑒 𝑣𝑒𝑛𝑎𝑖𝑡 𝑑𝑒 𝑟𝑒𝑛𝑎𝑖̂𝑡𝑟𝑒 𝑒𝑛 𝑡𝑎𝑛𝑡 𝑞𝑢𝑒
𝑉𝑎𝑚𝑝𝑖𝑟𝑒.



𝐴̀ 𝑠𝑢𝑖𝑣𝑟𝑒...



Relu par Ostaraa_

* Salang : « amour » en coréen

Soooo, qui vient de renaître ? 👀

Chapitre très court, mais ne t'en fais pas, je publie tout de suite le 8 qui est un peu plus long (10 k) ! ^^

Qu'as-tu pensé de ce chapitre ? ☺️

𝑾𝒊𝒕𝒉 𝑳𝒐𝒗𝒆, 𝑫𝒂𝒓𝒌 𝑬𝒚𝒆𝒍𝒆𝒕 🖤

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