𝐈𝐈 | 𝐒𝐭𝐫𝐚𝐧𝐠𝐞 𝐀𝐥𝐜𝐡𝐞𝐦𝐲
𝐔𝐧𝐢𝐯𝐞𝐫𝐬𝐢𝐭𝐞́ 𝐩𝐫𝐞𝐬𝐭𝐢𝐠𝐢𝐞𝐮𝐬𝐞 𝐝'𝐈𝐧𝐜𝐡𝐞𝐨𝐧-𝐄𝐬𝐭
𝐕𝐞𝐧𝐝𝐫𝐞𝐝𝐢 𝟕 𝐬𝐞𝐩𝐭𝐞𝐦𝐛𝐫𝐞, 𝟏𝟕 𝐡𝐞𝐮𝐫𝐞𝐬
La sonnerie annonçant la fin des cours résonna dans l'établissement. Sagement, les élèves rangèrent leurs affaires, souhaitèrent un bon week-end à leur professeure et sortirent, oublieux d'un jeune homme tout de noir vêtu qui dévalait déjà les escaliers.
Une fois arrivé dans la cour, il s'arrêta. Le soleil sur sa peau hâlée lui apporta un certain réconfort, comme s'il lui prouvait qu'il était bel et bien vivant.
Pour l'instant.
Il laissa ses pensées dériver, se rappelant à quel point ils avaient aimé – Hazel et lui – se baigner dans la rivière du village lorsque le soleil montrait le bout de son nez.
Il faisait bien plus mauvais temps dans son ancien chez lui qu'à Incheon. Là-bas, les jours ensoleillés se comptaient sur les doigts de la main. Et encore, il n'en était même pas certain.
Paresseusement, la cour se vidait de ses étudiants et, bientôt, il ne resta plus que Taehyung et un groupe de trois garçons. Une fille était parmi eux, le visage sévère et les poings sur les hanches. Il ne leur accorda aucune attention supplémentaire et s'apprêta à quitter l'université. À peine avait-il posé un pied sur le trottoir qu'une voix l'interpella.
« Hé, toi ! »
S'arrêtant, il regarda autour de lui. Hormis les automobilistes qui grinçaient des dents en ralentissant pour passer devant la faculté, il n'y avait personne. Sauf lui et ces jeunes.
Il se retourna et reconnut tout de suite son voisin de table. Ce petit homme aux cheveux roses et au barbell noir.
« Euh... Taehyung, c'est ça ?
— Ouais, répondit-il, neutre.
— Beomgyu, ton voisin de table. Et voici Ye-Ji, Yeonjun et Soo-Bin. »
Il montra d'abord la jeune femme à l'air sévère puis les deux garçons. Deux bruns sur lesquels Taehyung ne s'attarda pas. Il fixa de nouveau le dénommé Beomgyu, attendant de savoir ce qu'il lui voulait. Celui-ci se trémoussait, visiblement mal à l'aise.
« Euh... Écoute, commença-t-il. J'ai des petits ennuis et... je ne veux pas te mêler à cette histoire... ne crois pas que l'on t'a catalogué, hein ! En plus, tu es super beau ! Bref. C'est juste que tu as l'air d'être de ce genre de type. Attention, loin de moi de paraître vulgaire, tu as l'air d'être un type bien... »
Manifestement, il s'embrouillait. Si Taehyung avait été celui que Hazel connaissait, il lui aurait ébouriffé les cheveux et aurait éclaté d'un grand rire tonitruant avant de lui dire si c'était l'incroyable beauté de sa chère et tendre amie Ye-Ji qui le mettait dans cet état.
Mais Hazel n'était plus.
Et il n'avait aucune envie de rire.
« Tu... ne voudrais pas nous aider ? Ils sont quatre, des types baraqués qui viennent ici à l'autre bout de la ville. Ils ne sont pas fréquentables du tout, mais ils adorent s'en prendre à des gens comme nous. La dernière fois, je me suis un peu laissé emporter parce qu'ils essayaient de détrousser Ye-Ji.
— Je pouvais très bien me défendre toute seule ! répliqua sèchement la jeune femme, avant de se tourner vers Taehyung. J'espère tout de même que tu seras plus responsable qu'eux ! »
Elle avait des yeux noisette presque incandescents. L'espace d'un instant, elle lui rappela sa meilleure amie. Taehyung secoua la tête et détailla son voisin de table un long moment. Il n'aimait pas du tout cette différence qu'ils faisaient entre les riches et les pauvres, mais il devait avouer qu'une bonne bagarre le détendrait et apporterait un peu d'action dans sa journée.
Avec apathie, il jeta un regard au bout de la rue. L'enceinte d'un blanc cassé et le portail sophistiqué de l'hôpital ne lui firent nullement envie.
« C'est pour quand ? », demanda-t-il de sa voix atone, décidé à profiter de l'occasion de retarder son rendez-vous médical.
Pas qu'il en avait quelque chose à faire.
Un sourire gigantesque illumina le visage de son camarade aux cheveux roses qui se retint de justesse de lui sauter au cou.
« Dans un quart d'heure, dans le parc derrière la fac !
— Je n'y crois pas ! s'exclama Ye-Ji. Ne comptez pas sur moi pour vous aider ! Et j'espère bien que vous prendrez une bonne raclée, ça vous remettra les idées en place ! »
Elle s'en alla aussi vite que lui permettaient ses longues jambes et, quelques instants plus tard, elle disparut de leur vue. Le sourire du dénommé Beomgyu ne faiblit pas d'un iota et les trois étudiants restants s'approchèrent pour remercier Taehyung.
Ils lui apprirent qu'ils avaient déjà pratiqué les sports de combat chez eux – comme tous les bourges qui se respectent, songea Taehyung. Ce à quoi ce dernier répondit qu'en pleine bagarre, il ne fallait pas trop compter sur leurs bases en art martial.
La rue était d'autant plus dangereuse.
Le quart d'heure d'attente qui suivit fut le plus long que Taehyung eut vécu. Sous les hauts arbres du parc désert, il contemplait le cours d'eau qui reposait paisiblement. À côté de lui, il entendait les trois amis discuter vivement, complètement hystériques.
Stressés ou inconscients ? Il n'aurait su le dire.
Enfin, des voix bourrues lui parvinrent et des pas lourds s'approchaient d'eux. Il attendit sagement, ses céruléennes toujours fixées sur le cours d'eau. Visiblement, ses nouveaux amis et leurs adversaires discutaient. Et même si Taehyung n'y prêtait pas une grande attention, il comprit tout de même que ce n'étaient pas des mots doux, vu le ton employé.
L'espace d'un instant, il se remémora les multiples altercations qu'ils avaient eues, Hazel et lui, avec ces types de Busan. Même cela lui manquait, mais seul contre dix garçons baraqués comme eux, il n'avait aucune chance.
Le silence retomba, seul le ricanement rauque du chef de bande – selon toute probabilité – se faisait entendre. Taehyung se retourna et s'avança parmi ses trois alliés. Face à eux se tenaient quatre types aux corps recouverts de tatouages et aux visages aussi percés qu'une passoire.
Un rire manqua de le secouer. C'était de ça qu'avaient peur les trois petits gosses de riche ?
« Bomyu... souffla Taehyung.
— Beomgyu, rectifia son voisin de table.
— Ouais, éluda-t-il d'un geste las de la main. Ne me dis pas que ce sont eux qui martyrisent nos chers camarades ? railla-t-il sous le regard soupçonneux du chef.
— Euh... Si.
— Et tu as peur de ça ?
— Mec ! Tu te crois où ? Tu es sur notre territoire ! Et tu te permets de nous insulter ? vociféra le leader de la bande.
— Effrayant, ouais, se moqua ouvertement Taehyung, un rictus narquois fendant ses lèvres. Dites, vous tenez tous à vous les faire personnellement ou je peux sauver l'honneur de votre copine tout seul ? »
Les deux bruns hochèrent vivement la tête et se reculèrent. Beomgyu observa la bande des brutes un moment, remarquant qu'ils étaient interloqués. Puis il fronça les sourcils et détailla Taehyung scrupuleusement. Plus loin, les méchants bandits s'énervaient copieusement.
« Tu vas te les faire tout seul ?
— Et même plutôt deux fois qu'une, persifla-t-il.
— OK... Mais on est là aussi, d'accord ?
— Si tu veux », marmonna-t-il.
Il se recula, rejoignant ses deux acolytes. Taehyung fit face à ses quatre adversaires et posa délicatement son sac au sol. Le chef le regardait suspicieusement puis, comprenant que les trois autres ne comptaient pas se battre, il sourit.
Tout seul contre eux quatre ? D'où sortait-il, celui-là ? De la cambrousse ?
Son regard s'attarda un instant sur le visage magnifique du brun aux yeux étrangement bleus pour un Coréen qui continuait de lui sourire, charmant et conciliant, comme si rien n'allait se passer. Il secoua vivement la tête et se voûta, prêt à attaquer.
On aurait presque dit que Taehyung allait éclater de rire.
Avec étonnement, le chef et ses trois camarades aussi costauds que lui, virent le riche brun aux yeux océan se tourner vers sa gauche la bouche entrouverte, comme s'il allait parler. Erreur. Lorsque ses yeux ne rencontrèrent que du vide, le leader se figea et son visage rieur s'effaça instantanément.
Sa feinte réussie, Taehyung se tourna brusquement vers eux, le regard fou de douleur et les lèvres serrées en un pli menaçant.
En un bond, il fut sur eux.
☾
𝐇𝐨̂𝐩𝐢𝐭𝐚𝐥 𝐝'𝐈𝐧𝐜𝐡𝐞𝐨𝐧-𝐄𝐬𝐭
𝐕𝐞𝐧𝐝𝐫𝐞𝐝𝐢 𝟕 𝐬𝐞𝐩𝐭𝐞𝐦𝐛𝐫𝐞, 𝟏𝟕 𝐡 𝟐𝟕
Mal à la tête.
Mal au cœur.
Titubant, Taehyung passait paresseusement le portail de l'hôpital, une main sur le front. Rien de très grave, il s'était simplement pris un simple coup de poing dans la tempe. Si son adversaire n'était pas très fort, il savait cependant viser. Un sourire narquois étira ses lèvres lorsqu'il se rappela qu'il ne lui avait fallu que trois minutes pour les étaler au sol.
Les innombrables street battles qu'il avait engagés en compagnie de Hazel l'avaient rendu quasiment imbattable. Il pouffa ironiquement.
Sur le pas de la porte vitrée, une infirmière se précipita pour lui ouvrir. Il entra dans le hall, jetant un coup d'œil curieux sur les murs blancs et les tableaux neutres. Des sièges étaient disposés en cercle dans un coin. Sur sa gauche, une jeune femme derrière le comptoir de la réception lui souriait.
Celle qui lui avait ouvert lui jeta un regard inquiet et considérant que sa blessure n'était pas très grave – un simple mal de tête carabiné – elle reprit sa course dans les couloirs lumineux et silencieux.
Il s'approcha de la réception vers la jeune femme qui arborait un grand sourire chaleureux. Elle donnait l'envie de rester dans la salle d'attente rien que pour profiter de sa présence et de son aura réconfortante. Une mèche de ses cheveux charbon retombait sur son front, glissait sur un sourcil parfaitement épilé et cachait parfois un œil à la prunelle noire et malicieuse.
Sa peau blanche et ses traits fins la rendaient magnifique. Tout à fait le type de Taehyung.
Brune, pâle et belle.
Il lui décrocha un sourire charmeur et s'accouda au comptoir – autant pour la forme que pour se stabiliser. Pour une raison qu'il ignorait, le coup de poing qu'il s'était pris lui avait remis les idées en place, comme le disait si bien Ye-Ji. Il fut on ne peut plus heureux lorsqu'il se rendit compte qu'il avait retenu le nom de la demoiselle pour laquelle il avait combattu ces quatre brutes qu'il voyait uniquement comme des mauviettes.
Voilà plusieurs semaines que tout lui était indifférent, morne et sans intérêt. Néanmoins, il savait que son état ne durerait pas. Il suffisait qu'il pense à...
Il secoua farouchement la tête, décidé à ne plus y penser. Il devait aller de l'avant. Lorsqu'il aurait pris sur lui, il pourrait se remémorer leurs plus beaux souvenirs et ne garder dans l'esprit que son sourire lumineux, sa présence chaude comme un soleil d'été, son rire doux à l'oreille, comme le chant d'un oiseau...
Pour l'instant, sa douleur était trop forte, trop présente. Il n'était pas encore prêt.
« Je peux vous aider ? demanda la jeune femme. Un mal de tête ?
— Rien de grave, lui assura-t-il. Je viens pour un rendez-vous. Je crains d'être légèrement en retard, cependant.
— Ne vous en faites pas, les temps sont plutôt calmes. Nous allons vous prendre en charge. Avec qui avez-vous rendez-vous ?
— Docteur Ahn, à dix-sept heures trente.
— Mais vous n'avez que trois minutes de retard, rit-elle. Elle vous attend dans son bureau, premier étage, à gauche, au fond du couloir.
— Merci. Mon nom est Taehyung. »
La jeune femme lui décrocha un sourire resplendissant, bien qu'elle ait consulté son nom sur le registre des rendez-vous. Elle pencha la tête de côté, taquine.
« Chaeyoung. »
Il s'éloigna avec un dernier sourire ravageur et entreprit la montée de l'escalier tortueux. Il espérait pour eux que les patients étaient bien trop atteints et avaient la possibilité de se ranger du côté des ascenseurs. Ces escaliers étaient... mortels. Surtout pour lui, dont le festival de Rio semblait avoir élu domicile dans son crâne, lui faisant vivre un enfer carnavalesque.
Arrivé au premier étage, il contempla le décor pendant un instant. Le même que le hall, hormis une vieille dame en chemise bleue, assise dans un fauteuil près d'une fenêtre. Plus loin, deux jeunes hommes buvaient une boisson à la machine à café, discutant à voix basse, le visage tourné vers le sol.
Il tourna à gauche, passant devant eux et, malgré lui, entendit leurs messes basses. « Elle n'en avait pas pour longtemps ». Un élan de douleur faillit le paralyser sur place, mais il se reprit aussitôt, occultant l'esquisse de pensée qui allait surgir dans son esprit et se dirigea à grands pas vers le fond du couloir, les lèvres pincées et les sourcils froncés.
Il luttait.
Il croisa une infirmière au sourire séducteur, auquel il répondit à demi, avant de s'arrêter devant la porte annonçant fièrement « Dr. Ahn Hye-Jin ».
Il frappa. Aussitôt, un « Entrez ! » sonore retentit derrière le bois de la porte et il pénétra la pièce. L'intérieur était spacieux. Les meubles en bois sombre contrastaient avec le parquet clair. Les murs crème invitaient au calme et, derrière un grand bureau encombré, s'étirait une immense baie vitrée. La vision donnait sur un parc en contrebas, où quelques patients s'y promenaient encore.
L'unique occupante de la pièce était une femme d'une quarantaine d'années à la taille svelte et grande. Assise dans un fauteuil de cuir noir, elle fouillait sous les tonnes de papiers qui avaient élu domicile sur son bureau. Ses longs cheveux châtain clair étaient attachés en une queue-de-cheval basse, dévoilant un visage fin dont l'âge ne gâchait aucunement sa beauté mature. Deux grands yeux chocolat ressortaient sur sa peau doucement hâlée et des lèvres fermées dans une sorte de pli féroce qui semblait montrer toute sa détermination à trouver ce qu'elle cherchait.
Sans un regard pour son patient, un soupir lui échappa et Taehyung ne put retenir un petit rire amusé.
Elle leva des yeux rieurs sur lui et l'invita à s'asseoir.
« Monsieur Kim Taehyung ? demanda-t-elle poliment en lui tendant la main.
— Oui. Enchanté, répondit-il en l'acceptant tout en s'inclinant poliment.
— Je suis le docteur Ahn. Mais je vous en prie, appelez-moi docteur Hye-Jin. »
Le garçon eut un sourire fugace puis reprit.
« Dans ce cas, appelez-moi Taehyung. Et vous pouvez me tutoyer », énonça-t-il d'une voix amicale.
Immédiatement, elle éclata de rire et fit rapidement de la place dans son bureau, empilant ce qui l'encombrait dans un coin. Elle ouvrit ensuite le dossier corné qu'elle tenait dans une longue série de questions qui eut l'air de la remplir d'ennui autant que lui.
Ils étaient sur la même longueur d'onde.
Après avoir rempli plusieurs fiches à grand renfort de soupirs, elle lui proposa de l'ausculter. Ce à quoi il répondit qu'il dirait bien non, mais qu'ils n'y pouvaient décemment rien faire qu'abdiquer et se plier à cette visite médicale inutile, la faisant de nouveau rire.
Sa première visite dans le bureau du docteur Ahn dura bien une heure. Mais pour la première fois de sa vie, cette heure dans un hôpital ne fut pas aussi horrible que les autres. Docteur Hye-Jin avait un caractère tellement en désaccord avec son environnement que cela en devenait comique.
En effet, celle-ci semblait tout aussi énervée par la paperasse que pouvaient l'être ses patients. Taehyung l'appréciait vraiment.
« Bien Taehyung, fit-elle en refermant son dossier tout en le fixant attentivement. Tu sembles bien te porter et tout fonctionne pour le mieux, heureusement pour toi. Néanmoins, je te conseillerais d'éviter les petites bagarres entre copains, tu as drôlement essoufflé ton cœur, aujourd'hui. Encore, passe que l'effort n'était pas intense, heureusement, mais je ne parierai pas dessus la prochaine fois. D'accord ? », exposa-t-elle avec sérieux, la mine concernée.
Étonné par ses révélations, Taehyung haussa un sourcil surpris. Comment savait-elle pour la bagarre ?
« Ce n'étaient pas mes copains, comme vous dites. J'avais simplement besoin de me défouler et il ne m'a pas fallu trois minutes.
— Je vois... marmonna-t-elle. Je préfèrerais que tu te défoules avec des jeux vidéo, et c'est la première fois que je dis ça, plutôt que physiquement. Et je présume que ce que je dis ne servira à rien ? lâcha-t-elle, faussement lasse et les yeux plissés.
— Tout à fait, docteur Hye-Jin, répondit-il dans un petit sourire désolé, néanmoins amusé.
— Alors, tâche simplement de ne pas provoquer trop de bagarres. Ce serait dommage d'abîmer un si joli visage, mh ? »
Taehyung éclata de rire avant de saluer poliment le docteur et de sortir. Un coup d'œil à sa montre lui apprit qu'il était dix-huit heures trente. Son mal de tête s'était estompé et le tambour de son cœur calmé par les doigts agiles de Hye-Jin. Elle était très belle, mais heureusement qu'elle n'était pas jeune et brune... Autrement, il aurait eu un petit souci au niveau de son anatomie.
Il sourit pour lui-même et dévala les escaliers tortueux pour rejoindre le hall. En passant devant le comptoir, il se tourna vers la jeune femme.
« Au revoir, Chaeyoung, à bientôt !
— Au revoir, Taehyung ! »
Dehors, le ciel s'était couvert annonçant un orage pour la nuit. Il remonta la fermeture éclair de son blouson, rajusta son sac sur son épaule et sortit du bâtiment. Un vent frais vint agiter ses mèches sombres, lui masquant partiellement la vue.
Les mains dans les poches, il se pressa de rentrer chez lui.
Les rues bondées annonçaient la sortie du travail et il dut rester vigilant en traversant les routes. D'autant plus que maintenant, il regardait à deux fois, voire trois, avant de s'engager dans la zone piétonne. Mais ce n'était pas plus mal ; à Incheon, la circulation était dense.
Depuis l'hôpital, il lui avait fallu un quart d'heure pour rejoindre sa rue. Ici, les maisons garnies d'immenses jardins étaient séparées par quelques centaines de mètres. Si on poursuivait la rue, on débouchait dans les quartiers chics, où les immeubles de luxe se confondaient avec restaurants étoilés et boutiques de marque.
Cette partie de la ville donnait directement sur les champs et les collines environnant Incheon, sur lesquels des projets de constructions de villas voyaient déjà le jour.
Heureusement pour Taehyung, sa villa était la première dans sa rue. Il ne lui fallut que deux minutes, le temps de longer le mur d'enceinte. Il poussa le portail en fer forgé blanc et déboucha sur une allée de cailloux opalescents, bordant de rosiers aux roses blanches devant lesquels une rangée d'arbres assombrissait l'allée.
À travers les troncs volumineux, il était facile de deviner que, sur la droite, se trouvait un jardin de fleurs parfaitement entretenu et, sur la gauche, un beau gazon vert qui s'étendait jusqu'à la maison.
Taehyung savait parfaitement ce qu'il trouverait, s'il venait à la contourner. D'abord, la terrasse carrelée de marbre blanc, puis, un peu plus loin, un cabanon qui précédait une petite serre. Et face à eux, la piscine olympique, selon Taehyung.
Refusant de penser aux excentricités de sa mère, il remonta l'allée et gravit les marches du perron. La lourde porte de l'entrée pivota doucement et sans bruit sur ses gonds pour le laisser entrer et se referma derrière lui d'un bruit lourd et assez sonore.
À l'instant même, une furie brune vint l'accueillir. Visiblement, Hana était en train de... peindre ? Vêtue d'une blouse autrefois blanche, mais qui désormais, ressemblait plus à un morceau de tissu sur lequel on aurait jeté des pinceaux de toutes les couleurs, elle lui souriait joyeusement.
« Taehyung ! Comment s'est passé ton rendez-vous ?
— Très bien, reconnut-il en se défaisant de son blouson et de ses chaussures. Le docteur Hye-Jin est vraiment intéressante. Je crois qu'elle exècre la paperasse autant que moi, d'ailleurs. Et puis, il faut avouer que la réceptionniste est totalement à mon goût. »
Interloquée, Hana le regarda se dévêtir. Rêvait-elle ou son fils souriait ? N'avait-elle pas reniflé trop de peintures ? Mais elle adorait en sentir l'odeur... Peut-être devrait-elle arrêter.
Taehyung se redressa, son sac à la main et lui décrocha un sourire taquin.
Face à cette vue dont elle avait vainement espéré le retour, elle crut qu'elle allait défaillir.
« Tu peignais ?
— Eh bien... Oui. Je... balbutia-t-elle, en émoi. J'avais une salle dans laquelle je peignais, il y a quelques années. En y entrant pour faire le ménage, j'avais eu une soudaine envie de m'y remettre. Tu ne dois certainement pas t'en souvenir, tu étais trop petit, mais je vendais mes toiles, il y a encore treize ans de cela. Enfin... Ce n'est pas important, éluda-t-elle d'un signe de main. Tout va bien, mon bébé ?
— Bien sûr ! assura-t-il, tout sourire. En plus, je n'ai pas trop de révisions ni de devoirs pour ce week-end. Tu me montres tes toiles ?
— Oui, bien sûr ! Mais j'allais sortir...
— Dans cette tenue ?
— Non ! s'exclama-t-elle aussitôt en jetant un œil horrifié sur sa blouse, semblant enfin se rendre compte de son état... coloré. Mais nous n'avons plus de lait pour demain et je ne bois pas mon café sans lait. Quand j'ai vu que le temps se couvrait, je me suis dit qu'il fallait que j'y aille rapidement et...
— Et tu étais sûrement prise dans ta peinture que tu n'as pas vu les heures défiler, la coupa-t-il avant de pousser un léger rire mélodieux qui surprit de nouveau sa mère, faisant briller ses prunelles chocolatées.
— Oui... », avoua-t-elle, toujours abasourdie devant l'hilarité de son fils.
Ce dernier se retourna et revêtit rapidement ses chaussures avant d'attraper son manteau. Posant son sac dans le placard, il en sortit son porte-monnaie.
« J'y vais ! J'en ai pour vingt minutes ! s'écria-t-il en sortant aussitôt.
— Prends au moins un parapluie ! », s'exclama Hana.
Mais la porte se refermait et son fils s'enfuyait déjà dans l'allée. Arrivé au portail, il s'appuya un instant sur celui-ci, essoufflé. Le docteur Hye-Jin avec raison, ce n'était pas bon pour son cœur.
Avec la nette impression d'être un vieux papi qui n'avait pas couru le marathon depuis trente ans, il reprit sa marche plus posément, se calant sur un pas énergique, sans être trop rapide. Sa respiration se calma en même temps que les nuages arrivaient sur Incheon, obscurcissant davantage le ciel.
Les rues s'assombrissaient, la circulation se faisait déjà plus fluide. En débouchant sur le carrefour donnant sur la rue, il continua tout droit, pressé de rentrer. La chaleur de l'après-midi quittait déjà la ville, laissant place à un vent froid. Une belle tempête se profilait.
Sur le trottoir, une vieille dame marchait devant lui, claudiquant jusqu'au perron élevé. Poliment, Taehyung se proposa pour l'aider. La vieille dame le remercia et, l'abandonnant dans le hall d'un immeuble de bonne famille, il reprit sa route.
Arrivé devant l'entrée d'un restaurant français, Taehyung se pencha, regarda à droite et à gauche puis traversa rapidement. Durant la petite semaine qu'il avait passée ici, il en avait profité pour repérer les coins pour les commissions et ceux pour le shopping.
Il préférait nettement venir ici plutôt que de faire ses commissions – et son shopping – dans quelques rues après les villas avec leurs goûts trop sophistiqués. La vie n'était pas un défilé de mode, non plus !
Avisant le commerce qu'il lui fallait, Taehyung se redressa et s'y dirigea à grands pas. La femme qui tenait le comptoir l'apostropha en lui demandant de se dépêcher. Il se hâta de régler et, devant son air penaud, elle s'excusa. Il rit quand elle lui expliqua qu'elle devait vite rentrer chez elle et ramasser son linge.
Sortant de la boutique, il vit que la place était toujours bondée malgré le mauvais temps. Levant les yeux au ciel, il constata qu'il ne lui restait que quelques minces minutes avant que la pluie tombe. Il se pressa jusqu'aux marches.
Une silhouette parmi la foule l'en empêcha.
Il y avait çà et là des gens pressés, encapuchonnés, coincés sous un parapluie.
Et il y avait lui.
Apparition fugace, tout d'abord, puis libéré de la vue d'une femme robuste, il lui apparut pleinement.
Une silhouette vêtue de noir, impeccablement marquée. Chaussures de cuir noir aux motifs élégants, pantalon léger à la coupe distinguée, pull fin en vol V dont les manches étaient remontées, dévoilant des avant-bras musculeux. Il pouvait sans mal distinguer un bracelet de cuir noir ainsi qu'un assortiment de bracelets argentés à un poignet et une Rolex accrochée à l'autre.
Taehyung allait grogner de dégoût devant tant de capital gaspillé, lorsqu'il releva le regard.
Son visage...
D'une beauté transcendante, l'inconnu détonnait violemment parmi les personnes présentes autour de lui. Son monde résidait certainement dans les cieux parmi les apollons.
Oui, un Apollon, mais dans une splendeur bien supérieure.
Ses cheveux d'un noir d'encre, très légèrement ondulés et fins, retombaient en une coupe élégante ; il avait les cheveux mi-longs, coupés en un mulet caressant le bas de sa nuque. Deux mèches chatouillaient les tempes opalines et effleuraient la mâchoire saillante de leurs douces pointes.
Le vent balaya les quelques mèches qui masquaient son front, en partie, dévoilant aux yeux avides de Taehyung deux pierres d'onyx à l'éclat noir insoutenable. Des pommettes hautes et une peau liliale les mettaient d'autant en valeur, les accompagnant d'un nez fin et de lèvres fines, mais gourmandes, surprenamment colorées d'un carmin irrésistiblement appétissant.
Lentement, secoué de frissons indescriptibles, Taehyung leva le regard jusqu'à ses yeux, plongeant dans le gouffre de ses iris. Son cœur dérapa à lui en faire mal lorsqu'il prit soudainement conscience que l'inconnu s'était arrêté pour le fixer à son tour.
Parfaitement immobile, telle la statue d'Apollon, il le détaillait. Et seules ses prunelles bougeaient au gré de ses découvertes. Le souffle erratique, Taehyung ne comprenait rien de ce qui lui arrivait. Il avait l'étrange sensation que plus rien ne comptait, hormis lui.
Oubliée, la tempête qui s'annonçait.
Oubliés, les passants et les commerçants.
Oubliée, la douleur infinie qui le rongeait.
Oublié, son coeur qui cognait violemment dans sa poitrine.
Face à lui, l'inconnu fit un pas en avant. Souple, délié, léger, comme glissant sur les pavés de la place. Ce simple geste réveilla Taehyung de sa torpeur. Dans un sursaut de conscience, il secoua fermement la tête, une main venant se plaquer devant ses yeux.
Il essaya de calmer sa respiration difficile, douloureusement conscient que son cœur avait décidé de battre son record de vitesse.
Une délicieuse odeur d'ambre envahit ses narines, une présence près de lui le fit se raidir. Faisant un bond en arrière, Taehyung releva la tête. La place était déserte de lui. Les autres étaient toujours présents, déambulant dans l'inconscience totale de son état, mais lui n'y était plus.
Soudain, la pluie se déversa sur eux, les trempant jusqu'à la moelle.
Il partit en courant. Dévalant les escaliers trempés, il rejoignit la rue principale. Son cœur tambourinant violemment le ramena à la réalité. En grognant de frustration, il freina sa course et traversa plus posément la rue, la respiration difficile devenant de plus en plus constante à mesure que ses pas se faisaient lents, malgré le temps pluvieux.
Cependant, ses pensées tourbillonnantes et insaisissables ne réussissaient à se stabiliser sur aucun souvenir, aucune idée, ne serait-ce que quelques secondes d'affilée. Il était profondément bouleversé ; il se sentait entièrement retourné et avait eu l'impression d'une présence... étrangement mystique. Il ne saurait nommer ce sentiment constant qui semblait ne plus vouloir le quitter.
Était-ce un rêve ? Ou la réalité ? Comment avait-il pu disparaître aussi vite ? Après tout, la place était bondée de commerces... fermés. Peut-être avait-il senti la pluie arriver et avait détalé ?
Senti... ?
Il traversa le carrefour, soulagé que la villa ne soit plus qu'à deux petites minutes.
Il se moquait de la pluie, de son cœur qui lui faisait mal à en hurler. Il était trop excité, trop étonné pour pouvoir se calmer. Était-ce humainement possible d'être aussi beau ? Humainement. Toute la question résidait là. Ce n'était tout simplement pas possible. Pourquoi donc personne que lui semblait l'avoir vu ? Il était impossible de manquer pareille...
Splendeur à se damner.
Humainement impossible.
Il était peut-être le vrai Apollon, plus beau encore que tout ce que l'humain pouvait imaginer ou tout ce qu'il n'avait jamais décrit ? Oui, bien sûr, aucun doute. Et lui, il s'était fait massacrer par les quatre types et il était en ce moment même, dans un lit d'hôpital avec le vrai docteur Ahn qui veillait sur son coma.
Ou alors, il s'était fait tuer et croupissait actuellement dans un frigo à la morgue.
Il poussa le lourd portail en fer forgé blanc, remonta l'allée, attrapa la poignée de la porte et se demanda si une autre torture l'attendait de l'autre côté.
Le battant pivota, lui dévoilant la douce lumière tamisée de la villa. La porte se referma lentement. D'un geste rapide, il enleva sa veste puis ses chaussures et s'avança, dégoulinant dans le hall. Il entendit sa mère s'affairer dans la cuisine, au doux son des casseroles et des ustensiles. Il entra.
« Taehyung ! Tu es trempé ! Je t'avais dit de prendre un parapluie ! », rouspéta brusquement sa mère en fronçant les sourcils sur ses yeux sombres furieux dès l'instant où elle l'avait vu.
Retrouver la douce beauté de sa mère le calma instantanément. Un sourire las étira ses lèvres et posa son sachet sur la table. Faisant demi-tour, il entreprit de traverser le salon sous les reproches de Hana, furibonde.
Il disparut dans le couloir et ricana lorsqu'il entendit : « Et arrête de traîner ! Tu mouilles mon marbre ! ». Un coup d'œil au carrelage lui apprit, qu'en effet, il laissait de grosses flaques d'eau derrière lui. La salle de bains n'était plus qu'à quelques mètres, il s'y précipita le plus vaillamment qu'il put, ferma derrière lui et se dévêtit rapidement.
Le jet brûlant de la douche le réchauffa aussitôt. Il se lava, se laissa glisser dans la baignoire, son cœur essoufflé se calmant lentement, sûrement. La douleur n'était plus. Ne restait qu'un doux sentiment de paix.
Quelques minutes plus tard, lorsqu'il rejoignit sa mère, sa rencontre avec l'inconnu subliminal était déjà oubliée, autant que la vive douleur de la perte de Hazel.
Ces sentiments étaient simplement reportés.
𝐼𝑙 𝑙𝑒𝑠 𝑎𝑓𝑓𝑟𝑜𝑛𝑡𝑒𝑟𝑎 𝑙𝑜𝑟𝑠𝑞𝑢'𝑖𝑙 𝑒𝑛 𝑎𝑢𝑟𝑎 𝑑𝑒 𝑛𝑜𝑢𝑣𝑒𝑎𝑢 𝑙𝑎
𝑓𝑜𝑟𝑐𝑒.
𝐴̀ 𝑠𝑢𝑖𝑣𝑟𝑒...
Relu par Ostaraa_
... Tu as remarqué que j'ai fichu Hye-Jin dans toutes mes histoires ? 😂
Sooo... ? Qui est cet inconnu brun aux obsidiennes noires qui sent bon l'ambre et qui est comparé à Appolon ? 🌝
Tout se place doucement, je veux détailler les choses tranquillement, je veux prendre mon temps sur cette histoire.
Qu'as-tu pensé de ce chap ? ^^
𝑾𝒊𝒕𝒉 𝑳𝒐𝒗𝒆, 𝑫𝒂𝒓𝒌 𝑬𝒚𝒆𝒍𝒆𝒕 🖤
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