Chapitre 03| La sirène de Séville

Ses yeux me déstabilisaient. Je ne savais pas quoi faire. Je ne parvenais même pas à lui répondre, tant j'étais figé dans son regard.

Soudainement, il prit mon poignet, et se mit à courir, m'entraînant avec lui. Je n'eus pas le temps de comprendre, je le suivais, en tenant mon appareil pour ne pas qu'il se congne contre ma cage thoracique.

Il était torse nu, son dos étaient fin, mais avait l'air musclés, sans que cela ne se voit. Il était trempé, pieds nus, un bracelet de coquillages et de morceaux de coraux au poignet. Il me traina jusqu'à un grand arbre, un saule pleurer, sur la plage. Étrange. C'est comme si ce lieu était hors du temps, hors du monde. Ce garçon me tira entre les longue branches pleine de feuilles de l'arbre, pour être sous celui-ci. Ses branches formaient comme une bulle, nous coupant du monde. Puis il me lâcha.

"- Pourquoi es-tu triste ?

- Je..  Euh...

- Tu as aussi perdu quelqu'un, pas vrai ?"

Mon coeur manqua plusieurs battements, je regardais ce garçon, les yeux grands ouverts. Un sourire triste et résigné étirait ses lèvres, il avait l'air aussi abattu que je l'étais.

"- J'ai touché le point sensible. Comment tu t'appelle ?

- Eugène... Je m'appelle Eugène. Et toi ?

- Adé ! Tu fais parti de ce camping ?

- Oui."

Puis, je remarquais que lui et moi parlions Japonais. Comme s'il avait deviné que je l'étais, ou que je le parlais. Ce garçon était étrange, mes doigts étaient crispés, et il m'était impossible de décoller mes yeux de lui.

Je le vis s'asseoir sur le sable, et je fis de même. Cette situation est étrange. Je suis assis sur le sable en face d'un garçon que je ne connais que de nom, sous un saule pleurer qui n'a rien à faire sur le sable, et c'est ce garçon qui m'a traîné ici. Celui que j'ai vu hier sur le rocher. Comme s'il flottait dans l'eau.

"- Tu dois sûrement te demander pourquoi je t'ai emmené ici..."

Je hochais la tête.

"- Je ne sais pas moi même. Tu m'a l'air différent des autres. Je voulais te connaitre.

- Tu es d'ici ?

- Hein ? Heu, oui et non.

- Comment ça ?

- C'est assez compliqué à t'expliquer..."

Adé rit bêtement en passant sa main dans ses cheveux. Il a l'air gêné. Je vois parfaitement les reflets de la lune passant à travers les feuilles de l'arbre se refléter sur ses écailles. Mais je ne dis rien. Je le laisse parler. Je veux l'entendre dire.

"- Eugène. Tu crois aux être surnaturels ?

- Oui, on peut dire.

- Et si tu en voyais un dans la vraie vie, comment est-ce que tu réagirai ?" me demande-t-il, un triste sourire aux lèvres.

Quelques instants, je baissais la tête. Qu'est-ce que je ferai...? Certains diraient surement ce qu'ils ont vu, ils chercheraient l'être, voudrait l'enfermer, le mettre dans un zoo, ou dans un laboratoire pour l'étudier.

Je relève les yeux vers lui. Il a toujours ce regard triste. Il a peur on dirait. Ses jambes ramenées contre lui, ses bras autour de celles-ci.

"- Rien.

- Rien ?

- Rien. Absolument rien."

Je le vis sourire. Je vis ses épaules se détendrent, ses jambes se reposer sur les sables, ses mains se poser sur ses chevilles. Son sourire devint doux, rassuré, beau à regarder. Son regard était soudainement plein de plainitude. Un regard que je ne compris qu'à moitié.

"- Je suis une sirène Eugène.

- C'est beau les sirènes.

- Merci."

Au matin, je ne vis pas mes parents dans leur lit. Je les entendais pas dehors non plus. En descendant, je vis un mot sur la porte, me disant qu'ils étaient sur les grandes tables de pique nique. J'enfilais rapidement une veste, mes tongues à présent sèches, et sortais du mobile-home, pour rejoindre mes parents aux tables. Comme je m'y attendais, ils étaient avec les personnes d'hier soir.

Mme Dirigo, Mme Archibald, les Foster-Greenway, ainsi que les Blade. Je les salue rapidement, puis m'installe à côté de ma mère. Nous prenons le petit déjeuner tranquillement, les adultes aimeraient s'organiser une journée tous ensemble. Je ne suis pas contre, sans pour être pour non plus. Victor, qui est en face de moi, répond vaguement, une main devant son visage. Son frère accepte tout de suite. Au loin, je vis Riccardo et Terry venir vers nous, plus loin il y a Aitor. Il a un comportement assez étrange, que je ne comprend pas. Victor se retourne, le voit, et lui fait signe de venir. Le turquoise approche, et s'asseoit à côté de lui. Il n'a pas l'air timide, mais il n'a pas l'air à l'aise.

"- Aitor à le mal du pays, c'est pour ça qu'il a du mal à quitter sa tente. Il n'aime pas les lieux inconnus." M'informa Riccardo, en prenant un pot de confiture, tandis que Terry pose sa tête sur son épaule, absolument pas réveillé.

Je jette un coup d'oeil à Aitor. Il n'a pas l'air bien ici. Je remarque que, comme moi parfois, il respire par la bouche, sans doute à cause de cette lourde chaleur. Il boit un simple verre de lait, son épaule collé à celle du ténébreux. Cette histoire de mal de pays, elle ressemble à un mensonge mal cousu.

Petit à petit, tout le monde venaient à leur tour pour manger. J'étais assis dans un coin, sous un arbre, à l'ombre, un livre à la main. Mais j'ai beau lire, je ne comprend pas les mots, les phrases, les textes. Mes pensées sont toutes ailleurs, hors de ce livre.

Adé. Adé la sirène.

Il m'a raconté toute sa vie, sans aucune gêne, et je ne l'en ais pas empêché. Il m'a dit, quand j'ai du partir, de ne pas m'inquiéter, que je pourrais parler quand j'en aurais envie de moi. Ou même jamais.

Et quand je lui ais demandé pourquoi m'avait-il dit tout cela, il m'a simplement sourit, avant de partir à l'opposé de là où j'allais.

Et au fond, je le sais. J'ai succombé sous ce sourire si enfantin, si heureux, mais si triste. Paradoxale.

"- Tu lis quoi ?"

Je relève la tête, et croise les yeux noisettes de Vladimir. Il me sourit, et s'assit à côté de moi. Je lui montre mon livre, un recueil de poèmes. Je fus étonné d'apprendre qu'il connaissait le poète, et tout de suite, lui et moi nous nous sommes mis à parler de poètes et poétesses, de leurs poèmes, de ce qui nous plait, ce que nous avons compris.

Poète japonais comme Kyoshi Takahama, français comme Victor Hugo, ou encore une poétesse allemande comme Else Lasker-Schüler, il les connaissait à peu près tous. Je dois dire que rencontrer quelqu'un qui lit des poème et est cultivé sur ce sujet me change beaucoup, contrairement à ceux du lycée.

La matinée passe tranquillement, on finit par sortir du camping pour aller marcher au bord de la mer, pour aller visiter une autre partie de la ville de Séville. J'ai beau essayé de paraître intéressé, mes pensées ne peuvent se décrocher d'Adé. De son histoire, de son sourire, de ses yeux, de ses écailles scintillantes, sur ses épaules, ou sur ses mains, ainsi que celles sur sa mâchoire, ou encore celles sur ses côtes.

Et j'ai beau tout savoir de lui, son histoire, il reste très mystérieux. Je ne comprend pas. Je ne le comprend pas. Et je pense ne pas pouvoir le comprendre.

A table, nous mangeons tous ensemble, c'était plutôt cool, mais bruyants. On remercie la cafète' - payante - du camping. C'est bon, c'est déjà ça.

Comme toujours, je reste dans mon coin, une carte postal que j'ai acheté en ville. La peinture d'une sirène. Une sirène à la peau sombre, aux long cheveux, au yeux clairs comme les coraux sous l'eau. Le vendeur m'a dit que l'artiste aurait repeint cette sirène de mémoire, après avoir vu la vraie lors d'un crépuscule comme les autres. Heureusement que je comprend un peu l'espagnol.

J'entend des voix arrivés, relève la tête en cachant la carte, et voit arriver toute la bande d'ados. Riccardo me demande s'ils peuvent s'asseoir, et, déstabilisé de tout ce monde, je hoche la tête.

Ça ne m'était pas arrivé depuis longtemps, de manger avec plusieurs personnes rencontrées en vacances. La dernière fois, c'était aussi en Espagne, il y a cinq ans.

Mamie. Tu me manque. Es-tu dans les étoiles que j'ai vu la nuit dernière, quand j'ai rencontré Adé ?

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