Voyage - Partie 1

Ceci est le tome 2 de la trilogie attack_on_titan&0.7.

Iekaterinbourg, Russie, 10 décembre 2018

Issei se précipita vers Marion, étendue sur le fauteuil de cuir blanc où elle venait d'être transférée. Il écarta Antoine d'un brusque coup d'épaule, allongea la jeune fille à terre et commença, sous les yeux écarquillés du jeune homme, à lui faire un vigoureux massage cardiaque.

Après plusieurs insufflations, elle se mit à tousser. Au moment où il la mit en position latérale de sécurité, elle se redressa sur ses coudes et vomit du sang, pour ensuite s'écrouler sur le carrelage, la respiration sifflante.

Cheesy lui lança sa veste et se tourna vers l'adolescent. « Des vêtements, dans le placard numéro treize des vestiaires, et que ça saute », ordonna-t-il, le regard noir. Il obéit immédiatement, le cœur battant.

Marion est en vie. Il courut à toutes jambes dans les allées sous-terraines éclairées d'une lumière blafarde, et tourna dans un couloir annexe menant au vestiaire. Là, il percuta de plein fouet Hajime, qui se dirigeait, affolé, vers la salle où se trouvait la machine.

« Pardon », bafouilla-t-il avant de se relever. « Marion... Dans la salle... Avec Issei... Des vêtements. » Il reprit sa course, cassa la porte métallique du casier numéro treize, prit un sac posé là et retourna d'où il venait.

Son capitaine prit rapidement les affaires et tourna ses subalternes, ainsi que lui-même, dos à la nouvelle venue, qui se rhabillait. « Vous pouvez vous retourner », articula-t-elle dans un anglais presque impeccable. Antoine découvrit son amie dans un jean et un T-shirt parfaitement à sa taille. Il s'apprêta à marcher vers elle, mais s'arrêta net.

Son regard, avant si énergique et malicieux, était désormais beaucoup plus sombre, et reflétait des expériences vécues d'une dureté qu'il était incapable de mesurer. « Antoine », souffla-t-elle en s'appuyant contre la paroi de la cage en verre.

Il hocha la tête. Ses yeux verts parcoururent la pièce, et son visage rond et fin refléta une sidération sans égal. « Il y a cinq secondes... » continua-t-elle. « Armin m'emmenait à l'infirmerie, car j'avais un mal de crâne... Et je me retrouve ici ? »

Le mangaka s'approcha d'elle.

« Marion, c'est bien ça ?

— C'est moi. Mais... Qu'est-ce que tu fais là, Antoine ? Je suis où, là ?

— Tu es dans le QG de la R2.0, expliqua l'auteur. Il nous a rejoints il y a un peu plus d'un an.

— Qu'est-ce que je fais ici, dans ce cas ?

— Il a voulu te ramener. »

Elle le fixa un long moment. Il déglutit, mal à l'aise. Elle n'a pas l'air enchantée du tout. Elle a complètement changé, bon sang... Qu'est-ce qui lui est arrivé ?

« On m'a dit que je ne pouvais pas revenir ici, articula-t-elle.

— Nous sommes le dix décembre 2018, l'ignora-t-il. Tu viens d'être transf...

— Je l'ai deviné, ça, coupa-t-elle sèchement. Renvoyez-moi. »

L'adolescent ouvrit grand les yeux. « Non », laissa-t-il tomber. Elle fronça les sourcils.

« Ne me rends pas les choses plus difficiles, lâcha-t-elle.

— Je t'ai ramenée... Pour te sortir de cet enfer...

— Et je vais y retourner.

— Pourquoi ? Tu ne voulais pas revenir ?

— Bien sur que si ! s'écria-t-elle, au bord des larmes. »

Il se tut, choqué.

« Mais merde, Antoine, qu'est-ce que tu as foutu ?! hurla-t-elle en frappant brutalement le verre de son poing. Ils l'ont dit... Ils ont besoin de moi... Imagine leur tête... Il y avait Livaï, Erwin et Armin... Imagine leur tête en me voyant me volatiliser devant leurs yeux !

— Mais, je... bafouilla-t-il, la voix tremblante. Je voulais simplement...

— Il y a des enjeux bien plus importants que ce que tu veux, bordel ! Tu ne sais pas comment c'est, là-bas ! Est-ce que tu savais ce que je voulais, moi ? Hansi, Livaï, Eren, Armin... A cause de toi, si on ne me ramène pas au même jour que celui de ma disparition... Il y a des vies en jeu, des centaines de milliers, tu comprends ?! »

Il recula de quelques pas, les larmes aux yeux. Elle est devenue folle. Il serra les dents. Non... Elle a raison, et je le sais. Mais la voir dans un état pareil... Dans un endroit pareil, à la frontière de la mort...

Le capitaine s'approcha d'elle alors qu'elle était secouée d'une violente quinte de toux. Quelques caillots de sang s'écrasèrent au sol.

« Je suis navré pour cet incident. Nous ne pouvons pas te ramener maintenant, tu risquerais de mourir.

— Je toussais avant, marmonna-t-elle.

— Ton corps est déjà endommagé à cause de ton premier transfert. Nous ne t'avions pas assez bien préparée... Et tu viens d'en subir un deuxième. Bien sûr, nous allons te ramener, mais il faudra effectuer l'opération avec des pincettes. »

Elle s'appuya contre un mur, le visage fermé.

« D'accord, articula-t-elle d'une voix rauque.

— Mais ça risque de prendre un moment, hésita Hajime.

— Peu m'importe, tant que vous me ramenez à la bonne date. »

Il y eut un long silence.

« Bon, murmura Camembert en passant une main dans ses cheveux noirs. On fait quoi, maintenant ?

— C'est une excellente question, s'éleva une voix enjouée. »

Tous se retournèrent brusquement. Les yeux clairs d'Antoine s'écarquillèrent : Stéphane Bern venait de faire irruption dans la pièce, un grand sourire aux lèvres.

« Chef ! s'exclama immédiatement Issei en le saluant.

— Chef ? répéta l'adolescente, l'œil rond.

— Chef, confirma l'intéressé en lui faisant un signe de tête. Je vois que tu es revenue, Marion. Enfin, ce n'était pas de ton plein gré... »

Elle resta pantoise un moment, et le chef se tourna vers le jeune garçon.

« C'est toi qui l'a transférée, c'est bien ça ?

— Oui, bafouilla-t-il.

— Je vois. »

Il sortit un revolver de son tailleur et, brusquement très grave, le pointa vers lui. L'autre recula, affolé.

« Que... Quoi... balbutia-t-il.

— Je n'ai pas le choix, jeta-t-il. La Résistance est acculée dans ses toutes dernières réserves. Un autre élément perturbateur comme toi, et c'est notre fin, et celle du monde en même temps.

— Je suis profondément désolé, débita-t-il rapidement, terrorisé, en percutant une chaise. Je ne le referai plus. Je vous le promets. Je...

— Pourquoi est-ce que je te croirais ? siffla le nouveau venu.

— Je promets de me racheter ! Je ferai tout ce que vous voulez... Je vous en supplie... sanglota-t-il. J'ai quinze ans... Je ne veux pas mourir, merde...

— Tout ce que je voudrai ? répéta le journaliste en chargeant son arme dans un cliquetis.

— Absolument tout ! s'écria-t-il, complètement paniqué.

— Parfait ! lança l'autre, subitement enthousiaste, en rangeant le fusil. »

Le subalterne, envahi par le soulagement, manqua de tomber à terre. L'adulte s'approcha de lui et lui prit le menton, l'observant longuement. « Yeux... Cheveux... Visage... » marmonna-t-il, plongé dans une profonde réflexion. Il se tut ensuite un long moment.

« Bien. Tu peux être très utile.

— Vraiment ? souffla l'intéressé.

— Vraiment, confirma l'homme avec un clin d'œil. Mais il faudra que tu travailles dur.

— Qu'est-ce que je vais devoir faire ?

— Je vais t'envoyer dans les Murs. »

Marion releva brusquement la tête.

« Non, vous n'allez pas faire ça ? protesta-t-elle.

— Ne t'en fais pas, il s'en sortira très bien. Mieux que tout le monde, en fait... songea-t-il. Il faudra que tu suives un entraînement très dur. Nous modifierons ensuite ta mémoire, et tu seras envoyé en l'an 833 du calendrier des Murs.

— En l'an 833... ? Mais, tout se passe en 850...

— Fais-moi confiance, l'assura-t-il d'un ton très sérieux.

— Je devrai attendre dix-sept ans, continua malgré tout l'adolescent, profondément troublé. J'aurai trente-deux ans quand je pourrai enfin servir à quelque chose. »

Son amie plaqua subitement une main sur sa bouche, choquée. Sourcils froncés, il tourna ses yeux clairs vers elle.

« Qu'est-ce qu'il y a ?

— Tu auras trente-deux ans en 850, répéta-t-elle d'une voix légèrement tremblante.

— Oui, mais...

— Donc, quand on s'est revus, tu avais trente-deux ans.

— Très certainement...

— Monsieur Bern, articula-t-elle, est-ce qu'il va rejoindre le Bataillon d'Exploration ? »

Stéphane ferma les yeux un moment.

« Je n'ai pas besoin d'en dire plus. Tu as déjà deviné.

— C'est une blague... murmura-t-elle en s'approchant de son ami. »

Elle lui tira la joue, sidérée. « Toi... Trente-deux ans... Explorateur... » Elle le jaugea de la tête au pied.

« Non, c'est impossible, lâcha-t-elle finalement.

— Si, insista le chef. Regarde-le bien.

— Il fait cinq centimètres de moins.

— Il aura une poussée de croissance.

— Son corps est lâche !

— Ce n'est pas très gentil, rit-il.

— Et... Il est beaucoup trop naïf. Alors que lui... Mais enfin, ils sont complètement opposés !, tempêta-t-elle.

— Ce problème de tempérament sera réglé après avoir bidouillé ses souvenirs. »

Elle se tint la tête dans les mains, les larmes aux yeux. « Bordel... » Elle serra les dents et prit le jeune garçon dans ses bras. Il se laissa faire, le souffle coupé. « Marion », finit-il par l'appeler en tentant de se dégager. Elle le retint avec une force qu'il ne soupçonnait pas. « Ne daigne même pas bouger », grogna-t-elle.

Son cœur s'emballa, et il détourna le regard, le feu aux joues. « T'es qu'un nain », jeta-t-elle. Il eut un petit rire. « Pour être plus petit que toi, oui. » Elle sourit et lui donna un coup de poing dans l'épaule : il grimaça.

Ils restèrent ainsi un moment. « Bon », finit-elle par soupirer en le lâchant. « Il commence quand ? » Le créateur de la Résistance tourna les talons.

« Maintenant. Nous n'avons pas une seconde à perdre. Suis-moi, je t'emmène à l'entraînement. Il prendra un mois.

— Déjà... murmura-t-il, le cœur serré.

— Fais pas cette tête. On se revoit dans, quoi... Dix-sept ans pour toi, une semaine pour moi. Tranquille, ricana-t-elle, au bord des larmes.

— Quand on se retrouvera, je ferai tout pour te protéger, déclara-t-il en s'essuyant les joues. »

Elle eut une étrange expression, et fit volte-face. « Tu ne crois pas si bien dire », souffla-t-elle d'une voix étouffée. Son supérieur le pressa ; il jeta un dernier regard à la lycéenne, et sortit de la pièce. Je ferai de mon mieux... Je le promets.

***

Shiganshina, Mur Maria, 21 septembre 850, à la nuit tombée

Livaï se laissa tomber sur une chaise de la salle de réunion de la réserve, interdit. En face de lui s'assit Hansi, choquée, et Mike, aussi calme qu'à son habitude. Erwin prit place au bout de la table et posa une main sur son front. Ils restèrent ainsi un très long moment, silencieux.

« Bon, finit par lâcher le petit homme, peu désireux de se souvenir en boucle du moment où Marion avait disparu dans un hurlement déchirant. On n'est pas dans la merde, c'est ça ?

— Elle s'est juste... Volatilisée, souffla la femme. On peut supposer qu'elle a été transférée... Mais où...

— Si elle a été décalée dans le temps, jeta-t-il, ça va être compliqué de la trouver. Ils n'ont pas parlé de déplacement dans l'espace. Ça ne sert à rien de la chercher. »

Elle hocha la tête, manifestement troublée.

« La question, c'est si elle vient d'être récupérée par les ennemis, reprit-elle.

— On n'a aucun moyen de le savoir, rétorqua-t-il. On est complètement aveugles, là.

— Nous n'avons pas d'autre choix que d'attendre, dit subitement l'autre chef d'escouade, sortant de son mutisme habituel. »

Le caporal-chef le regarda avec des yeux plissés. Les interventions de l'homme étaient très rares ; mais, quand il en faisait, elles étaient toujours pertinentes. Proposer une solution aussi évidente était presque louche.

« Il a raison, déclara alors le major. Seulement... Tout me porte à croire qu'elle ne reviendra pas.

— Pourquoi ? demanda-t-elle, sourcils froncés.

— La Résistance nous a bien dit que nous avions besoin d'elle jusqu'au bout. Ils ne nous l'auraient pas subitement enlevée. Soit les ennemis l'ont capturée... Soit une autre personne, ou une autre organisation. Dans tous les cas, s'ils l'ont prise, ce n'est pas pour la renvoyer. »

Il se leva, mains sur la table. « Nous attendrons, mais gardez en tête que les chances qu'on la revoie sont plus qu'infimes. Pour le moment, nous allons étudier les informations que nous avons récoltées et qu'elle a retranscrites sur papier. »

Tous prirent congé du blond. Si même Erwin le dit... songea Livaï en sortant. Elle ne reviendra pas. Il se dirigea vers les cuisines et se fit un thé. Qui sait où elle se trouve, ce qu'elle fait et ce qu'elle va devenir ; mais on peut au moins être sûrs de ça. Il s'engagea machinalement dans un escalier.

Bientôt, il arriva sur le toit, et s'assit sur le rebord. Le visage tourné vers le haut, il observa le ciel obscur et parsemé d'une nuée de points blancs, tous plus lointains les uns que les autres.

Elle voulait étudier les étoiles, se souvint-il. Il but une gorgée de sa boisson, qui descendit avec chaleur dans sa poitrine. Je n'ai toujours pas compris ce qu'elle m'a sorti, mais ça n'avait pas l'air mal. J'aurais dû lui demander plus d'explications, quand je le pouvais encore...

Son cœur se serra légèrement ; l'ignorant superbement, il finit sa tasse cul sec avant de la poser à côté de lui. Etudier les étoiles, hein. Ils ont les moyens, là-bas. Il s'essuya la bouche avec un bout de tissus.

Peut-être qu'une tierce personne l'a transférée pour la sortir de là, réalisa-t-il alors. Un proche... Qui aurait aisément deviné qu'elle ne voulait qu'une chose : rentrer chez elle. Il ferma les paupières. Un débile fini, en somme. Il y en a des paquets, qui agissent égoïstement sans se soucier des enjeux autour.

Il se leva. Mais ça veut peut-être dire qu'elle est rentrée chez elle. Il l'avait vu, dans le regard de l'adolescente, malgré tous les efforts qu'elle faisait pour le cacher : l'idée que toute sortie lui était coupée la torturait.

Si c'est le cas, tant mieux pour elle, tant pis pour nous. Il ne nous reste plus qu'à nous battre comme des beaux diables, jusqu'à ce que nous, ou eux, crevions comme des rats. Il ramassa le petit récipient et rentra dans le bâtiment, avant de rejoindre son bureau.

De toute façon... Ses yeux clairs se baissèrent sur les grandes lunettes rouges et carrées de Marion. Il les décala pour laisser de la place à la pile parfaite de papiers qui s'élevait sur le meuble, et s'assit, crayon en main. Il va falloir mettre les bouchées doubles.

Lien vers l'image : https://www.zerochan.net/1547465

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