Vers l'inconnu et au-delà - Partie 3

Le lendemain, quelque part à l'Est des Murs

« Un titan à gauche !

— Moblit, relaie, s'exclama Hansi.

— Chef, il y a d'autres signaux...

— Relayez, relayez !

— Mais il y en a trop ! »

Cela faisait une demi-journée que la formation avançait. Si la cheville mutilée de la femme la faisait souffrir, ce détail s'était vite envolé face à la horde de géants qui semblait foncer sur le flanc gauche.

Dans l'urgence, l'adrénaline créait en elle une excitation sans borne. Des spécimens, toujours plus de spécimens étaient à sa portée, prêts à être observés ne serait-ce que d'un coup d'œil et à nourrir ses connaissances.

Peut-être que la nouvelle génération est dedans ! « S'il y en a trop, arrêtez ! Il nous faut aussi de la fumée rouge en réserve ! » Mais une chose est sûre : on approche... La collision ne saurait que tarder.

« Pourquoi est-ce qu'Erwin ne donne pas d'ordre ? » s'énervait déjà son subalterne. Elle évita un buisson d'un virage sec, l'esprit en ébullition. Il doit vouloir tester ces titans, leur trancher la cheville ; et si elle ne se régénère pas, c'est dans la poche ! devina-t-elle. Un sourire s'étala sur son visage, et lui valut un regard affolé du soldat roux de la Garnison qui les accompagnait.

« Sortez vos lames ! » Tous obtempérèrent. « Ils ne devraient pas venir jusque dans l'aile droite, mais mieux vaut être prudent. S'ils se ramènent... » Un gloussement incontrôlé lui échappa. « Coupez leurs talons immédiatement ! »

Le silence concentré habitant les minutes qui suivirent ne fut brisé que par le claquement des sabots contre le sol. Au grand malheur de la brune, l'assaut des monstres fut amorti ; ou plutôt éradiqué, puisque la nouvelle direction annoncée par le major les fit passer entre leurs cadavres fumants.

Ils ont réussi à les abattre. Elle repéra, fébrile, leur tendon tranché net. Ce sont eux, les nouveaux titans ! Mais déjà s'éloignaient-ils du cimetière à ciel ouvert, et le regret la piquait-elle durement. Comme d'habitude, elle passa outre.

Les heures s'étalèrent de nouveau. La nature qui les entourait, plus calme en surface, était en réalité lourde de menaces. Sous le ciel parfaitement clair, chaque arbre, chaque colline semblait dissimuler un ennemi. La tension était si palpable que ses guerriers parurent à deux doigts de bondir sur un pauvre lièvre sorti d'une touffe d'herbes hautes.

Lorsque l'arrêt de la course du Bataillon fut annoncé, Hansi rejoignit les autres supérieurs avec curiosité. A sa grande surprise, ce fut un Mike à l'air extrêmement grave qui prit la parole.

« C'est à peine une effluve que j'ai sentie... Mais les américains sont devant. Erwin, il faut repérer le terrain.

— Tu as une approximation de la distance ?

— Environ trois kilomètres.

— Bien... prononça le major en réfléchissant. Il faut envoyer quelques-uns de nos meilleurs éléments en éclaireur. Livaï, prends Eren et Annie. Mikasa et Jean se dirigeront autre part encore. »

Le petit homme plissa légèrement les yeux.

« Et la défense ? Il reste Marion et Armin à garder.

— Mike et Ymir suffiront. »

Il tourna donc les talons, rassembla son équipe, et partit. Le blond lui-même sélectionna quelques guerriers pour commander le front. Hansi se retrouva ainsi, avec l'autre chef d'escouade, à la tête des effectifs en retrait.

Elle ne tarda pas à rejoindre la chercheuse, dont les yeux verts scrutaient les alentours avec appréhension. « Salut », grommela-t-elle à l'attention de sa supérieure. Celle-ci s'assit à ses côtés avec raideur, gourde à la main.

« On dirait que ta manipulation sur les titans a fonctionné. Ils étaient raides morts, et leurs talons n'a pas repoussé.

— Certes, mais ils sont plus rapides, et agiles... »

Elle laissa s'étaler un petit sourire de compassion face au ton coupable de la jeune femme. « On ne t'en veut pas ; tu as été contrainte. L'important, c'est ce qu'il se passe maintenant », lui dit-elle en ébouriffant ses cheveux châtains. Elle parvint à lui arracher un rictus, sans plus. Quelque chose la travaille.

Abandonnant la perspective de la rassurer sur un sujet dont elle n'avait peut-être même pas idée, elle décida d'embrayer sur le titan mural. Elles discutèrent ainsi de sciences ; alors qu'elles étaient complètement en phase dans leur engouement et débattaient sur le fonctionnement interne du système reliant potentiellement les Murs, une voix les interrompit.

Elles se retournèrent en même temps pour voir un Henning arriver au grand galop et s'arrêter à un mètre dans un dérapage parfaitement contrôlé. « Erwin vous demande », ahana-t-il. « Le chef Mike doit rester ici. Suivez-moi. »

A la vue de Marion hésitante, la femme hocha la tête et attrapa sa propre jument. Elles suivirent l'autre à vive allure, laissant le vent et les herbes hautes les fouetter. « Qu'est-ce qu'il se passe ? » demanda-t-elle à l'explorateur. Il pinça les lèvres.

« Leonhart n'a jamais approché les bases, et Jäger n'est pas familier avec l'équipement des ennemis. On a besoin de Marion.

— Et si elle se fait prendre ? On doit la laisser en sécurité !

— Erwin a l'air d'avoir un plan en tête, avoua son interlocuteur. Comme d'habitude, je serais incapable de dire de quoi il en retourne. »

C'est un membre de l'escouade de Mike, pensa-t-elle. Cette répartition des soldats serait carrément douteuse s'il n'y avait pas Erwin derrière. Elle ferma les yeux un court instant. Ses stratégies sont presque sans faille. Si c'est lui, on peut y croire.

Bientôt, une forêt aux troncs sombres s'éleva en face d'eux, tranchant le bleu du ciel de son feuillage touffu. « La base est derrière. En passant par là, ils ne devraient pas nous voir. Les arbres nous cachent vraiment bien, et... »

Une succession de bruits sourds l'arrêta net. « Qu'est-ce que... » grogna-t-il en se retournant. Ses yeux s'écarquillèrent brusquement ; alarmée, Hansi jeta un coup d'œil derrière elle. Son cœur rata un battement.

Un magnifique déviant, de huit mètres à vue de nez, fonçait à toute allure sur eux. Mais son émerveillement fut de très courte durée ; déjà Marion, paniquée, tentait-elle désespérément de charger une grenade.

« Ne tire pas ! » s'écria Henning. « On va se faire repérer... Chef Hansi, partez devant s'il-vous-plaît ; je vais lui trancher le talon ! » Il a déjà abattu plusieurs spécimens... Elle plissa les paupières, et braqua son regard droit devant elle. « Ralentissez-le », ordonna-t-elle. Ni Marion ni moi ne pouvons nous en charger. « On ramènera des renforts. »

L'homme n'attendit pas plus pour s'élancer habilement. Des entrechocs métalliques lui apprirent que le combat était entamé. Le guerrier poussa un cri avant de planter ses armes dans la chair du mastodonte ; mais quelques secondes plus tard, après des grognements de lutte, tout cessa derrière elles.

« H... Hansi ! » hurla la chercheuse. L'intéressée serra les dents, et pressa les flancs de son cheval. Et merde... Il n'a vraiment pas fait long feu ! On ne peut pas se permettre de faire de folie. Il faut arriver à temps, ou tout est f...

Elle se sentit violemment éjectée de sa selle. Son dos rencontra durement la terre, et un craquement sec foudroya son épaule de douleur. Mais si ses oreilles bourdonnaient affreusement, elle retrouva ses lunettes assez tôt pour voir le géant tendre sa main énorme sur la jeune femme.

Celle-ci, le visage déformé par l'horreur, amorça une fuite. Seulement, les doigts de son ennemi se saisirent de sa cape au bout d'à peine deux mètres. Elle fut soulevée de terre, et l'autre poing du géant s'abattit vers elle à une vitesse monstrueuse.

« Non ! » cria la chef d'escouade, tant devant la mort de sa subalterne que son incapacité à la défendre. Du sang gicla, et une forme inerte s'écrasa au sol. A cet instant précis, son cœur se déchira en deux. « Marion... » gémit-elle, s'appuyant sur la terre sèche pour la rejoindre.

Ses propres blessures la stoppèrent net, et les larmes qu'elle n'avait pas senties depuis des années lui montèrent aux yeux. « Non... On est foutus... Mike aurait dû venir... Bande de cons ! » Elle s'essuya brutalement les yeux, assaillie par une fureur sans nom. « Je vais vous exploser ! » Elle s'accroupit tant bien que mal, décidée à en découdre.

Mais lorsque ses prunelles se posèrent sur le tas de chair et d'os en face d'elle, son souffle se coupa.

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