Shiganshina - Partie 3
Livaï harponna le torse du titan cuirassé, prit ses lames à revers et s'élança à pleine vitesse. Une fraction de seconde plus tard, les yeux de son ennemi éclatèrent, et il atterrit souplement dans l'herbe, laissant champ libre à son subalterne. Celui-ci ne se laissa pas prier ; il s'élança immédiatement, poing dressé.
Une autre déflagration retentit alors. Il se raidit. Ymir s'est déjà transformée, pensa-t-il en la voyant, à l'aide de Mike, s'occuper du titan Bestial. C'est probablement un ennemi. Alors que les deux colosses luttaient, il se dirigea vers une Mikasa crispée, qui scrutait les moindres mouvements de son frère adoptif d'un air enragé.
« Je vais voir ce qu'il se trame là-bas. Couvre-le, mais ne fais pas de connerie », jeta-t-il sèchement. « On ne peut pas perdre un élément comme toi. » Elle hocha la tête, pour ensuite reprendre son sérieux. Il partit donc escalader le Mur, et étudia les rues de Shiganshina, les yeux plissés.
Là. Un titan de trois mètres, à l'épaisse chevelure blanche, galopait à une vitesse hallucinante vers le quartier général. Il n'attendit pas une seconde de plus et se lança à sa poursuite. Bordel, ce con est rapide. Dents serrées, il appuya un peu plus sur sa gâchette pour augmenter légèrement son débit de gaz.
Il le rattrapa bientôt. La bête, squelettique et trapue, possédait une tête étonnamment petite par rapport au reste de son corps, posée sur un cou trop large. Elle se déplaçait avec une agilité impressionnante, et usait habilement de ses pieds et de ses mains pour trouver des prises. Ses jambes étaient particulièrement musclées et la propulsaient avec puissance.
Seulement, son dos recourbé était bien trop à découvert, let lui offrait un vaste champ pour attaquer. Il ne se fit pas prier et accéléra encore ; bientôt, il fondit sur sa cible et, d'un mouvement circulaire, lui entailla profondément la peau.
Ce fut avec une vivacité complètement inattendue qu'elle riposta en lui envoyant son bras dans sa face. Le choc lui coupa la respiration ; il vola sur plusieurs mètres, et parvint à se rattraper avant de s'écraser contre un toit. Là, il cracha un peu de sang. Elle l'avait touché en plein torse.
Il repartit toutefois à l'attaque. Le titan lui jeta un œil ; son regard rouge était perçant. La personne qui est dedans n'est pas une dinde, ou dirait. Il planta son câble au niveau de la nuque du monstre, et chargea vers son épaule.
Son coude partit encore ; cette fois-ci, il l'esquiva et y planta profondément ses lames, qui laissèrent une plaie béante. Profitant de sa fugace désorientation, il passa vers ses talons, remonta son torse et fila devant sa figure, semant des entailles sur son passage. Avant de se rendre compte de ce qu'il lui arrivait, le géant s'étala à terre.
Livaï allait s'engager pour sa nuque, mais l'autre bougea subitement. Il a régénéré un œil, remarqua-t-il, soufflé. Dans l'incapacité d'éviter l'impact, il se retrouva propulsé contre un mur en un battement de cil. Une puissante douleur lui broya le dos.
Putain de merde. Son adversaire se traînait déjà en reconstituant ses ligaments petit à petit. Le petit homme repartit immédiatement. Je n'ai jamais vu un titan aussi rapide... Seulement, sa chair est beaucoup plus tendre, et facile à découper. Cela ne m'étonne pas qu'il contrebalance avec des techniques de défense pareilles...
Le mastodonte était déjà loin ; en augmentant sa vitesse, il nota que ses bouteilles de gaz étaient presque vide. Et merde ! Il se mit à chuter, et se rattrapa agilement d'une virevolte. Sans attendre, il tira un fumigène noir et commença à courir. Il n'y a qu'Hansi... Elle ne sera pas à la hauteur pour l'affronter, pensa-t-il, dents serrées, en accélérant encore.
Une dizaine de minutes plus tard, il entra dans la cour tapissée de blanc du quartier général et déboula dans le couloir du bâtiment principal. Où est-ce que ce con est allé ? Il avait bien vu quelqu'un sortir de la carcasse de l'étrange titan et entrer les lieux. Il n'y avait que Marion et...
Un hurlement retentit, suivi de bruits de lutte. « Hansi. » Il se rua vers les escaliers, les monta quatre à quatre, et arriva à l'étage mis en quarantaine. L'odeur métallique du sang envahit ses narines dès qu'il pénétra le corridor.
Là, il le vit : un jeune garçon aux cheveux blancs et bouclés se trouvait à l'autre bout, Marion sur l'épaule. Il était plutôt petit, et chétif ; son visage jeune et pâle paraissait presque enfantin, et ses deux yeux rouges étaient tournés vers le mur en face duquel il se dressait.
Il n'attendit pas plus pour lancer une lame vers lui. Son ennemi lui jeta un coup d'œil ; il esquiva l'arme de justesse, qui lui coupa un bout d'oreille. Le petit homme en profita pour se jeter sur lui et le prendre par le col. Ils ne purent que laisser la jeune femme tomber au sol.
Il le plaqua brutalement contre un mur. « Qui es-tu ? » articula-t-il. L'autre esquissa un sourire et lui fit une balayette. Le militaire se rattrapa de justesse, posant une main dans quelque chose de visqueux et pourpre.
Il se releva en une fraction de seconde et lança son poing vers l'inconnu. Celui-ci l'évita et tenta un uppercut, qui échoua. Ils commencèrent à lutter ; le caporal-chef remarqua avec stupeur la rapidité impressionnante de son adversaire. Lui-même avait du mal à suivre le rythme, mais compensait avec une force plus grande, et peut-être plus d'expérience.
Subitement, l'adolescent glissa dans une flaque de liquide rouge, l'œil rond. Le combattant en profita pour lui plaquer un genou au travers de la gorge, et le maîtrisa complètement. « Bien », lâcha-t-il sèchement. « Maintenant, tu vas gentiment répondre à mes questions. »
L'intéressé eut un nouveau rictus, et ouvrit grand la bouche, découvrant une langue tranchée en deux. Profitant de l'étonnement bref du guerrier, il se dégagea de son emprise, glissa comme un serpent, et lui donna un coup de pied dans la joue. Là, il attrapa la chercheuse et se jeta par la fenêtre.
Une puissante déflagration ébouriffa les cheveux noirs de Livaï, qui se redressa d'un bond. Je n'ai plus de gaz, se souvint-il, dents serrées. Le temps que je recharge, il sera trop tard... Il se résigna à lancer un signal d'urgence, et fit volte-face. La vision qui s'offrit à lui le figea brièvement.
« Je reprends ce qui m'est dû », lut-il. Les inscriptions qui s'étalaient sur le mur de pierre étaient tracées à la main, et ressemblaient à du sang frais. A quoi joue ce gamin ? Aux terreurs ? Ce type est un cliché total.
Il avança un instant pour étudier la phrase. Attends. Il regarda autour de lui ; une traînée vermeille tâchait le plancher, et remontait jusqu'à la chambre de Marion. D'où vient tout ce sang ? Il se précipita dans la pièce.
Son cœur rata un battement. Un corps était étalé là, baignant dans une mare grenat. « Hansi », souffla-t-il. Il avança de quelques pas, puis s'agenouilla à côté d'elle. « Putain de merde. » Lorsqu'il vit le moignon qui lui servait de cheville, une colère sombre s'empara de lui.
Il posa une main au niveau de son cœur, aussi tendu que la corde d'un arc. De faibles battements lui parvinrent ; il relâcha immédiatement ses épaules et ferma les yeux, soulagé. Elle est vivante. Bordel. Son regard glissa vers la blessure de la chef d'escouade. Il se leva, partit dans la salle de bain, revint avec des bandages et lui fit un pansement de fortune.
Je vais crever ce connard. Il posa la femme sur le lit de la jeune scientifique, partit à grands pas jusqu'à la réserve, rechargea son gaz et s'élança de nouveau, le regard tranchant. J'espère pour lui qu'il s'est barré, ou il va le sentir passer. A cet instant précis, un grand bruit retentit.
***
Un formidable craquement résonna, et une puissante bourrasque de poussière, en provenance de la porte, étala Mikasa à terre. « Eren ! » hurla-t-elle alors qu'il s'écrasait, amputé de tous ses membres. Elle se redressa, titubante, et dégaina ses lames. Une rage sans nom l'envahit lorsque Reiner arracha son cher ami de la nuque de son titan.
Sans attendre, elle s'élança, et creva les yeux du blond. « Eren ! » Elle fonça sur les doigts qui emprisonnaient son frère adoptif, mais ses épées s'éclatèrent, frôlant son visage. Elle remonta vers le visage du monstre et se plaça juste sur son nez, le regard terrifiant et l'œil grand ouvert.
« Reiner », articula-t-elle d'une voix grave et sourde. Elle chargea de nouveau ses poignées. « Rends-moi Eren, Reiner. » L'intéressé l'ignora complètement, et commença à faire volte-face. Une haine incommensurable prit possession d'elle.
Elle lui trancha les talons en une fraction de seconde et le laissa s'écrouler. Là, elle se plaça juste derrière son oreille, et planta un sabre dans son crâne. « Reiner », répéta-t-elle d'un ton vibrant de hargne. « Si tu ne me rends pas Eren tout de suite, je te dépèce. » Il se contenta de régénérer ses membres afin de reprendre sa course, ne lui accordant qu'un bref regard.
Elle tournoya de nouveau dans une exclamation rageuse et commença à l'attaquer méthodiquement : elle lui ôta l'usage de ses bras, puis de ses jambes. Elle jeta un œil à l'adolescent. Il était inconscient.
Elle l'aveugla une nouvelle fois, et trancha sa chair du mieux qu'elle put, y mettant toute la rancune qu'elle ressentait. Les éclaboussures de sang s'enchaînèrent sans jamais s'arrêter ; bientôt, son ennemi juré resta parfaitement immobile, à bout de force.
Là ! repéra-t-elle en remarquant un très fin interstice entre les phalanges du traître. Elle n'attendit pas plus pour les trancher net. Les doigts tombèrent, Eren avec ; elle le rattrapa illico et se lança à toute vitesse vers le Mur.
Eren. Lorsqu'elle entendit son ennemi se relever, elle accéléra encore. Son cœur battait la chamade. Je ne recommencerai plus jamais. Je te le promets. Tant que je serai à tes côtés, aucun d'eux ne posera ne serait-ce qu'un doigt sur...
Une ombre de trois mètres passa à toute vitesse devant elle. Elle roula au sol, dents serrées ; une douleur fulgurante lui envahit le thorax. Le choc lui coupa le souffle. Elle rouvrit les yeux et vit avec stupeur un titan aux cheveux blancs et aux yeux rouges prendre le soldat dans sa main libre, l'autre étant occupée avec une Marion inconsciente, et repartir à une vitesse ahurissante.
« Non ! » s'époumona-t-elle. Lorsqu'elle se releva, elle manqua de retomber. Elle ignora superbement la souffrance qui lui meurtrissait le dos pour tituber, les mains crispées sur ses manettes de commandement. « Rends-moi Eren ! » gueula-t-elle, hors d'elle.
A sa grande surprise, le petit nouveau passa à côté du Titan Cuirassé sans lui accorder un regard. Celui-ci se contenta de fuir. Est-ce que c'est un allié ? Elle fit un autre pas, grimaçante, et s'apprêta à se lancer à la poursuite du nouvel arrivant ; une ombre immense la stoppa net.
Un géant aussi grand que le Mur, la peau sur les os, écrasa le Bestial une centaine de mètres plus loin. Elle le regarda, les yeux ronds, attraper cinq ou six titans et les balancer vers les trois mastodontes qui prenaient la fuite. Le nouveau les esquiva avec une habilité hors norme et augmenta encore la cadence. Il disparut bientôt à l'horizon.
Eren. La jeune fille tomba à genoux, noyée dans un océan de désespoir. Le monde glacial qui l'entourait disparut ; elle se laissa glisser à terre, vidée de toute énergie. Toute raison de vivre s'échappait de son corps à mesure que la distance entre elle et sa seule famille grandissait.
J'ai échoué. Elle ne vit qu'à moitié le nouveau colosse éradiquer tous les monstres restant de ses mains immenses. Je l'ai perdu... Elle se réfugia dans son écharpe rouge. « Tout est de ma faute... » articula-t-elle douloureusement avant de sombrer dans le noir total.
***
Armin regarda avec des yeux ronds le titan qui venait de sortir du Mur. Il se trouvait dans une tour de garde, à l'abri des colosses ; chargé par Mike de surveiller la bataille et de signaler toute anomalie.
Ce fut sans hésitation qu'il avait tiré de la fumée noire. Mais avec sa taille, impossible de le louper... pensa-t-il, bouche bée, alors qu'il écrasait des vingtaines de géants. Il l'avait vaguement vu balancer le Bestial, qui se battait juste au-dessus du Mur, après avoir démoli celui-ci afin de passer.
Qui est là-dedans ? se demanda-t-il, tremblant. Un allié, on dirait... Est-ce qu'il est au moins conscient ? Il paraissait exécuter tous ses gestes par automatisme. Aucune étincelle ne brillait dans son regard sombre, et il ne s'était pas une seule fois attaqué à un humain.
Finalement, il retourna dans le Mur pour se solidifier, comblant la brèche qu'il avait créée d'une traînée de fluorine transparente ; le silence revint en maître sur la cité. Tous les colosses étaient morts, et l'anormal aux cheveux blancs qu'il avait vu était parti.
Le visage de Mikasa et d'Eren lui revint en mémoire. Il se propulsa hors de la pièce circulaire. Le hurlement que son amie avait poussé résonnait encore dans son crâne. Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Il passa devant un toit, et vit avec horreur Historia soutenir Sasha, dont le bras étaient ensanglanté.
« S... Sasha », bafouilla-t-il. La blonde lui jeta un regard désemparé. « Elle s'est évanouie », expliqua-t-elle d'une voix tremblante. « Je crois que Jean... Il faut aller voir où il y a Mikasa... S'il-te-plaît... » Le jeune garçon ne se fit pas prier, et reprit sa course.
Il remarqua, l'œil rond, la carcasse fumante du titan d'Eren. Lorsqu'il repéra enfin ses deux amis étalés dans la neige, il fonça. « Jean ! Mikasa ! » cria-t-il. Il s'accroupit près du premier, dont le pouls battait encore, et se rua vers la seconde.
« Mikasa... » souffla-t-il à l'adolescente recroquevillée par terre, ses yeux ouverts sur du vide. « Mikasa. » Il la secoua vigoureusement par l'épaule. Elle n'est pas blessée. Mais son état... Ne me dites pas que... Il inspira un bon coup. « Où est Eren ? » demanda-t-il difficilement.
Elle sursauta, avant de coller ses genoux à sa poitrine, le menton dans son écharpe. « Le titan aux yeux rouges. Il l'a pris », articula-t-elle lugubrement. Le cœur d'Armin rata un battement. Eren... A disparu...
Il s'assit sur ses talons et resta interdit un très long moment. Le vent mordant soufflait sur son visage. Des mèches blondes tombèrent devant ses yeux. Ils ont réussi à le capturer. Son cœur se tordit douloureusement. Il se recroquevilla sur lui-même avec désespoir.
Les souvenirs des nombreux moments passés ensemble emplirent lentement son crâne. Il a toujours été là pour me protéger... Et Mikasa aussi... Il se mit à trembler. Mais maintenant... pensa-t-il, au bord du gouffre.
Il se redressa subitement. Non. Il se releva avec difficulté ; son amie le regarda avec un léger étonnement. Ce temps est révolu. Maintenant, c'est moi qui vais les aider. Ses poings se crispèrent contre son pantalon blanc, ses mâchoires se serrèrent. Une détermination sans pareille chassa sa détresse sans ménagement.
Souviens-toi de leur regard lorsque tu les as sauvés des boulets de canon. Souviens-toi de la confiance qu'ils plaçaient en tes stratégies. Tu n'es plus leur protégé ; tu ne l'as jamais été. Tu es leur égal. Ne retourne pas dans cet état-là. Ce n'est pas parce-que Eren est parti que ça change quelque chose !
Ses yeux bleus se posèrent sur l'adolescente, qui le gratifiait d'une expression affligée. « Mikasa. » Il la prit par le poignet et la força à se redresser, ignorant sa grimace de douleur. « Ce n'est pas en s'accablant qu'on va le retrouver. »
Les pupilles de l'intéressée s'agrandirent légèrement.
« Mais, Armin... articula-t-elle, au bord des larmes. Il est parti... Loin...
— Et on va aller le chercher.
— Il est en territoire enn...
— Tu vas abandonner toute idée de le sauver ? la coupa-t-il. »
Elle écarquilla les paupières.
« Tout ce que je veux, c'est qu'il soit avec moi, murmura-t-elle.
— Exactement. Il le sera, déclara-t-il d'un ton sans appel. »
Elle baissa la tête, la lèvre tremblante. « Armin a raison », déclara alors une voix. Mike venait d'atterrir, une Ymir évanouie sur le dos. « Si on arrête de se battre, on a perdu d'avance. » Il y eut un silence. Au bout de quelques secondes, Mikasa releva le menton, le regard noir. « Oui. Je le récupérerai. »
Le jeune homme eut un léger sourire, qu'elle lui rendit. Quelqu'un arriva alors à côté d'eux. Il reconnut le visage impassible, bien que légèrement crispé, de Livaï. « Qu'est-ce qu'il s'est passé ici ? » jeta-t-il.
Le soldat lui expliqua la situation, et apprit par Mike que le Bestial s'était plus ou moins enfui après avoir été éjecté du Mur par le titan emmuré. « Donc, on a perdu Eren et Marion », récapitula leur supérieur, l'œil tranchant. Ils acquiescèrent.
L'autre regarda le sol un moment. « Ramenez les blessés », finit-il par lâcher en ramassant Jean. « Il y en a pas mal, de ce que je vois. On s'occupera de la grande perche qui nous a sauvé la mise après. » Ses yeux clairs, qui se promenaient sur l'ancien champ de bataille, remarquèrent la carcasse fumante du titan d'Eren.
Après un instant, il fit volte-face, le châtain sur l'épaule. « On se rejoint au quartier général. »
Lien vers l'image : https://www.deviantart.com/blackhood-art/art/Eren-Vs-Reiner-Commision-706383312
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