Mitige - Partie 4
Sasha se précipita dans le couloir du rez-de-chaussée. Elle se trouvait sur le toit, à patrouiller avec Armin, lorsqu'elle avait entendu les hurlements. Elle avait insisté pour y aller, non seulement car il n'aurait pas pu se battre en cas de besoin, mais surtout car elle aurait reconnu cette voix entre mille.
C'était Reiner. Celui qui avait balancé ce rocher sur Conny, et celui qu'elle haïssait le plus au monde.
Elle avait dévalé les escaliers, arme au poing. Puis, elle avait réalisé que ses cris n'étaient pas normaux. C'était ceux d'une bête retranchée dans son désespoir le plus profond et le plus douloureux. Elle s'était stoppée quelques instants, et avait repris sa route un peu plus lentement. Elle avait tenté de s'attendre au pire. Après tout, ce qu'elle avait entendu ressemblait à un appel des Enfers. Mais lorsque la scène se dévoila à elle, elle s'arrêta net : c'était bien loin de tout ce qu'elle aurait pu imaginer.
Le cadavre à la gorge ouverte de Jean gisait un peu plus loin ; Reiner gémissait tout juste, recroquevillé sur lui-même, du vomi sur le torse et les yeux éclatés au sens premier du terme ; un homme inconscient baignait dans une flaque pourpre ; Annie regardait Marion avec terreur. Enfin, celle-ci était à terre, et ses mains étaient recouvertes de sang.
Elle tomba à genoux. C'était trop. Elle n'arrivait pas à tout enregistrer, c'était impossible. Les prunelles de la blonde se tournèrent lentement vers elle : elle y lut tout un tas de choses qu'elle fut incapable d'analyser. Elle arrivait tout juste à comprendre que quelque chose d'affreux venait de se produire.
Elle entendit des pas derrière elle, puis une exclamation horrifiée. Livaï et Hansi venaient de débarquer du réfectoire. C'était la chef d'escouade qui avait crié à la vue de ce bain sanglant. Elle vit l'homme écarquiller les yeux, marquer un arrêt, puis marcher à grands pas vers la chercheuse.
« Est-ce qu'elle est vivante ? » demanda-t-il en s'agenouillant près d'elle. Annie ne répondit pas. Il prit son pouls : le soulagement se dessina brièvement sur son visage. « Bien. Leonhart », reprit-il sur un ton bien plus sombre, « qu'est-ce qu'il s'est putain de passé ici ? »
L'intéressée baissa le menton. Son regard était fixe, ses joues, livides. « Ils nous ont attaquées. » Sa voix était fantomatique.
« Alors, j'ai voulu défendre Marion. J'ai simplement voulu la protéger...
— Tu as utilisé tes pouvoirs ? »
Elle secoua la tête, et montra son amie du doigt. Hein... ? Puis, elle serra les dents. Je dois avoir mal compris... Le caporal-chef ferma les paupières un instant. Marion... Elle a été blessée, n'est-ce pas... ? C'est pour ça qu'elle est comme ça, n'est-ce pas ?
« Sasha, va chercher Erwin. Dis aux gardes de fouiller les bâtiments. » Elle resta à genoux, tétanisée : il attendit quelque secondes, puis la fusilla du regard. C'était presque aussi effrayant que ce qu'elle voyait. « Maintenant », la brusqua-t-il, plus menaçant que jamais.
Cela la réveilla sans problème. Elle sauta sur ses pieds, et le salua, un poing sur le cœur et l'autre dans le dos. « Compris ! » Elle fit ensuite volte-face. Alors qu'elle marchait tel un automate, elle put sentir chacun des muscles de sa face s'immobiliser en une expression parfaitement stoïque.
Puisque réfléchir était si douloureux, elle allait simplement agir.
***
Livaï observa une énième fois le bout de couloir dans lequel ils se trouvaient. Il était usuellement familiarisé avec les scènes horrifiques... Mais elles étaient toujours associées aux titans. Là, la mort de Jean était un assassinat, et c'était bien un humain qui avait sauvagement défiguré Reiner, et l'avait, pire encore, laissé en vie dans un état pareil.
Ce qui l'avait d'abord frappé avait été de voir le cadavre de son subalterne... Puis Marion à terre. Il avait bien cru qu'elle aussi y était passée. Il lui avait fallu étudier l'expression choquée d'Annie – d'habitude si peu éloquente – pour comprendre. C'était la scientifique qui avait fait ce carnage, Jean à part. Ce n'était pas son propre sang qui tâchait ses vêtements.
Il posa un doigt sur sa tempe. « C'est bien ce que je pensais. » Il se tourna vers Hansi. Chose rare, celle-ci avait eu besoin d'un petit moment pour se reprendre. Elle avait dû saisir dès le départ. « C'est peut-être même pire », dit-elle. Son visage était lugubre. Elle s'approcha d'Annie. « On va aller en salle de réunion. » La soldate acquiesça. Elle aussi avait retrouvé ses esprits.
« Livaï, je te laisse rester avec Marion. On ne sait jamais...
— Oui. J'attends qu'Erwin vienne. »
L'autre partit. Il se tourna de nouveau vers sa subalterne, les épaules basses. Elle avait probablement tenté d'attaquer Annie, comme elle l'avait fait pour lui... Mais là, le résultat est pire. Défoncer un titan, c'est une chose ; déchiqueter le visage d'un autre humain... Malheureusement, il est tombé inconscient...
Ses épaules se baissèrent, son regard se fit sombre. Cela ne se serait pas produit si je n'avais pas pris de pause aussi longue. Elle ne serait pas descendue, et quand bien même, j'aurais pu éviter qu'elle ne... Il l'observa presque douloureusement.
Qu'elle ne tourne comme ça. Mais, encore une fois, on ne peut rien prédire...
Il scruta son visage rond, son petit nez, ses lèvres fines. Erwin avait raison : elle s'était comportée comme un monstre. Quelqu'un de sensé, lui mis à part, aurait arrêté dès que l'autre se serait mis à vomir ou à supplier. Elle ne l'avait pas fait. Où était passée son humanité ? Est-ce qu'elle en a encore ? Il posa brièvement sa main sur l'épaule de la jeune femme. On ne pourra le savoir que lorsqu'elle se réveillera.
Des pas, derrière lui. Il se retourna immédiatement. « Erwin... » Suivi d'une grande soldate brune, dont les paupières s'écarquillèrent. Le major balaya l'endroit de son regard bleu, puis s'agenouilla à côté de lui pour observer la scientifique.
« Par qui Jean a-t-il été tué ?
— On ne sait pas encore. Hansi interroge Annie.
— Et qu'est-ce qu'il s'est passé ?
— Il semblerait qu'elles aient été attaquées par ces deux dadais. Dont Reiner, si tu arrives encore à le reconnaître. »
L'autre observa l'intéressé.
« C'est Annie qui a fait ça ?
— Bien sûr que non.
— Et toi, où étais-tu ? »
Livaï ferma les yeux un court instant. « A ma pause quotidienne. » Le blond se contenta de se lever. « Luise. Aide-nous à emmener ces trois aux cachots, et va chercher les médecins. » Elle acquiesça immédiatement.
« J'prends lequel ? demanda-t-elle.
— Charge-toi du brun. Je vais prendre Marion. Livaï...
— Le dernier. »
Il se pencha sur l'ennemi inconscient, le nez froncé. Je me tape le vomi. Et le plus lourd. Il passa un bras sous ses aisselles, et se releva. Et le plus grand... Puisqu'il ne pouvait pas le porter à proprement parler, il se contenta de le traîner. Il empestait l'acide.
Ils descendirent les escaliers humides. Une fois dans la pièce en question, ils trouvèrent, comme prévu, Mikasa et Eren : ils les regardèrent avec des yeux ronds. « Caporal », souffla le brun, « il s'est passé quoi ? »
Il balança Reiner dans un compartiment, ligota ses mains, le bâillonna, et ferma la grille à double tour. « Marion est blessée ?! » Il regarda Erwin nouer les poignets de celle-ci.
« Qu'est-ce qu'il se...
— Une attaque.
— Mais Marion...
— Mikasa. Il y probablement des ennemis dans le coin. Fais attention à Eren.
— Compris.
— Caporal...
— Eren, ce n'est pas le moment, lâcha le petit homme. »
Il se tourna vers son collègue. La combattante venait de repartir. « Reste ici », dit le major en se dirigeant vers les escaliers. « Peu importe ce qu'elle a fait, on ne doit pas les laisser la prendre. Je vais superviser les opérations. » Puis, il grimpa à son tour au rez-de-chaussée.
Livaï tira une chaise à lui. Un silence pesant s'installa. Il observa les pierres moites et épaisses qui pavaient le sol et formaient les murs. « Historia et Jean. Ce sont eux qui se sont occupés des cachots. »
Il vit Eren déglutir, et Mikasa fixer le sol. Ils ont dû entendre les hurlements. Jean, lui, n'avait pas fait de bruit... Je suppose qu'on leur annoncera sa mort dans la matinée. Il soupira silencieusement.
C'était une victime de plus. Combien d'autres s'étaient fait assassiner cette nuit ? Pixis avait raison : il fallait qu'ils se bottent le cul, ou ils allaient se faire massacrer.
« Caporal. » Il jeta un œil légèrement surpris à l'asiatique. L'interpeller n'était pas dans ses habitudes. « Vous vous appelez Livaï Ackerman, n'est-ce pas ? »
Ackerman ? Il ne savait pas quelle information avait fuité entre son lien de parenté avec Kenny ou le fait qu'il s'appelait en réalité Antoine Chaillot – encore une fois, le nom le plus détestable au monde – mais tout cela ne sentait pas très bon. Eren n'était manifestement pas au courant, car il prit une expression étonnée.
« ... Ackerman ? Qu'est-ce que tu racontes, Mikasa ?
— Mon prétendu nom de famille est le même que vous, continua-t-elle en l'ignorant. Pourtant, je ne viens pas des Murs. Alors, pourquoi est-ce que Kenny et vous vous appelez également Ackerman ? »
Touché. Il ne lui répondit pas. Elle ne le regarda pas. « Je vois », finit-elle par laisser tomber. Puis, elle retourna dans son mutisme. Elle a tout à fait saisi. Il croisa les bras.
« Où est-ce que tu as entendu ça ?
— Ce n'était pas intentionnel. »
« J'ai perçu une bribe de conversation car j'ai l'ouïe aussi aiguisée que celle d'un chat », traduisit-il. Mais il y a autre chose de curieux. La R2.0 n'appelle pas « Ackerman » tous ceux qu'ils envoient dans les Murs. Il n'y a que moi, Kenny, et Mikasa. Il posa son regard sur le bas des barreaux en face de lui. Et, quelle coïncidence, on tous les trois plus puissants que la moyenne. Je parie que Kenny en sait quelque chose. Saloperie.
« Saloperie ! »
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