Mi-temps - Partie 3

Shiganshina, 4 juillet 851

Le soleil tapait chaudement sur le dos de Marion tandis qu'elle enchaînait les parcours en manœuvre tridimensionnelle. Annie la suivait de près, et Antoine, posté au sol plus loin, la regardait avec de grands yeux.

La tête lui tournait. Il devait bien faite plus de trente degrés : son corps était si fatigué qu'elle avait l'impression de frôler l'insolation. L'obligation de porter des manches longues n'arrangeait pas son cas.

Le front luisant de sueur, elle serra ainsi les dents, et se prépara, lames dressées, à trancher la nuque d'une maquette de titan. Elle planta rapidement son axe droit dans un bâtiment à côté, et se lança aussi vite qu'elle le put vers la mousse.

Il n'en fallut pas plus pour que ses sabres pénètrent la matière dure ; elle souffla un coup et reprit sa course. Elle réitéra l'opération avec trois autres faux mastodontes, et arriva enfin à la fin. Tous ses muscles la brûlaient lorsqu'elle posa pied à terre. Une main au-dessus des yeux, elle observa son travail.

Ce fut avec désolation qu'elle constata qu'elle n'avait pas assez pénétré la fausse chair pour les trois quarts des modèles. Elle soupira, désespérée. « J'ai beau m'entraîner, je n'y arrive pas », laissa-t-elle tomber.

Sa camarade la regarda avec neutralité. « Tu ne plantes pas assez tes épées », expliqua-t-elle. « Tu dois y aller avec plus de force. » L'intéressée pinça les lèvres.

« J'essaye du mieux que je peux, murmura-t-elle.

— Il faut renforcer les muscles de tes bras. Le caporal-chef devrait te conseiller des exercices adaptés. »

Elle se figea un court instant. C'est vrai que Mike remplace Livaï. Elle haussa les épaules pour toute réponse. A l'autre bout de la rue bordée de maisons à moitié démolies, Antoine activa une grenade verte. « C'est l'heure de rentrer. »

Elles repartirent en manœuvre tridimensionnelle, le vent dans les cheveux. Bientôt, elles arrivèrent à la hauteur de l'adolescent, et remontèrent l'allée pour arriver dans la base du Bataillon d'Exploration.

Après être passées par leur petit dortoir, les deux soldates entrèrent dans les douches communes. Elles rejoignirent chacune leur compartiment. L'eau tiède qui coula sur le corps désormais bien taillé de la scientifique lui arracha un soupir d'aise.

Depuis le début de ses entraînements quotidiens, sa peau laissait paraître des muscles de plus en plus renforcés. Entre les parcours tridimensionnels, la course et la musculation, elle n'avait pas l'occasion de chômer. Chaque jour était une nouvelle épreuve pour elle.

« Marion », l'interpella alors la blonde, la tirant de ses pensées. Elle attrapa le pauvre savon qu'elle avait oublié à force de cogiter, et commença à se laver. « Oui ? » Ce n'était pas du genre d'Annie de lui adresser la parole.

« Quelle était ta relation avec le caporal-chef Livaï ? » La question la prit tellement de court qu'elle avala sa salive de travers.

« Ma relation avec Livaï ? C'est-à-dire ? parvint-elle à articuler entre deux accès de toux.

— Tu n'as pas l'air en forme depuis qu'il est parti.

— Personne ne l'est, mais...

— Vous étiez amants ? »

Amants ?

« Amants ?! Non, certainement pas !

— Amis ?

— Pas vraiment, non...

— Tu ne nous fais pas confiance, alors. »

La phrase tomba aussi brusquement qu'une pierre sur sa tronche. « Pourquoi ça ? » Quelques secondes passèrent.

« Car depuis qu'il a disparu, tu es sur tes gardes. J'ai supposé qu'il te manquait, mais puisque ce n'est pas le cas, peut-être que Mikasa et moi sommes le problème.

— Loin de là ! se précipita-t-elle. Vous faites du bon travail.

— Qu'est-ce qu'il se passe, alors ? »

Elle activa de nouveau la douche, lèvres pincées.

« J'étais simplement habituée. Comme il était puissant, et qu'il m'a sauvée la vie plusieurs fois...

— Vous aviez une relation spéciale.

— Spéciale ? Loin de là ! Un fort rapport soldat-supérieur, plutôt. »

L'eau cessa de couler des deux côtés. Elle entendit Annie sortir de son boxe, et attraper ses vêtements propres. « Et puis... » continua l'autre. « Il comprend ce que c'est que d'avoir des tas de morts sur la conscience. » Un petit silence s'installa.

« Je le sais aussi.

— C'est vrai... concéda-t-elle. »

Marion sortit à son tour. Le regard glacé de la blonde lui coupa le souffle. « Tu n'es pas seule », déclara celle-ci. « Il y a moi aussi. » Elles restèrent ainsi quelques instants, les yeux dans les yeux, avant que la scientifique ne détourne les siens, les joues tièdes et le cœur irrégulier. Elle se tourna vers ses habits, embarrassée. « Merci », finit-elle par souffler.

***

Shiganshina, 10 juillet 851

Le ciel étoilé se dévoilait petit à petit à mesure que le soleil se couchait. Assise en face de sa fenêtre, le regard perdu dans ce manteau azur, Historia entendit à peine la porte de son dortoir s'ouvrir et se refermer. Elle finit par se tourner vers une Ymir aux cheveux encore trempés, qui la regardait, appuyée contre le mur de pierre froide.

Ses mèches brunes tombaient raides et lourdes sur ses épaules musclées, humidifiant au passage son haut beige. Celui-ci était nonchalamment sorti du pantalon blanc de la soldate. A l'heure du coucher, elle ne pouvait pas se faire reprendre par leurs supérieurs pour si peu.

La blonde jeta un œil à sa montre, laquelle indiquait vingt-deux heures trente. Un peu tard pour se doucher, pensa-t-elle, mais son amie n'en avait certainement rien à faire. Et au vu de son visage marqué par un discret sourire en coin, on ne l'avait pas reprise là-dessus non plus.

Elle se leva finalement, et s'approcha du bureau sur lequel était posée une lampe à huile. Elle l'alluma: sa flamme jaune répandit une douce lumière dans la pièce.

Ce soir-là, tout allait enfin bien. Pas de souvenirs impulsifs de la dernière bataille, ni de morts hantant sa conscience ; aucun cadavre ne viendrait la déranger cette nuit. Ses épaules se relâchèrent légèrement. Après tout, tous étaient désormais des meurtriers. Ils n'avaient plus qu'à vivre avec.

Ymir, quant à elle, se réveillait toujours brusquement dans son sommeil, aux alentours de deux heures du matin : si elle n'en montrait rien, Historia l'avait bien remarqué, mais ne lui en parlait jamais. Il y avait des choses comme celles-ci qu'il valait mieux taire. Elle l'observait simplement se redresser et s'essuyer le front quelques instants, les yeux écarquillés, pour finalement se recoucher lentement. Là seulement, la blonde s'autorisait à faire de même.

« Historia. » L'intéressée sursauta lorsque la brune murmura à son oreille. Cette dernière laissa échapper un rire. « Ça fait cinq minutes que tu regardes la lampe. Elle te fait de l'œil, ou quoi ? » La plus petite la regarda un instant, le souffle coupé. L'autre était proche, trop proche, si proche qu'elle pouvait compter ses tâches de rousseur. Son cœur s'emballa vite, incontrôlable.

Ymir parut le remarquer, car elle ne recula pas. Au contraire : elle approcha encore son visage. « Tu vas te coucher ? » Elle n'obtint aucune réponse. La jeune fille était incapable de balbutier un seul mot.

Elle ne put pas s'empêcher non plus de jeter un œil à la bouche fine de sa camarade, qui se tut à son tour, l'air plus sérieux. Un doigt remit une de ses mèches derrière son oreille, lui caressa doucement le visage... Et ne la lâcha pas. Ce fut au tour de sa paume entière d'épouser la joue de la jeune fille toujours immobile. Quelques secondes passèrent, durant lesquelles le temps parut s'arrêter. Elles eurent tout le loisir de se regarder dans les yeux.

Finalement, la plus grande s'approcha une dernière fois, et déposa un léger baiser sur ses lèvres. A cet instant, elle crut sentir sa poitrine exploser. Lorsque l'autre s'éloigna, elle la reprit par la nuque, et prolongea ce doux contact avant de ne plus en avoir le courage.

Elles s'embrassèrent un long moment, explorèrent chaudement la bouche de l'autre. Ce fut au tour de leurs mains de découvrir leur corps avec ferveur. L'excitation commença à monter chez elles : de leur dos à leurs cuisses musclées en passant par leurs petits seins ronds, leurs doigts se cessaient de gambader sur leur peau.

Des soupirs et des gémissements s'échappèrent bientôt de leurs lèvres entrouvertes, et leurs habits trouvèrent leur place sur le parquet. Elles s'allongèrent sur le lit de Historia, leurs langues liées, et trouvèrent enfin leur entrejambe. De nombreux frissons de désir, toujours plus intenses, les parcoururent dans les instants qui suivirent. Elles finirent par étouffer leur cri final, et se couchèrent l'une contre l'autre, haletantes.

Elles restèrent ainsi de longues minutes. La brune passa enfin un bras sous le cou de son amante, et la serra contre elle. « Je t'aime », murmura-t-elle. Elle put sentir le sourire de l'autre contre sa poitrine. Celle-ci s'endormit ainsi, apaisée par la chaleur de la brune, le cœur léger.

Lorsqu'elle se réveilla, Ymir n'était plus là.

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