De retour - Partie 4

Marion se trouvait dans une forêt déserte, aux immenses troncs fins et calcinés. Un brouillard épais l'entourait, et l'enserrait bizarrement sur elle-même. Le silence était total ; aucune sensation ne dérangeait le vide existentiel qui l'habitait.

Ni peur, ni désespoir ne vint la perturber. Elle resta plantée là un très long moment, complètement immobile. Une voix s'éleva alors, l'appelant de partout à la fois. Elle essaya d'avancer ; ses jambes se paralysèrent. Dans l'incapacité de se mouvoir, elle commença à paniquer.

Leah ! Aide-moi ! tenta-t-elle de crier. Sa chère amie n'apparut pas ; son cœur se brisa. Leah ! pleura-t-elle. Reviens... Leah, viens me chercher... Une corde tomba alors à ses pieds. Le seul mouvement qu'elle put exécuter fut de la saisir. Elle comprit subitement. J'arrive. Attends-moi... grimaça-t-elle en tentant de faire un nœud. Leah, plus jamais, hein ?

Une main se posa brusquement sur son épaule. La lumière plongea en cascade devant ses paupières ; elle les ouvrit brusquement. Une douleur à la joue l'assaillit, et une odeur familière emplit brusquement ses narines.

Ses cils clignèrent plusieurs fois. Sa vue se précisa, et elle put distinguer le visage irrité de Livaï penché au-dessus de lui, remarquant au passage une légère cicatrice à sa tempe. Elle se redressa brusquement. Le manteau glissa ; elle le rattrapa de justesse, en fit maladroitement une boule, frissonna de froid et le remit par automatisme.

Lorsqu'elle réalisa, affolée, ce qu'elle venait de faire, elle s'apprêta à l'enlever, mais l'autre lui attrapa vivement le poignet. « Marion », jeta-t-il. « Calme-toi, putain. » Elle hocha la tête, un peu perdue, et il se rassit sur sa chaise en bois.

Son regard se promena distraitement dans la salle, et reconnut l'infirmerie. Attends... Il retourna brutalement vers le petit homme, qui la dardait de ses yeux clairs. C'est Livaï ? réalisa-t-elle, horrifiée. Et son manteau ?

Elle s'apprêta à l'enlever une troisième fois ; cette fois-ci, son supérieur attrapa une couverture.

« Tu veux ça à la place ?

— Euh... balbutia-t-elle. Je ne sais pas. Comme vous voulez...

— Je m'en fous. »

Elle fit non de la tête ; lorsqu'elle le vit reposer le drap, elle regretta immédiatement sa réponse. Le visage du caporal-chef se superposait à celui d'Antoine, lui procurant un malaise bien plus fort que tous ceux qu'elle avait ressentis auparavant.

Elle se souvint soudainement de leur discussion. Elle s'étrangla avec sa salive, et commença à tousser ; il lui tapa vigoureusement dans le dos. Elle se raidit, et il s'écarta. Réalisant son geste, elle commença à bredouiller des choses incompréhensibles, avant de se taire et de lui lancer un regard paniqué.

Ce type est Antoine. Elle le scruta longuement ; visage fin, yeux incroyablement clairs, cheveux noirs, tout y était : leurs traits étaient exactement semblables. Bordel de merde. Et le pire, c'est que je lui ai dit. Elle se mit immédiatement à fixer une armoire, gênée. Je dois faire quoi ? Être normale. Ce type est mon supérieur. Mais c'est aussi Antoine. Mais putain, c'est mon supérieur.

« Marion », l'appela-t-il. Elle se tourna vers lui dans un sursaut. « Je n'en ai rien à foutre. Tu fais comme tu veux. » Elle fronça les sourcils.

« Comment ?

— Tu fais comme tu veux, répéta-t-il.

— Comment ça, je fais comme je veux ?

— Tu es perturbée.

— Je... bafouilla-t-elle, intimidée. Un peu...

— Ce n'était pas une question, coupa-t-il. »

Elle s'excusa immédiatement, et il plaqua une main sur son front. Elle se crispa. Je l'ai énervé. Il va m'engueuler. Lorsqu'il ouvrit la bouche pour parler, elle eut un mouvement de recul.

« Marion, articula-t-il.

— Oui ?

— Tu te souviens de ce que tu m'as dit ?

— Oui, répondit-elle, sous pression.

— Et tu ne sais pas quoi faire ?

— Je ne comprends pas où vous voulez en venir, corrigea-t-elle d'un air peu assuré. »

Il croisa les jambes, passa un bras derrière sa chaise et réfléchit un moment, impassible.

« Laisse tomber.

— Oui.

— Tu vas faire comme je vais te dire.

— Naturellement, souffla-t-elle sans comprendre.

— Comment ça ?

— Eh bien... Vous êtes le caporal-chef...

— Livaï.

— Hein ?

— Mon prénom, c'est Livaï.

— Je sais bien, énonça-t-elle, de plus en plus confuse. »

Il se pinça l'arête du nez. Je n'ai toujours pas compris, saisit-elle, affolée.

« Tu crois vraiment que je vais rester le caporal-chef après que tu m'aies sorti qu'on se connaissait depuis que j'ai cinq piges ? lâcha-t-il.

— Non, bredouilla-t-elle. Enfin, peut-être, je ne sais pas, je...

— T'as quoi dans le crâne ?

— Eh bien... commença-t-elle, incrédule.

— Appelle-moi Livaï. Tu appelles bien Hansi par son prénom. »

Elle le fixa avec des yeux ronds.

« Mais... Vous êtes le caporal-chef...

— Putain de merde. »

Il se leva brusquement et lui saisit l'épaule avec force. Son regard se fit effrayant ; elle recula, apeurée. « Je me contrefous de la hiérarchie. » Muette comme une tombe, elle hocha la tête. « Je l'applique quand même », continua-t-il, « mais dans ce cas précis, elle ne sert à rien. »

Elle plissa les yeux. « Comment... » Il resserra légèrement sa prise, la faisant taire. « Elle ne sert à rien car tu ne peux pas me voir comme ton supérieur. » J'en ai aucune idée, mais je suppose que je vais faire comme il me dit, pensa-t-elle, tremblante.

« Donc, appelle-moi Livaï et fais pas chier. » Elle acquiesça vivement, et il se rassit. C'est quoi, son problème ? Elle avait commencé, de ce qu'elle se souvenait, à moins le craindre, depuis qu'elle l'avait sauvé de Samuel ; mais tous ses efforts venaient d'être détruits en l'espace d'une discussion.

Le silence commença à s'installer, bientôt brisé par la voix du petit homme. « D'où vient ce thé ? » demanda-t-il, de nouveau impassible. Son cœur rata un battement.

« Du vingt-et-unième siècle, articula-t-elle difficilement.

— Je vois. »

Elle se mordit la joue. J'avais acheté ce thé pour lui après lui avoir dit au revoir, quand il était encore Antoine... Mais là, je vais peut-être le garder... Elle soupira. « Il y a quoi, dedans ? L'odeur est étrange », reprit son supérieur. Elle déglutit. « De la mangue. Un fruit exotique... Des pays chauds. Je trouve qu'il est doux, même si c'est du thé noir », expliqua-t-elle en baissant la tête.

Un autre silence. « Je t'amène au réfectoire », annonça-t-il. Elle hocha la tête et se leva ; immédiatement, des frissons de froid assaillirent son échine. « Caporal-ch... Non... Livaï », se corrigea-t-elle peu aisément. « Est-ce que je peux me changer, avant, s'il-vous-plaît ? »

Il hocha la tête et désigna une pile de vêtements du menton. Elle s'en empara, se cacha derrière un rideau prévu à cet effet, et enfila le pantalon, la chemise, la veste et les bottes que quelqu'un était certainement parti chercher dans sa chambre. Le soulagement l'envahit ; par ce temps, elle était bien mieux dans ces habits.

Ils entrèrent la salle à manger. Hansi était assise à une table, devant une boisson chaude, et étudiait des dossiers. La jeune femme, après s'être servi une assiette de haricots, s'approcha d'elle, lui faisant lever les yeux.

« Marion ! » s'exclama-t-elle. Elle lui tira une chaise.

« Tu vas mieux ?

— Un peu mal de tête, mais ça va, assura l'intéressée.

— Parfait. Tu as une semaine de convalescence, c'est ça ? J'ai entendu qu'après, tu devras reprendre les entraînements.

— Ah bon ? »

Ils veulent vraiment que je maîtrise la manœuvre tridimensionnelle... songea-t-elle en commençant à manger. Un cri retentit alors dans la pièce ; des pas se précipitèrent vers elle. Elle se retourna dans un sursaut.

« Marion, qu'est-ce que... s'étrangla Jean.

— J'y crois pas, t'es revenue comment ? s'écria Conny, l'œil rond.

— Marion, tu m'avais manquée, pleurnicha Sasha, émue, en lui tendant une petite fraction de la pomme de terre qu'elle tenait dans sa main.

— Eren n'avait pas halluciné, souffla Armin, légèrement en retrait. »

Mikasa, silencieuse, l'observait derrière le petit groupe. Elle les regarda tous avec stupéfaction, la bouche ouverte et sa cuillère en suspension. Ils sont si contents de me voir ? Elle secoua la tête, ferma les yeux, et les rouvrit. Tous la gratifiaient d'une expression dévorée par la curiosité, mis à part l'adolescente aux cheveux noirs qui n'en possédait qu'une once.

« Eh bien... » commença-t-elle. « On m'a de nouveau transférée, je suppose... » Là, les questions fusèrent ; elle se recroquevilla et lança un regard désespéré à la chef d'escouade. Celle-ci se leva pour pousser le petit groupe vers la sortie. « Elle a besoin de repos, et c'est confidentiel », expliqua-t-elle avant de claquer la porte.

Seuls restèrent l'asiatique et le blond. « On m'a dit que tu voulais me parler », dit-elle simplement. Oh... C'est vrai... Elle se frotta l'arrière du crâne, mal à l'aise. Comment est-ce que je vais lui annoncer ça?

Elle se souvenait trop bien des dernières paroles de Hajime, lancées dans un cri qui recouvrait tout juste le fracas des balles. Grisha venait de mourir, frappé en plein abdomen. Le dernier regard qu'elle avait eu de la scène était l'auteur qui venait de saisir désespérément une kalachnikov et qui s'apprêtait à détruire la machine dans laquelle elle se trouvait.

« Mikasa... » commença-t-elle. Elle s'étrangla. La cousine que l'homme avait perdue, envoyée dans les Murs, génétiquement modifiée, n'était ni plus ni moins qu'elle. Elle inspira, et expira profondément. Je suis vraiment désolée.

Elle ne trouva pas d'autre moyen que de lui dire les choses de but en blanc. C'était la manière la plus simple de procéder. Lorsqu'elle vit les yeux de la soldate, usuellement inexpressifs, s'écarquiller, son cœur se serra. La chercheuse était incapable de mesurer la souffrance qui se cachait derrière une réaction si minime de surface, mais si grande pour une fille comme elle.

« D'accord », finit-elle par dire. « Je comprends. » Elle quitta la pièce, un Armin incrédule sur ses talons. La lycéenne, l'estomac noué, se tourna de nouveau vers son plat. J'espère qu'elle ira bien.

« Cap... » commença-t-elle. L'intéressé se raidit. « Capoeira », se rattrapa-t-elle maladroitement, paniquée. Un long silence suivit. Embarrassée, elle se concentra de nouveau sur son assiette ; le regard incrédule de Livaï et Hansi pesèrent lourdement sur sa nuque.

Quelques minutes plus tard, Marion se mit sur ses pieds. Le monde se mit subitement à tourner autour d'elle ; elle bascula en arrière, et fut retenue par un bras fort. La femme, qui venait de l'empêcher de tomber, la fit se rasseoir sur sa chaise.

Elle sentit une main se poser sur son front. « Elle a de la fièvre ? » entendit-elle le caporal-chef demander derrière les bourdonnements qui lui assaillaient les tympans. Sa vue se flouta, ses maux de tête s'intensifièrent brutalement, et des tremblements lui parcoururent violemment le corps.

Quelqu'un la bougea alors. Elle devina que sa supérieure venait de la porter dans ses bras, et se précipitait vers la sortie. Une sensation affreuse l'envahit ; coupée du monde, elle sombra dans le noir total.

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