De retour - Partie 2

Un cri parvint faiblement aux oreilles de Livaï, qui était installé dans le bureau d'Erwin. Il se raidit. Le major se leva, les paupières plissées. Ils se firent un léger signe de tête ; tous deux sortirent silencieusement de la pièce, couteau en main.

« Va voir à l'extérieur », lui indiqua les yeux du blond. Il acquiesça imperceptiblement, enfila rapidement sa cape, rabattit le capuchon sur ses cheveux noirs et se dirigea vers la sortie.

Il ouvrit silencieusement la porte. Le vent mordant qui le frappa manqua de le faire chuter. Un bras devant le visage, les dents serrées, il se mit à avancer dans la tempête qui se déchaînait, ignorant le froid qui lui brûlait les joues.

Au bout de quelques mètres éreintants, il distingua une silhouette agenouillée dans la neige, penchée sur quelqu'un qui était allongé. Il n'eut aucun mal à identifier la première, qui tentait de se relever.

« Eren ! » cria-t-il. Il accéléra encore le pas, et attrapa le jeune homme par l'épaule. « Eren, qu'est-ce que... » Les yeux émeraude de l'intéressé le tournèrent vers lui ; ils étaient grand ouverts, embrumés de larmes. « Caporal », souffla-t-il en désignant le corps.

Son cœur rata un battement. Sans perdre une seconde, il rangea son arme, passa un bras sous les genoux de l'individu et un autre dans son dos, et se mit à courir vers le bâtiment, suivi de peu par l'autre soldat.

« Eren », articula-t-il. « Va prévenir quelqu'un. Je vais à l'infirmerie. » Il n'attendit pas l'habituel « compris » de l'adolescent et se rua au second étage. Il poussa le battant du pied, se rapprocha du lit le plus proche et y étala la personne qu'il tenait dans ses bras quelques secondes plus tôt.

Le visage de Marion était ensanglanté ; son étrange robe bleue qui dévoilait ses jambes, complètement trempée. Il jeta son manteau sur l'adolescente, dégagea la mèche noire qui lui traversait la figure et pencha sa joue vers son nez.

Sa respiration était sifflante, et sa face, brûlante. Posant un doigt sur son artère, il constata que son rythme cardiaque était anormalement élevé. Putain de merde. Il la scruta un moment. Ses paupières étaient fermées, elle était probablement inconsciente.

Il se dirigea à grands pas vers une étagère, en sortit un coton et un désinfectant, et lui nettoya le visage. Une balle lui a frôlé la joue. La coupure n'étant pas très profonde, il se contenta de mettre rapidement un pansement. Il resta là quelques secondes, et remarqua une boîte en fer logée dans sa main.

Le caporal-chef lui dégagea les doigts, et prit l'objet. Il était glacial. Combien de temps est-ce qu'elle est restée dehors ? Il l'observa attentivement, mais ne parvint pas à déchiffrer ce qui y était inscrit. Il se résigna à l'ouvrir. Ça peut contenir quelque chose d'important.

A sa grande surprise, une douce odeur envahit ses narines. Du thé noir... Mais il y a autre chose avec... Il observa longuement les petites feuilles rabougries, mais ne parvint pas à mettre de mot sur cette senteur, qui lui était étrangement familière. Il posa la chose sur une table en bois, tira une chaise à lui et attendit.

On ouvrit brusquement la porte. Hansi fit irruption, essoufflée. Lorsqu'elle reconnut Marion, elle manqua de s'étouffer. Ses yeux noisette s'écarquillèrent ; elle s'approcha de la jeune fille et s'apprêta à lui prendre la main, interdite.

« Ne la touche pas », lâcha Livaï en la retenant. « Tes doigts sont dégueulasses. » Elle le gratifia d'un air surpris, qu'il ignora. Elle se contenta donc de s'asseoir.

« Eren l'a trouvée dehors, finit-elle par dire. Il y a un quart d'heure. Livaï... hésita-t-elle, troublée.

— Quoi ?

— Est-ce qu'elle est vivante ?

— Oui. »

Elle soupira longuement. « Enfin, tu ne lui aurais pas mis de bandage si elle ne l'était pas... » murmura-t-elle, profondément soulagée. « Elle est dans quel état ? » Il baissa la tête. « Comme tu peux le voir. Inconsciente. » Il toucha le front de la chercheuse. « Et bouillante. »

Elle pinça les lèvres. « Je ne sais pas si elle va passer la nuit », finit-il par jeter. L'autre se leva, se lava les mains, fouilla dans les tiroirs de bois ciré, et prit un gant qu'elle mouilla d'eau froide. Elle le posa sur le crâne de la jeune scientifique.

« Elle a les cheveux noirs », remarqua-t-elle, stupéfaite. Le petit homme haussa les épaules.

« Certains nobles se teignent les cheveux. Je suppose que c'est moins cher là d'où elle vient. On le saura peut-être, si elle se réveille.

— Livaï... souffla la chef d'escouade, choquée. Tu parles comme si ça t'était égal. »

Il la fixa durement, les yeux plissés.

« Ne te fous pas de moi.

— Je ne sais pas...

— Qu'est-ce que tu veux que je te dise de plus ?

— C'est juste que, avec ce que Samuel m'a dit, je suis surprise de te voir si peu perturbé. »

Il la regarda sans comprendre.

« Sur votre relation, précisa-t-elle.

— Notre quoi ? »

Oh, je vois. Il plaqua une main sur son front.

« Il s'est imaginé des trucs. C'est une mioche. Je ne toucherais jamais ça.

— Elle a dix-huit ans, rétorqua-t-elle gentiment.

— Dix-neuf, articula une voix faible. »

Ils se retournèrent dans un sursaut. Tremblant de tous ses membres, Marion tentait de se relever ; il la retint avant qu'elle ne retombe. « Ne bouge pas, idiote. » Elle le gratifia d'un regard étrange, avant de se tourner vers la femme. Au bout de quelques secondes, elle ferma les yeux, dégagea le tissus placé sur son front, et se pinça l'arête du nez, sourcils froncés.

« Est-ce que tu es en état de parler ? » demanda doucement sa supérieure. L'intéressée secoua la tête ; Livaï remarqua des larmes couler sur ses joues. Elle pleura quelques minutes, son corps à bout de force brusqué par de violents sanglots.

Elle va survivre. Il relâcha ses muscles. Lorsqu'elle se fut enfin calmée, Hansi lui tendit un mouchoir ; elle cracha un peu de sang et parvint à se redresser. Le manteau du petit homme tomba sur ses genoux. Elle l'observa un moment, le regard vide.

Subitement, elle se tourna sur la gauche et éternua plusieurs fois. Après s'être une nouvelle fois mouchée, elle s'emmitoufla dans la cape, frissonnante de froid. Elle scruta ensuite Livaï un long moment, manifestement perturbée.

« Aucune rumeur ne court », précisa-t-il, pensant que ce que la chef d'escouade avait mentionné la travaillait. Elle fronça les sourcils sans comprendre.

« Quelle rumeur ?

— Rien, dit-il avant que l'autre ne s'en mêle.

— Est-ce que tu peux nous raconter ce qu'il s'est passé ? questionna cette dernière. »

La plus petite regarda longuement ses mains. « Quelqu'un dans la Résistance m'a transférée », finit-elle par énoncer. « Un... » Nouveau coup d'œil vers lui. Il y a un problème. « Un ami d'enfance qui a fait ça. Il était dans la Résistance. »

Ils se turent un instant.

« On est le combien ?

— Le dix décembre, répondit-il.

— Huit cent cinquante ? »

Il hocha la tête. Elle se tint une nouvelle fois le front. « Pardon », murmura-t-elle. « J'ai mal au crâne. » Il la dévisagea ; elle paraissait éreintée. Elle veut qu'on parte. Hansi, qui avait bien compris le message, se leva et quitta la pièce.

En voyant qu'il restait, la jeune scientifique se raidit. « Je ne peux pas. Ordres d'Erwin. » Elle passa une main sur son visage. « C'est encore d'actualité ? » souffla-t-elle, désespérée.

Elle n'est pas du tout enchantée d'être là. Il se leva et s'adossa contre un mur. Ça ne m'étonne pas. Elle a été forcée à revenir, de toute évidence. Il croisa les bras ; elle se recoucha en silence, et lui tourna le dos. L'atmosphère se fit de plus en plus lourde à mesure que le silence qui régnait se renforçait.

« Tu veux des draps ? finit-il par demander en regardant son manteau.

— C'est bon. Merci. »

Il caille. Il ne bougea toutefois pas. Une vingtaine de minutes plus tard, la respiration de Marion se fit plus profonde. Il s'approcha à pas de loup ; elle s'était endormie. Il reprit la boîte et sentit longuement le thé, sourcils froncés. J'ai dû en boire quand j'étais petit.

Ses yeux clairs glissèrent sur la jeune femme. A chaque fois que je la pensais morte... Elle est réapparue, comme par magie. Il reposa le compartiment métallique. Je me suis fait avoir trois fois. Elle mérite une médaille.

« Comment va-t-elle ? » s'éleva la voix d'Erwin, qui venait de rentrer dans l'infirmerie. Livaï se tourna vers lui.

« Elle dort.

— Nous avons besoin des informations qu'elle rapporte.

— On sait seulement qu'un ami d'enfance à elle l'a ramenée. Qui faisait partie de la Résistance.

— Faisait ?

— Elle n'a rien dit de plus. »

Le major s'approcha de la chercheuse, et tendit une main vers son épaule. Il va la réveiller ? Il lui attrapa le poignet ; le blond lui jeta un regard surpris.

« Il faut que je l'interroge.

— Elle est éreintée, lui apprit l'intéressé, paupières plissées. »

Les yeux bleus de son supérieur brillaient de quelque chose qui ne lui plut pas. Un mauvais pressentiment l'envahit. Une soif de curiosité, réalisa-t-il, incrédule. Il a envie de savoir ce qu'il s'est passé, au point de la déranger alors que cela mettrait sa santé en danger.

« Il est crucial de savoir ce qu'elle a à dire.

— Si elle était en possession d'informations aussi urgentes, elle nous les aurait apprises, rétorqua le plus petit.

— Livaï, écarte-toi. »

Il resta planté là.

« Elle est bouillante de fièvre, et le transfert n'a pas dû améliorer son état, lâcha-t-il. Tu la mettrais dans la merde en la réveillant comme ça.

— Elle aura une semaine de repos.

— Elle en a besoin maintenant.

— Livaï, dit-il plus fort. C'est un ordre. »

Son interlocuteur le scruta un moment, et finit par obéir. Il n'est pas comme d'habitude. Il le laissa secouer son épaule, méfiant. « Putain de merde... » marmonna-t-elle en bougeant légèrement, manifestement toujours plongée dans le sommeil. « Foutez-moi la paix... Y a des gens qui veulent pioncer, ici... »

C'est dit, au moins.

« Marion, appela Erwin. Marion, nous avons des questions.

— Qui... Quoi... grommela-t-elle peu aimablement. »

Elle ouvrit les yeux ; lorsqu'elle reconnut le major, elle afficha un air légèrement désolé, sans pour autant changer son regard assassin.

« Pardon. Vous disiez... ?

— Nous avons des questions.

— Ah, oui... »

Elle bailla à s'en décrocher la mâchoire.

« Je vous écoute.

— Merci, dit le plus grand en s'asseyant sur une chaise. Peux-tu me raconter ce qu'il s'est passé ?

— Un pote à moi n'en a fait qu'à sa tête et m'a rameutée au vingt-et-unième siècle en pensant me sauver miraculeusement de l'enfer, jeta-t-elle avec une pointe d'ironie dans la voix. Après ça, j'ai rencontré le général de la R2.0, qui a décidé de lui faire suivre un entraînement pour l'envoyer dans les Murs. »

Livaï s'adossa contre un poteau, bras croisés. Il ne prit pas la peine de la reprendre sur son ton. Déjà que réveiller un malade est une mauvaise idée... Mais réveiller Marion... pensa-t-il en se remémorant le moment où elle avait envoyé promener un type deux fois plus grand qu'elle.

« Envoyé dans les Murs ? Qui est-ce ?

— Il s'appelle Antoine. Je vous expliquerai ça après. Bref, j'ai suivi un traitement, car ma toux a décidé de me ruiner la vie, puis on m'a fait faire trois fois plus de sport. On m'a ensuite impliquée dans un attentat qui a tué un peu moins de deux cents personnes, et on a descendu le général ennemi. Normalement, ça devrait être le bordel de l'autre côté.

— Deux cents personnes ? lâcha le caporal-chef, les yeux légèrement écarquillés.

— Je n'étais pas d'accord. Je dirais même qu'on m'y a contrainte, corrigea-t-elle, morose. J'étais avec Emilie, d'ailleurs – enfin, Leah. Ils l'avaient aussi transférée discrètement, donc personne n'a rien remarqué ici. »

Concentrés, ils hochèrent la tête. La revoir alors qu'elle était en train de faire son deuil... Dans quel état est-ce qu'elle est ? se demanda-t-il en la scrutant.

« Ensuite, on m'a encore transférée ici. Mais... s'étrangla-t-elle, brusquement au bord des larmes. Les américains avaient envahi la base... Tout le monde est mort... souffla-t-elle, tremblante. Le général... L'auteur de l'Attaque des Titans... Et le père d'Eren... Nous ne sommes plus que deux de la Résistance...

— Toi et Antoine ?

— Non... Antoine, c'est autre chose... Moi et Mike.

— Mike ? répéta le major, sourcils froncés. »

Elle acquiesça, le regard vide.

« Est-ce qu'ils t'ont dit autre chose ?

— La même chose. Détruire la machine... Et sinon... Mikasa... Il faudra que je parle à Mikasa. Et à vous, caporal-chef. »

Il y eut un silence.

« Combien de temps es-tu restée là-bas ? questionna finalement Erwin.

— Environ six mois, murmura-t-elle. On m'a renvoyée en mai.

— Et cette histoire avec Antoine ?

— Il a été envoyé, et a eu la mémoire modifiée, énonça-t-elle d'un ton douloureux. Il ne se souvient de rien. L'identifier ne vous avancerai pas à grand-chose.

— Est-ce que tu sais qui c'est ?

— Non. »

Le petit homme plissa les paupières. Elle ment.

« Bien, dit le blond en se relevant. Merci, Marion. Tu auras une semaine de repos, puis nous verrons ce que nous ferons.

— D'accord, chuchota-t-elle en fixant ses mains.

— Bonne nuit. Livaï, je compte sur toi. »

Il partit. La plus jeune se rallongea, ses yeux vides rivés au plafond. Le caporal-chef la scruta un instant, avant de s'asseoir sur la chaise que son supérieur occupait quelques minutes plus tôt. « Tu sais ce qu'est devenu Antoine. »

Elle lui jeta un regard triste, et acquiesça. « Alors ? » Cette fois-ci, elle se retourna complètement.

« C'était de ça, dont tu voulais parler, devina-t-il.

— Oui.

— Donc ? »

Un énième sanglot la secoua. Est-ce qu'il est mort ? se demanda-t-il, sourcils froncés. Non. Je n'aurais rien à foutre avec ça, sinon. Pleurant silencieusement, elle se tut quelques minutes. « Caporal-chef », finit-elle par articuler. « C'est vous. »

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