De retour - Partie 1
Shiganshina, Mur Maria, 10 décembre 850
Mike sortit dehors, emmitouflé dans sa longue cape du Bataillon d'Exploration. Ses bottes crissèrent sur la neige épaisse qui était tombée dans la cour ; immédiatement, une violente bourrasque fit voler sa capuche dans une nuée de flocons.
Il accéléra le pas, tremblant de tous ses membres. Sortir la nuit n'était jamais une bonne idée à cette saison ; il était aux alentours d'une heure du matin, et l'hiver lui mordait les os. Seulement, ils avaient besoin de plus de bois que ce qu'ils avaient prévu, ou le quartier général allait se retrouver entièrement gelé à l'aube.
Livaï et Erwin discutaient de la mise en place de la stratégie de défense choisie par le gouvernement, et Hansi était occupée avec ses rapports. Il était hors de question d'envoyer un soldat dans un blizzard pareil. Il s'était donc désigné, et luttait désormais contre la tempête qui faisait rage à l'extérieur.
Lorsqu'il atteignit enfin le bâtiment où étaient stockées les bûches, il se réfugia dedans et tapa vigoureusement ses semelles contre le sol de pierre froide. Il logea autant de matériau qu'il le pouvait dans la vaste brouette dont il s'était équipé, recouvra le tout d'une bâche imperméable et souffla un bon coup, prêt à courir jusqu'à la baraque centrale.
Il ouvrit la porte, la referma immédiatement et commença son périple de cent mètres. Il se surprit à ralentir, non pas par manque de force, mais à cause de la légère tristesse qui lui nouait l'estomac.
Le Bataillon d'Exploration, depuis la disparition de Marion, avait réussi sa première mission : nettoyer Shiganshina. Ils avaient passé des mois à ramasser des cadavres en décomposition avancée, des clochers éventrés et des briques en mille morceaux.
Ils devaient désormais tout reconstruire, et cela prendrait longtemps. Les trois quarts des maisons étaient en ruines. Ils avaient dû négocier avec différentes entreprises d'architecture afin de trouver de l'aide ; ils n'avaient signé aucun contrat : toutes demandaient des prix exorbitants. Heureusement que les frais étaient à la charge de l'État, ou cette histoire était perdue d'avance.
Avec tout ce travail, Mike était psychologiquement fatigué. La démotivation grandissait peu à peu chez les soldats, et il le ressentait bien. Ils leur avaient répété que Marion était importante pour l'humanité, et voilà qu'elle s'était envolée, ils ne savaient comment.
Le chef d'escouade ne comprenait pas bien non plus ce qu'il s'était passé, trois mois plus tôt. La Résistance ne lui avait envoyé aucun message, et les ennemis semblaient ne pas être plus avancés qu'eux. Mis à part les États-Unis et la R2.0, personne, à sa connaissance, ne possédait de machine à voyager dans le temps – ni le code de l'implant de l'adolescente, crucial pour la transférer hors machine.
Il soupira longuement. On dirait que « grande sœur » s'est juste... volatilisée. Un petit sourire triste se dessina sur ses lèvres. Les souvenirs de son enfance à Iekaterinbourg étaient très clairs dans sa tête. Le visage de la jeune fille, qui prenait toujours le temps de jouer avec lui, aussi. Il l'appréciait tellement qu'il l'avait automatiquement intégrée dans sa famille, dont il était le seul représentant, ses parents ayant été assassinés quelques mois avant que Stéphane Bern ne le prenne en charge.
L'homme buta subitement dans quelque chose de dur ; le choc le tira de ses pensées. Je suis déjà arrivé. Il rentra rapidement, troqua ses bottes épaisses pour celles de la manœuvre tridimensionnelle, et fit descendre la brouette dans un ascenseur prévu à cet effet.
Là, il rejoignit le sous-sol et récupéra son butin. Il pénétra une petite salle, meublée de tables rondes, de chaises, d'un petit canapé et de quelques rangements ; il jeta trois bûches dans l'âtre de la cheminée et remua un peu les braises du bout d'une barre de fer. Lorsque les flammes jaunes s'élevèrent, répandant leur fumée brûlante dans les conduits qui traversaient tout le bâtiment, il fit de même avec les chaufferies de l'aile droite et de l'aile gauche, pour ensuite rejoindre le réfectoire.
Il s'assit lourdement sur un tabouret, les yeux rivés vers l'extérieur. Il ne voyait strictement rien ; les flocons épais qui tombaient en masse formaient une barrière glaciale, imperméable à toute visibilité. On va encore être bloqués demain... eut-il le temps de penser avant de commencer à somnoler, le front contre la fenêtre.
Un cri le réveilla en sursaut. Il ouvrit brusquement les yeux ; une obscurité épaisse l'entourait. Cette voix... Il se frotta le front et regarda autour de lui. Le silence était total. J'ai rêvé, réalisa-t-il avant de loger sa tête entre des bras, prêt à se rendormir.
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