Attaque - Partie 5

Iekaterinbourg, Russie, 25 mai 2019

Marion posa son sac à dos sur sa couchette et s'étala dessus dans un grincement. Son regard vert se dirigea vers le plafond de béton armé. La pièce était plongée dans la pénombre, seulement éclairée par un rai de lumière blafarde venant du couloir.

Emilie s'assit à côté d'elle, silencieuse. Elles restèrent ainsi un très long moment, étouffées par une atmosphère terriblement lourde. Une nouvelle fois, on va devoir se séparer. A cette idée, la poitrine de la jeune fille se tordit atrocement, lui procurant une douleur à la limite du supportable.

« Marion », finit par articuler la femme. L'intéressée ferma les yeux, empêchant ses larmes de couler. « Je sais que d'avoir causé la mort d'autant de personnes te perturbe... » Elle serra les dents. Non, tu ne comprends pas. Je n'en ai plus rien à foutre, de ça. David L. Goldfein est mort. C'est tout ce qui compte.

« Mais il faut que tu comprennes que c'était...

— Pour le bien de l'humanité, je sais, la coupa-t-elle d'une voix brisée.

— Tu n'y es pour rien... Tu n'as pas à te blâmer, tu le sais ? »

Il y eut un long silence. « Je ne me blâme pas », énonça-t-elle difficilement. Elle sentit l'autre se retourner. « Qu'est-ce que tu as, alors ? » Elle pinça les lèvres. Une vague de désespoir monta en elle, appuya sur les parois de son corps, se battit pour s'échapper et se déverser en emportant tout sur son passage. Elle la retint au prix d'un effort colossal.

« Marion... » l'appela l'autre. Son ton légèrement tremblant lui lacéra le cœur. Non, tais-toi, ne dis rien... Ne me sers pas un « Marion » pareil... Elle lui tourna le dos, un bras au travers du visage. Le sanglot qui remonta dans sa gorge fut étouffé par ses mâchoires contractées à s'en casser les dents.

« Je ne comprends pas, parle-moi... » Un mal affreux l'envahit. A défaut de pouvoir s'empêcher de pleurer, elle resta parfaitement silencieuse, et conserva un immobilisme total. Son amie esquissa un mouvement, et lui toucha doucement l'épaule.

A ce contact, l'adolescente tressaillit. Un gémissement s'enfuit de sa gorge. « Ne te cache pas », murmura la guerrière. Marion secoua la tête, se retourna brusquement et enfouit son visage dans l'épaule de la soldate, qui la prit dans ses bras.

Les cris noyés de larmes qu'elle poussa échappèrent totalement à son contrôle. Son cœur se retourna, se démena, se déchira sous le poids d'une souffrance furieuse et fulgurante. « Je ne veux pas retourner là-bas », gémit-elle, tremblant de tous ses membres ; ses propres paroles ne firent qu'accentuer la désolation qui se déchaînait en elle.

« Je sais », chuchota Emilie. Quelque chose mouilla son front ; elle pleurait aussi, d'une tristesse calme et vicieuse à la fois. « Je sais », répéta-t-elle. « Je suis profondément désolée... » Elle s'étrangla, et l'étreignit un peu plus fort.

Elles restèrent enlacées un long moment, dans un silence seulement brisé par les plaintes déchirantes de la plus jeune. « Quand j'y retournerai... » suffoqua-t-elle. « Tu seras morte... » Un autre sanglot, plus violent, la secoua.

Son interlocutrice hocha la tête. « Il faut se dire au revoir. » Cette phrase eut le même effet que si elle lui avait logé une balle dans l'estomac. Elle se recroquevilla.

« Je ne peux pas... Emilie...

— Leah, la corrigea-t-elle.

— Leah... Je ne veux pas que ça recommence... Je n'ai plus personne, là-bas...

— Ne te fiche pas de moi. »

Elle se raidit. « Il y a Hansi, Armin, Eren, et Conny. Tu t'entends bien avec eux, non ? » Elle pinça les lèvres.

« Ce n'est pas pareil...

— En quoi ce n'est pas pareil ? Ce sont tes amis aus...

— Je me fiche bien de ça. »

Elle secoua la tête, et prit une longue inspiration saccadée. « E... Leah. Ce n'est pas comparable... » Sa voix se brisa ; elle se reprit. « Putain, pourquoi tu ne comprends pas... » Elle la lâcha, essuyant son visage de ses mains. Là, elle planta ses yeux dans les siens.

« Ne pas comprendre quoi ? » demanda l'autre. Bordel. La chercheuse s'approcha d'elle ; les pupilles de la combattante se dilatèrent. Ne te fous pas de moi... « Marion », souffla-t-elle. Elle l'ignora, s'avança encore. J'en ai plus rien à foutre. Le rose monta aux joues d'Emilie. Elle put sentir son souffle se couper.

On se quitte dans quelques heures. Leur visage ne se trouva plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Les longs cheveux de son amie lui chatouillèrent le nez. Je n'ai plus rien à perdre... Elle ignora son cœur qui s'emballa et son corps assailli de tremblements.

La soldate ne bougea pas, et sa bouche s'entrouvrit. Leurs lèvres se rapprochèrent, se cherchèrent, s'effleurèrent très légèrement, et s'étreignirent enfin, envoutées par ce simple contact, en proie à un désir fébrile.

Les deux femmes s'embrassèrent un long moment, frémissantes. Leurs mains se rencontrèrent, découvrirent l'autre d'une union désespérée, la dernière qu'elles n'aient jamais vécu et n'allaient jamais revivre. Enfin, elles se relâchèrent, haletantes et palpitantes.

Un froid mordant prit immédiatement place à la tendre chaleur qui avait envahi la jeune scientifique quelques instants plus tôt. Ses yeux dérivèrent vers le sol, ses épaules se baissèrent. Emilie la scruta un long moment, avant de lui caresser la joue du bout du doigt.

« Fais-le pour moi, souffla-t-elle. Tiens bon, je t'en prie. Je resterai à tes côtés...

— Ça n'existe pas, pour un mort, coupa sombrement Marion. Tu n'existeras tout simplement plus. Même si j'échoue, tu ne seras pas là pour le voir. Ton cœur aura cessé de battre, et ton cerveau, de fonctionner. Voilà comment est la mort. Froide, et irrévocable.

— Tu as tort. »

Elle releva la tête. Le regard de son amie était doux, mais ferme. « Je peux revivre... Là », murmura-t-elle en touchant l'emplacement du cœur de la chercheuse du bout du doigt. « Et là », sourit-elle en faisant de même avec son cerveau. « La science ne t'empêche pas de penser, et de ressentir. Tu es libre, Marion. Aussi effrayant que ça puisse te paraître. »

La lèvre de l'intéressée trembla. « Tu fais chier », articula-t-elle dans un rire noyé de larmes. « Je sais que tu as raison. Tu fais quand même chier. » L'autre rigola, et lui tira la joue. « Du nerf. Tu as une mission à accomplir. » Elle hocha la tête, et se releva.

« Si je ne pars pas maintenant, je vais craquer... Alors... » Elle s'arrêta un moment, se mordant la joue. Je ne peux pas pleurer maintenant. Un goût de sang envahit sa bouche. Elle respira profondément et sourit du mieux qu'elle put. « Je t'aime aussi. »

Les yeux bleu glace de la femme s'embrumèrent. La plus petite leva son pouce, des larmes au coin des paupières. « Je vais les défoncer... Ces connards de 'ricain... » dit-elle d'une voix tremblante. « Rien que pour toi. » Sur ce, elle récupéra son sac et fit volte-face. Au moment où elle ferma la porte, elle accéléra, tourna dans un couloir au hasard et se laissa glisser le long d'un mur froid.

Bande d'enfoirés... De nouveaux sanglots, plus violents et plus poignants, l'assaillirent. Elle passa un doigt sur sa bouche, se remémorant les lèvres chaudes et douces de Leah. Pour m'avoir enlevé ça, vous allez crever la gueule ouverte. Au bout de quelques minutes, elle se releva avec difficulté. Une froide envie de vengeance grondait en elle.

Direction le bureau de Stéphane Bern, pensa-t-elle, décidée. Dernière étape avant de leur refaire le portrait.

***

Stéphane Bern était assis dans son petit bureau encombré, habillé de son habituel « costar-cravate ». Un œil sur les caméras de surveillance, il soupira longuement. La fatigue lui nouait les membres, et lui faisait tourner la tête.

Faire son métier de journaliste, qui lui servait désormais de couverture, tout en gérant la Résistance 2.0, n'avait pas été une mince affaire durant les dix années passées... Sans mentionner le fait que, depuis un an, il devait en plus justifier ses différentes escapades en Russie au grand public, redoublant de Secrets d'Histoire hors série.

Il se souvenait encore du jour où un ami à lui, ingénieur dans l'Armée de l'Air américaine, lui avait déballé avec affolement les projets du général David L. Goldfein sur les titans. Il avait été horrifié, scandalisé ; mais il ne lui fallut que peu de temps pour prendre une décision capitale.

Il avait recruté, d'abord grâce à un bouche-à-oreille habile, puis au travers du dark web, tous les scientifiques rebelles du gouvernement états-unien, et avait créé la Résistance 2.0. Il était peu fier de ce nom, qui était une grossière référence à la Résistance de la seconde guerre mondiale. Si plus de temps lui avait été accordé, il aurait trouvé quelque chose de mieux... Mais désormais, peu lui importait.

Il avait géré l'organisme d'une main de fer, s'était entouré des meilleurs hommes qu'il connaissait, et était parvenu à renverser la situation, ignorant les nombreuses nuits qu'il avait sacrifiées à cette lourde tâche qui était de sauver l'humanité.

Seulement... Cette mascarade ne devrait plus durer plus longtemps... songea-t-il en observant les hommes habillés de noir qui escaladaient un mur du grand bâtiment en béton armé, caché au beau milieu d'une forêt dans la périphérie d'Iekaterinbourg.

On frappa à sa porte. Les trois coups secs qui retentirent le tirèrent brusquement de ses pensées. Il posa une main sur la kalachnikov qu'il cachait sous son bureau. C'est Marion. Il la laissa entrer, l'accueillant de son habituel sourire.

Il remarqua avec une certaine surprise que ses cheveux avaient repris leur forme naturelle, bien que toujours de ce noir de jais qu'avait confectionné un ancien collègue à lui, tragiquement mort lors d'une mission. Ça s'effacera bientôt. Il l'invita à s'asseoir sur un siège bancal et lui demanda ce qui l'amenait.

« Monsieur Bern, commença-t-elle en le dardant de ses yeux légèrement rougis.

— Appelle-moi Stéphane.

— St... Stéphane, articula-t-elle, peu à l'aise. Je suis venue pour savoir comment allait se dérouler mon transfert...

— Tu veux apporter cette boîte avec toi, c'est bien ça ? demanda-t-il en désignant l'objet. »

Elle hocha la tête.

« Tu devras passer par l'ancienne machine, alors.

— L'ancienne ?

— Dans la nouvelle, toutes les caractéristiques de ton corps sont enregistrées et respectées, grâce à un petit implant dans ton bras qui scanne ton organisme avant le transfert. C'est pour ça que tu as eu mal à la tête, précisa-t-il dans un rictus désolé. Toutefois, elle ne permet que d'envoyer l'organisme en lui-même... Alors que la plus vieille, aussi bizarre cela paraît-il, transfère tout ce qu'il se trouve dans la cage. »

Elle baissa le regard, une étrange expression collée au visage.

« Bien. A quelle heure est-ce que je vais partir ?

— Voyons voir... »

Les intrus étaient déjà dans le couloir principal, détruisant les caméras les unes après les autres. Il tapa un rapide message à Issei afin qu'il transfère Leah et se tourna de nouveau vers la jeune fille.

« Le plus tôt serait le mieux, mais tu as certainement des questions.

— Oui, bafouilla-t-elle. »

Il se pencha légèrement en avant, attentif. « Vous m'avez enlevée, c'est ça ? Vous m'avez aussi appris l'alphabet des Murs. Combien de temps est-ce que ça a duré ? A quelle date est-ce que j'ai été transférée en 850 ? » Il inspira profondément. Je devais m'en douter.

« Nous t'avons gardée près d'un an. » Elle écarquilla les yeux. « Nous avons perfectionné ton allemand, tes connaissances en sciences, notamment en physique et en biologie, et renforcé ton corps afin de le préparer au transfert. Nous t'avons transférée le trois juin 2018. Tu as donc près de dix-neuf ans, et non dix-sept. »

Elle le fixa un long moment, interdite. « Il est normal que tu n'en gardes aucun souvenir. Nous t'avons modifié la mémoire. Mais tu as le droit de savoir ce que tu y as fait. » Elle acquiesça. « Je sais que tu étais bonne amie avec Issei. Mike aussi était là. Mike Zacharias. Il a été envoyé peu de temps après toi, mais bien avant 850. C'était un jeune garçon, quand tu l'as connu. Il avait quoi, huit ans ? »

Elle ouvrit la bouche, choquée.

« J'ai connu le chef d'escouade Mike... Enfant ?

— Exact. Il t'appelait « grande sœur », tu lui lisais des histoires et jouais aux cartes Pokémon avec lui. Je ne sais pas s'il s'en souvient... Très probablement. C'est un très bon agent de terrain. Il a une excellente mémoire.

— Il était tout à fait normal, souffla-t-elle.

— Il sait très bien mentir.

— Je vois... »

Elle se tut un long moment, chamboulée.

« Et pour Antoine... articula-t-elle difficilement.

— Oui ?

— Kenny Ackerman... C'est en réalité son oncle, Fabien Chaillot ? Il me semblait bien familier, lorsqu'il m'a enlevée... Quand j'y repense, ce n'est pas seulement à cause du manga...

— En effet. Il ne fait pas partie de la Résistance... Mais nous l'avons tout de même envoyé, afin de correspondre à l'histoire du manga. C'est assez étrange... Nous nous plions à des évènements que nous avons créés avant même qu'on le sache... rit-il légèrement. Nous n'avons pas eu besoin de modifier sa mémoire. Il a parfaitement rempli son rôle de faux tuteur, puisqu'il en était réellement un dans sa vie.

— Oui, murmura-t-elle simplement, le regard dans le vague. »

Les ennemis étaient à deux bâtiments de son bureau, et détruisaient tout sur leur passage. Sa main effleura le fusil, prête à agir.

« Nous ne savions pas quand est-ce que ces deux personnages clés feraient leur apparition, avoua-t-il. « Seul le temps nous le dira ». Cette citation colle parfaitement. Enfin, soupira-t-il, Antoine, lui, a bien eu la mémoire modifiée. Tu l'as vu. Il ne se souvient de rien du tout.

— Je lui ai promis que je lui avouerai tout.

— A ta guise. Mais cela le chamboulera...

— Ça aurait chamboulé l'ancien Antoine, concéda-t-elle, mais le nouveau...

— Lui aussi. Il va certainement te demander de l'appeler par son prénom. Pas par Antoine, corrigea-t-il en voyant son air ahuri, mais son nouveau prénom. Il n'est plus vraiment Antoine, après tout. Je le sais bien : je l'ai créé. »

Elle esquissa un sourire nostalgique.

« En fait, ils ne sont pas aussi différents que ce que je pensais. Antoine avait toujours été doué à la bagarre... Mais était bien plus émotif, plus souriant... Plus menaçant, aussi, quand quelqu'un me cherchait des noises... Je ne sais pas... Ce sont deux personnes distinctes, je ne devrais pas essayer de les comparer.

— Exactement. Marion, se pressa-t-il un peu, il y a deux choses que je dois te dire, puis nous devrons nous dépêcher d'aller te transférer. »

L'adolescente reprit son sérieux. « Ton père est mort le dix-neuf mai. Il s'est suicidé. » Son visage se décomposa. Elle se prit la tête dans les mains. « Je vois », murmura-t-elle d'une voix brisée. « Je n'allais de toutes manières plus le revoir... » Elle eut un petit rire nerveux. « Mais ça fait un sacré choc... » Il hocha la tête. « Il y a aussi autre chose. Je suis navré de te balancer tout ça d'un coup. Mais... »

Une déflagration assourdissante se fit alors entendre, le coupant dans son élan. Il se leva immédiatement, arme à la main. En regardant l'écran, il vit avec horreur que leur nouvelle machine venait d'être détruite. Le cadavre d'Issei gisait au sol dans une mare de sang.

« Nous devons partir maintenant ! » l'exhorta-t-il en la prenant par l'épaule. Elle le suivit ; à sa grande surprise, elle resta parfaitement calme. Elle a vécu beaucoup de choses. Ça ne m'étonne pas. Ils se ruèrent dans le couloir, l'air grave.

Immédiatement, quelqu'un fit irruption. Stéphane Bern le troua sans attendre d'une balle dans le front et se mit à courir, la chercheuse sur ses talons. « Prends ça », lui ordonna-t-il en lui lançant un revolver, qu'elle attrapa au vol.

La machine est détruite... Il serra les dents, tua un autre américain avant qu'il n'ait eu le temps de bouger, et bifurqua dans un petit couloir plus sombre. « Camembert », dit-il dans son talkie-walkie qu'il sortit de la poche intérieure de sa veste. « Prépare la machine numéro neuf. Processus d'urgence. Ne sors pas de la salle de transfert, et envoie Meaty sur les ennemis.»

Il reprit sa route à grands pas. Il nous reste un bâtiment à traverser. Deux individus surgirent alors du toit, leur barrant le passage ; il leva immédiatement son AK-47, mais une femme prit Marion en otage, un couteau sous sa gorge. « Un geste, et elle est morte. »

Il se pétrifia. Trois contre un. J'ai beau avoir suivi un entraînement spécialisé... La tension l'envahit, et il déglutit. « Bien, on va donc la prendre avec nous », dit-elle alors que les deux autres lui arrachaient son arme. Il regarda, désespéré, la jeune scientifique se faire emporter par l'espionne.

Il réalisa alors avec stupeur qu'aucun affolement ne brillait dans son regard ; seule une haine profonde et lugubre l'animait. Qu'est-ce que... eut-il tout juste le temps de penser. La plus petite assena un violent coup de genou dans l'entrejambe de la femme, qui se plia en deux.

Elle lui arracha son arme, tira dans le genou de l'homme qui avait pris le fusil du journaliste, et courut vers ce dernier, qui tua froidement le survivant. Ils reprirent leur course, plus rapides, plus tendus, ignorant les deux qui se tordaient de douleur par terre en émettant des cris sourds.

Elle l'a descendu comme ça... Elle a vraiment changé, se souffla-t-il en se rappelant la femme qu'ils avaient récupérée. Un voile sombre semblait s'être posé sur Marion, fruit de toute la violence qu'elle avait subi jusque-là.

Ils atteignirent enfin le hall précédant la fameuse salle. Au même moment, un groupe d'inconnus fit irruption, arme à la main.

« Cours ! cria-t-il à l'autre, qui le fixa avec des yeux ronds. Rentre dans la salle, vite !

— Vous êtes fou ! Je ne vous laisserai pas pour mort !

— Dépêche-toi, émit-il entre ses dents serrées en faisant face à ses adversaires. Je vais les retenir. Tu es l'espoir de l'humanité, tu dois y aller !

— Mais vous...

— Je ne suis qu'un pauvre journaliste doublé d'un général à la tête d'une organisation secrète, s'exclama-t-il en commençant à tirer. Et tu viens de recevoir un ordre de ton général, donc obéis ! »

Elle tourna les talons, décidée. « Je ne suis pas sous vos ordres », cracha-t-elle. Une balle lui frôla la joue ; elle l'ignora superbement et attaqua. Bordel, ragea-t-il en la poussant derrière lui. Elle tenta de se débattre, manifestement irritée.

Une douleur fulgurante lui broya subitement l'épaule. « Stéphane Bern ! » hurla Marion alors que la balle qui l'avait touché déchirait ses muscles. Au prit d'un effort colossal, il resta debout. « Va-t-en ! » Elle resta pourtant plantée là, hésitante.

Une ombre apparut alors derrière elle, la saisit par le bras et la projeta vers la salle. « Général, je m'en occupe », s'écria Grisha Jäger au-dessus du vacarme qui régnait tout en poussant la jeune fille dans la pièce. Grisha... songea le chef en faisant de nouveau face aux hommes, qui avançaient en grand nombre vers lui.

« Ne bougez plus ! » ordonna quelqu'un en anglais. « Vous êtes cernés ! Rendez Marion Griffonds, et tout se passera pour le mieux ! » Du sang goutta de sa veste, et s'écrasa au sol dans un clapotis qui lui parut aussi bruyant qu'une bombe.

Il esquissa un sourire, et rechargea son arme malgré la souffrance atroce qui lui traversait le bras et les étoiles qui dansaient devant ses yeux. « Ne me volez pas le fruit de mon dur labeur », souffla-t-il en tirant de nouveau, tuant quatre hommes de plus.

Quelques secondes plus tard, il se retrouva à terre, criblé de balles. Il discerna faiblement les autres enjamber son corps mourant. Un brusque silence s'abattit sur lui ; la douleur disparut brutalement de son abdomen.

Jusqu'au bout... Je n'ai pas pu être honnête... Une larme coula lentement sur sa joue. Mais j'espère avoir rempli ma mission... Il ferma les yeux, à bout de forces ; tout disparut autour de lui.

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