A la nuit tombée - Partie 4

Stohess, Mur Sina, au même instant

Hitch se glissa sous ses draps, aux anges. Enfin, elle pouvait rejoindre un endroit confortable, où se prélasser tranquillement sans avoir à se presser, bercée par les ronflements de ses camarades de chambre, loin de tout danger et...

Elle se redressa brusquement, et se tapa la tête sur le lit au-dessus d'elle. Le souvenir de Livaï la plaquant contre un mur d'un air effrayant et l'engueulant jusqu'à ce qu'elle se pisse dessus était bien trop présent pour qu'elle retrouve une attitude détendue, du moins jusqu'à ce que cette révolution soit passée.

Incapable de rester immobile plus longtemps, en proie à une pression inhabituelle, elle se leva de son lit et enfila discrètement un long manteau. Elle était restée en uniforme pour la mission qui allait suivre, et Marlowe était très certainement en train de l'attendre dans les couloirs du rez-de-chaussée.

Ce fut avec une extrême prudence qu'elle le rejoignit, remettant ses cheveux châtains mi-longs en arrière. Ses yeux verts parcoururent l'endroit sombre et silencieux, pour se poser sur la grande silhouette de son camarade.

Ils se contentèrent d'un hochement de tête. Usuellement, la soldate avait la langue bien pendue ; mais elle la garda liée cette fois-ci. S'ils échouaient, c'était leur mort à tout les deux, et, par conséquent, celle de son confort quotidien.

Après tout, il fallait au moins déjouer les plans du gouvernement. Pour ce qui était des titans, elle laissait ceux qui étaient motivés gérer – et il y en avait un paquet, au Bataillon. Elle pouvait leur faire confiance, et gentiment se prélasser dans Sina.

Ils arrivèrent bientôt dans les bâtiments administratifs. Seul le bruit léger de leurs pas brisait le silence qui les entourait. « T'es la plus fouineuse », grommela Marlowe. « A toi l'honneur. » Elle retint de justesse un petit rire pour glisser le double des clés qu'ils avaient trouvé dans la serrure. Dans un cliquetis, la porte s'ouvrit ; elle pénétra la pièce.

Il n'y avait absolument rien. Rien que des babioles, les papiers inutiles et des romans. Elle avait pourtant fouillé chaque recoin, et lorsqu'elle l'apprit au soldat, il était encore passé derrière elle. Il la pensait très certainement incapable d'achever ne serait-ce qu'un seul travail à bien.

La fouille des autres pièces ne fut pas plus concluante, et Hitch se posta face au bureau de la dernière salle, le nez froncé. Elle remua un peu les dossiers, les feuilles et la poussière qui le tapissaient ; quelque chose glissa alors au sol, et elle se pencha en avant pour le récupérer.

C'était une lettre adressée à Zackley, parlant de recrutements express, d'attente d'ordres et d'arrachage d'affiche. De ce qu'elle en comprit, la branche antirévolutionnaire dans laquelle elle et Marlowe étaient infiltrés n'avait tout simplement aucun plan, et beaucoup de mal à contenir la rage de la population.

Elle eut un petit sourire amusé. Le général cache bien son jeu, on dirait. Elle montra le message à Marlowe, qui hocha la tête d'un air très sérieux et remit soigneusement tout en place. Elle soupira. Il prenait vraiment son travail à cœur, tant et si bien qu'elle devait redoubler d'efforts pour le ridiculiser.

Ils s'apprêtèrent à sortir, lorsque des pas se firent entendre à l'autre bout du couloir. « Merde », murmura son camarade, le visage crispé. Elle s'écarta de la porte pour se plaquer contre un mur, et le força à faire de même. Son cœur battait à tout rompre, et l'angoisse lui rongeait les tripes. S'ils nous trouvent... On est foutus...

Marlowe posa une main sur son épaule. « Il n'y a qu'une personne », siffla-t-il entre ses dents serrées. « On peut se la faire. » Elle le regarda avec des yeux ronds.

« T'es fou ? On va faire un raffut pas possible ! protesta-t-elle à voix basse.

— On n'a pas le choix. Il se dirige vers ce foutu bureau, tu n'entends pas ? Je l'immobilise, puisque j'ai plus de force que toi, et tu l'assommes. Tu es meilleure pour ça, après tout.

— Marlowe...

— Tu as trois secondes pour choisir, la coupa-t-il. »

Elle contracta ses poings. Elle aurait aimé ne jamais se battre, et voilà qu'elle devait fournir des efforts physiques. Je suppose que je n'ai pas le choix. Fait chier, c'est pas possible... Elle acquiesça très faiblement, la gorge serrée. Elle était bonne au corps-à-corps, mais se fouler... Très peu pour elle.

Seulement, les pas se rapprochaient dangereusement, et même elle pouvait réaliser l'urgence de la situation. Elle le laissa donc se glisser de l'autre côté de l'embrasure, et se tint prête à agir. L'individu se fit de plus en plus proche de leur position, augmentant la tension qui régnait en elle.

Il s'arrêta alors. Il venait très certainement de voir le bureau grand ouvert. Il esquissa un mouvement, puis un autre, et enfin, se précipita dans la salle.

Il fut immédiatement stoppé par le grand soldat, qui le plaqua au sol sans ménagement ; Hitch allait faire sa part du boulot, lorsqu'une femme lui attrapa le bras avec force. Elle écarquilla ses yeux en grand. Ils sont deux, au final.

Son sang ne fit qu'un tour dans ses veines. Elle esquiva le poing lancé vers son visage, lui fit une violente béquille et enchaîna avec un coup dans le ventre. Son ennemie recula en toussant ; elle en profita pour lui assener son coude sur le crâne, puis la plaquer au sol.

Son cœur cognait abominablement dans sa poitrine alors que l'adrénaline l'animait. Elle l'assomma avec la crosse de son fusil, fila un bon coup de botte dans le flanc du type qui roulait avec Marlowe au sol, et lui fit subir le même traitement.

Les deux adversaires hors d'état de nuire, il put se relever, et la dévisagea un moment. « Qu'est-ce qu'il y a, tu te mets à me reluquer, maintenant ? » ironisa-t-elle... Bien qu'elle-même n'en menait pas large après son premier réel combat.

Il secoua la tête. « Tu es meilleure que ce que j'ai vu à l'examen. Tu aurais dû avoir la quatrième place... » Elle détourna les yeux, les paupières plissées. « Tais-toi. On doit se charger de ces deux baltringues, maintenant. On les fourre où ? »

Après mûre réflexion, ils les ligotèrent comme des saucissons, pour les empiler dans une armoire et repartir d'un pas vif vers le rez-de-chaussée. Là, ils hésitèrent longuement, les muscles crispés. Deux choix s'offraient à eux : repartir innocemment vers leurs chambres, et risquer de se faire rattraper puisqu'ils venaient d'être pris sur le fait, ou fuir maintenant.

Pouvaient-ils considérer qu'ils avaient rempli leur mission ? Après tout, ils devaient rapporter aux autres comment évoluait la réaction de la population, et celle-ci semblait favorable. « Dans tous les cas, on ne peut pas rester ici », articula l'adolescent. Il paraissait sérieusement ennuyé, et la soldate pinça les lèvres.

Elle avait bien une idée, mais elle ne lui plaisait pas du tout. Hitch, réfléchis. La plus efficace tu seras, le plus vite tu retourneras à ta routine habituelle. Elle resta immobile un instant ; le regard de Marlowe pesait lourd sur sa nuque.

Finalement, elle soupira. « J'ai un plan. »

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