☽ Chapitre 6 ( Partie 1. )

 — Tu es sûre de toi ? me demanda Amanda pour la cinquième fois.

— Il vaut mieux essayer que de ne rien faire. Ça ne le tuera certainement pas, mais peut-être que ça le ralentira un peu.

— Mais après y va nous rattraper, me fit-elle remarquer.

— Je le répète, intervint une voix dans le coin de la pièce, vous ne pouvez pas fuir.

Mon regard se dirigea vers la revenante qui se tenait dans le coin de la pièce. Amanda se mit à regarder aussi, mais elle ne pouvait pas la voir, je le savais très bien. Je soupirai doucement avant de laisser aller ma tête contre le mur.

— Je sais très bien que nous ne pouvons pas fuir, mais tu veux qu'on fasse comme toi ? Qu'on se mette une corde au tour du cou ?

La revenante m'adressa un regard noir qui ne me fit ni chaud ni froid. Elle pouvait bien prendre la mouche, ça ne changeait rien au fait que je ne mentais pas, elle s'était volontairement donnée la morte.

— À qui est-ce que tu parles ? m'interrogea ma collègue en cherchant dans la pièce.

— Tu ne peux pas la voir, c'est un fantôme.

— Tu vois les fantômes ? Sérieusement ?

— Amanda, après ce qui t'es arrivé, tu arrives encore à avoir des doutes sur ce qui est possible ou non ?

Elle ouvrit la bouche avant de la refermer, se rendant bien compte que sa question était particulièrement idiote. Cela me fit doucement rigoler, elle était vraiment mignonne par moment.

— Je ne vois pas que les fantômes, lui avouai-je, je vois plein d'autres choses que les personnes normales ne voient pas.

— Depuis toujours ?

Je penchai légèrement la tête sur le côté en réfléchissant un peu à comment lui expliquer tout ça.

— En fait, repris-je, suite à un évènement plutôt choquant, j'ai enfuis très loin les souvenirs en rapport avec tout ça. Je pense même que je ne me souviens toujours pas de tout, en fait. Mais oui, je vois ces choses depuis toujours, quand j'étais enfant je n'avais pas conscience des dangers que ces êtres, pour la plus part, pouvaient représenter. Je n'avais pas peur d'eux, les prenant simplement pour des gens lambdas, malgré leur apparence peu naturelle.

Je jetai un nouveau coup d'oeil en direction de la revenant qui était toujours là, ses jambes toujours invisible à leur bout.

— C'est en grandissant que j'ai compris, continuai-je, que ce n'était pas normal. J'ai aussi compris que je n'étais pas seule, ma mère et ma petite-sœur les voyaient aussi. Et je me demande si ma grand-même ne les voyait pas aussi...

— Ce serait génétique ?

— Je crois bien. Mortem m'a dit...

— Qui ?

— Le monstre, j'ai décidé de l'appeler comme ça.

Ce n'était pas original, mais c'était ce qui lui allait le mieux, parce qu'il empestait la mort et il la répandait en y prenant plaisir.

— Il m'a dit que je n'étais pas la première de ma famille qu'il rencontrait et que Dieu ne nous aimait pas et qu'il ne nous aimerait jamais.

— Il a seulement dit ça pour te déstabiliser, Dieu est amour, il aime tout ses enfants. Il n'y a pas de raisons pour qu'il n'aime pas ta famille.

— Hum...

Elle avait peut-être raison, mais elle pouvait avoir tord aussi. Je ne savais pas trop quoi en penser. Cette histoire me travaillait, surtout qu'il avait parlé de dons, je ne voyais pas de quoi il parlait. Le simple fait de voir l'invisible était un don si précieux ? Il devait y avoir quelque chose, il y avait forcément quelque chose d'autre. Peut-être quelque chose que ma mémoire avait aussi occulté.

— Je me demandais, fit Amanda, comment tu as pu oublié quelque chose comme ça ? Je veux dire, même avec un choc ? Si tu vois ce que le commun des mortels ne voit pas, tu as dû continuer d'en voir, non ?

— Non, justement. Pour tout t'avouer, ma mère est enfermée dans un hôpital psychiatrique parce qu'on lui a diagnostiqué une schizophrénie. Elle ne l'est pas du tout. J'ai eu si peur de me retrouver moi aussi enfermée, que j'ai fini par dire que je ne voyais rien. Et à force de le répéter, j'ai réellement fini par ne plus rien voir et mon cerveau a dû scellé mes souvenirs.

— Un mécanisme de défense, en gros.

— C'est ça, mais j'ai continué à être... sensible à certaines choses. Quand je passais devant cette maudite porte, je sentais bien qu'il y avait quelque chose. Même quand j'ai ouvert, je l'ai senti. Puis... j'ai recommencé à voir et les souvenirs sont revenus.

Un nouveau silence s'installa dans la pièce, c'était presque gênant d'arrêter une conversation là dessus. Alors que j'allais de nouveau dire quelque chose, je n'en fis rien. J'observais Amanda qui suait à grosses gouttes, je n'y avais même pas fait attention un peu plus tôt. Je me rapprochais et posais mes mains sur son visage, elle était brûlante de fièvre. Et son teint devenait quelque peu gris. Ça n'allait pas du tout, elle semblait sur le point de perdre connaissance. Comment une fièvre pouvait être aussi fulgurante ?! La réponse était pourtant évidante, elle avait été mordue par un vampire, elle était condamnée à devenir une de ces choses. Me redressant, je la fis s'allonger avant de la couvrir, puis je sortis de la pièce en quatrième vitesse pour rejoindre le bureau de l'abbesse. Il fallait faire quelque chose, parce que si Amanda se changeait en vampire, le démon qui lui avait fait ça n'aurait même pas à se fouler pour nous massacrer. Elle s'en chargerait à sa place.

Une fois devant le bureau, j'abattis mon poing contre la porte à plusieurs reprises de manière violente. Pas de réponse. Je n'avais pas la patience requise pour attendre, cette histoire devenait bien trop dangereuse. J'ouvris la porte et entrait dans la pièce, la première chose qui me frappa, ce fut l'odeur absolument ignoble qui régnait dans le bureau. Je couvris mon nez à l'aide de ma main alors que je sentais une violente nausée me prendre. J'avais déjà senti une puanteur semblable à celle-ci. Sur le côté gauche du bureau, je vis une tâche sombre s'étendre sur le sol. Mon sang se glaça et je voulus faire demi-tour pour m'enfuir de la pièce, mais la porte claqua soudainement derrière moi alors que le son du verrou se fit entendre. Je reculai précipitamment jusqu'au bureau, mes fesses en cognèrent le rebord. Le sang qui jonchait le sol se mit alors à glisser le long du vieux parquet, lentement, jusqu'à venir former une petite flaque à un mètre de moi. Mes jambes se dérobèrent quand je vis la petit flaque sanglante commencer à bouillir avant de prendre forme humaine.

— Seigneur, venez-moi en aide, suppliai-je la voix tremblante.

— Tu appelles encore le Seigneur alors que je suis ton unique maître ?

Il était là, avec son sourire froid et cruel. Il s'approcha et vint me soulever ce qui me fit hurler de peur et me débattre dans ses bras. Alors que je m'agitais comme une furie, une de mes mains tâtonnait le bureau, jusqu'à ce que je ne parvienne à m'emparer de quelque chose d'assez gros pour le poignarder avec. Une fois, deux fois, trois fois. Je m'acharnais, éclaboussant mon visage de son sang, jusqu'à ce que je porte un dernier coup au niveau du coeur, je laissais alors l'objet qui me servait d'arme planté dans sa chair. C'était de gros ciseaux. On avait planifié, avec Amanda, de la poignardé avec quelque chose qui aurait été trempé dans de l'eau bénite avant, visiblement, je venais de gâcher toute nos chances. J'étais de nouveau coincée contre le bureau et je respirais comme si je venais de courir un marathon. Le vampire retira les ciseaux, ils étaient recouverts de son sang. Je pus voir, avec horreur, la plaie se refermer sous le tissu troué, exactement comme si il ne s'était rien passé.

Le grognement qui raisonna dans le bureau me fit venir les larmes. Je comprenais mon erreur, il allait me le faire payer très cher. Il me gifla du dos de la main me faisant m'écrouler contre le parquet, il m'avait frappée si fort que j'en étais étourdie. Mon nez saignait de nouveau et l'intérieur de ma bouche avait lui aussi été rouvert par mes dents. Il m'avait frappé exactement au même endroit que la veille. Je crachais sur le sol pour me débarrasser du sang qui envahissait ma bouche. Je criai quand il me souleva en me tenant par les cheveux. Il me retourna de manière à voir mon visage, mais sans que je lui fasse réellement face.

— Tu penses vraiment que quelque chose comme ça peut m'atteindre ?! rugit-il, hors de lui.

Il me pencha brusquement par dessus le bureau, assez pour que je puisse voir le corps de ma supérieure. Sa tête était détachée de son corps, son cou avait été rongé, exactement comme celui de de Madeline. Là encore, je ne pus m'empêcher de vomir en voyant ça, c'était tellement répugnant. Alors que je finissais de vider le contenu de mon estomac, il me redressa sans douceur.

— C'est comme ça que tu veux finir, Calyptia ? Si c'est ce que tu cherches, je t'exaucerai, tout de suite même.

Il ouvrit la bouche, je m'attendais à ne voir que les deux crocs proéminents caractéristique des vampires, mais ce ne fut pas le cas. Malgré la douleur qui pulsait dans ma mâchoire, un hurlement de pur effroi s'échappa du fond de ma gorge. Tout ses dents étaient acérées et s'apprêtaient se planter dans mon cou pour le déchiqueter. Il allait réellement me tuer, quand je sentis le bout des ses dents frôler ma jugulaire, la peur pris le dessus sur tout le reste.

— Pitié, ne me tue pas ! suppliai-je. Je suis désolée, je ferai ce que tu veux pour me faire pardonner ! Je t'en prie, je t'en supplie... ne me tue pas...

Je fondis en larme, je ne voulais pas mourir. J'avais peut-être du caractère, mais est-ce que ça valait la peine de mourir d'une manière aussi horrible ? Non, certainement pas. Je me rendais bien compte que j'étais pitoyable, un vulgaire jouet entre les mains d'un enfant sadique, mais qu'est-ce que je pouvais y faire ? Rien... rien du tout. 

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