☽ Chapitre 4 ( Partie 1. )

Le jour était levé depuis peu et j'entendais mes collègues s'agiter. Mon absence du dortoir en était certainement la cause. J'étais toujours assise au bureau de l'abbesse, le regard perdu dans le vide alors que la fatigue faisait de plus en plus vaciller mon esprit entre ce qui était réel et ce qui ne l'était point. La porte s'ouvrit et ma supérieure sursauta en me voyant assise à sa place. Puis son visage ridé aborda une expression sévère.

— Soeur Calyptia, puis-je savoir...

— Qu'est-ce qui dormait sous Saint-Lucie ? la coupai-je alors que mes yeux fatigués se plantèrent dans les siens.

— Je vous demande pardon ? Avez-vous perdu la...

Une fois de plus, sa phrase fut sans fin quand elle se rendit compte de l'ouvrage qui était ouvert devant moi. Elle s'approcha en vitesse et récupéra le livre qu'elle referma dans un bruit sec, mais je ne me démontais pas pour autant. Contrairement à elle, je gardais mon calme, je savais à quoi nous avions à faire et je voulais voir jusqu'où elle était prête à nous sacrifier au nom du Seigneur.

— Je me répète, fis-je la voix presque trainant, qu'est-ce que c'est ?

— Vous n'avez pas besoin de le savoir ! Retournez au dortoir et faites-moi le plaisir de dormir !

— Il a tué Madeline, je l'ai vu hier soir et il va encore tuer. En fait, je pense qu'il nous tuera toutes. Vous aller nous laisser mourir, mère Sue. Parce qu'il viendra pour vous aussi.

Un duel de regard s'amorça entre nous. J'étais certaine de gagner, j'étais bien trop fatiguée pour paniquer ou même pour m'énerver, alors que ma vis à vis, elle, me paraissait sur le point d'exploser de rage. Je le savais parce que je voyais bien sa mâchoire serrée.

— Vous n'avez pas pu le voir, chercha-t-elle à me contredire, cette chose est enfermée depuis des siècles. Ce que vous racontez n'est qu'élucubration.

— Ah oui ? Alors qui a tué Madeline ? En fait, si elle avait seulement été tuée, je vous aurais donné raison quant aux divagations de mon esprit. On aurait pu accusé l'une d'entre nous, pourtant, vous n'en avez rien fait. Tout simplement parce que aucune d'entre nous n'aurait pu lui ronger le cou au point que sa tête soit à deux doigts de se détacher de son corps. Alors répondez à ma question : qu'est-ce que c'est ?

Je comptais la forcer à parler. J'avais beau être bonne sœur, j'avais toujours eu un caractère bien trempé et cela s'était affirmé en grandissant. Religieuse ne voulait pas dire qu'il fallait forcément être toute douce et toute gentille, seulement apprendre à se gérer, surtout la colère qui était un péché. Je vis qu'elle renonçait quand elle soupira silencieusement et qu'elle alla reposer le livre à sa place.

— Je pense que vous avez déjà parcourut les écris de ce livre. Donc je ne vais pas vous apprendre grand-chose de plus. C'est un démon, il a semé le chaos dans divers régions du monde à travers les époques. La preuve étant qu'il y en a des représentations partout sur la planète, bien que sa plus célèbre appellation soit...

— Le comte Dracula ou Vlad Tepes, dit l'Empaleur, terminai-je en croisant les bras sur mon ventre. Je ne pensais pas que cet homme était un démon et qu'il...

— Non, ce n'est pas Vlad III, c'était un homme comme les autres, il n'a jamais été un vampire.

Je fronçais les sourcils, pas certaine de comprendre. Elle m'avait bien parlé de Dracula, alors pourquoi me dire que ce n'était pas lui.

— L'Empaleur, ce n'était pas vraiment cet homme, m'expliqua-t-elle en s'appuyant contre l'étagère, mais le démon avec qui il avait passé un pacte. Il a détruit tout ses ennemis et Vlad III à récolter la gloire. Ce monstre n'a pas besoin de gloire, il a besoin de peur et de sang, en s'alliant avec cet humain, il en a eu à foison. Mais les démons ne sont pas justes.

— ... Il a tué son pactisant, c'est ça ?

— Exactement, les circonstances de la mort de l'Empaleur ont toujours été obscures, on sait seulement qu'il aurait été décapité que sa tête aurait été envoyée à son ennemi, le sultan.

L'état du coup de Madeline me revint encore à l'esprit. Il lui avait rongé le cou, alors ça ne m'étonnerait pas qu'il ait fait exactement la même chose. Allions-nous toutes finir ainsi ? Avec la gorge rongée jusqu'à l'os ? Probablement.

— Ce corps, formulai-je, c'est le sien ?

— Ça dépend de ce que vous avez vu.

— Un jeune homme au teint pâle et aux long cheveux noirs. Habillé avec des vêtements d'époque.

— Vlad Tepes avait deux fils, m'indiqua-t-elle, Mihnea Ier et un second qui répondait, lui aussi au nom de Vlad, mais il serait décédé des années après la mort de son père en 1476, et il n'y a que très peu d'informations sur lui. Mais ça, ce n'est que la version officielle.

— Qu'en est-il de l'officieuse ?

Au point où nous en étions, je pouvais me permettre de tout demander, elle n'avait plus rien à me cacher après m'avoir raconté tout cela.

— Je pense que ce n'est pas très difficile à deviner.

— Il a possédé le fils avant de tuer le père, puis il a disparu pendant tout ce temps. Et il n'est jamais mort, je suppose que l'église à simplement réussi à mettre la main sur lui. Ou quelque chose du genre.

— Vous avez un esprit vif dites-moi. Vous auriez dû devenir inspecteur de police.

Je gloussai en pivotant la chaise alors que mes yeux se posèrent sur la cours ou certaines filles s'agitaient encore. On me cherchait toujours, ce qui me rendait désolée vis à vis de leur inquiétude.

— J'aurais pu, soufflai-je, mais j'ai été... appelée autre part.

— Par Dieu, c'est une bonne chose.

— J'aimerai vraiment vous dire que c'est Dieu qui m'a poussée à devenir bonne sœur, mais c'est autre chose. C'est compliqué à expliquer, mais je ressentais le besoin d'être à son service, sous son œil.

— Craigniez-vous quelque chose ?

— Je ne sais pas, lui avouai-je, beaucoup de choses, au sujet de ma propre vie, sont floues pour moi.

Oh oui, bien plus de choses que ce que je pensais et je sentais que la brume se dissiperait au fur et à mesure que je me rapprocherai de ma mort. J'avais l'infâme sensation d'être une malade en phase terminale et de compter les jours qu'il lui restait encore à vivre avant que le jugement ne vienne. Mollement, je me remis sur mes jambes avant d'avancer en direction de la porte, pourtant, l'abbesse me coupa dans mon élan en tendant le bras devant moi. Je lui jetais un regard dubitatif.

— Où est votre chapelet ?

— Brisé, me contentai-je de répondre.

— Hum, attendez.

Elle baissa son bras et s'éloigna pour fouiller dans un tiroir avant de revenir en me tendre un chapelet à la couleur blanche quasiment immaculée. Hésitante, je tendis la main pour m'emparer de l'objet saint. Mais au lieu de le prendre et tourner les talons, je redressai légèrement la tête.

— Ma mère, qu'est-ce que vous avez l'intention de faire ? la questionnai-je très sérieusement.

— Je vais prévenir le Vatican que la situation est anormale.

— Nous devons partir d'ici, sinon, il y aura d'autres morts et vous en avez conscience, n'est-ce pas ? Je vous en conjure, ne sacrifiez pas d'autres vies.

— Je suis désolée, mais personne ne quittera cet endroit, tant que nous sommes ici, il n'ira nul part.

Vous vous trompez.

J'avais vraiment envie de lui dire ces mots, pourtant, rien qu'en regardant son visage ridé, je savais qu'elle nous laisserait toute mourir une à une si cela pouvait contenir cette abomination entre ces murs. Sauf que nous ne pouvions rien contenir du tout, nous n'étions même pas un obstacle pour ce monstre. Juste de vulgaires poches de sang ou des sacs de viandes qu'il se ferait une joie de dévorer les uns après les autres. Je pris finalement le chapelet et quittai la pièce sans rien rajouter. La fatigue me rattrapait malgré moi et je sentais une migraine pointer le bout de son nez. Je traversais la cour ou je fus accueillie par une cacophonie infernale, je les rassurai en leur disant simplement que j'étais avec l'abbesse, m'extirpant ensuite de cette masse humaines agglutinée au tour de moi. Le chemin jusqu'aux dortoirs ne m'avait jamais paru aussi long. Poussant la porte, je trainais les pieds jusqu'à mon lit avant de me laisser tomber sur ce dernier sans grâce.

Le meuble protesta vivement par des grincements désagréable, mais je fis fi de ces sons. Alors que je partais pour dormir quelques heures, une forme près de la fenêtre attira mon attention, il y avait encore quelqu'un, je ne l'avais pourtant pas remarquée en entrant.

— Désolée, m'excusai-je platement, je n'avais pas vu qu'il y avait encore quelqu'un...

Mais pas de réponses. Bon, j'imaginais que ça n'avait pas vraiment dû la déranger. Je fis l'effort de regarder encore vers la personne qui se tenait près de la fenêtre. Mais un détail me frappa. Incertaine, je me dressai sur mes avants-bras et vins frotter mes yeux fatigués pour être certaine de ce que je voyais. La lumière... filtrait légèrement au travers du corps de la religieuse se trouvant à quelques mètres de moi. J'entre-ouvris la bouche, mais mes mots restèrent coincés dans ma bouche. Elle se retourna lentement pour m'observer, elle était jeune et vraiment très jolie, une véritable beauté comme il était rare d'en voir. La finesse de ses traits me rappelait Dylan, même si cela faisait bien longtemps que je ne l'avais pas vue. Elle se mit à avancer vers moi et je pus alors voir que le bas de son corps s'effaçait progressivement à partir de ses genoux. Je m'empêtrais dans les draps en voulant sortir trop rapidement de ma couche, ce qui me conduisit à me vautrer sur le parquet. Pourquoi est-ce que ce genre de choses n'arrivait qu'à moi ?! Jusqu'ici toute ma vie avait été normale !

Vraiment ? Normale ? Pourquoi est-ce que j'avais l'immonde impression de me mentir à moi-même ?

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