☽ Chapitre 3 ( Partie 1. )

Voilà quatre jours que j'avais trouvé Madeline morte. Et la seule chose qui avait été faite, ça avait été d'enterrer son corps derrière l'abbaye. Un prêtre était venu pour précéder à la cérémonie, mais il n'avait posé aucune question sur les circonstances de sa mort. Il était reparti comme il était venu. Les autorités n'avaient pas été prévenues non plus, ni sa famille, on avait simplement fait comme si rien ne s'était passé. Malgré que l'atmosphère soit chargé de la peur de toutes, je pouvais le sentir, on devait toutes le sentir. Et quand on se regardait, je voyais la terreur au fond des yeux de chacune de mes consœurs. La scène de carnage avait été nettoyée et il ne subsistait qu'une odeur de javelle qui flottait dans l'air. Enfin pour celles qui n'avaient pas vu ce que j'avais vu. En quatre jours, je ne devais pas avoir dormi plus de six heures. Chaque fois que je fermais les yeux, des visions plus horribles les unes que les autres défilaient sous mes paupières closes. Et je me sentais... vulnérable aussi. La sensation que quelque chose s'en prendrait à moi dans mon sommeil me poursuivait. Alors je ne voulais plus dormir.

Mais je ne pouvais pas non plus lutter éternellement contre mon corps. La fatigue finissait toujours par me rattraper. Je n'étais pas non plus sortie du dortoir, je ne le faisais que pour me laver en même temps que les autres, me retenant aussi d'uriner au point que ça en devienne douloureux parce que je refusais de retourner là-bas seule. Ou où que ce soit dans cet endroit. Mais cet évènement avait aussi fait remonter des choses que je pensais avoir oublié depuis bien longtemps.


Assise dans la cuisine à crayonner sur une feuille avec des crayons gras, je ne pouvais m'empêcher de jeter des coups d'oeil à cette femme qui se tenait près de la fenêtre. Elle regardait dehors fixement, mais ses yeux étaient vides. Ses longs cheveux blonds et ternes tombaient platement sur son crâne alors que la robe bleue qu'elle portait était sale. En soit, elle n'était pas laide, avec plus de propreté, une meilleure coiffure et un teint moins pâle, elle serait ravissante. Ça me faisait de la peine de la voir ainsi. Petite fille naïve que j'étais, je cherchais un moyen de lui remonter le morale, de la faire sourire. Donnant encore quelques coups de crayons, je jetais un regard critique à mon dessins, un chien dans un jardin, avant d'acquiescer d'un vif mouvement de tête, satisfaite. Je quittai la chaise sur laquelle j'étais installée d'un petit bon pour rejoindre la femme mélancolique qui se trouvait près de la fenêtre. Je me saisis de son poignet pour attirer son attention, il fallut quelques seconde avant qu'elle ne daigne poser les yeux sur moi.

Regarde madame, lui dis-je en lui montrant mon dessin, c'est joli, non ?

Son regard vide glissa jusqu'à la feuille qu'elle détailla en silence. Puis un faible sourire étira ses lèvres. M'arrachant également un sourire bien plus large que le sien. Ma mère pénétra alors dans la cuisine et elle se figea en nous voyant. Ses yeux verts passaient de la femme à moi et ça, à plusieurs reprise. Elle tendit ensuite lentement la main.

— Calyptia, m'appela-t-elle, viens ici.

— Pourquoi ?

— Fais ce que je te dis !

Son ton n'ouvrait à aucune discutions. Je mis donc de la distance entre la femme mélancolique et moi, avant d'aller rejoindre ma mère. Elle s'empara de mon poignet de manière ferme, mais sans brusquerie. Me tirant hors de la pièce pour aller m'asseoir dans le salon. Elle s'agenouilla devant moi en me prenant par les épaules.

— Ne lui parle pas Calyptia.

— Mais... elle a l'air tellement triste, murmurai-je en baissant légèrement la tête.

— Je sais, mais fais-moi confiance, ne lui parle pas. Je m'occupe d'elle, d'accord ?Ne t'inquiète pas.

Je hochais simplement la tête pour lui dire que j'avais compris. Elle se redressa et me laissa sur le canapé alors qu'elle retournait dans la cuisine. Du coin de l'oeil, j'essayais de distinguer ce qu'il se passait, mais je ne voyais rien. J'avais seulement entendu une phrase :

— Tu n'as rien à faire ici.


Je ne me souvenais plus vraiment de qui était cette étrange femme et ce qu'elle faisait là, mais le comportement de ma mère m'avait parut vraiment bizarre. Assise sur mon lit, mes genoux ramenés contre ma poitrine et mon chapelet enrouler au tour de ma main, je fixais les autres dormir, même si certains sommeils étaient agités. Il y avait de quoi ne pas dormir sereinement. Je soupirai en baissant la tête, ma main se perdant dans ma chevelure enflammée, mais mon geste se stoppa net quand j'aperçu quelqu'un se tenir devant mon lit. Relevant les yeux, je retins mon souffle alors que je croisais le regard de Madeline. Bouche bée, je fixais la morte qui se trouvait en face de moi en un seul morceau, immaculée comme elle l'avait toujours été. Ses grands yeux bleus de poupée me fixèrent longuement avant que je ne vois ses lèvres s'entre-ouvrir.

— Tu devrais descendre dans la salle de prières, me conseilla-t-elle.

— Quoi ? Mais pourquoi ? Et comment tu...

— Ne pose pas de questions auxquelles tu as déjà les réponses. Et si tu veux éviter qu'il se glisse ici, écoute-moi.

Il ? Qui ça il ? Enfin, j'avais bien une idée, mais je voulais encore me persuader que ce n'était pas possible. Madeline me dévisagea encore un instant avant de marcher en direction de la porte pour la traverser. Je n'eue même pas le courage de crier tant j'étais ébahie par ce qui venait de se produire. Il s'écoula certainement une dizaine de minutes avant que je ne me décide à sortir de mon couchage pour rejoindre la porte. Les doigts moites et tremblants, je m'emparais de la poignée pour ouvrir sans un bruit. L'esprit m'attendait au fond du couloir, ça pouvait paraître totalement contradictoire, mais sa présence me rassurait autant qu'elle m'inquiétait. Elle disparut encore à l'angle du couloir, je me mis à piétiner avec lenteur, traversant ces couloirs sombres qui faisaient grandir l'angoisse au creux de mon ventre. Des sueurs froides apparaissaient petit à petit dans ma nuque et dans mon dos. Je frissonnais à cause du vent qui me heurta quand j'atteignis la petite cour. Toujours avec cette même lenteur, je la traversais pour atteindre la porte de l'autre côté. Je l'ouvris assez pour pouvoir me glisser dans la salle. Tout était calme, pas un seul bruit. Je fermais la porte avant de m'avancer au centre de la pièce et faire un tour sur moi-même pour chercher une présence.

Mais c'était désespérément vide. Est-ce que j'avais halluciné à cause de la fatigue ? Peut-être bien. Le manque de sommeil avait des effets particulièrement néfaste sur la capacité de réflexion et l'esprit. Je jurai entre mes dent avant de me détourner pour sortir de là, mais je fus coupée dans mon élan quand le bruit d'une porte qu'on déverrouille troubla le silence. Lorgnait dans la direction de la porte interdite, je la vis s'ouvrir avec une lenteur diabolique. Paralysée, j'ouïs des bruit de pas qui venaient de l'obscurité et cela jusqu'à ce qu'une silhouette n'émerge de la noirceur. Mon coeur se mit à pomper furieusement alors que mon corps grelottait de terreur. Juste là, près de cette maudite porte se tenait le macchabée que j'avais découvert l'autre fois. Enfin, en l'état, je ne pouvais l'appeler ainsi, il se tenait debout et me fixait avec un sourire en coin démoniaque.

— Bonsoir, ronronna-t-il, Calyptia.

Evidemment, il n'obtint aucune réponse de me part. J'étais bien trop choquée pour même songer à lui répondre.

— Tu ne me réponds pas, Cal' ?

Un dangereux sourire dévoila des dents blanches comme de la porcelaine, mais surtout deux canines proéminentes. Cette vision m'arracha brutalement à ma torpeur et je lui tournais le dos – grossière erreur de ma part – pour m'enfuir à toute jambes vers l'entrée principale de la pièce. Mais alors que je m'emparais des poignées pour ouvrir grand, j'eue la désagréable surprise de constater que c'était verrouillé, je ne pouvais donc m'enfuir nul part. Une pression froide contre mon cou me dissuada de continuer à m'agiter comme un animal effrayé. Il avait enrouler ses doigts gracieux au tour de mon cou, sa peau était toujours aussi glacée. Je pouvait également deviner des ongles un peu plus longs que la normale. Son souffle caressa mon oreille et fit naître une chair de poule sur ma nuque... et surtout tout le reste de mon corps en réalité. Même son souffle était froid comme la mort.

— Ne m'oblige pas déjà à te faire du mal, ce serait dommage.

Mon souffle se coinça dans mes poumons alors que la peur suintait par tout les pores de ma peau. Comment ça déjà ? Etait-ce sensé me rassurer quant à la suite des évènements ? Non, absolument pas, c'était pour me terroriser un peu plus. Mes mains étaient désespérément agrippées aux poignées, je voyais mes jointures blanchir.

— Je ne t'ai pas faite venir pour ça après tout.

— ... Ce n'était pas Madeline.

— Non, j'ai un peu joué avec ton cerveau, je l'avoue. Enfin, je ne sais pas si on peut vraiment parler de ton cerveau à ce stade.

Je sentais la pointe de son ongles caresser la peau de mon cou jusqu'à arriver sur celle de ma joue. Une larme y roula, il la cueillit du bout de l'index et même sans le regarder, je pouvais le sentir sourire tout prêt de moi. J'aimerai tellement pouvoir revenir en arrière et ne jamais avoir ouvert cette foutue porte. Tout était de ma faute et j'en avais bien conscience, j'avais libéré un monstre.

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