☽ Chapitre 23 ( Partie 2. )
— Et un beau jour, tu te rends compte qu'on t'utilise, que tu n'as aucune valeur autre que celle d'être un divertissement pour quelqu'un qui s'ennuie.
— Tu parles de vous, les anges ?
— Oui, mais pas seulement, Eve a ouvert les yeux bien avant nous autres, les anges. Et pour ça, Adam et elle furent chassés du jardin d'Eden, l'espèce humaine se mit ensuite à pulluler. Si beaucoup d'anges ne se posèrent pas de questions, voyant les humains comme des créatures stupides qui ne savaient pas rester à leur place, moi, je me mis à réfléchir sérieusement à ce qui avait poussé Eve à trahir la confiance de mon père.
Il marqua une pause et se mit à regarder en direction de la femme qui se tenait toujours sur le balcon.
— Puis je me suis mis à observer, reprit Lucifer, et je me suis rendu compte que nous étions comme des fourmis, nous servions notre maître et c'était là le seul but de notre existence, aucune autres voie ne s'offrait à nous. Ce n'était pas un piédestal, c'était une prison. Alors j'ai lancé une mutinerie, mais malheureusement j'ai perdu. Et alors, nous nous sommes retrouvé ici, affublé du titre de démon, tout ça pourquoi ? Parce que j'ai décidé de pense comme je le voulais et convaincu d'autre d'en faire autant. La liberté de vivre selon ce que nous voulions et non ce que Lui avait décidé.
Mes lèvres restèrent closes, je ne savais quoi répondre à ça.
— Bien après le déluge, quelques chose à vibrer dans l'air et ça m'a rendu curieux, alors je me suis rendue sur terre. Et là, je suis tombé sur deux bébés, deux affreuses petites créatures joufflues qui irradiaient l'aura des cieux. Mon père avait fait de ces nouveaux nés ses futurs et premiers prophètes, j'ai hésité à les tuer.
— C'est horrible, c'était des bébés...
— Ah bon ? Tu penses que ce qui suit est plus enviable ?
Je me tus une nouvelle fois.
— Le temps passa, je revins dans le monde des mortels et elles avaient grandi, elles étaient devenues belles, mais endoctrinées par les mensonges qu'on leur servait. Alors je les ai approchées et petit à petit je leur ai ouvert les yeux à elles aussi. Et mon père les à punies pour ça, il les a maudites, elles et tout leur descendant, les laissant pour mortes aussi. Je ne pouvais pas accepter cela, alors je les ai sauvées de la mort leur ait permis de conserver leurs pouvoirs. La suite, tu la connais.
J'étais remuée par ce que je venais d'entendre. C'était même plutôt difficile à croire, Dieu n'était défini que comme amour et justice, mais dans ce que j'entendais là, il n'y avait aucun amour, seulement un besoin de contrôler.
— Je ne suis pas parfait, j'avoue que faire du mal pour faire du mal, c'est amusant. Mais si il y a bien une chose que je ne fais pas, c'est contrôler les autres. Même si c'est plus facile pour les humains de rejeter tout les malheurs du monde sur ma tête.
— Dieu ne peut pas être aussi froid, dis-je d'une voix éteinte, il doit bien y avoir un peu d'amour en lui...
— Non, il n'aime que l'obéissance absolue, tout contrôler. Et ça fait bien longtemps qu'il ne contrôle plus les humains, seuls les anges restés à sa botte lui sont encore parfaitement fidèles parce qu'il leur fait croire qu'ils sont importants.
Ma gorge se serra et je fis un gros effort pour empêcher les larmes de dévaler mes joues. Ces larmes qui remplissaient mes yeux n'étaient pas des larmes de tristesse, mais seulement d'amertume et de rage.
— Crois-tu que mon père connaisse réellement la pitié et le pardon ? Si c'était le cas, les anges déchus et les malédictions n'existeraient pas.
— Et toi alors ? Tu penses être quoi dans tout ça ? Un libérateur ?
— Un libre penseur. J'estime que chacun doit faire ses choix et à sa mort en assumer les conséquences. Tu veux tuer ? Alors vas-y. Voler autrui ? Je t'en prie, fais. Mener une vie juste ? C'est ton droit. Il faut seulement être prêt à ce qui t'attend après, avoir conscience du poids de tes actes. Selon toi, est-il possible de ne commettre aucun péché aujourd'hui ?
— Non, dis-je.
— Alors il est impossible pour qui que ce soit d'entrer au Paradis et ça depuis bien longtemps.
Etonnamment, je ne fus pas surprise d'apprendre que le paradis n'accueillait plus personne depuis bien longtemps. Après tout ce qu'il venait de me dire, impossible de penser que Dieu accorde le passage à ceux qu'ils voyaient comme des traitres ou des enfants désobéissant.
— Alors si les gens veulent me détester à cause d'un tissu de mensonges, soit, qu'ils fassent, l'avis des humains et des sbires de mon père m'importe peu. Mais ne viens pas m'accuser du malheur de ta famille, je n'ai blessé aucun d'entre vous, jamais. Et je protège vos âmes de ce qui traîne, là dehors, à votre mort.
— Quoi ?
L'ange déchu se détourna de moi pour s'approcher d'une des parois, il appuya dessus ce qui provoqua un bruit de verrou, puis le mur se sépara par la largeur dévoilant ce qu'il dissimulait. Se tenait alignée des orbes dorées desquels s'échappaient de fins rayons de lumière. Curieuse, je m'approchai pour mieux voir ces étranges sphères que Lucifer dissimulait aux yeux de tous.
— Qu'est-ce que c'est ? l'interrogeai-je.
— Toutes les âmes des Van Vein décédés à ce jour.
— Comment... sont-ils morts ?
Ma voix était hésitante, j'avais peur de la réponse que j'allais recevoir.
— De mort naturelle pour la plus part, d'autres ont eu des accidents et quelques uns se sont suicidés.
— Aucun n'a été assassiné ?
— Non. Je ne permettrai jamais que ça arrive et les créatures cachées dans l'ombre le savent très bien. Certains ont essayé par le passé, ils ont payé cet acte de leur vie.
— Tu nous surveilles tout le temps ?
— On peut dire ça, nous sommes liés, vous et moi, je sais quand vous naissez, quand vous êtes en danger et quand vous mourrez.
— Alors pourquoi tu ne m'as pas protégée de Mortem ?!
— Parce que tu n'étais et tu n'es pas en danger avec lui, articula-t-il en tournant la tête vers moi. Il peut lever la main sur toi, mais en aucun cas te tuer, il connaît les risques. Tu as peur alors il s'est servi de ça contre toi en te faisant croire que tu risquais quelque chose en ne te soumettant pas à lui. Mais la dernière fois, ne t'ai-je pas protégée ? Et il y a quelques instants, t'ai-je abandonnée à ton sort ?
Il m'avait coupé la chique, je ne pouvais effectivement pas le blâmer, il m'avait sauvée deux fois des monstres qui peuplaient ce monde cauchemardesque, je lui devais la vie. On m'avait répété encore et encore de ne pas avoir peur, mais j'en étais incapable, parce que penser qu'on pouvait mourir à tout moment, ça ne faisait que renforcer la terreur qui vous rongeait de l'intérieur. On m'avait aussi dit que j'étais intouchable, mais là encore, la peur de la mort m'avait empêché de raisonner correctement. Finalement, maman et Dylan avaient raison, la peur était un fardeau, ça rendait humain, mais pour nous, c'était un poids qui risquait de nous faire perdre la tête et le contrôle sur notre vie. Je secouais légèrement la tête avant de me remettre à observer plus sérieusement les petites boules qui contenaient les âmes de mes ancêtres.
— Est-ce qu'ils savent qu'ils sont morts ?
— Ils l'ont certainement oublié avec le temps, dit-il en s'emparant d'une des sphère, là dedans, ils vivent la vie dont-ils ont toujours rêvé. Et quand ils se lassent, ils peuvent devenir autre chose, recommencer autant de fois qu'ils le souhaitent. Quand on a la possibilité de devenir ce qu'on veut autant de fois qu'on le veut, j'imagine qu'on ne pense plus vraiment à la mort.
— C'est une « fin » plaisante pour des gens qui finissent en enfer, les autres âmes n'ont pas cette chance ou plutôt ce luxe.
Je l'entendis pouffer de rire, ce qui me fit sourire. C'était bizarre d'avoir une discutions aussi tranquille avec Lucifer, mais pas désagréable. Je m'attendais à quelque chose de plus stressant et plus démoniaque.
— Lesquelles sont celles des jumelles ?
Son sourire mourut d'un seul coup après ma question, ce qui me fit légèrement paniquer, je craignais d'avoir dit une bêtise, Il fallait réellement que je maîtrise ma curiosité, mon expérience avec Mortem ne m'avait, visiblement, pas servi de leçon.
— Il n'y en a qu'une, je n'ai jamais retrouver l'autre âme...
— Comment est-ce possible ?
— Teresia était l'aînée des deux sœurs, elle est morte en mettant son enfant au monde, j'aurais pu éviter ça, mais elle a préféré laisser l'ordre naturel des choses. Coralia s'est occupée du bébé avant de devenir à son tour mère de deux enfants et elle est morte bien des années plus tard.
— On raconte que tu avais une histoire avec les deux, c'est vrai ?
Il m'observa du coin de l'oeil, alors qu'un sourire malicieux étira les coins de sa bouche. Il reposa la sphère qu'il tenait toujours à sa place.
— Va savoir, souffla-t-il d'un ton amusé.
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