[Soukoku] Une avalanche de problèmes
Vous l'avez la référence subtile du titre ou pas ?
Hein ? Non, non je suis pas encore morte, mais je ne vais pas tarder à l'être ahah, sachant que cette commande a été passée en l'an de grâce deux-mille-dix-neuf, autant dire il y a un bon siècle. Aies pitié de ma pauvre personne, Ô Asproscyla !
Bref, sinon voici une sorte de euh... Préquel ? De mon texte écrit aux débuts de la FSA pour l'inauguration de ce recueil lors de la célèbre semaine SL. Si, si, rappelez vous je sais que ça fait longtemps mais hey, mieux vaut tard que jamais !
La demande était la suite des aventures de nos deux adorables fouteurs de merde au lycée, et l'intronisation de Dazai dans la famille. Marquez ce jour d'une croix rouge dans le calendrier, j'ai à peu près respecté le thème ! Je crois. J'espère.
Featuring notre vénéré Soukoku au meilleur de sa forme, Rimbaud en concentré de douceur, l'Emo Verlaine en notre Dieu à tous, un brin de backstory pour ces deux-là, Kunikida pour ramener un semblant d'ordre et même un peu de Shin Soukoku, je vous gâte. C'est pour me faire pardonner, on dira.
Votre servante Pika, toujours à la recherche de la ponctualité, du respect et du sommeil.
Bonne lecture !
EMO VERLAINE IS BACK
Le matin était toujours une épreuve à surmonter pour Chuuya. Depuis toujours, dès le réveil, il fallait se préparer à faire la guerre.
Ce jour-là, alors que la sonnerie horriblement aiguë de son réveil-matin remplissait à la perfection son rôle de lui causer une attaque cardiaque, ne fit pas exception. Son poing s'abattit lourdement sur l'objet maudit, mais au lieu de heurter la touche d'arrêt de la sonnerie, ce fut le bouton on de la radio qui s'enfonça, lui irritant les nerfs à l'heure atrocement matinale de six heures avec une voix étrangère qui parlait du mode de reproduction des grenouilles. Se retenant de balancer la source de tous ses malheurs contre le mur le plus proche, n'ayant pas envie de se taper un sermon de Kouyou sur l'importance de faire attention à ses affaires, et encore moins une virée shopping avec Paul, l'adolescent se dressa pour se concentrer proprement afin d'arrêter cette agression auditive. Une fois sorti victorieux de sa bataille rituelle contre son réveil, il poussa la porte de sa chambre pour se retrouver, auréolé de gloire, sur le palier. Ses cheveux lui tombaient en masse informe sur les épaules, et il ne portait pour tout vêtement qu'un vieux t-shirt trop grand d'un de ses pères, en plus de son boxer. Il lâcha un bâillement en prenant bien soin de ne pas se prendre les pieds contre un autre de ses plus grands ennemis, le tapis, qui l'avait déjà fait chuter dans les escaliers plus d'une fois.
Le fourbe ne lui ayant cependant pas tendu de guet-apens ce matin-ci, il arriva en bas des marches sain et sauf. Enfin, il semblait évidemment à moitié mort, mais ça c'était sa tête habituelle avant son café.
La cuisine était éclairée, et il en poussa la porte avec des gestes mécaniques. La table était déjà garnie de nourriture : brioche, céréales, riz, poisson, confiture, baguette et l'inévitable fromage. Lubie d'Arthur et ses habitudes alimentaires questionnables. Ce dernier était d'ailleurs assis sur une chaise en bois, emmitouflé dans sa robe de chambre matelassée, une tasse de thé fumante entre ses doigts sûrement gelés. Ses yeux gris lisaient sans vraiment lire le journal posé sur la nappe, il tournait les pages d'un air absent. D'expérience, Chuuya savait qu'il lui faudrait au moins encore une bonne dizaine de minutes avant qu'il ne soit en état de supporter une conversation, alors il se contenta de hocher la tête en guise de salutation, sans trop s'attarder sur le bout de comté que grignotait le trentenaire.
Sa deuxième figure paternelle se tenait plus loin, dos à la porte qu'il n'avait sûrement pas entendue s'ouvrir, car affairé devant la plaque de cuisson. De la poêle qu'il tenait s'échappait une odeur sucrée, et en s'approchant le rouquin confirma son intuition de départ : Paul faisait des pancakes. Un tablier rouge appartenant entre autres à Kouyou passé autour de la taille, l'homme chantonnait du Dire Straits, et malgré les immenses cernes qui soulignaient son regard azur, il adressa à l'adolescent un sourire de bienvenue. Sans son eyeliner et son piercing, ses cheveux sombres ébouriffés autour de la tête, ainsi aux fourneaux, le plus visiblement dérangé des membres de la famille atypique de Chuuya semblait presque respectable. Malgré la barbe de trois jours rêche qui piquait les joues, l'adolescent laissa Paul lui embrasser la pommette en guise de salutation.
— Bien dormi, Chuuya ? Demanda l'adulte en éteignant les plaques de cuisson, une assiette garnie d'une dizaine d'alléchantes crêpes américaines posée sur le plan de travail.
— J'ai vu mieux, mais ça pourrait être pire, répondit laconiquement le rouquin en partant s'asseoir à table pour se remplir une tasse de café, s'attirant un rire de Paul qui fit glisser deux pancakes dans son plat.
Arthur se réveilla à temps de sa transe matinale pour réclamer sa part avant que les morfales lui servant de mari et de fils ne dévorent l'entièreté du petit-déjeuner. Le reste du repas se passa dans un silence relatif, entrecoupé par les bruits de couverts, et les multiples aller-retours d'Arthur dans sa robe de chambre mordorée, tel un fantôme, pour se resservir en boisson chaude. Quand la demie sonna, Chuuya se leva, nettement revigoré, et prêt à affronter son prochain ennemi... Qui n'était autre que Paul Verlaine.
Les deux hommes se fixèrent dans le blanc des yeux pendant plusieurs secondes, une aura de défi planant autour d'eux, rendant l'air plus dense et plus lourd. Pour un peu on aurait entendu le vent hurler, traînant sur les chemins plein de poussière un Virevoltant solitaire...
— N'utilisez pas toute l'eau chaude, je prends ma douche après, les interrompit dans l'indifférence la plus totale Arthur, qui replongeait cette fois-ci beaucoup moins apathiquement dans la lecture de son journal.
Paul acquiesça, dénouant son tablier pour le poser sur la chaise la plus proche. Il ne s'était détourné qu'une demi-seconde, à peine, et pourtant Chuuya avait déjà disparu. Pour seule trace de sa présence subsistaient les miettes de pancakes dévorés sur le chemin jusqu'à la porte.
— Tu as gagné une bataille, pas la guerre ! Grogna l'adulte, brandissant un poing en l'air, se lamentant sur l'effet dramatique de son regard meurtrier gâché par l'absence d'eyeliner.
Enfin, ce matin c'était Chuuya qui était arrivé à la salle de bain en premier. Paul n'avait d'autre solution que de prendre son mal en patience.
_〆(・_・。)
À bout de souffle, les mains sur les genoux dans une tentative désespérée de reprendre une respiration régulière, Atsushi arriva à l'arrêt de bus, totalement paniqué, comme chaque matin depuis un an.
— Je suis en retard ?! Demanda t-il anxieusement à ceux qui partageaient l'abri pour se protéger de la fine bruine qui tombait, et le fixaient pour la plupart avec un regard des plus blasés, habitués à ce qui était devenu un rituel.
Chuuya Nakahara, son aîné d'un an, secoua la tête négativement avec un sourire moqueur, ses iris bleus pétillant d'amusement contenu. Il était comme toujours étonnement alerte pour une heure aussi matinale, et vêtu de sa version customisée de l'uniforme de leur établissement. Ce pantalon à carreaux lui avait valu plusieurs remarques des surveillants du lycée, de ce que savait Atsushi, mais il semblait que le rouquin était prêt à prendre des heures de colle au nom du style. Tous avaient fini au bout de deux ans par abandonner l'idée de lui faire lâcher ses accessoires, et tant qu'il ne portait pas son chapeau et avait la cravate de l'uniforme... On le laissait tranquille. Sa détermination sur ce point forçait l'admiration, et son cadet ne pouvait s'empêcher de le prendre un peu pour modèle. Il rêvait d'un jour pouvoir être aussi confiant que lui.
Mais Atsushi se sentait rougir violemment rien qu'en remarquant les yeux gris d'orage de son camarade de classe, et aussi voisin, impitoyablement fixés sur lui. Pour la confiance en soi, il allait encore devoir attendre quelques années. Un simple regard le rendait absolument inapte à penser, et à ce stade tout ce qu'il espérait était qu'on prendrait ses joues écarlates comme une conséquence de la course effrénée qu'il venait juste d'accomplir, et non une conséquence de l'immense crush qu'il avait peur d'avoir envers Akutagawa Ryuunosuke.
Le sourire taquin de Chuuya ne l'ayant pas quitté tandis qu'il mettait ses écouteurs en place, et ses yeux clairs faisant l'aller-retour entre ses deux cadets comme s'il était en possession d'une information que les deux concernés n'avaient pas, l'adolescent aux cheveux gris avait bien peur de ne tromper personne. On aurait vraiment dit que le rouquin était spectateur d'une comédie des plus hilarantes, et Atsushi sentait son estomac se tordre rien qu'à l'idée qu'il ait pu être aussi peu discret sur son attirance. Vraiment, prendre le bus matin et soir, se retrouver noyé sous une montagne de devoirs, préparer les examens dans le sang et les larmes, s'endormir devant les discours soporifiques des professeurs, ce n'était pas la pire partie de sa vie de lycéen. Ce qui était éprouvant pour ses nerfs et qui lui donnait envie de s'enfoncer sous terre et ce irrémédiablement sans possibilité de retour à la surface, c'était l'attente du bus, accompagnée des regards comme éclairés d'amusement de son aîné, de ceux impossibles à déchiffrer de son camarade de classe, et de son cœur qui menaçait de se décrocher d'un instant à l'autre.
Il accueillit avec un soulagement immense l'arrivée de leur véhicule à destination de l'Enfer -aussi appelé établissement scolaire lycéen, et pour un peu il aurait même embrassé leur conductrice tant il était soulagé de se soustraire à toute cette tension qu'il était probablement le seul à ressentir. Kyoka, qui était encore au collège mais qui partageait sa banquette avec lui depuis déjà trois ans, le salua d'un sourire. Elle avait ses écouteurs vissés aux oreilles, et Atsushi ne tarda pas à l'imiter en espérant que la musique apaiserait ses battements de cœur frénétiques et effacerait cette impression comme gravée au fer rouge de deux iris métalliques le fixant sans se détourner.
Se faisant, il manqua l'arrivée catastrophique du tristement célèbre Dazai Osamu et la manière dont ce denier s'écrasa plus qu'il ne s'assit sur le siège libre côté couloir près de Chuuya, qui avait fait l'erreur de n'avoir pas posé sa sacoche sur la place en question.
Le rouquin sursauta en voyant une ombre s'affaler à côté de lui et tourna vivement la tête pour tomber nez à nez avec son oh-si-adorable petit-ami, et son air suffisant de bon matin. Deux grands yeux couleur miel le fixaient à travers une masse indomptable de boucles brunes, un sourire fier déformant son visage ovale aux traits coupés au couteau, et il ne prononça pas un seul mot avant que Chuuya ne remette en place son écouteur gauche et se tourne résolument pour faire face à la route.
Il n'entendit donc pas la connerie que Dazai venait sûrement de débiter, et voir ses lèvres bouger sans entendre un son avait quelque chose de très amusant. Cependant, le concerné avait très bien remarqué son petit manège, et étant un roublard accompli il fit mine de recaler une mèche rousse derrière l'oreille correspondante pour ôter l'appareil électronique du conduit auditif de son propriétaire, coupant net Fall Out Boy au moment le plus fort de Centuries. Chuuya ne fit pas même mine d'être surpris, il l'avait après tout provoqué et s'attendait évidemment à quelques sortes de représailles.
Se connaissant depuis le jardin d'enfant et étant plus ou moins dans une relation équivalente à celle de partenaires romantiques depuis leur quinzième année environ, c'était entre eux devenu routine que ce genre de spectacles. Une manière peut-être bien à eux d'éviter de tomber dans le cliché amoureux qui leur faisait tous deux horreur. À vrai dire, ils ne tombaient même pas dans celui amical tant ils réussissaient bien à brouiller les pistes.
Personne ou presque n'était d'ailleurs au courant de la véritable nature de leur liaison, ni l'un ni l'autre n'étant plus que de raison versé dans les démonstrations publiques d'affection. Ils ne portaient pas sur eux l'étiquette « en couple ».
Pourtant, Dazai ce matin-là se pencha en avant pour déposer un baiser de salutation tout ce qu'il y avait de plus chaste sur les lèvres de sa moitié, et murmura en insistant bien sur chaque syllabe, pour se venger d'avoir été ignoré quelques secondes plus tôt :
— Bonjour, Chuuya, chuchota t-il contre sa peau avant de s'éloigner à une distance plus commode et d'ajouter, un coude sur le sac entre eux : Tu t'es enfin débarrassé de cet immonde chapeau à ce que je vois ? Ton nouvel eyeliner rend bien. Tu vois, c'est pas si compliqué de s'intéresser aux gens, acheva t-il alors que le rouquin roulait des yeux.
Balançant entre se sentir offusqué, amusé, désespéré ou juste accepter la fatalité de son destin et du fait qu'il soit amoureux d'une des personnes les plus énervantes qu'il connaisse, l'adolescent choisit la réponse facile, celle de la moquerie, et adopta la même position que son interlocuteur.
— Bonjour Dazai, bien dormi ? Ah évidemment que non puisque tu as passé la nuit à me spammer de liens de vidéos d'insectes sur instagram, ricana t-il avec un regard appuyé, pendant que l'autre osait lui sourire avec toute l'innocence du monde.
— Voyons mon amour, les limaces sont des gastéropodes, pas des insectes ! Répliqua le brun, une main plaquée sur la poitrine comme gravement offensé, et si Chuuya résista à l'urgence de lui envoyer son sac en pleine poire ce fut uniquement parce qu'il remarqua soudain la coloration inhabituellement pâle de la peau du jeune homme.
Ses lèvres paraissaient étrangement sombres, et ses veines ressortaient de manière impressionnante sur le dessus de ses mains, du moins la partie non couverte par des bandages. Sachant qu'il y avait peu de chances pour que son petit-ami soit soudainement devenu un vampire pendant le weekend -quoi que rien ne pourrait vraiment l'étonner après dix-huit ans à se coltiner cet énergumène- le rouquin fronça les sourcils et stoppa d'une main les divagations de son interlocuteur. Il pouvait observer du coin de l'oeil que le bus arrivait bientôt sur le parking, et voulait absolument régler cette affaire avant que Dazai ne puisse avoir l'occasion de s'échapper.
— Hey, deux secondes. Est-ce que tes parents ont encore oublié de remplir le frigo avant de repartir ? Interrogea-t-il en contenant avec peine le tremblotement de sa voix.
Colère, appréhension de la réponse, il ne savait clairement. Peut-être tout à la fois.
Le brun perdit immédiatement cette étincelle de malice qu'il avait au fond du regard, et s'il garda son sourire, Chuuya avait passé suffisamment de temps à le côtoyer pour déceler une faille dans ce masque qu'il enfilait si facilement. Au moins un des avantages à l'avoir supporté à travers les années : il se trouvait maintenant l'une des rares personnes si ce n'était l'unique à pouvoir lui faire rectifier ses nombreuses conneries, et notamment celles qui avaient un rapport avec sa santé. Dazai le savait bien, aussi abandonna-t-il l'idée de lui mentir quand il vit que les yeux azur de son partenaire n'avaient cessé de le fixer comme pour le transpercer de part en part. Il hocha la tête, presque penaud, puis grimaça devant la froideur qui avait envahi les traits du jeune homme en face de lui. Il connaissait bien ce regard, oh comme il le connaissait ! Chuuya était sur le point de prendre une décision impulsive et probablement irréfléchie.
L'adolescent en question s'efforça de chasser sa furie, car elle n'était pas dirigée -pour une rare occurrence- vers Dazai, et se jura pour la centième fois au moins que le jour où il réussirait à voir les immondes êtres humains qui servaient de repères parentaux au brun, il les démolirait bien proprement. Si Oda Sakunosuke, coïncidentalement CPE dans leur établissement scolaire, n'avait pas été voisin de pallier de son petit-ami, il doutait que le garçon eut survécu jusque là.
Dégainant son portable, le rouquin cliqua sans même réfléchir sur le numéro qui s'affichait en premier sur sa liste de contacts, geste devenu mécanique avec les années. Si Dazai se trouvait sans figure parentale digne de ce nom, lui au contraire avait la chance d'avoir deux pères qui bien que totalement étranges sur certains points ne pouvaient être accusés de ne pas l'aimer ou l'encourager à chaque étape de sa vie jusqu'à présent, et il pouvait bien les partager un peu au moins pour quelques temps, non ?
Alors que son petit-ami le regardait sans vraiment comprendre, mais l'air de s'attendre au pire, Chuuya se concentra sur la tonalité neutre de la sonnerie contre son oreille. Le son retentit à peine deux fois avant qu'Arthur ne décroche, visiblement inquiet. Il fallait dire que l'adolescent ne l'appelait quasiment jamais à moins que quelque chose de très important n'arrive, et qu'aussi tôt après être parti de la maison un tel coup de téléphone ne pouvait qu'engendrer de la préoccupation. Le rouquin s'empressa de le rassurer, il pouvait entendre que son père venait juste d'arrêter une visioconférence pour lui.
— Est ce que Dazai peut passer la semaine chez nous ? Demanda-t-il de but en blanc sans s'embarrasser de trop de détails, alors que le concerné s'étouffait avec sa propre salive et avait l'air de se demander si son copain ne venait pas de définitivement perdre quelque chose d'essentiel à sa sanité d'esprit.
Chuuya ne lui laissa cependant pas une seconde pour protester, le regard qu'il lui servit alors qu'Arthur, pris de court, essayait de rassembler ses esprits à l'autre bout du fil, signifiait clairement « ce n'est pas une option, je peux aussi bien te traîner chez moi, c'est pas comme s'il y avait quelqu'un pour remplir l'avis de recherche de toute manière. ». Le brun déglutit avec difficulté et se rangea à la volonté de son partenaire. Il aimait agacer Chuuya, pour le taquiner un peu, le faire sortir de ses gonds malicieusement, mais il savait aussi que sur certains points le rouquin n'accepterai rien venant de lui, buté comme il pouvait l'être. Il n'avait d'autre choix que de suivre, puisqu'il serait de toute manière ramené dans la demeure Nakahara de gré ou de force.
Rimbaud accepta sans trop demander le pourquoi du comment, mais il attendrait sûrement une explication le soir venu, aussi le rouquin envoya t-il un rapide SMS à son autre père alors que le bus arrivait à destination pour le prévenir du nouvel arrivant. Ce soir serait sans doute une forme de conseil de guerre familial, comme Kouyou aimait les appeler, il en avait bien peur.
Comme attendu, à peine les portes ouvertes, Dazai tenta de fuir. Son petit-ami le retint par le col de son trench-coat sans même trop y penser, d'un mouvement devenu naturel avec l'expérience, et lui fourra dans les mains la barre de céréales qu'il avait emporté pour la matinée. Alors que le brun allait sortir quelque chose de sûrement questionnable, Chuuya ne lui en laissa pas le temps, et le poussa dans la file d'élèves impatients de descendre sur ces mots :
— On en parle ce soir. Mange ça ou je te refais le portrait.
La dernière chose qu'il vit fut le sourire amusé de Dazai, qui se demandait comment après dix-huit ans d'existence l'être humain qui aurait dû avoir le moins de secrets pour lui parvenait toujours à le surprendre. Parfois, la vie valait d'être vécue un peu plus longuement, se disait-il, juste pour ce genre de petits riens qui au final changeaient tout.
t(- n -)t
Chuuya claqua la porte de son casier avec un profond sentiment de soulagement. Il détestait finir par sport le lundi puisque ça lui prenait deux fois plus de temps pour sortir de cours du fait de la douche à prendre et des vêtements à changer, mais enfin cette journée infernale pouvait être mise derrière lui.
Avec une heure de sciences de l'anatomie et de la nature sous l'égide du terrible Mori, il avait bien cru qu'il allait encore se ramasser une heure de colle. Par chance, ou poisse, c'était tombé sur lui de montrer les fruits de son travail sur le mode de reproduction du Myocastor Coypus (encore un sujet d'exposé tiré à la courte paille) et le professeur avait paru satisfait du diaporama ainsi que de la présentation, lui évitant ainsi ses foudres. Le rouquin se savait chanceux de compter parmi les rares élèves supportables à l'homme.
Chuuya se traîna donc en dehors de l'établissement, vérifiant sur son portable que Kunikida lui avait bien envoyé un message pour confirmer que Dazai ne cherchait pas à s'enfuir. Heureusement pour lui, en effet, le brun se tenait bien au portail en compagnie de leur major de promotion qui, pour une quelconque raison, semblait disposé à souffrir sa présence alors que d'ordinaire lorsque ces deux-là se trouvaient livrés à eux-mêmes on finissait généralement par prier pour les retrouver vivants. Remerciant le blond, qui révéla qu'il attendait encore Katai avant de se diriger vers le parking, Chuuya envoya à Dazai un regard qui en disait long, puis ils se mirent en route histoire de ne pas manquer le dernier transport de la journée.
Le brun roula des yeux et enfonça son coude -beaucoup trop pointu- dans l'épaule de son partenaire en déclarant, de ce ton léger et presque chantant qui avait don de mettre hors de lui l'adolescent :
— Et bien alors Chuuya, on s'inquiète pour l'amour de sa vie ? Le taquina-t-il avec un rire, alors que l'autre rougissait jusqu'aux oreilles, trahi par sa peau pâle.
La réaction ne fut pas longue à venir, et le rouquin repoussa promptement son bras, à deux doigts du bégaiement, détournant le regard alors qu'il tentait d'affirmer d'une voix qui se voulait confiante et indifférente :
— C-comme je le ferais pour n'importe qui ! Certaines personnes sont actuellement des êtres humains décents avec un cœur, tas de bandages ! J'allais pas te laisser crever de faim, marmonna-t-il ensuite en fronçant le nez, moins perturbé que quelques secondes auparavant, lui frappant le biceps pour se venger.
Dazai partit dans un fou rire moqueur en conséquence, se foutant royalement et très clairement de sa gueule alors que Chuuya se demandait s'il ne venait pas de prendre la pire décision de toute sa vie, et surtout s'il n'allait pas se retrouver avec un cas d'homicide volontaire sur les bras avant la fin de la semaine. Il adressa une prière silencieuse contrite à ses parents pour s'excuser du fléau qu'il ramenait à la maison, et une autre haineuse à Vénus-ou-il-ne-savait-trop-quelle-autre-divinité-censée-contrôler-les-sentiments pour lui reprocher de l'avoir lié au-dit fléau. Parce que, bordel, en le regardant s'esclaffer ainsi très peu gracieusement, une petite larme au coin de l'oeil gauche, alors qu'il se payait sa tête qui plus est, il ne pouvait empêcher son cœur de battre juste un peu plus vite que d'ordinaire.
Le bonheur était un sentiment qui lui allait bien.
Dazai, de son côté, alors qu'ils s'asseyaient tous deux dans le véhicule en direction de la maison du plus petit, se prit à s'amuser de la teinte rosée qui persistait à lui coller aux joues, aux oreilles et à la base du cou. Pour lui, causer cette gêne chez Chuuya avait toujours été d'une facilité déconcertante, il ne comprenait pas vraiment comment son partenaire s'était taillé une véritable réputation de dur à cuir puisqu'à chaque regard qu'il posait sur lui, rien ne lui semblait si évident que sa sensibilité exacerbée et son cœur peut-être trop grand pour son bien. Rien qu'à l'effleurement de sa paume contre la sienne, Chuuya tourna brusquement le visage vers lui et, s'il tentait de lui lancer un regard offusqué, Dazai voyait très clairement qu'il était proche de faire fondre tout le ressentiment de son petit-ami envers lui. Un sourire victorieux lui échappa presque involontairement quand, détournant la tête pour s'intéresser à l'ennuyeuse route bitumée, le rouquin finit par mêler ses doigts aux siens sans ne serait-ce que tressaillir.
Inutile de dire que pour le brun le reste du trajet se passa dans la félicité la plus totale.
('ω')
Sur le perron, visiblement prêts à toute éventualité puisqu'un kit de premiers secours en main, Paul et Arthur se tenaient, le visage obscurci par l'inquiétude. Quand Chuuya, qui traînait toujours Dazai par la main avec la pauvre excuse qu'il aurait sinon bien été capable de fuir, apparut en haut de l'allée, ses pères se précipitèrent vers le portail sans même se concerter.
Il était si rare que leur fils se mêle de la vie des autres, même de celle de son partenaire habituellement, alors pour qu'il leur demande une chose telle que de l'héberger pour une semaine entière, la situation ne devait vraiment pas être idéale. Rimbaud ne voulut pas même entendre l'explication que le rouquin s'apprêtait à fournir en les voyant s'avancer, il attrapa à la place les mains couvertes de bandages de Dazai, puis observa avec inquiétude son cou couvert de gaze, avant de planter ses yeux gris dans ceux totalement perturbés de l'adolescent qui, figé, ne savait pas comment réagir face à tant d'inquiétude apparente, et une douceur à laquelle on ne l'avait pas habitué.
— Est-ce que tu as besoin de nouveaux bandages ? De désinfectant ? interrogea Arthur, qui lui avait lâché les mains pour ne pas trop empiéter sur son espace personnel, et s'était désormais reculé jusqu'à Chuuya.
Tandis que le brun restait interdit pour l'une des premières fois de sa vie, se demandant ce que les parents de son petit-ami lui voulaient exactement, si c'était une sorte de test, le rouquin croisa le regard de Paul qui attendait probablement la même chose que son mari : une réponse. Un seul contact visuel fut suffisant à l'homme pour comprendre qu'ils avaient apparemment cassé Dazai avec leur attention à son bien-être.
Il s'avança donc, posa une main sur l'épaule d'Arthur pour annoncer, au grand soulagement de son fils qui secoua doucement par l'épaule leur invité pour le dégeler, qu'ils en parleraient au dîner une fois Kouyou présente, et qu'il fallait peut-être mieux pour le moment laisser les adolescents faire leurs devoirs. Un hochement de tête de Rimbaud plus tard, ils passaient le portail en commentant légèrement sur le temps absolument pourri de ce début d'automne, et les deux adultes échangèrent un coup d'œil confus.
Ils connaissaient Dazai depuis qu'au jardin d'enfants Chuuya et lui s'étaient retrouvés punis pour s'être adonnés à une bataille de legos consistant à littéralement se les envoyer au visage. Ils n'avaient cessé de se croiser, parfois volontairement, parfois par pure malchance (karma diraient certains), tout au cours de leur parcours scolaire, même dans leurs activités à l'extérieur. À se demander s'ils ne faisaient pas exprès, parfois. Ils avaient même redoublé ensemble leur classe de quatrième, exclus de l'établissement pour avoir failli provoquer un incendie après s'être battus; étrangement ces évènements semblaient les avoir rapprochés, et l'animosité entre eux ne fut alors plus que feinte. Un simple jeu, une taquinerie, que peu prenaient au sérieux.
Depuis ce temps-là, le jeune homme arrivait parfois à l'improviste à leur porte, grimpait sans prévenir à la fenêtre de leur fils pour lui faire peur en plein milieu de l'après-midi, ou alors se faisait traîner par Chuuya pour une partie de jeux vidéos à sens unique, un travail commun, ou parfois comme aujourd'hui sans trop d'explications après un coup de fil où l'urgence sonnait dans la voix du rouquin. Le vide et la panique dans les yeux du brun à chaque fois qu'ils tentaient un geste d'affection pour celui qu'ils savaient, bien que jamais Chuuya ne leur en ait jamais soufflé mot, être un sérieux candidat au poste de beau-fils ne cessaient, rencontre après rencontre, de leur briser le cœur.
Arthur pressa la main de Paul, posée sur ses hanches, en remarquant le coup d'oeil soucieux qu'il jetait au duo si particulier qui sous leurs yeux grandissait, dans une direction qui à certains égards l'attristait beaucoup. Il se saisit de la boîte à pharmacie, la lui ôtant des mains, et sourit doucement au quadragénaire en lui faisant signe de ne pas s'inquiéter.
— Je vais ranger ça. Commence à préparer le repas, et ne t'en fais pas pour lui. Chuuya a toujours eu un don pour le faire sourire.
Sous l'eyeliner, les yeux bleus de Paul brillèrent alors qu'il acquiesçait.
。。゛(ノ><)ノ
À peine la porte ouverte, et leurs chaussures ôtées, Dazai ne put que prononcer une rapide salutation aux parents de son petit-ami une fois son cerveau ayant assimilé les précédentes questions des adultes, avant que ce dernier ne l'entraîne dans l'escalier. Un chemin qu'il avait parcouru déjà plusieurs fois, mais qui alors que Chuuya agrippait fermement la manche de son pull pour le guider semblait nouveau. Il trébucha sur le tapis, et seul son appui sur le mur ainsi que la main du rouquin stoppa sa chute. Il s'aperçut alors avec surprise qu'il tremblait, et si le propriétaire de la chambre dans laquelle on le guida s'en rendit compte, il ne commenta pas.
Quelques minutes furent nécessaire pour qu'ils reprennent leurs esprits, aussi bien l'un que l'autre.
Observer Dazai ainsi remué par le moindre geste attentionné, l'esprit en ébullition sous les milliers de questions, les yeux pleins de doutes, attendant derrière ce qu'on voulait de lui en échange de cette considération, l'avait toujours sérieusement affecté; aujourd'hui, huit ans après qu'il se soit rendu compte de ce phénomène, assister ainsi à l'étalage flagrant des blessures émotionnelles laissées par une éducation à la fois trop stricte et trop libre, enfant laissé à lui même depuis trop longtemps, détruisait toujours autant Chuuya.
Le rouquin posa ses affaires près de son bureau, et n'eut pas besoin de dire à son colocataire pour la semaine de faire la même chose. Son manteau accroché à la patère, son sac de cours à côté des classeurs, assis sur le lit, Dazai faisait comme chez lui. En un sens, ça l'était sûrement plus que la maison de ses parents, il y passait quasiment autant de temps.
La tête tournée vers le mur, comme admirant le gigantesque poster All Time Low, cadeau de Paul, le brun demanda sans croiser son regard, les mains presque crispées sur le couvre-lit :
— Chuu, pourquoi tu fais ça ? Me prendre sous ton toit ? souffla-t-il, véritablement curieux, en se retournant vers le concerné, souriant de ce sourire voilé que plusieurs années de cohabitation avaient donné à l'interrogé l'habitude de déceler.
Cette question, ce n'était pas la première fois qu'il l'avait en tête, ou à danser sur le bout de ses lèvres sans qu'il ne puisse se résoudre à la poser, sachant qu'elle en dévoilait bien plus qu'il ne voulait en montrer, et surtout qu'elle risquait de fortement déplaire à son hôte.
En effet, le rouquin avait arrêté tout mouvement. Sa silhouette de dos comme figée, mais il avait entendu. Il n'avait que trop bien entendu.
Sur la fermeture de la sacoche qu'il était en train d'ouvrir, les mains de Chuuya se crispèrent, et il stoppa son geste. L'espace d'un instant il ferma les paupières, les pressant sur ses iris céruléens quelques secondes tout au plus, mais qui parurent comme une éternité dans le silence traîtreusement installé. Puis, plutôt brusquement, il se leva, ses cheveux un peu trop longs lui fouettant le visage et les épaules au passage, alors que son pot à crayons tombait à cause des vibrations que son geste venait de provoquer.
Mais il n'en avait rien à faire. Il se campa devant Dazai, qui le regardait de ses yeux mordorés, si non intrigués au moins confus, attrapa son visage entre ses mains sans prévenir puis l'embrassa violemment, avec une fougue et une ardeur qui laissèrent l'adolescent figé sur place pour un moment.
Le temps qu'il reprenne ses esprits et close à son tour les paupières pour profiter de l'instant, somme toute rare car ils n'étaient pas vraiment ce genre de couple, Chuuya s'était déjà reculé, autant pour reprendre son souffle que pour parler. À genoux sur le couvre-lit, ainsi surélevé et plus grand d'une bonne demi-tête que Dazai, le rouquin avait dans les yeux une furie, une flamme qui brûlait jusqu'à la rétine du brun sur qui son attention entière restait fixée.
— Pourquoi ? répéta t-il, mais pas acidement, au contraire plutôt posément comme se posant nonchalamment une question, ce qui étonna Dazai.
Connaissant son partenaire, la réaction la plus plausible aurait été quelque chose de plus explosif. Lui lister agressivement toutes ses raisons, lui montrer comme plus tôt, implacablement, à quel point il comptait pour lui sans ne serait-ce que lui laisser du temps pour contrer ses arguments, c'était ce à quoi le jeune homme s'attendait. Il semblait pourtant qu'il s'était trompé, parce qu'encore agrippé à son pull, les cheveux se dressant comme une crinière autour de son visage légèrement pigmenté par l'indignation ou le manque d'air, se tenait un tout nouveau Chuuya. Calme, composé même, et surtout irradiant une telle confiance qu'un instant Dazai en oublia comment respirer, tracté, attiré tel un papillon en direction de la lumière, vers le rouquin.
Non, pas vers. Par.
— Oui, réitéra t-il en levant la main pour effleurer presque avec révérence la joue de l'adolescent où elle se déposait parfaitement. Pourquoi ?
Alors il fut brusque, parce qu'il n'y avait pas d'autres manières dont savait user Chuuya que la brusquerie, enveloppé dans une étreinte si serrée qu'il pouvait sentir sa joue écrasée contre l'épaule de son petit-ami. Ses bras l'entouraient, le réchauffaient, le pressaient contre son corps comme s'il eut espéré se fondre en lui. Ou l'inverse.
Pourtant, la force ne dérangea pas Dazai. Il y trouva au contraire un certain confort, une chaleur rassurante qui n'émanait pourtant pas de l'extérieur, mais de l'intérieur de son être. Lentement, dans un geste familier mais oublié par le temps passé sans l'exécuter, ses bras se levèrent, puis avec une égale force vinrent encercler la taille du rouquin.
— Parce que bordel Dazai, je suis même pas sûr que tu comprennes à quel point tu es important, lâcha finalement Chuuya, de manière toujours aussi raffinée, mais sa voix avait cet accent ferme et inflexible qu'il utilisait quand il voulait signifier qu'il n'accepterait aucune contradiction.
Il se recula de nouveau de leur étreinte, tandis que le brun commençait doucement à trembler sous l'émotion, bien que cherchant à le cacher, par fierté peut-être, par peur d'être rejeté pour sa faiblesse plus sûrement. Mais rien ne pouvait le dissimuler à l'éclat féroce des yeux bleus qui le dévisageaient alors que deux mains nerveuses venaient encadrer une fois de plus son visage fatigué.
— Et que tu me rends malade d'inquiétude à vivre comme tu le fais, ajouta le rouquin, plus doucement, soudainement plus détendu dans les bras de Dazai, ayant enfin extériorisé ce qu'il brûlait de hurler depuis plusieurs années déjà.
Cette fois-ci, ce fut le brun qui initia le contact de leurs lèvres, moins ardemment qu'il l'avait précédemment fait. C'était moins urgent, moins fiévreux, plus tendre. Une émotion que ni l'un ni l'autre n'avait l'habitude de montrer, mais ce changement n'apporta rien d'autre qu'un sourire qui progressivement s'étirait contre les lèvres de Chuuya.
Il l'accepta comme on le lui présentait, gratitude, un remerciement, une plainte, mille mots jamais échangés mais toujours compris.
La promesse, peut-être, de lendemains plus faciles.
( ͝סּ ͜ʖ͡סּ)
Un bruit sourd caractéristique, comme quelque chose tombant sur les lattes du parquet de la chambre de Chuuya retentit dans toute la maison. Paul s'arrêta, suspendu dans son geste, un sourcil levé, la cuillère en bois immobile au-dessus de la casserole.
Coupant le feu sous le récipient, et déposant l'ustensile de cuisine à côté, il se tourna vers Arthur qui, appuyé contre la table, arborait un sourire plein de sous-entendus qui arracha à son mari un rire complice.
— Ah, être jeune de nouveau ! s'amusa le quadragénaire en posant théâtralement la main sur la poitrine, ses ongles peints en noir ressortant de manière frappante sur le rouge du tablier.
Le gratifiant d'une tape sur l'épaule malgré le rire qui menaçait de franchir ses lèvres, Rimbaud porta son doigt à sa bouche pour lui signifier de se taire, et d'un geste de la tête vers la porte d'entrée suggéra une courte sortie. Amusé, Paul n'en fut pas moins rapide à enfiler sa veste et lui tendre sa sempiternelle écharpe sans laquelle il aurait définitivement gelé sur place. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, ils étaient dans la rue bras-dessus bras-dessous à rire avec un regard presque nostalgique, se souvenant de leur propre jeunesse. Oh, ils allaient évidemment prendre un malin plaisir à taquiner Chuuya une fois rentrés, pour sûr, ils n'auraient pas été des parents digne de ce nom sinon, mais ça n'empêchait pas leur coeur de se serrer un peu dans leur poitrine.
Arthur, dont les doigts commençaient à bleuir sous ses gants, les serra un peu plus sur le bras de Paul et pencha la tête pour la poser contre l'épaule de la veste victorienne noire très dramatique de son mari. Le temps qui passait ne les rajeunissait pas, et au milieu de ce tumulte d'années, implacablement, Chuuya grandissait.
— On cligne des yeux et l'instant d'après ils auront fugué pour se marier en kidnappant un prêtre, soupira doucement Verlaine, en tournant la tête vers lui, un sourire moqueur quoique triste imprimé sur les lèvres.
Rimbaud ne put s'empêcher d'éclater de rire, et en resserrant sa prise sur le bras de sa moitié pour échapper au froid, s'écria :
— Oh, j'espère que Chuuya ne prendra pas à ce point exemple sur nous !
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