|Day 4| L'AVALANCHE
Et bien, et bien, nous y voila donc enfin ~
Un challenge : finir à temps.
Une personne débordée et manquant cruellement d'organisation : moi.
Un but : ne pas foutre en l'air le planning des autres.
Toutes les nuits à trois heures du matin, votre émission favorite présentée par #Pika :
Cette idiote réussira t-elle pour une fois dans sa vie à respecter les dates limites ?
Disponible en audiodescription :3
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Hum. Un peu de sérieux.
Sachez que cet OS est rempli de conneries de la première à la dernière ligne, et que je ne regrette rien :3
Sachez aussi que j'ai bien galéré à en écrire certaines parties, et que vu que je suis à la bourre je ne me suis que peu relue : si il y a des fautes n'hésitez pas à me le faire remarquer !
Enfin, je m'excuse pour les neurones que vous allez perdre et votre future vision détériorée des personnages ~
Gloire à l'Emo-Verlaine !
(cet écrit vous est bien entendu proposé par Pikachu_680, à votre service ~)
Chuuya, la joue enfoncée dans la paume et le dos courbé, à moitié affalé sur sa table bancale qui bougeait d'avant en arrière à chaque fois qu'il remuait le petit orteil, se concentra sur le stylo rouge qu'il faisait tourner dans sa main plutôt que sur le cours devant lui. Histoire de se raccrocher à quelque chose de moins soporifique que les merveilles de la rhétorique et des cinq règles du discours. Ô classe de Philo bénie !
Un baillement sonore lui échappa, et il frotta ses yeux ensommeillés en luttant contre ses paupières qui se fermaient indépendemment de sa volonté. Que soit maudit Quintilien, il allait tomber endormi sur ses feuilles avant la fin de l'heure si ça continuait comme ça !
Le rouquin commençait à ne plus rien entendre d'autre qu'un bourdonnement sourd et confus autour de lui, quand une voix forte cria, le sortant de sa torpeur et effaçant comme par magie toute trace de fatigue de ses yeux bleus enbués encore quelques secondes plus tôt :
- Nakahara ! Qu'est ce que vous diriez de me réciter les cinq parties de la rhétorique, afin de vous réveiller ? Claqua la voix de l'enseignant, alors qu'il dardait ses yeux perçants sur le jeune homme en question.
Le fautif laissa échapper une grimace. Hirotsu, bien que sans conteste un des meilleurs professeurs de leur lycée, au sérieux irréprochable, avait cette tendance désagréable à... Comment dire ? Prendre pour cible certains élèves, surtout de ceux qui aimaient se taper une sieste dans son cours. En l'occurence lui, le plus souvent, Chuuya devait bien se l'avouer.
- S'il vous plaît Monsieur, c'est Noël ! Tenta t-il de plaider, n'ayant absolument rien suivi et encore moins révisé son cours comme l'élève très consciencieux qu'il était.
- Dans deux semaines seulement. Et si vous y tenez tant, faites donc votre bonne action de l'année en me montrant que je ne parle pas tout le temps dans le vide, répondit son tortionnaire avec un calme amusé, remontant son monocle doré devant son œil droit.
Chuuya soupira profondémment, renversant sa tête en arrière avant de repousser sa chaise plutôt violemment pour se lever. Encore une des exigeances farfelues du vieillard, qui devait trouver amusant de voir ses élèves se battre avec leurs tables et leurs sacs au sol pour réussir à se tenir debout afin de lui répondre. Le condammné du jour enfonça donc les mains dans son pantalon à carreaux, faisant cliqueter la chaîne accrochée à sa ceinture, et prit une grande respiration en se creusant la mémoire.
- Pas dans l'ordre, hein ? Espéra t-il avec un air sincèrement perdu qui, il l'espérait, allait attendrir son enseignant.
Ce dernier reposa le velleda sur le support métallique prévu à cet effet devant le tableau blanc, et parut sur le point de sourire. Il se contenta cependant de lisser sa moustache avant d'annoncer, grand seigneur :
- Allons, je ne suis pas cruel à ce point Nakahara. Donnez moi en deux de corrects sur les cinq et je serais déjà favorablement surpris.
- Quelle générosité, monsieur ! Ricana moqueusement, mais avec affection, le rouquin en se passant une main dans les cheveux, cherchant à gagner un peu de temps.
Le professeur n'en prit pas ombrage, il fallait dire que cette joute constante avec son élève datait déjà de quelques années. Celle ci était la dernière de Nakahara avant l'obtention de son diplôme, et Ryuro Hirotsu espérait bien enfin réussir à montrer au rouquin quel potentiel il pouvait avoir si il se mettait à prendre les choses un peu plus au sérieux.
L'intéressé cessa de se balancer d'un pied sur l'autre, balaya toute la classe de son regard bleuté comme pour les défier de se moquer de lui. Ce que personne n'aurait osé faire de toute manière, il était devenu clair que le jeune homme, malgré sa petite taille, savait fort bien répliquer en cas d'attaque, qu'elle soit verbale ou physique. Il pratiquait après tout régulièrement le Taiho Jutsu, et ceux qui avaient essayé de lui chercher des noises en étaient ressortis humiliés, avec quelques bleus. Chuuya pouvait se vanter de posséder un certain statut privilégié au sein de l'établissement, gagné à la force de ses poings et surtout de sa répartie acérée. Il n'avait jamais hésité à remettre les gens à leur place.
Un soupir franchit la barrière de ses lèvres avant qu'il ne se jette enfin à l'eau, déserrant le col de son uniforme de quelques boutons, fixant son professeur de philosophie avec dans les yeux cette lueur insolente qui ne le quittait jamais. Mais Hirotsu faisait partie des enseignants qu'il respectait, aimait bien même si on poussait un peu, aussi essaya t-il sincèrement de se remémorer ce que ce dernier avait bien pu déblatérer quelques minutes plutôt, alors que son cerveau se payait une sieste.
- Hum... Actio, le machin où il faut gesticuler pour capter l'attention du public ? Tenta t-il en levant la tête vers son professeur, à la recherche d'un signe lui indiquant si il venait de dire une grosse connerie ou si, au contraire, sa mémoire auditive -et Harry Potter- venaient de lui sauver la vie.
- La définition est un peu bancale, mais je suppose que l'essentiel est là... Un autre qui vous vienne à l'esprit ? Il en reste quatre pour que vous me prouviez que j'ai tord de vous soupçonner de dormir dans mon cours, répondit paisiblement Hirotsu, tapotant son monocle avec un amusement certain.
Le rouquin baissa les yeux vers ses Doc Marten's, comme si les motifs floraux de ces dernières allaient soudain bouger pour lui donner la réponse. Impossible de se rappeler le moindre mot. Foutu latin, ça lui rentrait par une oreille pour ressortir par l'autre !
Chuuya s'efforça de faire tourner ses méninges, il s'y appliqua même si bien qu'il eut l'impression que sa boîte crânienne chauffait. Puis soudain, comme par miracle, un mot surgit d'entre les rouages grippés de son cerveau. Il cria presque la réponse, et on pouvait, avec un petit effort d'imagination, quasiment apercevoir un ampoule s'éclairer au-dessus de la masse de ses cheveux roux.
- Elocutio ! C'est... Euhm... Plus ou moins savoir embrouiller tout le monde en parlant bien... ?
Cette fois ci, Hirotsu ne résista pas au sourire en coin qui poussait la comissure de ses lèvres, jusqu'à soulever un peu sa moustache finement taillée.
- Plus simplement l'art de l'éloquence, inutile de faire compliqué Nakahara. L'heure est bientôt terminée, si vous réussissez à trouver un troisième terme, je ne vous interroge plus jusqu'à l'année prochaine, offrit il en croisant les bras par dessus sa sempiternelle écharpe.
Et il était impossible d'en être sûr à cause du reflet dans son monocle, mais le rouquin jurait voir une lueur rieuse danser dans les yeux d'ordinaire si sévères de l'enseignant. Le jeune homme enfonça de nouveau les mains au creux de ses poches, alors que les autres élèves de la classe commençaient silencieusement à ranger leurs affaires, bien trop habitués à ce genre de fin de cours catastrophiques. On aurait presque pu croire que leur professeur réservait les dernières minutes pour Chuuya depuis deux ans, puisqu'ils n'étaient même pas en retard sur le programme malgré ces disgressions répétées.
- Vous trichez un peu, monsieur, l'année prochaine est juste après les vacances, protesta le jeune homme, maugréant dans sa barbe inexistante, mais priant quand même pour trouver cette fameuse troisième partie de la rhétorique.
- Oh, mais vous savez bien que j'aime vous torturer, renchérit le vieil homme en roulant des yeux, avec un ton ironique au possible.
Si Chuuya offrait un visage plutôt serein, intérieurement, il paniquait. Il avait l'impression de ne plus réussir à aligner deux pensées cohérentes, et de n'être plus bon à rien. Dans un instant de presque lucidité, il réussit à se souvenir qu'il fallait trouver un mot latin. Hors, le latin, il n'était pas vraiment un grand adepte. La plupart des mots dont il se souvenait finissaient par un truc en « o », peut être que si il faisait comme espagnol, rajoutant un « a » par-ci et un « e » par là, ça passerait ?
Un coup d'oeil sur l'horloge murale finit de convaincre le rouquin qu'il lui fallait faire vite. Il balança la première idée lui passant par la tête :
- Dodo ? L'art de se reposer avant de parler ? Lâcha t-il du bout des lèvres en se passant une main dans les cheveux, un sourire tordu plaqué sur les lèvres, comme une excuse.
Mais Hirotsu n'eut pas le temps de lui faire part de son désarroi puisqu'à cet instant précis, et avant même que des rires ne puissent s'échapper des bouches de quelques fous cherchant à se prendre une remarque assassine, la cloche sonna.
Et il était de notoriété publique qu'on avait jamais besoin de faire retentir deux fois la sonnerie quand il s'agissait de fuir les cours, aussi Chuuya, un expert confirmé dans le domaine, était en dehors de cette maudite salle avant qu'on ait pu prononcer « philosophie ».
- Mais quelle journée de merde ! Marmonna t-il tout seul en balançant sa pauvre sacoche dans le casier qu'il partageait avec deux autres personnes, se dirigeant vers le réfectoire, prêt à distribuer quelques coups pour accéder à son repas.
Seulement, son téléphone vibra dans la poche de son trench coat avant même qu'il ne puisse ne serait ce qu'évoquer l'idée de manger loin de ses amis, adorables pour la plupart, mais bien trop bruyants ou bavards à ses pauvres oreilles malmenées par toute une matinée de cours.
Kunikida lui demandait de le rejoindre, lui et le reste de la bande, dans « leur » coin habituel, près des salles des profs. Chuuya poussa un juron énervé en voyant que c'était sous demande de Dazai, et faillit partir manger au lieu de perdre un temps précieux. Surtout pour ce stupide brun qui passait son temps à babiller du non-sens. S'il les rassemblait tous encore une fois pour annoncer qu'il avait un trou dans son pull...
... Mais sa curiosité était trop forte, aussi tapa t-il un rapide « j'arrive » sur son clavier en se mettant en route pour le point de rendez-vous, forcément à l'autre bout du lycée sinon ça n'aurait pas été drôle.
_φ(°-°=)
Mori prit un malin plaisir à dépasser les pauvres élèves qui attendaient, agglutinés là, depuis au moins une demi heure. Les mains engoncées dans les larges poches de son imperméable noir un peu sinistre, il prit bien le temps d'ôter ses gants et de dénouer son échaprpe écarlate, planté devant la machine distribuant les plateaux, se délectant des protestations se voulant discrètes que chuchotaient les malheureux derrière lui. Le repas du midi était son moment préféré de la journée, quelle joie de pouvoir doubler une file entière d élèves énervés sans qu'aucun n'ose ne serait ce que protester !
Enfin, après cinq bonnes minutes, l'homme posa sa main sur l'écran qui afficha son nom au contact de ses empreintes digitales, l'autorisant à s'emparer d'un plateau en plastique d'une couleur immonde à mi-chemin entre le vert vomi et le grisâtre. Charmant. Il se dirigea vers les étagères garnies de mets divers qui constitueraient son déjeuner, et attrapa ce qui l'intéressait d'un mouvement presque machinal, mécanique, un sourire absent aux lèvres qui faisait fuir ceux qui l'approchaient. On racontait que quand le professeur Mori souriait, il ne pouvait qu'avoir une mauvaise idée en tête.
Et la plupart du temps, il fallait bien l'avouer, c'était loin d'être une fausse affirmation.
Comme d'ordinaire les salles destinées aux lycéens étaient bondées, et on observait une très nette distinction entre les groupes très nombreux, qui prenaient à eux tout seuls plusieurs tables et renversaient carafes ou nourriture, ainsi que les plus petits effectifs, tentant de se préserver du grabuge créé par les premiers cités. Ôgai s'en amusait, comme il s'amusait globalement d'à peu près tout ce que faisaient ces adolescents qui voyaient à peine à quel point leur vie quotidienne était un spectacle constant. Entre tragédie, avec trahison ou tromperies sordides, et comédie, ponctuée de quiproquos ou de situations franchement grotesques, on balançait. Pour le plus grand plaisir de Mori qui, évidemment, observait tout ce charmant manège avec délices.
La salle des professeurs, arrangée comme une salle de conférence avec les tables formant un « u », était moins pleine que ce à quoi il s'attendait. On était en pleine période de correction des examens blancs, et ça expliquait sûrement la désertification du réfectoire : la plupart des enseignants restaient dans leurs salles ou dans celle de réunion pour avoir la paix. Avec environ mille lycéens qui criaient à côté, dificile de se concentrer au cœur du self.
- Si tu penses encore à la meilleure manière de faire paniquer tes élèves avec un QCM surprise pour ensuite les coller parce qu'ils n'ont pas travaillé, je divorce, lança une voix posée mais étrangement puissante, à la gauche de l'homme aux cheveux noirs.
- Etrange manière de m'inviter à m'asseoir Yukichi, répliqua le concerné avec un rire ni totalement moqueur, ni totalement amusé.
Celui qui l'avait interpellé se contenta de hocher la tête avec une indiférence saisissante avant de reprendre une bouchée de poulet au curry, du bout de ses baguettes. Mori déposa son manteau sur le dossier de sa chaise, laissant apparaître un costume parfaitement repassé, évidemment noir et rouge, lui donnant un certain air diabolique. Il s'assit sans un mot, et commença lui aussi à s'emparer de ses couverts, après avoir jeté un coup d'oeil à sa montre, constatant qu'il lui restait tout juste assez de temps pour se permettre de manger avec décontraction.
Son œil accrocha le reflet de la bague dorée qui ornait l'annulaire gauche de l'homme à ses côtés, et il eut un rire à la limite du sarcasme, ce qui le conduisit à avaler de travers. Fukuzawa tourna vers lui ses yeux verts d'eau emplis d'un air désabusé que seule l'habitude pouvait donner. Voyant le sourire en coin de son voisin malgré sa toux rauque, il roula des yeux, et prit le temps de s'offrir une gorgée de thé avant de demander, toujours sur ce ton désespéremment grave et sérieux, comme si rien ne pouvait vraiment le déstabiliser :
- Un problème ?
Mori secoua la main pour signifier que non, avec un sourire un peu moins sardonique, mais peut être était ce uniquement les effets de son étouffement qui donnaient l'illusion d'une étincelle de tendresse brillant dans ses yeux.
Il retourna à son curry, pensant avec amusement à cette nuit où il s'était retrouvé marié avec Yukichi Fukuzawa. Un peu trop d'alcool, une tension sexuelle indubitable, un voyage à Las Vegas avec quelques élèves endormis depuis belle lurette... Et le lendemain ils se réveillaient dans des draps à la propreté douteuse, une alliance brillante au doigt et nus comme des vers, leurs deux portables sonnant avec les noms d'adolescents paniqués affichés en grand sur l'écran. Ils s'étaient dits qu'ils régleraient ça aussitôt le voyage terminé, comme deux adultes raisonnables et sensés.
Quinze ans que ça durait, et ils n'avaient toujours pas enlevé leurs alliances. L'un comme l'autre.
Mori se redressa, se reprenant soudainement. Si soudainement, et si brusquement, qu'il attira l'attention de tous les autres enseignants de la salle.
- En fait si, il y a un problème, rectifia t-il en regardant son homologue, toujours ce sourire beaucoup trop vicieux plaqué aux lèvres. Il se pencha pours murmurer à l'oreille d'un Fukuzawa toujours aussi désespéremment blasé : Une lune de miel à la neige, ça te dit ?
Et cette fois ci, ce ne fut pas lui qui s'étouffa avec son riz.
.....φ(〃∇〃 )
Chuuya fixa le stupide brun devant lui avec des yeux grands ouverts, incapables de croire que tant de connerie puisse être concentrée en un seul homme. A ses côtés, Kunikida serrait son éternel petit carnet dans ses mains à s'en faire blanchir les jointures, les lunettes obscurcies par un reflet de soleil. Et heureusement car, le rouquin l'aurait parié, il avait sûrement un regard aussi meurtrier que le sien. Atsushi se grattait le crâne, l'air de se demander ce qu'il faisait là, et sa main avait presque machinalement agrippé celle d'Akutagawa, qui était prit d'une quinte de toux.
Chuuya compatissait, lui aussi ça le rendait malade de côtoyer Dazai et son imbécilité désespérante.
- Mais bordel, est ce que tu réfléchis des fois où ton cerveau aussi est momifié ? Ne put-il s'empêcher de crier, en arrachant brusquement les papiers des mains du brun.
Il les fixa pendant quelques secondes, muet, ses yeux parcourant les lignes tapées à l'ordinateur avec frénésie, comme si il cherchait quelque chose, un détail, une preuve que tout ceci n'était qu'un sublime prank et que ce crétin d'Osamu qu'il côtoyait depuis la petite enfance le faisait encore marcher. Seulement, peu importait à quel point le rouquin avait un don pour se voiler la face et s'auto-persuader, le tampon de l'établissement ainsi que la signature du principal, Monsieur Natsume, en bas du document, ne laissaient plus de place au doute.
- T'as vraiment crocheté la serrure du bureau du proviseur... J'y crois pas... murmura t-il, à cours d'injures tant sa stupeur était grande.
Et le sourire éclatant du fautif n'arrangeait absolument rien. Kunikida finit par agir, et ce qui devait arriver arriva: Dazai se retrouva trainé dans un local à ustensiles ménagers un peu plus loin, et quand le blond qui le tirait sans ménagement par la cheville referma la porte, on entendit très nettement des bruits suspects de coups et de cris. On aurait presque cru que quelqu'un se faisait torturer là dedans.
Quoique, connaissant Doppo, on ne pouvait pas dire avec certitude que ce n'était pas le cas.
- Et... Ils disent quoi ces papiers ? Hésita Atsushi, qui savait bien que la curiosité était un vilain défaut mais ne pouvait pas se retenir, quand bien même la main de Ryuunosuke broyant la sienne pour lui dire de ne pas mettre les pieds dans le plat aurait dû être assez explicite.
Chuuya releva la tête des dites feuilles, l'air d'avoir encaissé d'un coup une semaine d'insommnies ou d'avoir prit plusieurs années en quelques secondes. Qu'est ce qui était écrit de si terrible ?
Le rouquin recala une de ses boucles rousses derrière son oreille, plus par réflexe mécanique qu'autre chose, avant de répondre, l'air d'avoir sérieusement avalé quelque chose de pas frais, au point où Akutagawa se demandait si il n'allait pas leur vomir sur les chaussures :
- Il y a un voyage prévu pour certains élèves de Terminale, et quelques Premières. Vous deux êtes dans le lot. Pour aller à la montagne, anonça t-il avec de courtes phrases saccadées, comme si c'était la pire chose qu'il lui soit jamais arrivée, comme si il leur disait que quelqu'un était mort.
- Oh, mais c'est génial ! Ryuu, on pourra apprendre à skier ensemble ! S'exclama dans toute son innocence horriblement adorable le candide jeune homme aux cheveux gris, en tournant des yeux pétillants de joie vers son râleur de petit-ami.
... Qui lutta contre les rougissements lui montant aux oreilles dans une atttitude tout à fait adaptée à l'handicapé sentimental qu'il devenait dès qu'on touchait à Atsushi et tout ce qu'il y avait de mignon chez lui. Pour tourner le sujet de la conversation autre part que sur son petit cœur d'émo soudain submergé par une vague d'amour, Akutagawa demanda à Chuuya, non sans avoir toussé un peu pour éviter que sa voix ne sorte deux ou trois octaves trop élevés :
- Pour une fois, il a raison, c'est plutôt une bonne nouvelle. Pourquoi cette tête ? C'est Dazai qui a volé les papiers, pas toi.
Le rouquin les fixa dans les yeux, et ses prunelles bleues semblaient vides de tout espoir quand il annonça d'une voix déserte de toute émotion :
- Dazai est dans les élèves listés pour y participer... Avec moi.
Et s'il ne vomit pas sur ses précieuses Docs, c'était uniquement parce qu'il n'avait pas pu manger à cause de toutes ces conneries.
(눈_눈)
- Arthur, où as tu rangé les couvertures polaires ? Il risque de faire froid là bas, Chuuya en aura peut être besoin, résonna la voix de Kôyô derrière la porte de la chambre du rouquin qui, assis, sur une immense valise, pesait de tout son poids dessus pour espérer réussir à la fermer.
- Il a déjà emporté de quoi survivre pendant deux semaines au Pôle-Nord, et il ne part que cinq jours à Vail dans le Colorado, je pense qu'une malle suplémentaire ne sera pas nécessaire, répondit une voix grave, du rez-de-chaussé, avec un accent moqueur.
Le principal concerné retint avec peine un sourire amusé. Malgré son humeur maussade à la simple idée qu'il allait devoir partager un dortoir avec Mister-je-chante-une-comptine-sur-le-suicide-à-trois-heures-du-matin sa famille quelque peu atypique réussissait toujours à le faire sourire. On toqua à sa porte et il laissa échapper un grognement donnant son approbation à ce que la personne entre.
Arriva dans la pièce un homme ayant un peu moins de la trentaine, au sourire aimable, la lèvre inférieure agrémentée d'un piercing métallique. Ses sourcils d'un noir de jais se froncèrent légèrement quand il remarqua le rouquin en pleine guerre contre son bagage, mais il se contenta de caresser son collier de barbe d'une main ornée d'un anneau en forme de crâne squelettique au lieu de faire une quelconque remarque.
- Besoin de quelque chose, Paul ? Interrogea Chuuya, se mettant carrément debout sur sa pauvre malle pleine à craquer, hésitant carrément à sauter à pieds joints sur le couvercle, autant pour évacuer sa frustration que pour enfin terminer les préparatifs.
Le nouvel arrivant sourit presque narquoisement à la vue du pauvre garçon qui avait l'air de perdre la guerre l'opposant à ses trente-six sous-pulls, sa combinaison de ski, ses multiples couettes et le manque de place évident dans cette valise. Les yeux, qu'il avait aussi bleus que le rouquin, pétillèrent sous l'eyeliner appliqué avec soin, mais ce fut la seule marque visible de son amusement. Cette manière de cacher ses émotions rappelait désagréablement à Chuuya un certain brun couvert de bandelettes, mais Paul Verlaine était en quelque sorte sa deuxième figure paternelle, aussi laissa t-il passer.
- J'ai un petit cadeau pour toi, je sais que la route risque d'être longue en bus, lui annonça le concerné, sans se douter des pensées traversant l'esprit du garçon.
Garçon qui haussa les sourcils, à la fois surpris, touché, et aussi un peu inquiet. Tous les précédants présents de l'adulte, bien que la plupart du temps assez plaisants -le choker qu'il portait en permanence lui avait été offert à ses quinze ans- avaient tous un point commun un tantinet dérangeant : ils étaient tous inévitablement et inexplicablement... Très typés années 2000, pour les meilleurs, carréments émos pour les pires.
Enfin, quand on regardait Paul Verlaine de la tête aux pieds, le pourquoi du comment devenait tout de suite bien plus évident. De ses vans noires, jusqu'à son jean skinny noir, en passant par son t-shirt « Welcome to the Black Parade » -l'aurez vous deviné?- noir aussi, tout criait l'évidence même. Ses cheveux mi-longs étaient plaqués en arrière par un coup de peigne négligé, et si il avait certes un charme atypique, et que Chuuya pouvait comprendre ce qu'Artur Rimbaud, son autre figure paternelle, lui trouvait... Il n'en restait pas moins que les centres d'intérêts de l'homme étaient plus proches de ceux d'Akutagawa que du rouquin.
Aussi, quand Paul lui tendit un vieil étui à CD, de la manière dont on tendait une précieuse relique, il commença à s'inquiéter.
Mais l'homme ne se lança fort heureusement pas dans un des discours grandiloquents auxquels Chuuya avait été habitué à chacun de ses cadeaux. Non, il se contenta de lui fourrer le disque dans les mains, l'air ridiculement ému, et, pressant ses paumes contre les siennes avec une mine beaucoup trop sérieuse pour être honnête, il murmura :
- Ecoute ça pour moi pendant le voyage, d'accord ?
Le rouquin asquieça, un peu perplexe, avant de s'écarter quand Paul donna un violent coup de pied à sa malle, qui se ferma sans protester. L'adulte quitta la pièce sur un dernier clin d'oeil, alors qu'on entendait Kôyô en bas l'appeler pour une obscure histoire de vernis à ongles.
Chuuya resta là, assis sur sa valise démesurée, à regarder l'album entre ses mains avec des yeux fatigués. On pouvait y lire en toutes lettres « My Chemical Romance », et le rouquin grogna en le posant au-dessus de son bagage, ne voulant pour rien au monde se risquer à l'ouvrir de nouveau. L'adolescent se laissa tomber sur son lit double, les bras écartés, et chassa de son nez une boucle rebelle en soufflant dessus. Il soupira profondémment.
- Sérieux, combien de personnes j'ai tué dans ma vie antérieure pour être entouré de gens aussi dérangés ?
_¢(T-T*)
- ... Et Osamu Dazai ! Le compte est bon, Monsieur Hirotsu, annonça triomphalement Oda Sakunosuke, CPE de l'établissement Francis Fitzgerald, en se tournant vers le cinquantenaire qui jetait son mégot à terre, avant de l'écraser sous sa semelle.
Le professeur de philosophie hocha calmement la tête, prenant une grande bouffé d'oxygène avant de pénétrer dans le véhicule.
La dernière chose qu'il vit avant de tomber à la renverse dans l'allée fut un album CD qui le heurta en plein milieu du front.
Akiko Yosano, une des adultes accompagnant ce groupe d'excités drogués aux hormones communément appelés adolescents, et par ailleurs le médecin du lycée, l'aida à se relever ave un peu de souci. Fort heureusement, il ne semblait pas s'être blessé, ni sembler trop en colère.
- Tout va bien, Ryuro ? S'inquiéta la jeune femme en l'asseyant sur un des sièges avants du bus alors que le vieil homme replaçait son monocle d'un air contrarié, observant avec attention l'objet dans ses mains.
L'album était petit, entouré d'une coque plastique, et sur la facade s'affichait une page beige où s'étalait en grosses lettres désordonnées le nom du groupe. Une sorte de squelette en tenue militaire constituait la seule personne présente sur la pochette de disque. Alors que Mori riait doucement, son gant pressé sur ses lèvres, que le silence se faisait dans le bus, et qu'Oda vérifiait frénétiquement que tous avaient bien bouclé leur ceinture, un des lycéens se leva.
Une silhouette bien trop connue d'Hirotsu, qui se retint avec peine de se cogner la tête contre le tissu immonde du siège, tant la scène paraissait tirée d'un mauvais film. Chuuya s'inclina à la japonaise, avant de se relever et d'expliquer, se passant une main dans les cheveux, sincèrement désolé mais toujours une lueur d'agaçement au fond de ses iris céruléens :
- Excusez-moi, Monsieur. C'est moi qui l'ai lancé, mais il ne vous était pas destiné, expliqua t-il, pour une fois les mains croisées derrière le dos au lieu d'enfonçées dans les poches, sûrement dans une tentative pour avoir une attitude respectueuse.
Cependant, connaissant la fierté hors-norme du rouquin, le professeur de philosophie fut reconnaissant de l'effort. Enfin, l'attitude du jeune homme le désespérait toujours, mais il avait fini par ne plus trop s'en étonner au bout de trois ans. Ses yeux, brillants derrière son monocle, s'égarèrent entre les rangées, pour se fixer vers le second fautif dans l'histoire, il était prêt à le parier. Assis côté couloir, un certain brun couvert de bandages de la tête au pieds, regardait la scène avec un œil rieur. Hirotsu se leva à son tour.
- Nakahara, Dazai, nous aurons une conversation une fois arrivés à Vail, pour l'instant c'est inutile. Et pour éviter que quelqu'un se fasse de nouveau assomer, je propose qu'on utilise ce CD à des fins plus adaptées, rajouta le cinquantenaire en tendant l'objet en question à Fukuzawa, qui le plaça dans le lecteur.
Les deux adolescent s'asseyaient de nouveau, incapables de trancher entre un sentiment de joie et d'inquiétude anticipée quant à ce qui les attendait. Le reste du bus les regardait, mélangés entre admiration et consternation.
Chuuya leur offrit un de ces regards meurtriers dont il avait le secret, et soudainement, comme par magie, tous les visages jusqu'alors tournés vers lui se passionnèrent pour l'examen des motifs douteux cousus sur l'habillement des sièges.
Alors que le moteur du car, démarré par Monsieur Motojiro, le prof de physique-chimie du lycée, commençait à tourner, le rouquin tourna son attention vers la fenêtre. Sur le quai, les parents, la famille, les amis, attendaient le départ du véhicule pour pouvoir rentrer chez eux.
La sœur de Ryuunosuke, qui lui ressemblait comme deux goutes d'eau, faisait un petit signe de main alors que son copain à ses côtés, Michizo si Chuuya avait bonne mémoire, semblait vouloir disparaître sous terre devant le regard lancé par l'aîné à travers la vitre du bus. Atsushi tapotait l'épaule de son copain aux pulsions meurtrières avec un petit rire nerveux, craignant visiblement qu'il ne casse quelque chose pour sortir du véhicule et massacrer le pauvre garçon. « Protecteur » était un sacré euphémisme pour parler de lui dès qu'on en venait à Gin.
Le rouquin remarqua plusieurs personnes qu'il connaissait, dont Ranpo Edogawa, ancien prof du lycée venu dire au revoir au Docteur Yosano. Les élèves s'étaient toujours demandé ce qu'il se passait exactement entre ces deux là, et encore une fois, ils n'auraient pas la réponse aujourd'hui.
Chuuya n'eut cependant pas le loisir d'observer le supposé-copain-de-leur-médecin puisque son regard fut capturé par nulle autre que sa famille, pas bien difficile à repérer d'ailleurs même parmi toute cette foule. Il sourit en voyant qu'Arthur le cherchait des yeux, comme toujours engonçé dans son manteau d'hiver, l'écharpe remontée jusqu'au nez et ses sempiternels cache-oreilles bien en place. De la buée sortait de sa bouche, et les gens regardaient avec une stupeur mêlée de défiance Paul qui avait passé un bras autour des épaules de son compagnon, pour peut être tenter de le réchauffer, bien qu'il sache que c'était mission impossible. Rimbaud était gêlé depuis le jour de sa naissance, on pouvait être en plein été sous un palmier qu'il allait porter un pull.
Chuuya ne savait cependant pas, et ne voulait pas savoir, si ces regards étaient lancés parce que Verlaine avait ce jour là revêtu l'attirail complet du parfait emo, ou parce que sur son sweat capuche noir, on pouvoir lire en grandes lettres : CHUUYA, bon voyage !
L'adolescent rougit furieusement. Il adorait ses parents adoptifs un peu tarés, et leur style vestimentaire voyant, mais des fois... Oh des fois, il aurait vraiment souhaité juste être quelqu'un de tout ce qu'il y avait de plus basique, et pas recueuilli par trois individus exhubérants, dont deux qui lui servaient de parents et une de grande sœur un peu trop protectrice. Kôyo, justement, finit par le trouver, et se mit à lui faire des signes de mains, auxquels il répondit avec un sourire attendri malgré lui, les joues toujours rouges d'embarassement.
A côté de lui, Dazai observait son profil en se demandant ce que ça faisait d'être dans les Docs de ce garçon qu'il côtoyait depuis la maternelle.
Pour lui, personne n'avait enfilé un pull customisé. Personne ne lui avait offert un CD pour la route.
A vrai dire, personne n'était venu.
Odasaku lui ébourriffa les cheveux avec tendresse en comptant une dernière fois les adolescents alors que le véhicule démarrait.
(╭ರ_•́)
Il faisait nuit, une nuit très dégagée où on pouvait observer les étoiles, mais aussi une nuit où, comme dans tout domaine skiable en haltitude...
- Aargh mais ça caille ! S'exclama un certain rouquin dont les doigts gelés peinaient à tenir l'immense valise.
- Tu veux mon manteau Chuuya ? Offrit avec une générosité pleine de candeur le seul être capable de proposer ça sans arrières pensées, Atsushi Nakajima.
- Tu veux que je te réchauffe ma limace ? Offrit avec une malice peu dissimulée le seul être incapable de proposer ça sans arrières pensées, Osamu Dazai.
Cependant, avant qu'une bataille dangereuse de part la présence de neige ne s'engage, Mori décida de prendre les choses en main. Littéralement.
Il attrapa les épaules des deux concentrés à ennuis pour les mener vers Hirotsu, qui avait eu tout le long voyage en bus pour méditer son sermon, et enfin garantir à ses oreilles un peu de paix.
Ôgai sentit un sourire satisfait jouer sur ses lèvres alors qu'il se dirigeait vers la réception, ôtant ses gants blancs afin d'attraper les clés tendues par la jeune femme visiblement surmenée qui s'occupait des réservations. Ses bonnes manières et son regard charmeur firent apparement de l'effet, et l'homme aux longs cheveux noirs entendit avec satisfaction Yukichi pousser un léger soupir en passant à côté de lui, portant les bagages.
L'équipe enseignante fit quelques recommandations à un groupe d'élèves lessivés qui n'en écoutèrent pas un mot, et après que Dazai et Chuuya soient revenus dans le groupe, Mori se fit un plaisir de leur apprendre qu'ils partageaient un dortoir. L'expression de désespoir sur le visage du rouquin n'avait pas son pareil, et cette étincelle d'intérêt s'allumant dans les prunelles du brun finit de conforter l'homme dans son sentiment que ce serait un superbe voyage.
- Demain, on commence le ski n'oubliez pas, réveil à six heures ! Claironna t-il pour bien enfoncer le clou, avec jubilation.
Pour réponse il n'eut le droit qu'à deux grognements vidés de toute âme, avant que les portes des dortoirs ne se referment et que le couloir ne soit désert. C'étaient des chambres de quatre, et même les profeseurs allaient devoir goûter aux joies de la vie en collectivité. Enfin, presque tous, puisqu'évidemment Ôgai Mori avait toujours une longueur d'avance : il s'était arrangé pour se retrouver seul avec Fukuzawa. Il n'y avait plus qu'à espérer que les murs soient bien isolés.
Alors qu'il regardait le couloir avec une sorte d'exultation silencieuse, une voix bien connue soupira, et Mori se retourna pour contempler Fukuzawa, l'épaule contre le chambranle de la porte de leur chambre. Il était pied nus, ses cheveux gris fraîchement lavés lui tombaient avec légerté sur les épaules, et son yukata vert foncé noué plus lâche que d'ordinaire. Ses yeux verts le percèrent de part en part, et l'homme aux cheveux noirs ne put contrôler son sourire qui devint moins goguenard et plus affectueux.
- Cesseras tu un jour de torturer ces pauvres enfants ? Questionna de manière purement inutile le plus vieux, déplorant ce que son mari osait appeler pédagogie.
- Oh, comme tu y vas ! Je les tourmente tout au plus, ça les endurcit, renchérit Mori en s'arrachant à l'observation minutieuse des coutures du kimono de l'homme en face de lui pour rentrer dans la chambre d'un pas tranquille.
Yukichi roula des yeux en refermant la porte, et alors que Mori déposait son manteau, son écharpe et ses gants, sur le dossier de la chaise de l'unique bureau de la chambre, il se glissa sous les couvertures. Attrapant son livre sur la table de chevet, il s'adossa à son oreiller posé contre la tête de lit, écoutant d'une oreille distraite l'eau couler dans la salle de bain.
Puis un autra bruit capta son attention. Il se concentra, posa son livre sur ses genoux, soudainement attentifs aux sons. Ca venait des chambres près de la leur, et, perplexe, il se leva pour coller l'oreille au mur à sa droite afin de mieux entendre. Il se recula presque immédiatement, les yeux exhorbités, l'oreille presque blessée. Mais, indécis, il tenta de nouveau, et, cette fois, resta plus longtemps. Une voix éraillée hurlait, sur un fond de musique.
« UNTIL THE DAY I DIIIIE I SPILL MY HEART FOR YOUUUUU »
Le professeur d'Histoire se décolla du mur, tenant un pan de Yukata dans sa main pour l'empêcher de glisser sur son épaule. Si il se souvenait bien de la répartition des chambres, de ce côté là dormaient Akutagawa, Nakajima, Twain et Lovecraft. Enfin, de toute évidence ça c'était plutôt transformé en soirée karaoke qu'autre chose. Il se demanda qui hurlait ainsi à pleins poumons, car à part Mark Twain, aucun des trois ne semblait assez à l'aise pour se livrer à ce genre de spectacle.
Le bruit de l'eau coulant dans la douche s'arrêta, mais pas la musique de l'autre côté du mur, et Fukuzawa traversa la chambre, se demandant ce qui le poussait à faire ça quand il aura tout aussi bien pu se rasseoir dans son lit, se plonger dans son livre, et ignorer ce qui se passait à côté. Ôgai devait finir par déteindre sur lui, au bout de quinze ans, et pas en bien.
Il se rapprocha de la source du bruit, et colla de nouveau son oreille au papier peint. Il fut plus agressé encore que précédemment, puisque deux voix hurlaient... Non trois ! Et, à moins que quelqu'un ait apporté des instruments, on entendait aussi un CD lancé à un volume peu décent. Puis une voix s'éleva un peu plus forte que le reste, le propriétaire devant sûrement s'arracher les cordes vocales :
« WE'LL CARRY OOOOON, WE'LL CARRY OOOON »
Et une autre voix, Yukichi fut quasiment certain de reconnaître Dazai, brailla par-dessus tout ce vacarme, incroyablement fausse, mais indéniablement puissante :
« ALOOOONE YOU CAN'T DOUBLE SUICIIIIIDE »
L'homme aux cheveux blancs se décolla de la tapisserie, une main sur l'oreille. Dans la salle de bain, l'eau avait reprit son « shhh » régulier, et Mori chantonnait doucement « Hey there Delilah ». Fukuzawa se frappa le crâne contre le mur, avec une profonde envie de disparaître dedans, pour oublier ce qui se passait en ce moment même autour de lui. Cependant, sans qu'il le veuille, son oreille accrocha de nouveau un son qui résonnait dans la chambre séparée de la sienne par un seul petit mur ridiculement fin.
C'était celle de Nakahara, Dazai et Kunikida, mais il n'eut aucun mal à reconnaître la voix de son élève le plus sérieux, qui criait à s'en irriter la gorge :
« Il est deux heures du matin, le prochain qui brame je le castre ! »
Et, pendant un instant, un silence parfait plana. La porte de la salle de bain s'ouvrit, sur un Mori en pyjama, les cheveux encore humide, qui regarda son conjoint comme si il était plié en deux et avec l'oreille ridiculement collé à un mur.
Oh. Il l'était.
- Yukichi ? Il y a quelque chose qui ne va pas ? Interrogea l'homme aux yeux carmins en mettant sa serviette éponge à sécher sur un porte-manteau.
Le plus vieux le regarda quelques secondes, muet d'embarras, le haut des pommettes rosissant subtilement. Il finit par se redresser plus proprement, lissant les plis de son kimono un peu froissé et le refermant plus décemment, tentant de reprendre contenance. Mais alors qu'il allait expliquer ce qui se passait exactement avec les enfants un peu dérangés qui leur servaient d'élèves, la musique recommença dans la chambre des Terminales. Du piano.
C'était plutôt doux, et alors qu'Ôgai se figeait et que Yukichi écartait les bras l'air de dire « c'est ça qui cloche », la voix de quelqu'un qui ne pouvait être que Chuuya leur transperça les tympans.
« WHEN I WAS A YOUNG BOY »
Puis, lui, répondant de l'autre côté du mur, on entendit très nettement la même voix que celle qui hurlait précédemment, grave et un peu éraillée, sans conteste furieuse :
« Qui est l'enfoiré qui vient de lancer du MCR ? Il va payer pour cette putain de G note ! »
Et, sans hésitation aucune, alors que Fukuzawa reconnaissait avec ébahissement Ryuunosuke, Mori eut un sourire en coin qui se scotcha soudainement sur ses lèvres. De ceux qui n'annonçaient rien de bon, et qui criaient même « attention, acte de sale type à venir ».
Il ouvrit la bouche, et...
« MY FATHER TOOK ME INTO THE CITY »
(ಥ⌣ಥ)
- Attendez, qu'est ce que vous voulez dire exactement par « avalanche » ? interrogea Oda, le téléphone calé contre l'oreille, craignant d'avoir parfaitement compris ce que le gérant de la station insinuait.
Et il avait évidemment totalement entendu. Il était six heures trente du matin, les adolescents venaient à peine de quitter le réfectoire pour aller se laver, et lui, Oda Sakunosuke, simple CPE qui n'avait certainement pas signé pour tout ce bordel, allait devoir leur annoncer qu'ils étaient bloqués dans le dortoir à cause d'une foutue avalanche.
Si il avait été moins lui même, il aurait délégué le boulot à quelqu'un comme Fukuzawa qui était trop sérieux pour refuser. Mais Oda étant ce qu'il était, il se retrouva debout sur une table en plein milieu de la cantine autour d'une dizaine de jeunes gens qui râlaient déjà et sous le regard plus que moqueur d'une certaine Akiko, ainsi que les yeux froids du professeur le plus cruel de l'établissement, Mori.
Inutile de dire qu'il se sentait comme un pauvre lycéen le jour de son oral de Bac.
Se raclant la gorge, une fois, puis deux, Oda croisa les mains derrière son dos. Il maudissait intérieurement toutes les divinités dont il avait entendu parler, bien qu'absolument non croyant, et en premier lieu, il se maudissait lui-même. Parce qu'il devait annoncer ça devant Chuuya Nakahara et Osamu Dazai. Bien qu'il aimât particulièrement ces deux sympathiques jeunes hommes, ils étaient bien connus pour avoir une langue acérée et ne pas faire de cadeau quand quelque chose leur déplaisait.
Odasaku lâcha donc la bombe, et se prépara à recevoir un tas de cris de protestation. Il devait en convenir, lui non plus l'activité « jeux de société en intérieur en attendant les pompiers » ne lui convenait pas particulièrement mais... Qui était il pour prétendre pouvoir déblayer le monstrueux tas de neige devant leur porte d'entrée ?
Hors, bien que quelques murmures peu réjouis retentissent par ci par là, aucune protestation du côté des deux garçons les plus bruyants de toute l'histoire du lycée.
- Nakahara ? Osamu ? Tout va bien ? Leur demanda t-il en descendant de la table, après un court instant de flottement, perplexe devant le silence des deux adolescents qui était totalement inhabituel.
Chuuya roula des yeux, ses iris azurs semblant presque crier -ou alors c'était Oda qui se découvrait des dons de télépathe- « Comment est ce que ça pourrait aller ? Je suis assis à côté de Dazai ! ». Et le concerné par la remarque muette se contenta de passer un bras autour des épaules de son rouquin préféré avec un grand sourire, puis se fit frapper sans pour autant lâcher prise. Mais pas un des deux ne daigna lui répondre clairement.
- Vous avez perdu votre langue ? Chercha à savoir l'adulte, qui les savait dans la même chambre que Kunikida et craignait à moitié sérieusement que le blond ne soit passé aux mesures drastiques pour les faire taire.
Un silence de mort lui répondit, seulement entrecoupé par les quintes de toux d'Akutagawa non loin de là, et par le bruit que fit la tête de Chuuya quand le rouquin se cogna le front contre l'épaule de Dazai, visiblement désespéré.
- Non, ils ont perdu leurs voix. C'est ce qui arrive quand on fait un concours de celui qui chante le plus fort à deux heures du matin passées, se chargea de lui répondre le compagnon de chambrée des deux garçons, bras croisés, remontant ses lunettes sur son nez d'une main distraite, ce qui ne suffisait pas à cacher ses immenses cernes.
Oda resta quelques instants muet de stupeur. Puis il regarda les adolescents qui, affalés l'un contre l'autre dans une position pas très confortable et surtout peu adaptée si ils voulaient continuer à prétendre ne traîner ensemble que parce qu'ils avaient des amis communs, lui envoyèrent de concert leurs plus beaux sourires angéliques, d'une innocence à toute épreuve.
Sérieusement, un peu plus et on voyait un halo se former autour de leurs têtes.
Puis Akutagawa arriva derrière eux et, sous les yeux inquiets de son petit-ami aux cheveux gris encore ébouriffés comme si il venait juste de sortir du lit, s'effondra à leurs côtés. Mais respectant tout de même une certaine distance de sécurité. Après tout, Chuuya tranquillement dans les bras de Dazai, ça risquait de changer à tout moment.
Ces deux là étaient juste épuisants. Ils sortaient ensemble, depuis quatre bonnes années, bien qu'ils pensaient se montrer discrets, mais cet extra dans leur relation n'avait absolument rien changé au côté explosif de leurs caractères comme soudainement multiplié quand ils se trouvaient proches l'un de l'autre. Quelque part, on pouvait dire qu'il y avait une certaine beauté dans la chose : ils n'avaient pas changé leurs comportements l'un envers l'autre juste parce qu'on leur avait collé l'étiquette de couple sur le front.
- Bon, c'est rassurant de voir que vous ne paniquez pas à l'idée d'être évacués par les secours quand ils auront déblayé la neige, soupira Oda en tirant une chaise vers lui, totalement désabusé.
Ses yeux balayèrent la salle et il résista avec peine à la tentation de se frapper violemment le crâne contre le bois de la table du réfectoire. On ne pouvait en effet faire moins stressé.
Il y avait Dazai et Chuuya, étonnement calmes, qui se câlinaient à moitié, tombant progressivement endormis l'un sur l'autre, dans un coin. Rien d'étonnant quand on se remémorait l'heure jusqu'à laquelle ils avaient chanté. Braillé plutôt d'ailleurs, puisque les cris avaient été tout sauf harmonieux, on ne pouvait pas décemment appeler ça du chant, par égard pour les oreilles de Kunikida. On aurait presque pu les qualifier de mignons, à cet instant personne n'aurait pu deviner le maniaque suicidaire ou l'emo refoulé qui se cachaient en eux.
Tout près, Akutagawa regardait fixement une chaise, comme si elle allait lui sauter dessus d'un instant à l'autre et qu'il devait la surveiller. On oubliait pas non plus Nakajima, qui avait abandonné son groupe d'amis, mouvement rare de sa part, pour partir chercher sous les tables un crayon qu'il avait fait rouler inhumainement loin. Le pire étant qu'on aurait presque dit que ça l'amusait de poursuivre un bic.
Et puis entre Kunikida qui écrivait frénétiquement Dieu-savait-quoi dans son carnet vert et Mark Twain qui avait trouvé la réserve de fourchettes et commençait à utiliser Lovecraft comme support pour une pomme, à la manière de Guillaume Tell, on était pas sortis de l'auberge...
Les « adultes responsables » n'offraient d'ailleurs pas un meilleur spectacle que les adolescents, et c'était même à se demander qui encadrait qui dans cette sortie. Non vraiment, il y avait de quoi s'inquiéter.
Parce que Yosano qui, on le rappelait, était médecin, observait avec beaucoup d'intérêt le nouveau jeu d'Howard et Mark, comme se demandant si elle aurait à en sauver un de l'hémorragie suite à un lancer raté. Ses yeux brillaient, et même ainsi, vêtue d'une parka et non de son habituelle blouse, elle avait un air de savant fou peu rassurant.
Et puis, Twain et Lovecraft n'avaient pas trouvé les couverts seuls, non, loin de là. C'était nul autre que le professeur Motojiro, ne s'étant pas gêné pour forcer la réserve à la recherche de il-valait-mieux-ne-pas-savoir-quoi, qui avait fourni les ustensiles. Et désormais il semblait cuisiner quelque chose qui avait vraiment mauvaise allure. Sa casserole fumait.
Enfin, pour couronner le tout, les plus âgés du lot, bien que ne pouvant faire pire que les deux précédemment cités, n'en tenaient pas moins une sacrée couche. Mori observait tout ce beau monde avec les mains croisées sous le menton, un petit air machiavélique qui, il fallait l'avouer, semblait être taillé pour son visage, dans le sourire étirant ses lèvres pâles. Comme si il était au théâtre et appréciait un bon spectacle.
Et Fukuzawa, bien qu'un peu moins effrayant que son conjoint, restait quand même étrange, à regarder fixement la fenêtre, aussi fixement qu'Akutagawa regardait sa chaise. Puis Oda aperçut l'ombre de moustaches de chat s'agiter sur le rebord, au dessus de la poudreuse recouvrant le tout, et il comprit.
Ce qui ne l'empêcha pas de soupirer avec un peu de désespoir.
Et, quand son portable sonna pour l'informer que les secours étaient devant la porte, quand son regard fit une dernière fois le tour de tous ces gens avec qui il partageait le réfectoire...
... Il bénit cette avalanche, parce qu'il savait qu'il n'aurait certainement pas survécu à cinq jours entiers avec eux.
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