Day 2 - Le jeune homme aux cheveux bruns
faux numéro
quiproquo
menaces
amour
ceci n'est pas le générique du feuilleton à l'eau de rose que vous ne regardez que quand vous vous ennuyez, mais bien les notes préparatoires de l'OS qui suit.
nE QUITTEZ PAS ÇA VA ÊTRE BIEN JE VOUS JURE.
sinon j'espère que vous m'avez reconnue à mes notes de l'auteure inimitables (même si je pense que c'est surtout grâce au titre-), ici Tsuuki- qui vient squatter le recueil de la FSA avec ses UA victimisant la moitié des personnages yay.
l'OS qui suit est assez long, je vous préviens (je n'égale pas la propagande bien évidemment mais quand même) mais j'espère que vous apprécierez ~
j'avoue que la longueur et le manque de temps ont fait que je n'ai opéré qu'une relecture sur ce texte, du coup n'hésitez pas à me signaler les fautes d'inattention si vous en voyez ,, (je sais qu'il y en a qui ne se privent pas de le faire de toute façon)
bonne lecture !
PS : pour les trois du fond qui n'ont pas suivi, je ne fais pas partie des personnes à qui vous pouvez commander un texte ici, je viens juste squatter les thèmes intéressants 👀
PPS : je pourrais potentiellement faire une suite sur mon recueil personnel :0
PPPS : je ne sais pas quand j'aurais le temps de répondre aux coms mais je vais le faire un jour-
.::.
Les vestiaires étaient plongés dans l'obscurité, illuminés seulement par un mince rai de lumière qui provenait de l'interstice entre la porte et le sol. La pièce était silencieuse, mais le bruit régulier des chaussures qui heurtaient le sol était perceptible, bien qu'atténué par les murs qui séparaient l'endroit de la salle principale.
Un léger grincement résonna, et le rayon de lumière s'agrandit tandis que la porte s'ouvrait, laissant apparaître une silhouette qui se glissa silencieusement dans le vestiaire vide et referma la porte derrière elle avant que quelqu'un ne l'aperçoive dans cet endroit où elle ne devait pas se trouver. Elle n'alluma même pas la lumière, craignant d'être repérée : tout en haut d'un mur qui donnait sur la grande salle de basketball, des carreaux de verre avaient été installés pour une raison obscure, et les joueurs de l'équipe risquaient de remarquer que quelqu'un était à l'intérieur du vestiaire de l'équipe de baseball, qui était pourtant toujours en train de s'entraîner.
La personne tâtonna dans le noir, s'aidant du mur pour avancer jusqu'aux affaires les plus proches d'elle. Lorsque sa main rencontra brutalement un objet métallique, elle étouffa un petit juron de protestation, et se raidit lorsque l'objet tomba sur le sol dans un fracas total. Heureusement, les coups de sifflet des arbitres semblèrent suffire à couvrir le vacarme, car les joueurs continuèrent comme si de rien n'était.
L'autre poussa donc un petit soupir de soulagement, et reprit sa recherche. Cette fois, sa main rencontra une veste d'uniforme rapiécée ; elle chercha dans les poches du vêtement, sans y trouver autre chose que des pièces et... un canif ?
Préférant ignorer cette information, la personne continua sa recherche et se baissa pour trouver le sac appartenant à l'inconnu dont elle fouillait les affaires depuis tout à l'heure. Elle l'ouvrit doucement et farfouilla à l'intérieur, avant de finalement trouver ce qu'elle cherchait.
L'écran d'un téléphone illumina la pièce, et le visage de l'intrus, révélant des yeux métalliques inexpressifs et un visage masculin sévère encadré de mèches noires décolorées sur les pointes. Sans perdre son visage blasé, le jeune homme pianota rapidement sur les touches de l'appareil, pendant de longues minutes. Puis, il rangea l'objet là où il l'avait trouvé, et quitta la pièce sans se retourner, satisfait de ce qu'il venait d'accomplir.
Et quelques minutes plus tard, la porte s'ouvrit de nouveau, cette fois sur un groupe de garçons couverts de sueur et de brins d'herbe. L'un d'eux ramassa la brosse en métal tombée à terre à côté de ses affaires, la reposa contre le mur et attrapa sa veste usée et son sac, avant d'en sortir son téléphone et de consulter ses messages, sans se douter un seul instant de ce qu'il s'était passé quelques instants plus tôt, et de ce que cela allait provoquer ensuite.
.::.
« Et donc, selon la loi de Bernoulli, la probabilité que l'évènement A se réalise est de... »
Chuuya étouffa un bâillement qui risquait de lui attirer des regards offusqués et essaya pour la cinquième fois depuis le début du cours de se concentrer sur ce que racontait monsieur Hirotsu. En vain. Il avait beau essayer de toutes ses forces, conserver sa concentration pendant plus de deux minutes sur son cours de mathématiques était impossible. Il ne savait même pas qui était ce foutu Bernoulli. Et encore moins quelle loi il avait énoncée.
Il jeta un regard à l'horloge accrochée au-dessus de la porte, et soupira intérieurement en constatant qu'il restait encore une demi-heure de cours. Dans un mince espoir de faire passer le temps plus vite, il observa ses camarades de classe et leurs occupations.
Sur le rang voisin, Tachihara semblait écrire sur une feuille, mais au vu du mouvement régulier de son stylo, il devait plutôt colorier des carreaux - et cela ne surprenait pas Chuuya, le niveau de son camarade en maths avoisinait le zéro. Il ne l'avait jamais vu avoir plus de dix à une évaluation, et ils se connaissaient depuis trois ans.
Un peu plus loin dans la salle, Higuchi paraissait se passionner pour la contemplation de son stylo bleu. John et Mark faisaient visiblement une bataille navale derrière leurs livres, et la moitié des élèves que Chuuya pouvait bien observer avaient l'air aussi intéressés par le cours qu'eux. Même le nouvel élève, arrivé quelques jours plus tôt à peine, dormait sur sa table, la tête posée au creux de ses bras. Mais il dormait dans presque tous les cours alors le rouquin n'était pas sûr que cela ait un lien avec le cours du professeur Hirotsu.
Son observation terminée, il lui restait encore vingt-sept minutes à tuer. Il leva les yeux au plafond et se mit à compter les carreaux formés par les lignes qui le parcouraient verticalement et horizontalement. Mais alors qu'il en était à cinquante-six, le visage de son professeur apparut dans son champ de vision.
« Monsieur Nakahara. Est-ce que je vous dérange ? »
Étant donné qu'il avait déjà à son actif trois exclusions de cours cette semaine, et que la principale du lycée Kôyô, qui était accessoirement sa tante, lui avait fait comprendre qu'il avait intérêt à se ressaisir s'il ne voulait pas en subir les conséquences, il s'abstint de répondre que oui, il le dérangeait dans sa contemplation du plafond, et se contenta de marmonner une excuse et de refocaliser son attention sur le cours, en apparence du moins.
Il croisa le regard de Tachihara, qui s'était retourné pour lui sourire avec compassion. Le professeur de maths le rabroua en retournant jusqu'au tableau, mais ils eurent le temps d'échanger un regard désespéré. Encore vingt-trois minutes avant la libération. Et il allait devoir se trouver une autre occupation, plus discrète puisque le professeur l'avait dans sa ligne de mire désormais.
Discrètement, il fit glisser son regard vers la cour de l'académie, visible depuis la fenêtre de sa salle de classe. Personne ne s'y trouvait à cette heure, les cours n'étaient pas terminés après tout, mais Chuuya repéra une silhouette à l'extérieur des grilles qui marquaient l'entrée de l'établissement. Il était un peu loin pour distinguer les caractéristiques de la personne, mais il fut intrigué. La personne semblait se cacher, tout en observant avec attention l'intérieur. Quel genre de personne voudrait espionner un établissement scolaire, quand bien même il faisait partie des meilleurs du pays ?
Il tressaillit en sentant l'aura menaçante du professeur Hirotsu se focaliser dans sa direction, et se dépêcha de se reconcentrer - ou du moins de faire semblant - sur son cours, désireux d'éviter une nouvelle réprimande. Il chassa de son esprit l'étrange individu pour s'intéresser au seul calcul qu'il voulait faire : il restait très exactement dix-huit minutes et trente-deux secondes avant la fin du cours.
« Si C correspond à l'évènement contraire de B, la probabilité que l'évènement A union C se réalise est de... »
Les dix-huit minutes restantes allaient être longues.
.::.
Quelques heures plus tard, après avoir enchaîné les mathématiques avec un peu de japonais, et la lumière dans ses journées, le club de baseball, Chuuya passa la grille du lycée qu'il observait un peu plus tôt, son sac sur l'épaule et sa cravate desserrée pour faire passer un peu d'air sur sa peau moite après deux heures de course en plein soleil.
Il prit la direction de la bouche de métro la plus proche, impatient de rentrer chez lui pour se reposer, et reprendre sa progression dans le jeu vidéo qu'il s'était offert avec l'argent économisé lors de son travail à temps partiel cet été. Mais alors qu'il bifurquait dans la rue qui y menait, il fut brutalement attrapé par sa veste d'uniforme et traîné dans une ruelle sombre adjacente.
Il fut jeté contre un mur sans ménagement, son poing se referma instinctivement sur le canif qu'il gardait en permanence dans sa poche ; il ne le sortit pas tout de suite cependant, et se tourna d'abord pour observer son agresseur de son regard le plus agacé. Ou plutôt, son « agresseuse ».
C'était en effet une jeune femme qui l'avait attrapé ainsi ; vêtue d'un uniforme qui lui sembla vaguement familier, elle posait sur lui un regard noir qui aurait dissuadé n'importe qui de lui chercher des problèmes. Ses cheveux étaient coupés en un carré droit, et ses yeux roses brillaient d'une immense fureur qui le fit presque trembler - presque, il n'allait pas s'écraser devant cette inconnue après tout.
« Non mais ça va pas la tête ? s'écria-t-il d'une voix chargée de colère. Ça va pas d'agresser les gens comme ça ?
- Et ça va pas de menacer tes cadets sans raison ? » répliqua la jeune femme sur un ton menaçant. Chuuya haussa un sourcil d'incompréhension.
« Pardon ? »
De quoi parlait cette folle ? Il n'avait menacé personne bon sang ! Un mouvement à sa droite le fit se tendre, et trois autres personnes apparurent dans la ruelle, toutes vêtues du même uniforme que l'inconnue. La première était un jeune homme assez grand, aux cheveux courts bruns et aux avant-bras couverts de bandages, la seconde était un autre jeune homme aux cheveux blonds attachés en une longue queue de cheval et aux lunettes rectangulaires, quant à la dernière, elle se cachait presque derrière les deux autres si bien qu'il avait du mal à la distinguer, mais il lui sembla qu'elle avait les cheveux argentés.
« Ne fais pas l'innocent ! s'écria la jeune femme, ramenant son attention sur elle. On sait que c'était toi.
- On a remonté l'adresse IP à laquelle avaient été envoyés les messages, intervint le jeune homme aux cheveux bruns, d'une voix arrogante qui agaça prodigieusement Chuuya, d'autant plus qu'il ne comprenait pas un traître mot à ce qu'il racontait. Et on a des preuves. » ajouta-t-il en sortant son téléphone et en le secouant sous le nez du rouquin.
Ce dernier décida de ne pas céder à la colère - pour une fois. Il était de toute façon en mauvaise posture, à un contre quatre il y avait peu de chances qu'il s'en sorte, surtout que la fille semblait assez agressive. Il inspira profondément et déclara, d'une voix qui se voulait posée :
« De quoi est-ce que vous parlez ?
- Arrête de faire l'innocent ! répéta la jeune femme en agitant le poing sous son nez.
- Mais je ne sais vraiment pas ! » Le brun le dévisagea avec un air suspicieux et pianota sur son téléphone avant de le placer sous le nez de Chuuya.
« Tu ne sais pas ce que c'est, ça ? »
Le jeune homme observa l'écran face à lui, qui affichait une série de messages. Le numéro tout en haut était bien le sien, mais les messages en dessous lui étaient totalement inconnus :
TU VAS LE REGRETTER
FAIS BIEN ATTENTION EN RENTRANT CHEZ TOI
TU VAS VOIR CE QUI ARRIVE À CEUX QUI FONT PLEURER MA SŒUR
Chuuya était de plus en plus confus. Ces messages étaient terribles, mais il ne comprenait pas d'où ils provenaient. C'était sans aucun doute son numéro de téléphone, cependant il n'avait jamais envoyé de tels messages ! Il ne connaissait même pas ces types !
« Ce n'est pas ton numéro ? reprit le jeune homme aux bandages.
- Si, convint Chuuya, mais je n'ai pas écrit ces messages. » Les autres échangèrent des regards sceptiques. « Pourquoi est-ce que je voudrais vous menacer ? continua-t-il. On ne se connaît même pas !
- Parce que ça t'amuse ? lâcha le blond à lunettes, parlant pour la première fois.
- Bien sûr que non ! Écoutez, je vous assure, je n'ai jamais envoyé ces messages.
- Mais c'est ton numéro, répéta le brun. Alors qui ça pourrait être d'autre ?
- J'en sais rien moi ! » Il se creusa les méninges à la recherche d'une explication, et s'exclama brusquement : « Les vestiaires !
- Tu accuses des vestiaires d'avoir envoyé des messages depuis ton téléphone ? répéta le jeune homme aux bandages d'un ton moqueur. Ta taille ne doit pas être la seule chose qui n'est pas très élevée alors. »
Il fallut à Chuuya tous les efforts du monde pour se retenir de sauter à la gorge de cet insupportable type. Sa taille peu élevée pour un garçon de son âge était probablement ce qui le rendait le plus susceptible, et s'il n'avait pas été en infériorité numérique il se serait déjà jeté sur l'autre jeune homme, qui en plus le regardait avec un sourire terriblement horripilant.
« Je fais partie du club de baseball, finit par expliciter le rouquin, en se retenant de regarder l'autre abruti. Tous les soirs, je laisse mes affaires au vestiaire pendant deux heures. Peut-être que quelqu'un s'y est rendu et a utilisé mon téléphone pour envoyer ces messages.
- Mais qui voudrait faire ça ? » demanda le jeune homme à lunettes. Chuuya lui renvoya la question :
« Qui voudrait vous menacer ? »
La troisième silhouette, qui n'avait pas parlé jusque-là, se contentant de rester cachée derrière les autres, finit par s'avancer dans sa direction. C'était également un jeune homme, plus jeune que les autres, aux cheveux argentés et à la frange asymétrique. Il prit la parole d'une voix peu assurée :
« C'est moi qui ai reçu les menaces... Mais je ne vois pas du tout de qui il peut s'agir...
- Lorsqu'Atsushi a reçu ces messages, intervint le brun - pourquoi ressentait-il le besoin de tout commenter ? - on s'est dépêchés de remonter leur provenance, pour voir qui avait envie d'intimider notre cadet.
- Je vous le répète, je n'y suis pour rien. Quelqu'un a dû vouloir me jouer un mauvais tour...
- Ça, c'est ton problème, lâcha la jeune femme en croisant les bras sur sa poitrine.
- Mais il faudrait qu'on sache de qui il s'agit, répliqua le blond. Sinon, cette personne pourrait mettre ses menaces à exécution.
- La liste des personnes qui t'en veulent n'est pas trop longue j'espère ? demanda le brun narquoisement. Remarque, même si elle fait ta taille, ce n'est pas trop... »
Il n'acheva pas sa phrase ; Chuuya l'attrapa brutalement par le col et le tira vers lui, avant de planter un regard furieux dans le sien.
« Encore une réflexion sur ma taille et je te frappe. » cracha-t-il. L'autre cligna des yeux, surpris, avant d'esquisser un sourire amusé. Il leva ensuite les bras en signe d'apaisement et répondit :
« D'accord, d'accord, pas la peine de s'énerver. » Chuuya le lâcha finalement et il rajusta son col froissé, avant de se tourner vers ses camarades qui le dévisageaient, blasés. « Je note qu'aucun de vous n'a esquissé ne serait-ce que le geste de m'aider, commenta-t-il sur un ton dramatique.
- Te perdre ne serait pas une grande perte. » marmonna le blond en remontant ses lunettes.
Le brun commença un long monologue de plainte, tandis que les autres se tournaient vers Chuuya.
« Tu connais quelqu'un qui a une sœur et qui pourrait envoyer ce genre de menaces ? » demanda celui aux lunettes. Le rouquin s'accorda quelques instants de réflexion, puis secoua la tête négativement.
« Franchement, non. Mais je ne connais pas grand monde parmi les élèves qui ne sont pas de mon année.
- Pourtant, murmura l'homme aux bandages qui avait fini de se plaindre, vous faites presque la...
Chuuya se prépara à le frapper, mais le jeune homme à la queue de cheval le prit de vitesse et asséna un coup de poing sur la tête de son camarade ? ami ? Quoiqu'il en soit, c'était satisfaisant de le voir souffrir.
« Arrête de chercher les problèmes ! » La jeune femme intervint :
« D'ailleurs, rien ne prouve que le coupable a une sœur. C'est peut-être juste un prétexte. Après tout, Atsushi ne voit pas du tout de quoi parlent ces messages. » Les deux autres affichèrent une moue peu convaincue ; son camarade blond se tourna ensuite vers Chuuya et lâcha : « Excuse nous pour la méprise. Si tu apprends quelque chose, viens nous voir au lycée Bungô. Tu nous trouveras au conseil des élèves. »
Ils partirent sur ces mots ; le plus jeune, aux cheveux argentés, s'inclina devant lui en s'excusant de nouveau pour le comportement de ses aînés puis suivit les trois autres. Chuuya resta un instant seul dans la ruelle, cherchant à comprendre le sens de tout ce qui était arrivé ; il finit par regagner la bouche de métro la plus proche pour rentrer chez lui, en essayant de chasser cet étrange événement de sa mémoire.
.::.
« Salut ! »
Chuuya cligna des yeux plusieurs fois, avant de se pincer pour vérifier qu'il ne rêvait pas. Ils étaient le lendemain de son « attaque » par les lycéens de Bungô, et il venait de sortir de chez lui ; devant l'entrée de sa maison se tenait un jeune homme aux cheveux bruns et aux bandages sur les bras, qui lui adressait un insupportable sourire.
« Qu'est-ce que tu fous là ? »
Chuuya ne connaissait pas son nom, mais rien que le voir l'agaçait. Il n'avait pas oublié ses remarques horripilantes sur sa taille. Et rien que son sourire lui tapait sur les nerfs. Ce petit sourire arrogant et supérieur.
« Je suis ton cousin ! lâcha le jeune homme comme si c'était parfaitement naturel.
- Pardon ? » répondit Chuuya d'un ton agressif. L'autre le dévisagea, son sourire toujours aux lèvres et reprit :
« Je suis ton cousin exceptionnellement à Tokyo car ses vacances ont commencé plus tôt et puisque je suis un élève modèle, je préfère venir dans ton école que rester chez toi. »
Il lui montra son uniforme, qui était en effet le même que celui de Chuuya, celui de l'académie Wan. Il semblait très satisfait par cela, ce qui agaça encore plus.
« De quoi tu parles ? finit-il par lâcher après plusieurs secondes de silence. L'autre soupira longuement avant d'expliquer :
- Je veux savoir qui est celui qui menace Atsushi. Alors je vais observer tous les élèves aujourd'hui pour essayer de trouver qui est le coupable.
- Mais va en cours dans ton lycée ! cracha sèchement le rouquin.
- Non. Je piquerais les notes de Kunikida. » répliqua le brun, comme si son interlocuteur avait la moindre idée de qui était ce Kunikida.
Avec un soupir exaspéré, Chuuya le dépassa et prit le chemin de la bouche de métro au coin de la rue, sans lui prêter attention. L'autre le suivit sans rien dire pendant quelques minutes, puis il revint à la charge.
« Je m'appelle Osamu Dazai d'ailleurs.
- Comme si ça m'intéressait, répliqua Chuuya.
- Ça nous met à égalité puisque je connais déjà ton nom, Chuuya Nakahara. » souffla Dazai en insistant sur son nom complet. Le susnommé serra les dents et tenta de toutes ses forces d'ignorer l'insupportable lycéen, qui continua cependant de parler : « Tu sais que c'est très facile de trouver des informations sur toi ? J'ai juste eu à taper ton nom pour apprendre que tu es membre du club de baseball de l'académie Wan, tu es même le capitaine depuis cette année.
- T'es juste un stalkeur sans vie alors ? Ça ne me surprend pas, railla Chuuya pour le décourager, sans succès.
- Avec tous ces moyens à disposition pour se renseigner, il serait dommage de ne pas s'en servir. »
Visiblement, le dénommé Dazai faisait partie de ces personnes qui voulaient toujours avoir le dernier mot. Encore un détail qui agaçait le rouquin. Le brun lui colla aux basques pendant tout son trajet, il comptait visiblement vraiment venir en cours avec lui. Et se faire passer pour son cousin. Ce que Chuuya n'approuvait pas du tout. Même fictif, il ne voulait avoir aucun lien avec cet hurluberlu des plus agaçants. Et il ne se retint pas pour le lui faire comprendre, à quelques pas de son lycée :
« Écoute-moi bien, je ne sais pas ce que tu as en tête mais il est hors de question que tu te fasses passer pour mon cousin. Si tu veux venir à l'académie c'est ton problème, mais retiens ça. On. Ne. Se. Connaît. Pas. »
Il insista sur ces mots avec fermeté, et son interlocuteur plissa les yeux. Il sembla réfléchir un instant à ce qu'il allait répliquer, mais une voix blasée le devança :
« Excusez-moi. »
Les deux jeunes hommes se tournèrent pour observer le nouvel arrivant ; Chuuya reconnut le nouvel élève de sa classe, un étranger dont il n'avait pas encore retenu le nom. Ses cheveux violets lui tombaient devant le visage, et son air était impénétrable. Il les fixa sans rien dire de plus, et il fallut quelques instants au rouquin pour réaliser qu'ils bloquaient le passage vers l'académie. Il attrapa Dazai par la manche et l'entraîna sur le côté pour laisser passer l'autre élève. Une fois qu'il se fut éloigné, le brun demanda :
« Tu le connais ? » Chuuya faillit ne pas répondre mais se résolut à déclarer :
« C'est un nouvel élève de ma classe. Un européen je crois, son nom est compliqué à retenir.
- Hm, je vois... » Le ton de Dazai intrigua son interlocuteur, et la suite encore plus : « Tu penses que ça pourrait être lui ?
- Hein ?
- La personne qui a menacé Atsushi.
- Comment veux-tu que je le sache ? Je ne connais pas ce type.
- Bon, alors on va l'espionner un peu ~ » Le brun s'éloigna d'un pas résolu, mais le rouquin le retint :
« Attends un peu ! Déjà, je te rappelle que je ne te connais pas, alors ce sera sans moi. Et puis, tu ne peux pas juste espionner n'importe quel élève de mon école ! »
Le jeune homme aux bandages resta si longtemps silencieux que Chuuya crut qu'il n'avait pas l'intention de répondre quoi que ce soit. Mais, au bout de quelques instants, il expliqua :
« Il est plus logique que le coupable soit quelqu'un de ta classe, ou au moins de ton année, puisqu'il savait que tu faisais partie de l'équipe de baseball, et qu'il connaissait l'horaire des entraînements. Il savait aussi où trouver ton téléphone, donc il doit te côtoyer un minimum. Tu as dit que tu ne connaissais personne de ton année qui avait une sœur - peu importe ce qui pense Yosano, il est plus logique que l'auteur des menaces ait une sœur - et pourrait faire ce genre de menaces, mais tu ne connais pas bien ce type pas vrai ? Il est donc sur la liste logique des suspects. »
La logique implacable des arguments de Dazai agaça Chuuya, mais il n'avait plus l'énergie de se prendre la tête avec son interlocuteur, et il allait être en retard en cours. Il reprit donc son chemin avec un soupir désabusé ; l'autre le suivit en ajoutant :
« Et, au fait, tu as tort sur une chose.
- Quoi ? lâcha le capitaine de l'équipe de base-ball en tentant de contrôler son énervement.
- Tu ne peux plus prétendre qu'on ne se connaît pas maintenant que ton camarade étranger nous a vus ensemble. Donc tu vas m'aider. »
De combien d'années de prison était-on passible pour meurtre déjà ? songea Chuuya au bord du désespoir, tandis que Dazai le dépassait en fredonnant une horrible chanson, visiblement très satisfait par sa dernière réplique. Le rouquin hésita à sécher les cours pour la journée, mais il vit le visage de sa tante dans son esprit et...
Sa tante.
La lumière se fit brutalement dans son cerveau : il la tenait sa solution ! L'autre idiot ne pouvait pas se faire passer pour son cousin : sa tante Kôyô était la principale du lycée, elle démentirait tout de suite cette information ! Un petit rictus moqueur se dessina sur ses lèvres. Il pouvait prévenir le jeune homme... ou le laisser se ridiculiser tout seul.
Et la deuxième option lui paraissait bien plus satisfaisante. Il rattrapa le brun, en tentant de masquer son sourire qui lui mettrait immédiatement la puce à l'oreille. Ils passèrent le portail du lycée, puis Dazai lui indiqua qu'ils devaient se rendre à l'administration - et Chuuya ajouta « Donne des ordres » à la liste des raisons pour lesquelles il haïssait ce type.
Ils s'y rendirent tout de suite, et tombèrent justement sur la principale adjointe Ôzaki. Ils s'inclinèrent respectueusement, et Chuuya se prépara mentalement à savourer le spectacle. Il était bien placé pour savoir que l'aura forte que possédait sa tante, qui imposait le respect et décourageait quiconque de l'énerver, n'était pas juste une aura, mais bien une conséquence de son caractère sévère. Il avait quelques fois fait face à ses colères noires, et il s'en souvenait encore, de ce fait, il attendait avec impatience de voir Dazai être confronté à son tour à son énervement.
« Bonjour Chuuya. » le salua-t-elle immédiatement. Ses yeux roses se posèrent sur le jeune homme aux côtés de son neveu, mais sa réaction ne fut pas celle escomptée. « Je suis contente de te revoir Osamu.
- Moi aussi ma tante. » répondit le susnommé sur un ton respectueux. Le regard de Chuuya passa de l'un à l'autre, une incompréhension totale visible dans ses yeux.
« J'ai déjà averti l'administration que tu passerais quelques jours avec nous.
- C'est très gentil, merci.
- Chuuya, poursuivit Kôyô, occupe-toi de ton cousin pendant ces quelques jours. »
C'en fut trop pour le capitaine de l'équipe de baseball qui attira sa tante un peu plus loin et l'interrogea sur un ton assez brusque - qu'il regretta instantanément.
« Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Il n'est pas de la famille. » Kôyô lui asséna un petit coup sur le crâne pour lui rappeler le respect qu'il lui devait avant de répondre :
« Joue le jeu Chuuya, lâcha-t-elle. Ce n'est que l'affaire de quelques jours.
- Même ! Pourquoi tu acceptes de faire ça ? Et comment tu étais au courant d'ailleurs ? » La principale adjointe vérifia qu'il n'y avait personne d'autre que Dazai aux alentours et baissa la voix pour expliquer :
« Ce n'est pas n'importe qui. » Chuuya eut un reniflement méprisant.
« Tu comptes me faire avaler que c'est le fils du premier ministre ?
- Non, c'est le fils de monsieur Mori. »
Le rouquin écarquilla les yeux sous la révélation inattendue. Pas le premier ministre en effet, mais quand même le directeur de l'académie Wan. Il observa l'horripilant jeune homme avec stupéfaction. Lui, le fils du directeur ? Difficile à avaler, mais sa tante ne lui mentirait pas à ce sujet. Si elle le disait, il s'agissait de la vérité.
« Ne crée pas d'esclandre, l'avertit une dernière fois Kôyô. Contente-toi de dire aux curieux que c'est le fils de ton oncle maternel qui vient passer quelques jours dans la capitale. »
Elle le planta ensuite sur ces mots et se dépêcha d'aller rappeler à l'ordre trois élèves qui parlaient trop fort à son goût. Chuuya jeta un coup d'œil à une des horloges digitales fixées au mur et s'aperçut que les cours allaient bientôt commencer. Il rejoignit donc son « cousin » à contrecœur et l'emmena jusqu'à leur salle de classe, priant mentalement tous les dieux qu'il connaissait pour qu'ils trouvent vite le responsable et que Dazai puisse retourner dans son lycée, et le laisser en paix.
.::.
« Ta tante t'a dit, non ? »
Quatre heures plus tard , à l'heure du déjeuner, Dazai prononça ses premiers mots à l'adresse de Chuuya depuis le début de la journée de cours. Compte tenu du caractère exubérant du brun, le rouquin s'attendait à ce qu'il en fasse trop et l'affiche devant tous ses camarades, mais le jeune homme s'était fait plutôt discret, probablement trop occupé à observer tous les élèves de la classe.
Le capitaine de l'équipe de baseball l'avait aussi observé à la dérobée, tandis que plusieurs questions au sujet du jeune homme tournaient dans son esprit. Pourquoi aller aussi loin juste pour défendre son cadet ? Pourquoi se faire passer pour son cousin au lieu de simplement mettre en avant sa relation avec le directeur ? Ces interrogations ne l'avaient pas quitté de la matinée et tournaient encore dans son esprit, et il lui fallut quelques secondes avant de comprendre le sens de sa question.
« Au sujet de ton père ? » Dazai opina en mâchonnant un morceau de poulpe. « Ça m'a surpris, finit par avouer Chuuya.
- C'est pour ça que tu m'as espionné pendant toute la matinée ? » Le rouquin avala de travers le morceau de porc pané qu'il mangeait et dût boire précipitamment une gorgée d'eau. « Tu pensais être discret ? se moqua le brun. J'étais peut-être occupé à observer notre principal suspect mais je n'étais pas aveugle pour autant.
- J'étais juste intrigué, se défendit Chuuya. Pourquoi tu t'embêtes autant pour ton cadet ? D'accord, il a été menacé mais tu n'as pas besoin d'aller aussi loin pour le défendre, tu peux juste te contenter de le protéger depuis ton lycée non ? » Dazai sembla réfléchir à ses arguments un instant, puis il lui adressa un grand sourire étin- agaçant.
« Parce que c'est plus drôle ainsi ! » répondit-il sur un ton innocent. Chuuya soupira et enchaîna avec sa deuxième question, puisque l'autre semblait disposé à le renseigner, ne serait-ce qu'un minimum :
« Et pourquoi tu ne t'es pas contenté de dire que tu étais le fils du directeur ? »
Cette fois, Dazai s'assombrit de manière très perceptible, même pour le rouquin peu doué pour lire le langage corporel des autres. Ses orbes noisettes reflétaient une aversion assez poussée envers son père, et Chuuya crut un instant avoir mis les pieds dans le plat.
« Pour information, nous n'avons pas de vrai lien de sang, finit-il par lâcher du bout des lèvres. C'est mon père adoptif. Pas mon vrai père. » Il marqua une pause avant de reprendre : « Et tant qu'à être associé à une personne dans cette académie, je préfère que ce soit madame Ôzaki. »
Chuuya était vraiment très intrigué par l'attitude du brun vis-à-vis de son père adoptif mais il estima qu'il était préférable de ne pas creuser plus loin. Quand bien même il n'appréciait pas le jeune homme, il avait assez de savoir-vivre pour ne pas insister sur les sujets délicats.
« Sinon, je n'ai rien remarqué de bizarre par rapport à Dostoïevski. L'étranger, précisa Dazai devant le regard perplexe de son interlocuteur. Il dort dans à peu près tous les cours mais cela n'a rien de très étrange. Ce serait bien de savoir s'il a une sœur.
- Laisse-moi deviner : tu comptes t'infiltrer à l'administration pour fouiller dans les dossiers ?
- À vrai dire, je comptais plutôt lui poser la question, mais j'aime ton idée. » sourit le jeune homme aux bandages.
Chuuya retint un soupir agacé. Ce type allait le rendre fou, il en était sûr. Le nouvel élève passa justement à leurs côtés, et les dévisagea une nouvelle fois de son regard impénétrable. Il se demanda un instant si Dazai allait oser lui poser la question de but en blanc, en pleine salle de cours où la moitié des élèves déjeunaient, mais le brun ne dit rien et se contenta de finir son repas rapidement, et de se lever.
« On y va alors ? » demanda-t-il. Chuuya le fixa sans comprendre - combien de fois avait-il fait ça depuis le début de la journée ?
« Où ça ?
- À l'administration, répondit l'autre comme si c'était une évidence. Pour chercher les dossiers.
- Je croyais que tu voulais lui poser la question directement ?
- Oui, mais à l'administration, on aura accès aux dossiers de toute ton académie. Et on pourra chercher ceux qui ont des sœurs. » Le rouquin expira longuement.
« Tu es au courant qu'il y a plus de quatre mille élèves ici ?
- On ne s'intéresse qu'aux lycéens, fit remarquer Dazai. Il y en a beaucoup moins n'est-ce pas ? »
Il devait y avoir un millier de lycéens seulement en effet, mais le nombre de dossiers qu'ils allaient devoir lire était immense. Et puis, l'idée d'accéder à des informations privées au sujet de personnes qu'il ne connaissait même pas, ou très brièvement, le dérangeait. Sans parler du délit qu'ils allaient commettre en s'infiltrant dans l'administration de l'académie. Même si Dazai était le fils du directeur, il n'avait pas le droit de faire ça quand même !
« C'est une idée de merde. » lâcha Chuuya sans se préoccuper de la vulgarité de ses propos. Les yeux de son interlocuteur étincelèrent légèrement.
« Je ne pensais pas que tu étais une mauviette à ce point, Chuuya. » Bon sang, qu'est-ce qu'il haïssait ce type. Comment osait-il insinuer qu'il était lâche ? (Et comment osait-il l'appeler par son prénom, avec cette intonation en plus ?)
« Très bien. Mais si on se fait prendre, je te mets tout sur le dos. » L'autre gloussa.
« Fais-toi plaisir, rien ne me satisferait plus que de voir la tête de mon père adoptif en apprenant ce qu'on a fait. »
La phrase pleine de mépris et de mécontentement contribua à intriguer Chuuya, mais encore une fois il choisit de ne pas poser de question. Ce n'étaient pas ses affaires. Il se contenta d'emboîter le pas au jeune homme qui n'avait visiblement pas besoin d'être guidé pour savoir où aller.
Ils traversèrent la cour pour retourner dans le bâtiment de l'administration. Chuuya se dirigea instinctivement vers l'entrée principale, mais Dazai le rattrapa promptement et l'attira jusqu'à une sortie de secours située à l'arrière du bâtiment.
« Elle donne directement sur la pièce où ils rangent les dossiers des élèves, expliqua-t-il, mais il y a probablement quelqu'un à l'intérieur.
- Et qu'est-ce que tu comptes faire pour résoudre ce problème ? demanda le capitaine de l'équipe de base-ball, qui se doutait que le brun avait déjà tout prévu.
- Faire diversion. » lâcha-t-il avec un sourire qui fit comprendre à Chuuya qu'il s'était fait avoir. Il inspira un grand coup et cria, de façon à ce que tout le monde à l'intérieur l'entende :
« Eh, mais ce ne serait pas de la drogue que je vois sur toi, Nakahara ? »
Le susnommé en resta sans voix, si bien qu'il ne réagit pas assez vite : pendant que Dazai se cachait rapidement derrière un buisson, il resta planté là ; il ne put donc pas éviter les trois personnes qui sortirent d'un coup du bâtiment et se jetèrent rapidement sur lui, prêtes à récupérer son identité, à le fouiller et à lui coller un rapport dans son dossier scolaire.
Du coin de l'œil, il vit ce fichu type aux bandages s'infiltrer dans le bâtiment, en lui adressant au passage un salut amical de la main.
Il le haïssait.
Définitivement.
.::.
Ce ne fut que trois heures plus tard, après l'entraînement de baseball, que Chuuya revit l'insupportable Osamu Dazai, qui l'attendait patiemment à l'extérieur des vestiaires. Bien évidemment, le rouquin était tout sauf ravi de voir ce type qui ne lui avait apporté que des problèmes depuis le début de la journée. Il n'avait qu'une envie : l'éviter et rentrer chez lui, mais le jeune homme s'était positionné de façon à ne pas pouvoir rater ceux qui quitteraient le stade, et il connaissait de toute façon son adresse.
Il se résolut donc à se confronter une nouvelle fois avec le brun, en espérant que ce soit la dernière. Le jeune homme aux bandages avait une mine sombre, nota Chuuya en arrivant à son niveau, une mine qu'il ne lui avait vue que pour une raison depuis leur rencontre, il en déduisit donc rapidement qu'il était au courant de ce qui s'était passé quelques heures plus tôt.
Sa déduction fut confirmée en quelques secondes, puisque les mots qui l'accueillirent furent les suivants :
« Tu as vu mon père pas vrai ? »
En effet, après s'être fait traîner par les responsables administratifs jusque dans le grand bâtiment où ils travaillaient, il avait été directement envoyé, non pas dans le bureau de la principale du lycée, mais dans celui du directeur de l'académie., La politique de l'académie Wan était une tolérance zéro pour la drogue, aussi c'était directement la plus haute instance de l'école qui s'occupait de ce « problème ».
Chuuya était prêt à se défendre, mais il n'en avait même pas eu besoin : le directeur Mori connaissait visiblement bien son fils adoptif, puisqu'il lui avait tout de suite demandé ce que Dazai avait derrière la tête. Question à laquelle le capitaine de l'équipe de baseball n'avait pas répondu, malgré son envie d'attirer des ennuis à ce type couvert de bandages.
Le directeur n'avait probablement pas été dupe, mais il n'avait pas de preuve que Chuuya lui avait menti, tout comme il n'y en avait pas sur le fait qu'il possédait de la drogue. Des examens médicaux lui avaient été imposés, mais le rouquin n'avait aucun doute sur les résultats qui l'innocenteraient.
Il fallait peut-être le repréciser : il n'avait pas menti au directeur pour protéger Dazai, sûrement pas. Le sort de ce type lui importait peu, et il n'aurait pas de cas de conscience si le brun se retrouvait avec un dossier scolaire rempli d'avertissements et de rapports pour intrusion dans un établissement scolaire, diffamation et violation de vie privée et du règlement de l'académie. Mais il avait bien remarqué que la relation qui unissait le directeur et son fils adoptif était tout sauf normale, et son instinct lui soufflait de ne pas s'impliquer dedans. Même si c'était sûrement déjà un peu tard, maintenant qu'il avait menti à Mori.
« Oui, finit-il par répondre, puisque le brun attendait une réponse. Il savait que tu étais dans le coup. » Dazai grimaça et marmonna :
« Toujours au courant de tout. » Chuuya ne dit rien, mais le dévisagea avec insistance. L'autre lâcha un profond soupir avant de l'entraîner un peu plus loin, et de demander : « Il sait pourquoi j'ai fait ça ? » Le capitaine, qui s'attendait à des explications, afficha une mine légèrement boudeuse mais répondit :
« Non. Je ne lui ai pas dit. Ce ne sont pas mes affaires. » Dazai le dévisagea à son tour avec une expression indéchiffrable. Il finit par acquiescer et ajouta finalement :
« Je suppose que tu as remarqué qu'on ne s'entend pas bien ? »
C'est un euphémisme, songea Chuuya en repensant aux expressions sombres de Dazai, à son ton méprisant lorsqu'il parlait de son paternel ; au visage agacé de Mori et à sa mine désapprobatrice lorsqu'ils avaient parlé de son fils.
« Pourquoi ? finit-il par demander, par pure curiosité.
- Disons qu'il m'a un peu trop élevé pour que je lui ressemble. » La réponse était plus qu'ambiguë et frustra quelque peu son interlocuteur. C'était trop lui demander, une réponse claire et précise ?
« Au moins, tu as une figure paternelle à tes côtés. » marmonna-t-il, plus pour lui-même qu'autre chose. Dazai l'entendit cependant, puisqu'il lui jeta un regard intrigué. Chuuya hésita à clarifier, mais il finit par ajouter, poussé par une pulsion inexplicable : « Mon père est mort. Il y a neuf ans. »
Il évita au début le regard du brun, ne désirant pas y voir la pitié qu'il recevait usuellement lorsqu'il disait cela à quelqu'un, ou même un vide de sentiments. L'absence de réaction de celui-ci le poussa cependant à le regarder, et il fut surpris d'y lire de la compassion. Une compassion sincère, comparée aux autres sentiments qu'il avait déjà pu lire dans les yeux du brun, qui le toucha.
« Je suis désolé. » finit par lâcher le brun, et cette phrase aussi surprit le rouquin. Il s'attendait presque à ce que le jeune homme soit juste un connard arrogant, sans la moindre compassion.
« C'était il y a longtemps, répondit Chuuya, comme si cela suffisait.
- Mais il te manque quand même.
- Bien sûr. » Chuuya eut un petit sourire triste. « C'est normal non ? »
Dazai ne répondit rien, et le rouquin songea qu'il devait avoir du mal à comprendre son point de vue, lui qui n'était pas du tout proche de son père adoptif. Il réalisa ensuite qu'il avait peut-être manqué de délicatesse : si le brun avait un père adoptif, cela signifiait qu'il ne connaissait pas ses vrais parents.
Le jeune homme aux bandages ne semblait nullement vexé cependant, ni même contrarié. Il dévisagea simplement Chuuya pendant un long moment, d'un regard indéchiffrable qui mit le rouquin mal à l'aise. Il eut un instant l'impression qu'il allait dire quelque chose, mais un éclat de voix attira leur attention.
« Akutagawa ! »
Un jeune homme brun que Chuuya identifia comme étant un membre de l'équipe de basketball passa devant eux en courant, et rejoignit un autre jeune homme qui remontait la route un peu plus loin, son sac sur une épaule. Il avait les cheveux noirs et les points blanches, et il se retourna à peine pour saluer son camarade qui le rejoignit en quelques foulées.
Dazai les observa avec attention, et se décala légèrement pour se rapprocher des deux lycéens. Chuuya voulut le retenir - ce type avait-il un minimum de respect pour la vie privée ? - mais l'autre lui fit signe de se taire. Ils n'entendirent rien néanmoins, les deux jeunes hommes étaient bien trop loin et ne parlaient pas assez fort pour être audibles depuis leur position.
Cependant, Dazai et Chuuya purent remarquer sans problème que le susnommé Akutagawa se figea en les remarquant un peu plus loin. Il salua ensuite son camarade et se dirigea vers eux à grandes enjambées.
« Dazai ? lâcha-t-il en arrivant à leur hauteur.
- Akutagawa ! le salua joyeusement le brun. Que fais-tu ici ?
- J'étudie ici, répliqua le jeune homme aux cheveux bicolores, contrairement à toi. » L'autre lui offrit un sourire innocent, comme s'il ne voyait pas de quoi son interlocuteur parlait.
« Je suis venu voir mon cousin ! » expliqua-t-il en attirant Chuuya vers lui. Ce dernier voulut protester mais Dazai le devança : « Chuuya, je te présente Ryunosuke Akutagawa, une vieille connaissance. »
Ryunosuke les dévisagea tour à tour avec un air perplexe. Le brun baissa ensuite la voix pour lui murmurer :
« Je cherche des informations. Rien de plus. » Le bicolore était visiblement peu convaincu, mais il n'insista pas. Dazai poursuivit :
« Comment va ta sœur ?
- Bien, marmonna le jeune homme en plissant les yeux.
- Toujours avec son petit ami ? Comment s'appelle-t-il déjà...?
- Ils ont rompu. » répondit Akutagawa, sans répondre à la question de son aîné.
C'était cependant le cadet des soucis de ce dernier, car, en entendant l'information, il écarquilla les yeux et échangea un regard avec Chuuya, qui avait lui aussi tiqué sur la nouvelle.
« Ils ont rompu ? répéta Dazai.
- Oui. » Le jeune homme aux bandages le dévisagea d'un air suspicieux.
« Rupture douloureuse ? s'enquit-il.
- Pardon ? » Devant l'attitude défensive de son cadet, Dazai se résolut à clarifier une bonne fois pour toute ce qu'il avait en tête.
« Mon cadet a reçu des menaces anonymes provenant du portable de Chuuya. Les menaces de quelqu'un dont la sœur a eu le cœur brisé. »
Le visage de Ryunosuke resta impassible mais une lueur de doute brilla dans ses yeux. Dazai la repéra visiblement puisqu'il se pencha vers son cadet, un petit sourire moqueur sur les lèvres. Chuuya, lui, tourna un regard perplexe vers son camarade brun.
« Attends, lâcha-t-il, ça n'a pas de sens. Je ne connais pas ce gars, pourquoi aurait-il utilisé mon téléphone pour m'attirer des ennuis ?
- Peut-être parce que ce n'était pas l'objectif ! » Les yeux du jeune homme brun brillaient d'excitation tandis qu'il assemblait oralement les pièces du puzzle. « On est partis du principe que le coupable voulait t'attirer des ennuis, mais il a peut-être juste pris ton téléphone au hasard ! » Au vu de l'expression renfrognée Akutagawa, l'autre devait avoir raison. « Mais pourquoi menacer Atsushi ? Il a un rapport avec ça ? »
À leur grande surprise, le jeune homme aux cheveux bicolores les dévisagea sans comprendre. Son regard métallique passa de l'un à l'autre, puis il répéta :
« Atsushi ? » Dazai en resta bouche-bée - Chuuya n'aurait même pas cru ça possible - puis il demanda d'un ton très amusé :
« Tu ne sais pas de qui je parle ? »
L'autre fit non de la tête, ce qui provoqua chez son aîné brun un éclat de rire. Chuuya, qui avait du mal à saisir de ce que cela signifiait, échangea un regard confus avec Ryunosuke, tandis que le jeune homme aux bandages essayait de calmer son fou rire - et le rouquin songea qu'il avait un rire très mélodi- agaçant.
« Je n'en reviens pas, finit par lâcher le jeune homme, une fois son fou rire terminé. Depuis le début, c'est une méprise tout à fait banale ! » Devant les regards toujours confus de ses deux interlocuteurs, il expliqua : « Les menaces ne s'adressaient pas à Atsushi, mais à l'ex-petit ami de Gin pas vrai ? demanda-t-il à Ryunosuke qui acquiesça. Tu comptais utiliser un téléphone quelconque pour tes menaces anonymes, de façon à ce qu'on ne remonte pas à toi. Mais... » Le jeune homme savoura un petit suspens moqueur. « Tu t'es trompé de numéro ! »
Cette fois, ce fut Chuuya qui resta bouche-bée. Sérieusement ? C'était aussi bête que ça ? Leur cadet évite soigneusement leurs regards, et marmonna quelque chose qui ne semblait pas très poli, probablement dans une tentative de se défendre. C'était difficile cependant, compte tenu du caractère assez ridicule de la situation. C'était presque mignon de sa part de vouloir protéger sa sœur ainsi, mais se tromper de destinataire bêtement... C'était un coup bas porté à la crédibilité du lycéen. Et le sourire goguenard de Dazai ne devait rien arranger. Loin de là.
« L'affaire est résolue ! » s'exclama le brun d'un ton enjoué une fois que leur cadet repartit sans rien ajouter de plus, visiblement toujours mortifié intérieurement par son erreur stupide. Chuuya lui adressa une œillade ennuyée.
« Tout ça pour ça, souffla-t-il. Si on avait su dès le début que c'était aussi simple que ça. » Le brun lui adressa un grand sourire.
« Cela n'aurait pas été aussi drôle ! »
Le rouquin le dévisagea, se demandant en son for intérieur ce qu'il avait trouvé d'amusant dans la journée passée. Lui avait plutôt eu l'impression d'avoir passé une des journées les plus longues de sa vie. Même si, au fond de lui, il savait qu'il l'avait un peu appréciée.
« Si tu le dis. » lâcha-t-il finalement. Dazai le dévisagea quelques secondes avant de se pencher vers lui ; leurs visages se retrouvèrent à quelques centimètres l'un de l'autre, et le rouquin sentit bien malgré lui ses joues s'empourprer légèrement.
« Tu n'as pas trouvé ça ne serait-ce qu'un peu amusant ?
- Non, répondit Chuuya par pur esprit de contradiction. Ta présence l'a rendue particulièrement énervante. » Le brun rit, puis se redressa. Il l'observa ensuite avec un regard très sérieux, et finit par déclarer, d'un ton adouci qui surprit le jeune homme :
« Moi j'ai trouvé cette journée amusante, et particulièrement constructive. » Le capitaine de l'équipe de baseball se demanda ce qu'il entendait par « constructive », et la question devait se lire dans ses yeux car l'autre clarifia immédiatement : « Je suis ravi d'avoir pu apprendre à mieux connaître une personne aussi intéressante que toi, Chuuya Nakahara~ »
Le susnommé fut déstabilisé par cet aveu soudain, et par le sérieux qu'il lisait sur le visage de son interlocuteur. Celui-ci lui offrit ensuite un nouveau grand sourire amusé, attrapa son téléphone dans sa poche, et l'agita sous les yeux du rouquin, comme la veille à leur première rencontre.
« Puisque j'ai ton numéro, je t'enverrai un message. Ne t'avise pas de m'ignorer, ou je reviens ~ »
Il s'éloigna ensuite tranquillement, pendant que Chuuya le regardait s'éloigner. Son cerveau était resté bloqué sur le sous-entendu peu subtil de Dazai, et sa conscience hésitait sur la marche à suivre : le frapper, le bloquer ou le laisser faire ? Il était sûr que le brun n'hésiterait pas à mettre sa menace à exécution, aussi il décida de choisir la troisième option. Il soupçonnait de toute manière qu'il n'aurait pas à attendre beaucoup avant de revoir cet insupportable type.
Et peut-être que lui aussi avait envie de mieux connaître ce mystérieux jeune homme aux cheveux brun qui s'appelait Osamu Dazai.
.::.
Bonus :
« Tu es incroyable, déclara Ryunosuke lorsque son aîné le rejoignit finalement dans une ruelle jouxtant l'académie Wan, un grand sourire sur les lèvres. Tu ne peux pas draguer comme tout le monde ? » Dazai gloussa légèrement en posant une main sur son épaule.
« Il me fallait un prétexte, tu l'as dit toi-même. Sinon, je n'aurais rien pu faire.
- Pense à ton pauvre cadet que j'ai effrayé sans raison.
- Je compte sur toi pour lui remonter le moral. » Le brun tendit à son cadet un bout de papier avec un numéro inscrit dessus. « Je n'ai pas fait d'erreur, ajouta-t-il, pince-sans-rire.
- Je n'arrive pas à croire que j'ai accepté de me ridiculiser ainsi, lâcha le jeune homme aux cheveux bicolores en secouant la tête avec consternation.
- C'était pour la bonne cause.
- Je veux être témoin du mariage, fit-il observer avec sérieux, ce qui fit de nouveau glousser son aîné. Mais encore faudrait-il qu'il accepte de te revoir.
- Il va accepter. Je suis irrésistible non ? ~ »
Ryunosuke le dévisagea, peu convaincu. Il observa ensuite Chuuya, qui quittait à son tour l'académie sans les voir, et lui souhaita intérieurement bonne chance. Il en aurait besoin à l'avenir, s'il décidait de se rapprocher de Dazai.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top