La F.S.A présente fièrement une de ses premières commandes, celle de angel_sakura208 qui nous demandait un One-Shot avec pour thème central le pairing Akutagawa x Higuchi, et notre bien-aimé Dazai qui joue avec l'esprit de ce pauvre Ryuu déjà assez torturé comme ça  ~

Voila qui est fait, et nous vous souhaitons une bonne lecture tout en espérant que le résultat est satisfaisant :3

En l'absence de précisions, je confesse être partie un peu en roue-libre, peut être le désavantage d'écrire à des heures pas possibles... Héhé 👀

Tout était sombre. Les nuages, la nuit sans étoiles, la façade du bâtiment, les volets, les rideaux, le bois de la commode, le parquet, les deux tapis pleins de poussière, les draps, l'édredon, le papier peint... Absolument tout ce sur quoi elle pouvait poser les yeux, à part l'abat-jour.

Même lui était plongé dans les ténèbres nocturnes, enveloppé de ces couvertures sans joie, Rashômon, ou plutôt la forme de manteau de son abilité, serré dans la main. Elle voyait ses paupières tressauter, mais c'était bien la seule partie de son corps daignant bouger. Le reste semblait gelé, d'une immobilité de statue. C'était cependant le sommeil d'un assassin qu'elle contemplait, et si un bruit suspect retentissait, peut-être même si elle s'approchait un peu trop près de son corps endormi, alors il bondirait immédiatement. Ses prunelles métalliques se teinteraient d'une lueur dangereuse et son visage prendrait une expression des plus dures. Rashômon se dresserait, ténèbres luisants dans son dos, puis frapperait.

Higuchi le savait. Elle le savait pour l'avoir contemplé d'innombrables fois.

Mais ça ne l'empêchait pas, encore aujourd'hui, seule au beau milieu de cette nuit d'encre, d'en frissonner. Il l'effrayait presque autant qu'il lui inspirait tendresse et empathie, le tout mêlé de pitié.

À demi-mots, et de son langage cru habituel, Tachihara lui avait fait savoir que cet attachement, qu'il jugeait « à la limite de l'obssession » la mènerait à sa perte. Mais la jeune femme n'arrivait pas à prendre le faux rouquin au sérieux quand elle interceptait les regards qu'il posait sur la cadette Akutagawa.

Ichiyo n'y pouvait rien, ou alors elle n'avait pas assez essayé. Quelque chose d'intangible, comme une force magnétique, elle aurait dit magique si la Mafia ne l'avait pas autant désillusionnée dans ce domaine là, l'attirait vers lui.

Vers Ryuunosuke Akutagawa, vers celui qui en ce moment même somnolait avec agitation dans le lit près du sien ; vers celui qui l'avait entraînée dans cette mission à l'autre bout du pays, et qui lui semblait dans la semi-pénombre de la chambre plus tourmenté encore que d'ordinaire.

Rien à voir avec la tâche assignée par le Boss. Une simple collecte d'informations, terminée la veille et de laquelle ils rentraient dans une dizaine d'heures à peine.

Higuchi savait bien que la moitié au moins des membres de la Mafia Portuaire qui avaient déjà croisé l'ancien disciple de Dazai en étaient ressortis avec un nœud au fond de la gorge, et un filet de sueur froide coulant le long du dos. Mais elle, elle ne l'avait jamais regardé sous cet angle.

Là où les mafiosi ne voulaient observer que rage et cruauté, ses yeux percevaient d'autres couleurs chez celui qui pourtant mettait un point d'honneur à n'en porter aucune.

Elle l'avait vu brisé. Elle l'avait vu blessé. Et elle voulait le réparer, le protéger.

Elle voulait l'aimer.

Ichiyo ne se pensait pourtant pas folle comme on le lui répétait dès qu'il était question d'Akutagawa. Et elle n'était pas non plus aveugle. L'ancien disciple de Dazai ne laissait personne approcher facilement, ne laissait pas une âme franchir ses barrières mentales.

Elle était loin de constituer une exception. Il se comportait comme un animal sauvage. Un animal sauvage blessé, et il n'y avait pas moyen de l'apprivoiser. Pas d'autres moyens que la présence, infaillible, et le soutien, muet mais inlassable.

Et la jeune femme pensait pouvoir dire avec une pointe de fierté que dans ce domaine elle était l'une des seules à ne pas l'avoir lâché.

Oh, cela agaçait sûrement Ryuunosuke. Et même plus souvent qu'il n'était poli de le dire. Cependant, quand il avait besoin de voir quelqu'un à ses côtés, de sentir une approbation, elle était là. Toujours.

La nuit commença à se teinter de bleu, une couleur sombre et veloutée perceptible à travers les nuages d'orages parsemant le ciel étoilé. Ce changement de luminosité, si subtil fut-il, changea un peu l'ambiance de la morne chambre d'hôtel.

Les murs avaient des contours moins abrupts que dans la complète obscurité, et les ombres renvoyées par sa silhouette ou les divers meubles de la pièce semblaient moins menaçantes. Les ténèbres se perçaient plus facilement du regard, et celui d'Higuchi fut attiré par une étincelle rosâtre, suivie d'un crépitement qui titilla son oreille.

Elle tourna la tête, et s'aperçut que les yeux du mafioso aux cheveux bicolores étaient grands ouverts. Ses pupilles étrecies fixaient le vide en silence, il ne paraissait pas se rendre compte de l'endroit où il se trouvait.

Alors seulement Ichiyo aperçut l'entièreté du visage de son aîné, et la pâleur de celui-ci. Ses yeux bruns accrochèrent les pupilles métalliques absentes, notèrent le froncement de sourcils, la mâchoire si serrée que les os saillaient, et la crispation des mains pleines de cals sur les draps noirs.

Elle se rendit compte de la provenance de cette étrange lueur rouge, et soudainement sa peau devint aussi blanche que l'était celle d'Akutagawa.

Rashômon se dressait, imposant, immense, renforcé par l'obscurité et le tissu sombre des couvertures. Il rendait à la chambre son aspect ténébreux du cœur de la nuit, et la lueur projetée sur les murs rappelait sombrement la couleur du sang.

La jeune femme ne se rappelait que trop bien de la teinte du mobilier après un massacre. De ce liquide épais, rougeâtre et brun à la fois, séchant à l'air libre dans une odeur écœurante. Elle plaqua la main sur sa bouche pour empêcher son dîner de s'échapper.

Ce n'était pas le moment de se laisser envahir par ses angoisses, elle avait choisi ce chemin parsemé de cadavres, et quelqu'un d'autre semblait aux prises avec de vieux souvenirs bien plus traumatisants que les siens.

Higuchi aurait pu parier sa main droite que cela avait un rapport avec les années passées sous l'égide de Dazai. Encore, devait-elle ajouter. Toujours, répliquait une voix lasse dans sa tête.

Et elle était loin d'avoir tort, cette voix. Combien de fois déjà avait-elle contemplé les yeux de Ryuunosuke tels qu'ils la fixaient désormais ? Agrandis, meurtriers, pleins de peur, de douleur, de colère. Mais également d'une tristesse infinie, et criant une détresse insoutenable.

Doucement, silencieusement, à gestes mesurés et à pas feutrés, Ichiyo se leva, faisant glisser ses draps. Comme souvent elle pria silencieusement pour que Rashômon ne la fauche pas alors qu'elle s'approchait du lit d'Akutagawa.

Accroupie devant le jeune homme aux cheveux bicolores, elle effleura le dos de sa main crispée avec sa paume, et finit par s'en saisir. Avec précaution, comme on manipulait un manuscrit risquant de tomber en poussière.

Alors Rashômon se résorba. Disparut, brusquement, soudainement. Brutalement. Et elle sentit Ryuunosuke reprendre conscience plus qu'elle ne le vit, car l'obscurité était retombée subitement.

La main du jeune homme se détendit, avant de se crisper, puis de se détendre à nouveau dans la sienne, presque imperceptiblement.

- Higuchi ?

La voix était gutturale, rocailleuse, mais pas tremblante. Une question simple, étrangement assurée, et sur un ton moins âpre que d'ordinaire.

- Je suis là.

Ce n'était qu'un timide murmure, un peu sourd, à peine confirmé d'une pression du bout des doigts.

Et qui ne reçut pas plus qu'une caresse en réponse.

Ce fut suffisant à Ichiyo, parce qu'elle comprenait.

Elle n'avait jamais eu de grandes ambitions, et pourtant c'était dans un combat contre le prodige de la Mafia qu'elle se lançait. Mais elle avait confiance.

Elle effacerait Dazai. À force de patience, de présence.

De ce qu'il n'avait jamais su donner.

D'amour.