Iris

Ce jour là, il faisait frais. Le soleil semblait à nouveau en faire des siennes, refusant d'émerger de ses draps nuageux visiblement bien trop confortables.

Pourtant, malgré le temps anormalement froid pour un début de septembre à Tokyo, le sourire relevant les fines lèvres d'Akira n'en restait pas moins imperturbable et rayonnant presque autant que l'étoile du jour.

-Maman! Je vais en cours, prévint la voix de l'adolescente, tout en jetant un dernier regard au canapé, là même où sa mère se réveillait après une énième nuit pleine d'alcool.

-Ramènes-moi des clopes en rentrant, fit la femme en une voix molle tout en s'emmitouflant un peu plus dans sa couette.

-Si t'en a tant envie alors tu te lèves et tu vas t'en acheter, sorcière!

L'adolescente soupira lourdement tout en refermant la porte abimée par les années d'usure derrière elle. Elle aimait sa mère plus que tout, c'était un fait, mais qu'est-ce qu'elle haïssait ses mauvaises habitudes. Elle ne se souvenait d'ailleurs pas spécialement de comment sa mère avait finit aussi mal, et honnêtement, elle en avait clairement rien à foutre. Tant que sa génitrice et elle étaient heureuses ensembles, alors elles n'avaient que faire de l'image que semblaient avoir la majorité des habitants de son quartier.

La brunette releva son regard grisâtre, alors que ses pas la dirigeaient vers l'arrêt de bus.

Ses courts cheveux à moitié rasés pendaient en arrière au mouvement de sa tête, alors que son sourire se laissait subjuguer au fil de l'apparition du soleil. Elle arrêta sa marche tout en inspirant délicatement à la sensation de la brise caressant son visage. Ses paupières s'abaissèrent doucement, alors qu'elle relevait ses bras en un long étirement, avant de les relâcher, rouvrant à nouveau ses yeux bridés et pleins de vie.

-Oh! Un chat! S'exclama soudainement la jeune fille avec émerveillement, tout en avançant vers la boule de poil noire, qui sursauta d'ailleurs en apercevant l'adolescente.

Elle s'arrêta tout en relevant ses mains par innocence, comme si ce pauvre chat s'apprêtait à la contrôler, avant qu'elle ne relâches un rire sincère face à la ridicule action qu'elle venait d'arborer.

-Tu t'appelles comment? Demanda-t-elle au chaton alors qu'elle s'accroupissait à quelques mètres de lui.

C'est donc sans surprise que la brune se retrouva sans réponse, les mains portant son minois plein de joie sans quitter le petit animal du regard.

-J'aurais bien aimé que tu parles, n'empêche...J'suis carrément sûre que t'aurais était bien plus divertissant que toutes les nanas du collège, elle fit en un rire cristallin, avant de se relever tout en reprenant. Bon, je dois aller en cours moi, à plus Batman! Salua la jeune fille tout en reprenant sa route en direction de l'arrêt de bus.

En arrivant prés du banc de cette dernière, elle y trouva un jeune homme à lunettes et à la coiffure parfaitement plaquée. Il était habillé du même uniforme que celui de son collège, et était d'ailleurs concentré à écrire quelque chose sur une feuille d'exercice.

En le voyant aussi concentré sur sa tâche, la collégienne pencha doucement sa tête sur le côté tout en tirant une légère moue.

Elle se rapprocha d'un pas lent ainsi que détendu, observant le dos penché mais malgré tout droit du jeune homme. Comme s'il s'efforçait à garder une tenue aussi ferme et stricte que celle d'un soldat.

Doucement, la brune pencha son visage jusqu'au niveau du jeune homme, tout en laissant sa petite coiffe de jais retomber en direction du sol.

-J'ai rarement vu un intello aussi cliché, se moqua la jeune femme tout en élargissant son sourire en voyant que le jeune homme daignait enfin un regard envers elle.

-Hein? S'exclama le jeune homme en un ton presque agressif, avant qu'il ne reprenne. Ah euh non...Pardon? Fit-il de nouveau en un ton exagérément sérieux, arrachant un rire sincère à la jeune fille.

Elle se releva simplement tout en tournoyant avec amusement, faisant doucement voler sa jupe à plis, avant qu'elle ne prenne place aux côtés du collégien.

-Moi c'est Akira, et toi? Demanda la jeune fille tout en attrapant l'extrémité des lunettes du garçon, déposant ces dernières face à ses yeux grisâtres comme si de rien était.

-Rend ça, j'ai pas finis mon exercice! J'aurais une note pétée après! Il maugréa tout en la toisant du regard, alors qu'elle se penchait doucement sur sa feuille.

Puis, après écoulement de plusieurs secondes silencieuses, mais étrangement agréables, la brunette releva son regard plein de vie tout en le scellant à celui noisette du jeune homme.

Et ainsi, leurs regards se croisèrent.

Alors que Tokyo s'engouffrait de plus en plus sous l'emprise d'une société pleine de vicissitudes, alors que les meurtres, viols, accidents et pleins d'autres continuaient à obscurcir cette ville au taux de suicide comparable au taux d'obésité aux USA, son regard à elle reflétait la vie ainsi que tout la jovialité pouvant exister dans ce monde.

Le rayonnement de son regard était à pied d'égalité aux cotés du soleil, si ce n'était pas mille fois plus.

A cet instant, Baji se demanda si la brunette ne s'était pas enfermée dans l'illusion d'une utopie.

-Hehe...J'arrive pas à voir avec tes lunettes, avoua la collégienne tout en penchant doucement son minois souriant sur le côté.

A cet instant, Baji pensa que le monde qu'elle devait voir était sûrement plein de couleurs, et en était autant subjugué que jaloux.

-Alors? Tu t'appelles comment? Questionna à nouveau l'adolescente tout en lui tendant ses lunettes, laissant son regard se sceller à ses yeux amande et bridés.

Son sourire semblait trop sincère.

-Baji, Keisuke Baji, fit le collégien en affichant inconsciemment un sourire, laissant apparaître ses canines sur-développées.

-T'as de super beaux yeux! S'exclama-t-elle soudainement, penchant son minois empli de gaieté jusqu'au sien.

Elle semblait si près, que même sa chaleur corporelle avait finit par coller au garçon. Les pommettes de Baji s'empourprèrent légèrement, alors que son visage s'éloignait du mieux qu'il pouvait, ne détachant pour autant pas son regard du sien.

Akira ne ressemblait pas aux autres filles qu'il avait déjà rencontré.

Elle n'avait pas de poitrine.

Ni de beaux et longs cheveux blonds.

Ni même un visage sans imperfection, puisque ce dernier semblait plein de tâches d'or gâchant son nez ainsi que ses pommettes au teint laiteux. 

Et ses jambes étaient trop fines pour la moyenne des autres collégiennes.

Pourtant, Baji la trouvait belle.

Terriblement belle.

Rare mais magnifique.

Comme les Violettes.

Oui.

Viola était belle.

-Le bus est arrivé, remarqua la brunette en se relevant, avant de jeter un regard derrière elle. Tu viens pas, Baji? Demanda-t-elle en un sourire simplet.

Il se releva, puis s'avança à son tour.

-T'es vraiment cheloue comme fille, fit-il tout en passant une main sur ses cheveux attachés.

-Ma mère m'avait dit la même chose hier, avant-hier et...Ouais, non. On me le dit toujours enfaite! Elle avoua tout en riant doucement.

Viola aussi avait de beaux yeux.

Et puis, à son tour, Baji s'abandonna à un sourire tout aussi sincère que le sien.

Et le soleil fut plein.

░▒▓█▓▒░

Un soir, à la dernière sonnerie frappant au-travers des longs couloirs du collège, Baji rangeait rageusement ses affaires tout en jetant une feuille froissée en boule jusqu'à l'autre bout de la salle.

Elle frappa contre le tableau de la classe vide, avant de retomber simplement au sol.

Il soupira doucement, alors que ses dents grinçait sous une grimace colérique, avant que son corps ne se dépose mollement contre la chaise de sa table, laissant son sac ouvert et ses cahiers à peine rangés.

Il avait beau mettre des tenues d'intellos, il avait beau vouloir rendre sa mère fière d'avoir un fils studieux, il n'en restait pas moins un cancre de nature.

Et qu'est-ce que c'était dur et beaucoup trop frustrant de voir noté un 3 au stylo rouge.

-Pourquoi tu t'énerves contre une feuille? T'es bizarre toi.

C'était Akira, appuyée depuis l'extérieure contre la fenêtre ouverte de la salle. Cette dernière ne se situant qu'au premier étage, avait la possibilité de s'ouvrir en grand.

-Viola? Laissa-t-il échapper sur un ton assez surprit, ne s'attendant sûrement pas à la revoir ici ni même à ce moment là.

La collégienne pencha sa tête sur le côté, alors que ses traits fins s'étiraient en une mine curieuse.

-Viola? Qu'est-ce que c'est?

Merde.

Qui offrait des surnoms de fleurs aux gens qu'il venait de rencontrer? Bravo champion, c'est bien toi Baji.

Et alors qu'il cherchait une quelconque réponse à offrir, la jeune fille escalada doucement la fenêtre, avant de se jeter sur ses pieds à l'intérieur de la salle.

-Les classes du collège sont beaucoup trop mornes, remarqua la brunette tout en s'avançant tranquillement dans la salle, avant de reprendre. Les murs sont super tristes, on devrait penser à les peindre.

Lentement, elle s'accroupit au sol tout en veillant à retenir sa jupe d'uniforme en place, alors que sa seconde main attrapait la feuille en boule qu'elle défroissa.

-Moi je les trouves normales, fit simplement le brun tout en refermant son sac, ignorant simplement la présence de la jeune fille.

Elle se retourna sur elle-même tout en marchant d'un pas déterminé jusqu'à arriver face au collégien. Et alors que ce dernier la surplombait de plusieurs centimètres et que son moral semblait au plus bas, l'adolescente pointa son doigts contre la tempe du garçon avec audace, tout en fonçant ses sourcils en un air menaçant.

-Regarde-moi bien, fit-elle en lui offrant une pichenette qui fit écarquiller les yeux du garçon. Est-ce que j'ai l'air crédible en étant comme ça?

Mais elle est complètement folle? Il pensa tout en grimaçant doucement, avant de répliquer en toute honnêteté.

-Pas le moins du monde.

-Je m'en doutais, répondit-elle presque avec déception, tout en s'éloignant de quelques pas.

Elle soupira doucement, avant de brusquement le pointer du doigts en une mine exagérément frustrée.

-Alors pourquoi est-ce que je t'ai cru lorsque tu te faisais passer pour un intello bordel? C'est quoi ce trois là? Tu comptes peut-être finir par revendre des préservatifs au marché du dimanche?!

-Quoi? S'exclama-t-il en s'étouffant avec sa salive, tout en écarquillant ses yeux noisettes.

La collégienne soupira lourdement tout en se pinçant le bout du nez, avant de relever ses yeux vers le garçon.

-Quel est ton rêve?

Elle était incompréhensible.

Tel un ouragan, elle semblait tout retourner sur son chemin.

Une tempête de sentiments semblait surgir d'elle, bien plus violemment que l'averse que pleurait les nuages.

Elle changeait de sujet bien plus rapidement que l'apparition du crépuscule, et allait jusqu'à retourner ses sentiments à lui.

Il se demandait si tel était son effet sur tous ceux qu'elle croisait, mais plus il regardait autour, et plus il comprenait que personne ne semblait la remarquer, et que les couleurs jaillissant de sa simple présence n'avaient toujours pas teintés leur monde à eux.

Si cette classe lui semblait normale, c'était bien parce que l'éclat de des iris s'était imprégné dans les siennes.

-Protéger le Tôman et rendre ma mère fière de moi, avoua-t-il inconsciemment, alors que ses yeux s'étaient perdus dans les siens d'ailleurs légèrement surpris.

-C'est beau ça, mais c'est plutôt incompatible comme rêve non? Questionna la brunette tout en s'asseyant sur une table, alors qu'elle jetait un rapide coup d'oeil à la feuille d'examen.

-Et toi? Quel est ton rêve, Viola?

Elle haussa un sourcil tout en souriant avec une pointe de surprise.

Et finalement, son regard se releva vers le ciel nuageux ainsi que pluvieux, alors qu'elle détendait doucement ses sveltes traits.

-Je ne rêve jamais, je vis.

Sa voix était calme et sincère.

Plusieurs secondes silencieuses passèrent.

-Toi aussi faut que tu vives, déclara la collégienne soudainement en tournant son regard vers le sien, tandis que ses fins doigts enlevaient délicatement les lunettes du brun de son nez.

-Tu me vois pourtant, non?

-Fait vivre tes yeux. Ils sont beaux, mais même en souriant tu ne leur permets pas de totalement briller.

La jeune fille sauta souplement de son assise, avant de se rapprocher du garçon en un doux sourire.

-Je sais reconnaitre un regard qui a déjà connu l'éclat auparavant. Le tien est concerné par le sujet...Je ne sais pas ce que t'as vécu, et honnêtement, je m'en carre. Mais ça n'empêche que je veux malgré tout voir tes yeux vivants.

Malgré la joie que je pourrais vivre, je doute que le souvenir du cadavre du frère de Mikey me permette de rayonner autant que te le permet le soleil, Viola.

-T'es belle, tu sais? Avoua Baji en souriant tout en laissant place à ses canines, alors que ses joues rosissaient légèrement à vu d'oeil.

La surprise se lisait sur les traits d'Akira, alors que violemment, ses pommettes s'empourpraient et en camouflaient même les tâches sur ses joues.

Et puis, Baji pensa qu'en réalité, ces tâches d'or pouvaient faire penser aux étoiles d'un ciel dégagé.

-Ah...Je sais, fit-elle comme par réflexe, avant qu'elle ne se reprenne doucement. Enfin...Non enfaite, merci! A vrai dire, on me l'avait jamais dit avant donc c'est assez inattendu comme remarque...C'est vachement gênant comme discussion eheh enfin bon, bégayait la brune tout en se frottant l'arrière de la tête, avant que le rire moqueur ainsi qu'amusé de Baji ne refroidisse lentement la chaleur de ses joues, tout en la laissant subjuguée face aux délicates vibrations que subissaient ses tympans.

Lui aussi était beau.

Son rire aussi était beau, d'ailleurs.

Mais le silence reprit bien rapidement, alors qu'à présent, son simple sourire à illusion insolente semblaient étirer ses traits.

-Eh, Viola? Appela-t-il tout en déposant sa boîte à lunette au fond de son sac à dos, tandis que ses yeux clairs se scellaient à ceux de la collégienne.

-Yep? Fit-elle en se sentant étrangement à l'aise face à l'appellation qu'il lui offrait.

-T'aimes les Yakisoba Peyoung? Demanda Baji en une proposition, alors qu'il libérait sa chevelure ébène de son élastique.

Ce jour là, malgré la pluie frappant depuis le ciel de Tokyo, malgré la note frustrante qu'avait eu Baji, malgré la journée solitaire qu'avait à nouveau dû subir Akira, les deux collégiens semblait malgré tout fidèles à leurs expressions souriantes, alors que leurs pas claquaient régulièrement tout au long du couloir.

Après tout, qui serait malheureux en sachant qu'il mangera de délicieuses nouilles durant la soirée?

-Goût crevette pour moi! S'exclama la brunette en un sourire joyeux, alors que le rire du garçon emplissait les longs couloirs du collège.

Et plus que tout, ce jour là, les deux jeunes ne s'apprêtaient pas seulement à partager des Yakisoba achetés chez le vieux japonais du quartier, mais semblaient s'être liés d'un lien bien plus complexe que celui de l'amitié.

Petit à petit, Akira et Baji semblaient s'admirer mutuellement avec bien plus de force à chaque croisement de regard.

Son regard nitescent et le sien attiré par cet éclat.

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