S U P E R B I A - II


Le temps passe. Que le temps passe.
Bien sûr qu'il coule et s'écoule comme des flots incontrôlables, se frayant un chemin dans les roches tranchantes, aiguisées de la vie.
Je dois bien avouer que s'il y a bien une choses qui m'effraie, c'est cet écoulement. J'ai peur qu'il ne m'éloigne de mon amour, qu'il ne le rende trouble et le déforme, dégouté de son sujet.
J'ai bien peur de ne plus arriver à le lier à cette haine, j'ai peur qu'ils ne se séparent comme un banc de poissons aux bras d'une rivière. Dont ils s'affaibliront jusqu'à se tarir, tarir jusqu'à ce que l'on s'en meurt.

Ce n'est pas en figeant le mouvement du soleil sur les cadrans que j'arriverai à contrôler les rapides.
Les rapides ? Devrais-je plutôt parler de lac ? Un rapide a une source et une fin. Pas un lac. Mais un rapide suit un court n'est-ce pas ? Qu'en est-il du temps ? Suit-il son court, façonné naturellement par les roches et berges qui le retiennent, ou bien est-il plat et vaste, ne découlant d'aucune source ou rivière ?
Je crois que je vois des rapides devant moi. C'est comme si j'avais cru voir un lac qui avait fini par grogner avant de se transformer en flots agressifs.
Je ne sais pas. Je ne saurais pas.
Je le ressens comme un courant. Il pourrait bien emporter mon corps et mon amour avec lui s'il le voulait. Tout mon amour.

Qu'il se calme, bon sang ! Qu'il se lasse jusqu'à ce que ce reflet ne puisse plus dévier son regard du mien ! Que cet amour dure éternellement !
Que je ne vive plus que pour lui !

Oh, voilà que je tombe. C'est comme si elles avaient attrapé mon poignet pour m'y jeter alors que j'essayais d'effleurer la surface miroitante.
Voilà qu'on me happe et qu'on appuie sur ma cage thoracique, maintenant. La surface se fait trouble, vue d'en dessous. On dirait que le ciel a fondu jusqu'à ne devenir qu'eau, mais non, ce n'était que la violence des flots qui me faisait perdre la tête.
Qui me faisait tout perdre.
Quel dommage.
Quelle honte.

Je ne m'en veux pas. Ce n'est pas que je ne pouvais pas résister, c'est que c'était dit. C'était décidé. Plutôt que d'assécher les deux fils emmêlés amoureusement que formait mon être, on avait préféré les noyer, les faire prisonniers de la violence des rapides, car s'en était, finalement, jusqu'à ce que les fibres ne se séparent et que plus rien n'en reste.
Mais j'accepte. J'accepte tout.
Je préfère cela, plutôt que de mourir lassement au soleil.
J'ai toujours préféré l'eau, de toute manière.

Elle me puni pour n'avoir vu qu'un miroir humide en elle, plutôt que la beauté de sa violence. Pourtant je l'aime. Oh oui, je l'aime.

C'est elle qui m'a offert la découverte de mon être.


S U P E R B I A

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