L'humiliation

Je viens tout juste de franchir les portes de l'Université quand je tombe nez à nez avec Camille et Constance. Elles me bloquent le passage, leurs regards acérés me transpercent.

— Faut d'abord que tu payes ton passage, là, dit Camille, un sourire en coin.

— Pardon ?

Je fronce les sourcils, une pointe d'incompréhension dans la voix.

— Explique-moi, tu fais comment pour arriver à retourner tous les mecs contre nous, et contre nos amis en plus ?

Constance, juste à côté, hoche la tête de façon menaçante.

— Ouais, comment tu fais ? Parce que là, Manu s'est pris une raclée à cause de toi, après que t'aies monté la tête à Bastien.

— Et à Gaël aussi !

Camille crache.

Je me sens prise au piège, mon cœur bat plus fort.

— Mais de quoi vous parlez ?

Je pense savoir, mais je ne vois pas en quoi je retourne la tête aux garçons. Cela date depuis plusieurs mois.

— Tu veux dire que tu ne sais pas, vraiment ? Nous, on voit très bien ce qui se passe, Mahé. Depuis qu'il y a cette rumeur sur toi et Taylor, plus un seul mec ne veut de nous. Manu m'a carrément recalée, et tu sais quoi ? Ça, je ne le supporte pas. Qu'on vienne marcher sur mes plates-bandes.

Constance me dévisage de la tête au pied, avec mépris.

— Une vraie traînée, de toute façon, qui réussit à avoir ce qu'elle veut en écartant les cuisses, lance Camille, un regard méprisant.

Je serre les poings, le rouge me monte au visage. Tout ça pour en venir là.

— Vous vous foutez de ma gueule, les deux ? Constance, regarde-toi un peu avant de parler ! Que ce soit Manu, Iban, ou Bastien, s'ils ne te veulent pas, c'est parce que t'as rien à offrir, non mais tu t'es regardée sale crapaud ! Et toi, Camille, tu manipules tout le monde comme des pions, tu crois que personne ne le voit ? Quand vous comprendrez qu'on n'a pas d'amour-propre à baiser tout le monde pour obtenir ce qu'on veut, peut-être que vous arrêterez de vous lamenter.

Camille se rapproche d'un pas, son sourire s'étire jusqu'aux oreilles, mais son regard est glacial.

— Je vais te faire une misère, toi. Et tu vas voir, tu ne t'en remettras pas.

Elle crache presque ses mots.

— Essaye donc de t'instruire un peu, avant de sortir des menaces à deux balles. Laisse-moi passer.

Je me sens enragée, mais mon corps est toujours figé par la colère. Je me prépare à me frayer un chemin, quand soudain, Camille m'attrape par les cheveux.

Un instant, je suis projetée en avant, me retrouvant à terre, les fesses douloureusement percutées contre le trottoir. Mes cheveux se défont en une fraction de seconde, ma tête tourne sous la douleur, et avant même de pouvoir réagir, je sens une gifle retentir sur ma tempe, brutale.

— Tu ne sais pas qui je suis, dit Camille d'un ton froid. Je vais te ruiner, Mahé.

Elle s'éloigne de quelques pas, et elles éclatent de rire, comme des hyènes.

— Regardez la pute, dit Constance en hurlant à ses camarades. La sale traînée, elle s'est éclatée le cul ! C'est bien sa place sur le trottoir !

Les rires des autres résonnent autour de moi. Je serre les dents, mais mon corps est trop lourd pour bouger. J'attrape mon sac, les mains tremblantes, et je me relève péniblement. Mes jambes flageolent, chaque rire, chaque parole m'étouffe un peu plus. La honte m'envahit comme une marée noire. Je me précipite loin d'elles, le cœur brisé, meurtrie, déshonorée. Mais je cours, j'essaie de fuir cette douleur qui m'envahit, cette humiliation cruelle.


James tente de m'appeler plusieurs fois, mais je laisse chaque appel se perdre dans le vide. Mon cœur bat à toute vitesse, un tourbillon de confusion et de colère. J'ai honte. Je suis perdue dans un tourbillon d'émotions contradictoires. La peur me serre la gorge, et un poids écrasant m'empêche de bouger. La dispute avec Camille, tout ce qu'elle m'a dit, résonne encore dans ma tête, et je ne sais même pas par où commencer. Je n'ai rien à lui dire. Pas maintenant.

De nouveau, je vois le nom de James s'afficher à l'écran. Il faut que je réponde. Mais je n'y arrive pas. Je n'arrive même pas à respirer normalement. Je suis incapable de lui dire ce qui vient de se passer.

Et c'est la goutte d'eau car ce n'est pas seulement à cause de ce qui vient de se passer avec Camille. C'est aussi à cause de lui, de ce qu'il me cache. Le cours qu'il vient de donner, c'est clairement de la colère envers Lauren, et je suis lasse d'avoir ce fantôme entre nous.

Puis, un message apparaît. Il m'écrit :

« Sweety, rappelle-moi dès que tu peux. C'est urgent, j'ai une affaire à régler et je dois me rendre à l'étranger. J'aimerais te voir avant. À tout de suite ? »

A l'étranger, soudainement ? Je ne peux pas le voir. Je ne peux pas lui parler maintenant. Pas après ce qui vient de se passer. Pas après la violence des mots de Camille, la gifle qu'elle m'a donnée, les rires cruels qu'elles ont laissés derrière elles. J'ai envie de tout effacer, de disparaître. De fuir. Je n'ai plus les mots pour toutes ces situations. La leur, la sienne qui découlent sur la mienne.

Je serre le téléphone dans ma main, une chaleur désagréable m'envahit, et je me sens soudainement étrangère à moi-même. Je devrais l'appeler, mais l'idée de lui mentir, de lui dire que tout va bien alors que je me sens à bout, ce n'est pas possible. Je m'écroule sur le premier banc et éclate en sanglots.

Je ne lui répondrai pas. Pas tout de suite.

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