Sommeil artificiel, refuge inutile
Lucia marchait dans la rue enneigée. Elle était ravagée mais ne pleurait plus. Ses parents divorçaient, le monde parfait dans lequel elle vivait s'effondrait. Mais elle ne pleurait plus. Elle avait rendez-vous avec Manon dans le parc et se déplaçait machinalement, comme un automate qui répète sa tâche. Elle marchait vers le fond de l'Allée des Roses. Dès que son amie la vit, elle lui fit signe :
"Lucia !!"
Elle s'assirent toutes deux sur un banc et Lucia expliqua :
"Mes parents ne s'entendent plus, c'est la merde chez moi."
Elle commença son récit d'un ton las mais s'échauffa de plus en plus au fur et à mesure qu'elle parlait :
"Ils se disputent tout le temps, ne se privent pas de s'insulter. Ils se détestent ! Ils se servent de moi comme juge de leurs disputes !!! elle se mit à hurler. Je peux plus dormir, je les entends tout le temps !!! Qu'est-ce qu'elle attend maman pour le laisser tomber, hein ?!!! ET PAPA ? QUAND EST-CE QU'IL SE FAIT LA MALLE CE CON !!!
Lucia s'était levée si brusquement que Manon en était resté béate. Les yeux de Lucia était embués et une maigre larme roulait désormais le long de sa joue :
"ILS SE HAÏSSENT C'EST LEUR VIE ! MAIS, BORDEL, FOUTEZ LA PAIX A LA MIENNE !!! BARREZ VOUS A L'AUTRE BOUT DU MONDE, J'EN AI RIEN A BATTRE !!!"
Désormais, de vraies sanglots secouaient ses épaules.
"QU'ILS NE ME PARLENT PLUS JAMAIS !!! JE LES HAIS !!!
- Calme toi Lucia !
-NON ! J'AI PAS ENVIE D'ÊTRE CALME !!! FOUTEZ MOI LA PAIX !!!"
Lucia s'enfuit en courant. Dans sa fuite désespérée, elle bouscula beaucoup de monde mais ça lui était égal. Si les dieux existaient, ils semblait être prêts à tout pour l'empêcher de vivre. Le hasard fit qu'elle trébucha et chuta sur son père. Celui ci la rattrapa tant bien que mal et s'inquiéta :
"Ma puce ? Qu'est-ce qui ne va pas ?"
Le problème étant que sa fille était folle de rage contre lui. Sa réponse fut donc à la hauteur de son humeur :
"Rien ! Et puis maman et toi n'en avez rien à faire !!! Foutez moi la paix ! Vous êtes aussi cons l'un que l'autre ! FOUTEZ-MOI LA PAIX !!!"
Elle continue sa fuite à travers la ville, empruntant les ruelles pour semer son père, tout en lâchant une bordée d'injures. Elle y parvint finalement, au bout de plusieurs minutes de course. Elle se cacha derrière un local électrique. Elle sécha ses larmes et se cala le dos contre le mur. Elle prit une grande inspiration et ressortit de la ruelle, après avoir vérifié que son père n'était plus dans les parages. Elle marcha vers la grande place, sans même faire attention, les mains dans les poches. Une voix masculine la fit sursauter :
"Lucia ?"
Elle se retourna un un clin d'œil :
"Thomas !
- Qu'est-ce que tu fais là ? Ça va ? On dirait que tu as pleuré !"
L'unique garçon qu'elle appréciait était là. Pourtant, toute sa haine restait, sa peur et sa tristesse l'accablait. Elle aimait Thomas et aurait pu se jeter dans son cou, pleurer et l'embrasser mais, pour ne lui créer aucun ennui, elle opta pour une réponse froide et distante.
"Non ! Je n'ai pas pleuré, tout va bien.
-T'es sûre parce que...
-OUI ! Fous-moi la paix, ok ?
-Mais...
-S'il te plaît."
Il resta un instant bouche bée, instant dont Lucia profita pour se retourner et s'éloigna. Il reprit néanmoins vite ses esprits et la rattrapa :
"Eh ! Attends !
-Quoi ? soupira-t-elle, agacée.
-Je peux pas te laisser partir comme ça.
-Ah ?
-Oui, même si tu dis n'avoir pas pleuré, tu as encore les yeux rouges !"
Lucia se figea et se retourna, frémissante. Mais était-ce de colère ou d'amour ? Elle même l'ignorait. En tous cas, elle dissuada définitivement Thomas de la suivre :
"Je n'ai pas besoin de toi !
-Mais...
-Laisse moi seule !"
Et elle le planta là. Il ne la suivie pas. Une larme roula sur la joue de Lucia : elle aurait tant voulu l'aimer et lui confier ses problèmes. Elle ne pouvait pas, il aurait voulu s'en mêler et elle se devait de régler ça seule. En tous cas, elle ne rentrerait pas chez elle ce soir. Elle errerait en ville jusqu'à ce qu'elle trouve une solution. Et c'est ce qu'elle fit ! La nuit tombée, elle retourna finalement s'assoir place des Arts. La neige se mit à tomber, répandant le froid et la fatigue. Finalement, elle n'avait pas repoussé Thomas par amour mais par lâcheté. Vouloir régler cela seule était la pire erreur de sa vie, elle était trop faible. Elle prit son téléphone qui avait vibré des centaines de fois déjà. Elle chercha de ses doigts endoloris le numéro de son père. Elle hésita longuement avant d'appeler, mais sentant que la fatigue approchait, envoya le message suivant :
-Je suis place des Arts.
-J'arrive tout de suite, ne bouge pas !
Son père avait répondu dans la seconde qui suivait. Elle laissa une larme de soulagement couler : elle ne mourrai pas ce soir. Son père ne put pourtant la sauver, arrivé à la place des Arts, sa voiture fit un écart, se renversa et, à cause de la vitesse, fit un tonneau. Son père ne pouvait pas y avoir échappé.
"PAPAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!"
Elle se précipita vers lui, en hurlant. Les fenêtres s'allumèrent, les portes s'ouvrirent et les gens réveillés en sursaut sortir dans la rue. Lucia tomba à côté de la voiture, joues ruisselantes, yeux rouges et les épaules secouées de sanglots.
"NOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOON !!!!!!!!!!!!!!!! Pitié, non !"
Elle aurait voulu s'enfuir, quitter ce monde de fou.
"C'est encore de ma faute ! Tout est de ma faute ! Papa ! Reviens !"
Tandis qu'une vieille dame venait la prendre dans ses bras pour la consoler, Lucia cria de toute son âme, presque inconsciemment :
"NE ME LAISSE PAS SEULE !!!"
Ambulance et policier arrivèrent bien vite tandis que Lucia, grelotante, sanglotante et tout simplement dévastée sombrait dans l'inconscience. Le froid et la fatigue ne la tuèrent pas mais elle sombra dans le coma, un coma dont elle ne voudrait pour rien au monde sortir : affronter la vérité, reconnaître devant le monde entier qu'elle avait tué son père par ses idioties et devoir continuer à vivre après ça ? Jamais. Une seule chose la hantait : elle avait fuit dans ce sommeil artificiel, ce refuge inutile.
Non... Papa... Ne m'abandonne pas ! PAPAAAAAAAAAAAAAA !!!!!!!!!!!!!!!!!
Durant de longues semaines, Thomas vint la voir tous les jours, ne se décourageant jamais de la voir revenir.
Elle ne revint pourtant pas avant trois longues années. Lorsque ses yeux se rouvrirent enfin, celui qu'elle avait perdu était là :
"PAPA !"
Il n'était pas mort. Elle n'était pas morte. Plus jamais elle ne fuirait dans le coma, cette fausse solution pour luter.
Eh ben ! Long Os quand même ! Je l'adore ! Et vous ?
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