Je romps mon pacte avec la vie.

4 heures du matin, hôpital St Jean

Je suis allongée dans un lit blanc, une perfusion au bras et un masque respiratoire sur mon visage, dans un état critique. J'ai une malformation cardiaque de naissance. Ce n'est pas ma première crise mais c'est de loin la plus puissante. Je suis condamnée à vivre ma vie branchée à je ne sais combien de machines. Je garde les yeux fermés. Je ne veux plus voir la Souffrance, la Mort et la Peur. Je ne veux pas voir quand la Grande Faucheuse viendra me chercher. Je ne veux plus ! Depuis toute petite, mes amis sont là pour moi. Ils me disaient toujours : "tu es la plus positive de nous tous alors que c'est toi qui est malade ! C'est nous qui devrions t'aider !" C'est vrai, j'étais positive. Mais ce n'était qu'une façade. Pour aider mes proches et me permettre de ne pas sombrer, j'ai enfermé la Douleur, la Tristesse et les Doutes au fin fond de mon âme. J'ai continué à être joyeuse malgré ces émotions qui rongeaient la prison dans laquelle je les avais emprisonnées. Elles noircissaient mon cœur et mon âme. Elles assaillaient tout mon corps pour reprendre leurs droits. Pour me défendre, j'ai du sacrifier mes émotions positives. Ainsi, l'Amour, la Joie et l'Amitié ont disparu, me laissant seule avec mon dernier sentiment : le Silence. Peu à peu, je me suis obscurcie, me séparant involontairement de tous ceux que j'aime. Aujourd'hui je suis seule avec le Silence (une émotion pas très causante si vous voyez ce que je veux dire...).

Il y a un courant d'air froid et une présence menaçante à mes côtés maintenant. J'ouvre doucement les yeux malgré le fait que je n'ai pas envie de voir la Mort.

La voilà... Elle pose sur moi un visage sans expression.

"Je viens pour toi. Il est rare qu'on ai une vie comme la tienne. Il est très peu commun de sacrifier sa Joie pour se protéger. Tu me fait réfléchir, ce qui est encore moins courant, aussi as-tu le choix : tu peux vivre encore 6 mois si tu me le demandes. Sinon, je t'emmène."

Sa voix est étonnement douce même si je perçois plus un murmure qu'une voix claire. Elle m'offre une seconde chance... Mais, n'en ai-je pas eu assez, des secondes chances ? Et c'est étonnant... Il y a quelques heures je voulais vivre... Mais, maintenant que la Faucheuse en personne me le propose, je me dis que ce serait de la triche. Pourquoi moi et pas quelqu'un d'autre ? Je ferme les yeux à nouveau, avant de les rouvrir quelques secondes plus tard. Elle est encore là... Je le savais. Je me résigne et prononce dans un souffle :

"Je noue un lieu avec la Mort...

- Et romps ton pacte avec la Vie."

Je referme les paupières. J'entends un murmure d'une douceur extrême... Le métal touche mon front. Tout s'enchaine : toute ma vie défile devant mes yeux. Je revois une dernière fois la Joie, l'Amour et l'Amitié avant qu'elles ne s'enfoncent dans le trou noir qu'est ma vie. Toute ma tristesse, mes doutes et ma tristesse me submergent et c'en est trop. Je pleure, pleure, pleure, pleure et pleure encore. Un torrent de douleur, une avalanche de doutes et une cascade de tristesse s'abattent sur mes épaules. Je hurle et tout s'arrête. J'entends le "bip" affolé de la machine qui me maintenait en vie, puis les pas précipités des infirmiers, les hurlement du médecin puis plus rien. Tout est fini.

Je suis morte.


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