Avec le ciel comme seul témoin

Je connais mot pour mot la lettre que je t'ai écrite.

Marc,

Écoute-moi, je t'en supplie. Je sais que tu l'aimes cette fille... Je sais que je ne suis plus rien pour toi... Mais je sais aussi à quel point nous étions amis, en maternelle puis jusqu'au CE2. Tu te rappelles, quand j'ai du déménager, à cet âge là ? Tu m'en voulais tellement qu'on s'est disputés. En te quittant je t'ai crié trois mots... Ce n'était pas ceux que je voulais mais ce sont eux qui sont venus.

"Je te hais !"

Mais j'ai ensuite pleuré toute la soirée. Je ne voulais pas partir ! Tu n'imagines même pas ma douleur... J'ai rêvé de rester, j'ai imaginé mille et une astuces pour rester avec toi. Je ne demandai finalement que quelques secondes le temps de te dire pardon. Je n'ai pas pu, nous sommes partis très tôt, tu n'étais pas encore levé. J'ai crié, j'ai hurlé pour te réveiller. Mais le camion est parti. J'ai regardé par la fenêtre et tu étais là, en pyjama, sur le palier de chez toi encore à moitié endormi. J'ai  crié ton nom, au lieu de te demander pardon.

"Marc !"

Tu m'as vue. Mais c'était trop tard, le camion quittait l'avenue. Tu as couru mais ton pyjama t'a fait tomber. Je t'ai perdu de vue. J'ai replié mes genoux et baissé la tête pour pleurer. Une brèche dans mon cœur s'est ouverte à ce moment là. Quelle n'a pas été ma surprise quand je t'ai revu en 4° ! Mais, comme moi tu n'avait pas oublié mes paroles :

"Je te hais !"

Nous n'avons pas retrouvé notre amitié d'antan, mais, au cœur de la brèche se formait une nouvelle sensation, jusque là inconnue. Il reste une semaine avant la fin de notre année de 3°. J'ai mis tant de temps à comprendre... Il reste une semaine. Il me reste une semaine pour te faire parvenir cette lettre. Je l'ai confiée à l'une de tes amies. J'espère qu'elle arrivera à destination. Marc, ce samedi, je serai au parc du Printemps, Chemin des Tulipes. J'y serais et c'est la que tu connaîtras ces trois mots que je voulais tant te dire.

Tous mes espoirs dans cette lettre,

Sonia.


Et c'est ainsi que je l'ai attendu, au bout du Chemin des Tulipes. A six heures du soirs, il n'était toujours pas là. Il ne viendrait pas. C'était fini. J'avais perdu. J'ai mis mes mains sur mes yeux et j'ai pleuré. J'étais là, seule sur un banc au fin fond du Chemin des Tulipes, ressentant, plus vive que jamais, la brèche dans mon cœur. Puis, ce chuchotement m'est parvenu. J'ai d'abord cru au bruissement des feuilles puis je l'ai entendu distinctement :

"Sonia !!!"

Je me suis redressée, les yeux brillant d'espoir.

"Marc !!!"

A ce moment là, j'ai arrêté de réfléchir : il était là ! Je me suis élancée dans l'allée, tout en hurlant son nom. Il me répondait. Je l'ai finalement vu, là-bas, à l'horizon, silhouette qui traversait le chemin à toute allure. J'ai tapé le plus grand sprint de ma vie vers lui. Je me suis jetée dans ses bras et, avec le ciel comme seul témoin, je t'ai embrassé.

Alors je te les ai murmurés à l'oreille, ces trois petits mots de rien du tout :

"Je t'aime."

Il m'a répondu d'une voix douce et claire :

"Je ne t'ai jamais détesté."

Et c'est alors que j'ai senti, pour mon plus grand bonheur, la brèche se combler. Grâce à l'Amour avec un grand "A", je serais heureuse.

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