Chapitre 1
Sébastien ouvrit les yeux. Cela faisait bientôt vingt-cinq ans qu'il habitait dans cette maison, dormait dans ce lit. Sébastien avait quarante-quatre ans. Il était humain. Les humains et les mutants, mi humains, mi animaux (se manifestant généralement par les oreilles et la queue, sauf chez les oiseaux qui n'avaient que les ailes de distinctif) s'entendaient à merveille et se considéraient à égalité, même s'il y avait quelques légères discriminations ou racisme de la part de certains rares individus. Il avait emménagé ici quelques années après ses vingt ans. Il avait vécu près de trois ans seul, sans compagne, sans enfant, sans personne.
Le réveil sonna. Sébastien se leva et se dirigea vers la salle à manger, dans laquelle il se servit un petit déjeuner et s'en alla vers sa chambre. Il s'habilla et se rassit sur son lit.
Il n'avait pas eu besoin de compagne pour avoir un enfant. Son histoire sortait du commun. Elle aurait pu s'illustrer parfaitement dans un livre, ou un film... Mais la vie n'est pas qu'un simple scénario. Il y a près de vingt ans de cela... Non, il y a exactement vingt ans de cela ; le jeune Sébastien marchait dans la rue sombre, sous la pluie. Il entendit soudain un hurlement. Celui d'un enfant. Il aperçut alors un enfant, un nourrisson même, dans une grosse poubelle. Pris d'horreur, il l'emmena. Il pensait d'abord l'amener à un orphelinat, mais celui-ci étant fermé la nuit, il garda l'enfant. Il pensait ne le garder que quelques jours, mais il prit plaisir à s'occuper de l'enfant. Mais ce n'est pas pour cette raison qu'il ne l'amena pas à l'orphelinat.
Pendant la nuit, l'enfant se mit à pleurer. Sébastien accourut. Mais ce qu'il vit le frappa d'horreur. L'enfant était couvert de plumes et portait au bout de ses doigts des serres immenses. Des serres d'aigle. Cet enfant était un monstre. Sébastien voulut s'en éloigner, mais il réfléchit. Ce n'était qu'un innocent nourrisson. Élevé dans la haine, abandonné de tous, il apprendrait la colère et la guerre. C'est en étant rejeté qu'il deviendrait dangereux. Sébastien s'approcha alors de lui et, après un instant d'hésitation, le prit dans ses bras et le consola. Il ne pouvait l'amener à l'orphelinat. Ils le rejetteraient, le tueraient peut être. Sébastien décida alors de garder l'enfant jusqu'à ce qu'il soit en âge de se débrouiller seul. Et voilà comment Sébastien devint papa sans jamais avoir été en couple de sa vie d'adulte.
Aujourd'hui, Sébastien vivait toujours avec le jeune Chasseur, qui avait vingt ans. Il le considérait comme son fils et l'avait nommé lui-même. Le jeune homme s'était épanoui dans le journalisme. Il avait désormais de longs cheveux blonds-dorés et des yeux bleus clairs, comme un ciel dépourvu de nuages. Le jeune homme savait très bien qu'il était différent, mais il ne le montrait pas et s'entendait très bien avec ses amis, son entourage. Personne à part Sébastien ne savait son secret.
Sébastien, revenant à lui, se rendit compte qu'il était de nouveau allongé. Il se redressa et sortit de sa chambre. Il entendit la porte d'entrée s'ouvrir. Il était déjà midi ? Sébastien n'avait pas vu le temps passer.
-Chasseur... Tu es déjà rentré... Je n'ai pas vu le temps passer...
-Salut ! C'est qu'une matinée, ça passe vite ! Si jamais, j'ai fait les courses.
-Ah, merci, Chasseur. Ta matinée s'est bien passée ?
-Oui, super, merci. Et toi ?
-Bah en fait... J'ai pas fait grand-chose et puis... J'ai dû me rendormir...
-Bah, c'est rien ! Tu es toujours vivant !
-Oui.
-Je vais aller faire un tour en ville, cette après-midi. Tu viens avec moi ?
-Oui, j'ai rien à faire. Ça me tue de me sentir inutile comme ça !
-Mais tu étais trop fatigué, tu as bien fait de prendre quelques jours de congés.
-Oui.
Chasseur fit volte-face. Ses longs cheveux d'or volèrent comme attirés par une force invisible. Sébastien regarda le jeune homme, son fils. Il était plus grand que lui, désormais. Ses grandes ailes brunes ciselaient son dos.
Après un long repas, les deux hommes sortirent et marchèrent jusqu'à la ville. Ils s'engouffrèrent dans une rue remplie de grossiers étalages. La foule grouillait entre les étalages poussiéreux et des marchands barbus, enroulés dans de grossiers tissus essayaient de vendre des articles miteux qui valaient le quart de leur prix aux touristes naïfs.
Chasseur n'aimait pas trop ce quartier aux allures misérables, mais il devait se rendre dans un chantier, derrière l'allée poussiéreuse. Sébastien pourrait regarder les articles, et puis, il n'aimait pas être seul.
Sébastien se doutait bien que Chasseur n'était pas venu ici pour faire les boutiques. Mais ce n'était pas grave. Les deux hommes parlaient et Sébastien n'aurait pas aimé rester seul toute l'après-midi à ne rien faire. Soudain, son téléphone sonna.
-Allô ?
-Oui...esoin...lie...amb...
La voix qui provenait faiblement du téléphone était celle d'un homme.
-Oui, j'arrive tout de suite. On m'appelle, je dois y aller, je reviens.
-D'accord, à tout à l'heure !
Et Chasseur se retrouva seul, seul dans la masse informe de touristes et de marchands le poussant de tous côtés pour se faire leur place. Il se mit alors en marche, écartant difficilement les hommes et les femmes qui ne voulaient pas céder leur place. Il parvenait enfin à avancer un peu, quand quelque chose le bouscula. Il ne tomba pas, rattrapé par la foule compacte. Il se redressa et aperçut celle qui l'avait renversé. Ou plutôt celle qu'il avait renversée. La jeune femme était à terre. C'était un chat, avec des cheveux noirs et des yeux vert émeraude. Elle jetait des regards affolés de tous côtés et tenta de se relever. Chasseur lui tendit la main pour l'y aider. Elle la saisit et s'y appuya lourdement.
-Vous allez bien ? Je... je suis désolé...
Chasseur n'obtint pas de réponses de la jeune inconnue. Elle avait peur, sa respiration était saccadée et elle regardait d'un air anxieux la foule dense où un intrus semblait se cacher pour la surprendre. Chasseur fut pris de stupeur en constatant qu'elle était blessée à la jambe. Comment avait-elle pu courir aussi vite en étant blessée ? L'adrénaline, sûrement. Voyant l'état de santé et d'inquiétude de la jeune femme, Chasseur renouvela sa question.
-Vous allez bien ? Qu'est-ce qui vous arrive ?
Elle se tourna subitement vers lui, et articula difficilement :
-Ai...aidez... moi...
-Qu'est-ce qui vous arrive ? Vous habitez où ? Vous voulez que je vous emmène à l'hôpital ? C'est pas très loin !
-N...non... Ils... ils veulent...
-Vous feriez mieux de vous faire soigner, votre jambe pourrait d'infecter, vous pourriez en mourir, si vous ne soignez pas ça. Vous...
-ME TUER...
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