Au détour d'un couloir
J'ai un peu honte de l'avouer, mais je n'eus aucun mal à trouver le sommeil. Arrivé chez moi, je m'écroulai dans mon lit et m'endormis comme un bébé. Point. Le lendemain fut une autre affaire.
Après avoir rangé dans un recoin sombre de mon esprit l'image de cette fille pleurant sur le bitume et refoulé tout sentiment de honte et de culpabilité, je pensais obtenir la paix. Je pensais continuer ma vie comme je l'avais toujours fait.
Mais le lendemain, je me rendis compte que mes yeux balayaient furtivement chaque recoin de mon lycée. Je cherchais malgré désespérément quelque chose. Ce quelque chose, c'était elle.
Le matin, j'avais eu un long débat intérieur avec moi-même, au sujet de la procédure à suivre pour continuer de vivre légèrement heureux. Même si une partie de moi s'inquiétait pour la fille et avait envie de me donner des coups de poings à m'en déchirer le visage, l'autre partie avait conclu qu'il fallait seulement oublier le triste évènement et continuer. Toujours continuer. Après tout, il était trop tard. Ma culpabilité ne changerait en rien sa souffrance. Mieux valait qu'elle soit la seule à être triste plutôt que je me greffe à un chagrin que je ne méritais pas de partager.
Evidemment, la partie humaine de mon esprit en avait décidé autrement. Voir cette fille n'était pas un désir, mais un besoin. Je devais la voir, m'assurer qu'elle allait bien. Allait-elle parler d'hier soir à ses amis ? Garderait-elle le sourire ou afficherait-elle son désarroi ? Comment serait-elle, une fois éclairée par l'horrible lumière du jour ? Il me fallait des réponses. Moi qui ne connaissait cette fille que pour l'avoir croisé dans les couloirs, je devais désormais tout savoir d'elle. Je n'ai jamais pu comprendre pourquoi j'avais eu besoin, par la suite, de toujours garder un œil sur elle, comme un ange gardien en retard.
Elle finit par m'apparaître au détour d'un couloir, furtivement, de manière presque irréelle. Ce n'est qu'un petit bout d'elle que j'aperçus : des cheveux blonds ondulés qui passent, une basket abimée, un vieux sac à dos, un éclat de rire. Je suis sûr que le dernier de la liste ne lui appartenait pas.
Ce fut le seul moment de la journée où je la vis, bien que mes yeux l'aient cherchée longtemps encore. J'avais obtenu ce que je pensais vouloir : elle était entière, elle avait survécu. Mais au fond de moi, je savais qu'elle avait peur de rentrer seule le soir maintenant. Et je la voyais clairement devant moi, bien que ce ne soit qu'une vicieuse image de mon esprit, rasant les murs, actionnant ses petites jambes à grande vitesse pour arriver plus vite à la maison, un grand cri coincé dans la gorge. J'entendis un craquement. C'aurait pu être mon cœur mais ce n'était qu'un stylo sur lequel je venais de marcher.
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