J'ai pensé naïvement qu'après cela, tout reviendrait à la normal. 

A la place, tout s'est embrouillé, les ingrédients de ma vie, aussi délicieux puissent-ils être séparément, s'étaient mélangées pour former une bouillie visqueuse et écœurante. Plus rien n'allait déjà plus, mais je me persuadais du contraire, parce que le malheur, c'était pour plus tard. Je n'avais pas envie de voir, je n'avais pas envie de changer, je n'avais pas envie d'aller mal alors j'ai décidé que cette immonde bouillie qu'était ma vie, cette pâte grumeleuse, était ce qu'on pouvait faire de mieux en matière de cuisine. Pour résumer, je me suis accommodé, comme tout le monde le fait avec sa propre bouillie.

Un jour, une amie de Phoebe, celle que je supporte le plus, m'a trouvé et a attrapé par le col. 

"Je te préviens, si tu fais souffrir Phoebe, j'te démonte."

J'ai été étonné de l'agressivité qui pouvait sortir de cette chose aux cheveux bien coiffés. Je n'ai rien répondu sur le coup, sans comprendre pourquoi elle avait surgi d'un coup et m'avait bondi dessus. Je ne savais pas que les chatons aussi avaient des griffes. Sur le moment elle m'a fait un peu peur. 

" Bien sûr que non, pourquoi tu me dis ça ?"

Je ne comprends pas cette manie qu'ont les gens de faire des histoires à partir de rien. Est-ce une manière de rendre les choses plus réelles ? Est-ce que les choses peuvent exister si elles ne posent pas de problèmes ? 

"Parce que je n'aime pas quand les garçons comme toi s'approchent d'elle."

Cette intervention m'a fait prendre conscience d'une chose essentielle. Maintenant, Phoebe et moi existions, du moins en tant qu'ensemble. 

" Des garçons comme moi ?"

"Des lâches."

La fille m'a lâché et est partie. Je n'ai jamais su ce qu'elle essayait de me faire comprendre. Etait-ce une injonction à disparaître de la vie de Phoebe ou enfin d'oser y prendre part ? Parce que si quelque chose m'effrayait, c'était d'entrer dans le vie de Phoebe, de faire parti du chaos qui la composait et surtout de me faire aspirer au cœur de son cyclone, sans aucune chance de m'en échapper.