Chapitre 3: Le piège
Ce qu'en disait Felicity :
Foxy dut sentir mon appréhension, puisqu'il posa sur mon épaule une patte qui se voulait rassurante et dit :
- Ne t'inquiète pas, j'étais déjà voleur de poules avant de savoir trotter.
Je tentai de lui sourire, de montrer mon assurance, et d'affirmer ma certitude que tout allait bien se passer. Le résultat fut... mitigé. Je n'étais pas du tout sûre de l'issue de cette aventure, et Georges me connaissait trop bien pour ne pas le remarquer.
Je parviens malgré tout à vaincre mon appréhension, et nous nous élançons. Tout d'abord, il s'agit de passer un petit muret de pierre. Pas de problème. La seconde partie du parcours du combattants, comme j'aime à l'appeler, est la partie pas évidente. L'un d'entre nous doit se faufiler dans le trou sous le grillage électrifié, creusé par Georges et moi il y a très longtemps de cela, mais que Bean n'a jamais remarqué, passer les fils barbelés, se glisser sous le crève pneu et ouvrir le loquet de la clôture, le tout sans déclencher aucune des alarmes. Aujourd'hui, c'est Georges qui s'y colle. Il réussit parfaitement, comme nous le faisons toujours. De toute façon, ce genre d'entreprise implique un sans-faute obligatoire. Nous n'avons pas le droit à l'erreur. La plus petite étourderie et nous sommes morts. Il m'ouvrit donc la porte, et la referma derrière moi, afin que notre passage ne laisse aucune trace.
Nous entrâmes ensuite dans le pigeonnier. Quatre coups de crocs, quelques envolées de plumes, et nous voilà chacun en possession de deux ramiers soigneusement glissés dans un sac de jute jeté sur nos épaules.
Il s'agit maintenant de faire le chemin inverse, sans se faire remarquer et tuer, de préférence. Tout d'un coup, Georges se figea, ayant remarqué quelque chose qu'il ne voyait pas d'ordinaire. Il s'agissait en l'occurrence d'une chaîne qui pendait devant la sortie.
-Tiens qu'est-ce que c'est ? Tu crois que c'est un piège à renards ?
-Allez viens, ne restons pas là, répondis-je, nerveuse
Mais Foxy continuait à observer l'engin l'air intéressé.
- Un ressort. Oui, il est tendu par un ressort... Oh oui, j'ai compris. Si l'on arrive de là bas et que l'on se tient devant l'entrée du pigeonnier, ce petit gadget déclenche visiblement ... ne reste pas là, chérie, c'est pile l'endroit où il va tomber.
Je le rejoignis et le tirai par la manche.
- Arrête, on s'en va !
Mais il ne m'écouta pas et tira sur la chaîne. Une grille de fer tomba avec fracas juste devant nos pieds. J'étais affolée, et Foxy parfaitement calme, comme s'il n'avait pas conscience du danger que nous courions.
- Non, en fait il tombe tout droit. Vfuuuuuut, dit-il, accompagnant ses mots d'un geste de la main. Il ne doit pas être tendu par un ressort.
- Attends Foxy, t'es sérieux là ? Est-ce que tu te rends compte qu'on est piégés et qu'on va sans doute mourir demain, dès que Bean nous aura trouvé là !!
- Calme-toi, tu vas finir par te prendre une décharge, me répondit-il.
En effet, sur mon cou, le voyant, ordinairement vert, de mon collier anti-prédateur était passé à l'orange. Je respirais un grand coup. Me prendre une décharge ne nous sortirait pas de là.
Je jetai un coup d'œil à Foxy. Il se grattait le museau d'un air concentré. Quelques secondes passèrent ainsi, puis il s'exclama soudain : « Je sais !»
Il se tourna alors vers moi et me demanda :
-Qu'est-ce qu'un renard sait faire le mieux ?
-Qu'est-ce que tu racontes ?
-Creuser ! Aucun animal, aucune machine, ne creuse plus vite qu'un renard !
Sans attendre de réponse il se mit à creuser, je l'imitais et tous deux nous creusâmes, coup de pattes après coup de pattes, à fouiller la boue et les cailloux, nous éloignant chaque minute un peu plus de Bean, de son piège, de ses menaces. Au bout d'une grosse dizaine de minutes, nous étions dehors, hors de portée pour Bean, ses gardes, ses fusils. Nos sacs contenant nos prises sur l'épaule, nous nous enfuîmes au pas de course. Nous ne nous arrêtâmes qu'une fois arrivés à côté d'une clôture. Une simple clôture de fil de fer, des plus banales qui soient, du moins à première vue. Car si l'on s'arrêtait un instant, et que l'on tendait l'oreille, on entendrait un léger grésillement. Et l'on comprendrait tout de suite : cette barrière sépare le district 15 de la forêt. Et elle est électrifiée à haute tension. Ce qui signifie, que l'imprudent qui tenterait de passer par-dessus en l'escaladant, comme on le fait pour n'importe quelle clôture de fil de fer, risquerait d'être gravement blessé, voire mort. Voilà pourquoi je ne passe jamais par-dessus. Je préfère passer par-dessous. Une partie de cette clôture est en effet bordée d'épais buissons de buis et de forcycias qui empêchent en partie le courant de passer et empêchent surtout les pacificateurs de trop voir ce qu'il y a en dessous. Un tunnel par exemple.
Il y en a bien un, creusé il y a bien longtemps par le vieux Jacques, du temps où il avait notre âge et où le bracelet ne l'empêchait pas de passer la frontière, et aménagé par nos soins, à Georges et à moi. Nous l'avons consolidé, et surtout, nous nous sommes attelés à le dissimuler au mieux.
Mieux vaut pour nos qu'il ne soit pas découvert. Tout le district 15 se souvient d'Emile et de Victor, les deux petits-fils du vieux Jacques. Moi plus que tout autre. Comment pourrais-je les oublier ? Ils étaient pour moi des amis, des camarades. Nous chassions ensemble. C'est d'ailleurs avec eux que j'ai commencé à chasser, lorsque la famine m'a poussée à m'aventurer au-delà des frontières légales du district.
Je venais tout juste d'avoir neuf ans, et était donc trop jeune pour prendre des tessaers. Ash, la plus jeune de mes sœurs, n'avait alors que trois printemps, et mon père venait de perdre son travail. Ma mère ne pouvait seule assurer le couvert à toute la famille. C'est ce qui m'avais décidée à prendre ce risque. Je les avais rencontrés là-bas et nous nous étions rapidement liés d'amitié. Ils m'avaient appris à chasser, à me fabriquer un arc, à pêcher au harpon ou à la ligne dans la petite rivière qui coule à travers la forêt, à poser des pièges, et à repérer le passage d'un animal à la trace, toutes ses sciences infiniment précieuses pour la survie qu'eux-mêmes tenaient de leur grand-père, leur seule famille depuis la mort de leurs parents. Par la suite, Georges nous rejoignit, et nous chassâmes à quatre. Nous étions heureux. Heureux d'être dans la forêt, heureux d'être amis, heureux de chasser, et heureux de nourrir nos familles.
Malheureusement, le bonheur est une chose bien éphémère, surtout dans les districts pauvres où l'on vit dans l'inquiétude constante, sans avoir jamais moyen de savoir de quoi demain sera fait. Victor et Emile furent un jour arrêtés par des pacificateurs avec leurs prises dans leurs sacs. Leur compte était bon. Aller en forêt est illégal, y chasser plus encore. Ils furent tous deux exécutés.
Tout le district sait comment ils ont été démasqués. C'est d'ailleurs depuis ce jour que j'accompagne Georges lorsqu'il va prélever quelques volailles dans les poulaillers de Mr Bean. Chaque poule, chaque dindon, chaque pintade, chaque pigeon que je lui dérobe ne sont pas pour moi qu'un moyen comme un autre de remplir les assiettes de ma famille. C'est aussi un peu un moyen de venger leur mort. Comme tout le district, je sais qui les a dénoncés aux pacificateurs, qui les a vendu.
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NDA: Petite question: Quel est pour l'instant votre personnage préféré entre Georges et Felicity?
NDA: La suite est prévue pour les vacances de Pâques, sauf si j'arrive à finir le chapitre 4 avant la fin de la semaine. Aux prochaines vacances seront normalement postés les chapitres 4; 5 et peut être 6.
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