Chapitre 13: Qu'une planteuse de carottes ?
Ce qu'en disait Hope :
Je fais aussi longtemps que possible de grands signes à mes frères et essaye de les regarder par la fenêtre aussi longtemps qu'il m'est possible. Je n'ignore, hélas, pas qu'il est fort probable que je ne les revoie jamais, et c'est le cœur lourd que je me résigne, lorsqu'ils ne sont désormais pour moi que de minuscules points à l'horizon, à me détourner de la vitre et à m'asseoir sur la banquette en face du jeune renard.
Celui-ci est en train de manger une pomme. Je remarque alors, une une tablette en face de nous une corbeille de fruits. Le renard la pousse vers moi et demande :
« Pomme, poire, raisin, abricot, banane, orange, pêche, mandarine ? »
« Je n'ai pas faim, merci », répondis-je d'une voix qui sonnait étrangement à mes propres oreilles.
Le jeune renard me regarde d'un air sérieux, mais qui laisse voir une petite pointe de malice. Il finit par répondre : « Si tu ne t'alimente pas maintenant que c'est possible, comment feras–tu dans l'arène ? ». Je le regarde d'un œil las, un peu maussade. Voir ainsi mes frères et mon père disparaitre ainsi à l'horizon a révélé une tristesse et des peurs qui avaient été jusque-là masqués par la détermination, dans le feu des évènements. Je lui fais remarquer que ce n'est pas très sympathique de me rappeler dès maintenant notre mort prochaine.
« Fuir ou nier les problèmes ne les résous pas », déclare t'il, « regarder les choses en face et te battre jusqu'au bout est la meilleure chose à faire dans un cas comme le nôtre. » Son regard sérieux se change soudainement en un sourire malicieux. « Pas vrai, Carotte ? » ajoutes t'il. Sa remarque me fait me relever d'un bond.
- Comment m'as-tu appelé ?
- Carotte. Tu es bien une lapine, ou j'ai fait erreur ?
- Et donc, comme je suis une lapine, tu te sens obligé de m'affubler d'un surnom ridicule ?
- Tout à fait. C'est exactement cela !
Je me lève brusquement. Un aveugle remarquerait la colère dans mon regard, tellement forte et visible est mon envie de lui sauter à la gorge.
« Tu es très mignonne quand tu t'énerve.», ajoute t'il comme pour aggraver son cas, un sourire railleur aux lèvres.
Je suis à deux doigts de lui sauter à la gorge et de le tuer là, maintenant, sur place, mais je suis malheureusement interrompue par l'arrivée d'Emilie Tankers.
Elle a changé de robe, pour une raison qui m'est inconnue, et porte désormais une longue jupe et une veste sans-manches indigo, avec un chemisier blanc orné de dentelle, lui-même rehaussé d'un collier de perles dont la blancheur éclatante indique un prix si élevé que les porter en public dans les rues des districts pauvres relevait de l'insulte, ce dont, cependant les hôtesse de district ne se privent pas lors de la moisson.
« Tout va bien, mes chéris ? » demande t'elle
Sa voix trop aiguë, là encore, ainsi que la constante sottise, niaiserie, inutilité de ses paroles augmentent encore ma colère. Je m'apprête à lâcher une réponse cinglante, mais le renard me devance une fois encore et déclare calmement :
« Tout va bien, nous faisions juste plus ample connaissance. »
- Vous feriez mieux de réfléchir à une stratégie de survie plutôt qu'à perdre votre temps à de pareilles futilités. fait remarquer une voix
Je remarque alors l'animal qui suit Emilie. Quoique ne le connaissant pas personnellement, il est suffisamment célèbre pour que je n'aie pas besoin de beaucoup de temps pour l'identifier : il s'agit d'Hector, le seul survivant des Jeux du district 15, et également notre mentor.
Le regard à la fois sombre, et légèrement hagard, son pelage en bataille, son habillement négligé, tout indique que la réputation de dépressif et d'alcoolique du loup à crinière n'est pas totalement surfaite.
Son regard scrutateur passe sur nous, nous jaugeant. Il observe tout d'abord le renard, qui parfaitement décontracté, mange sa pomme et lui sourit. Il paraît plutôt satisfait, quoi que sa satisfaction semble, bien, il faut le dire, assez modérée. Pas un sourire ne s'affiche sur son visage. Cet animal ne semble pas, de toute façon, être particulièrement souriant, et facile à satisfaire.
Son regard se pose sur moi, et la faible étincelle d'estime qui s'était allumée en face du prédateur, disparait totalement pour laisser aussitôt place à un regard lourd de mépris.
- Ainsi, c'est ça, la « courageuse volontaire du district quinze ». dit'il d'un ton froid et condescendant
Il me regarde de haut en bas avant d'ajouter :
- Une lapine aux Hunger Games, on aura tout vu...
Son mépris affiché à l'égard de l'espèce à laquelle j'appartiens fait monter ma colère. Mon ton ne la masque en rien lorsque je prends la parole.
- Oui je suis une lapine. Parfaitement. C'est un problème peut-être ?
- Ecoutes gamine, les Jeux de la Faim ne sont pas une aire de jeux pour enfant. Tu as peut-être cru que c'était drôle de se retrouver sous les feux des caméras. Sauf que non. On ne t'a pas fait venir ici pour te photographier dans des robes à paillettes. On t'a fait venir ici pour que tu crèves dans une arène devant un public qui s'en fous que tu meures, du moment que tu meures de manière un peu spectaculaire. Bienvenue dans la vraie vie, fillette.
- Je sais que les Jeux comportent du danger, je vous remercie. Inutile de me parler comme à une demeurée mentale.
- Ah ? Parce que ce n'est pas ce que tu es ? Pardonnes moi, j'ai dû faire une erreur. Mais, si tu n'es pas une demeurée, qu'est-ce que tu es, alors ?
- Mon nom est Espérance June.
- Stupide comme nom. Ce n'est pas parce que l'on s'appelle « Espérance » que l'on n'est pas un cas désespéré.
- Mais qu'est ce que vous en savez, que je n'ai aucune chance !
Il éclate d'un rire condescendant et j'ai très envie de lui éclater la figure.
- Petite, est ce que tu as une idée de ce à quoi ressemble l'arène, ou bien tu veux une petite description juste pour voir ? Enormes carrières surentrainés. T'est morte, planteuse de navets ! Animaux rendus agressifs et cruels par la douleur, la peur, le désespoir ! T'est morte (et dans d'atroces souffrances), fille de ferme ! Ecosystèmes impitoyables, montagnes aux précipices abrupts, déserts brûlant, sables mouvants, avalanches, banquise glaciale, tempêtes de sable, arène entièrement inondée... T'es morte cul de coton ! Pièges de toute sorte, serpents et insectes venimeux, nourriture empoisonnée ... T'est morte face de carotte ! Faim ! Soif ! Froid ! Maladies ! T'est morte ! Morte ! Morte ! Morte !
- Je peux me défendre.
- Non, tu ne peux pas. Il n'en reste qu'un à la fin, planteuse de carottes.
- S'il n'en reste qu'un, je serai celle-là.
- Aucun lapin n'a jamais survécu aux Hunger Games.
- Très bien, je serai la première.
« Au lieu de se chicaner pour savoir s'il y a, oui ou non, une chance pour nous de nous en sortir vivant, cela serait peut-être mieux d'essayer justement, de tout faire pour nous en sortir. » nous interrompt calmement le renard, qui semble loin d'être un imbécile.
L'ancien vainqueur se tourne vers le renard, une expression indéchiffrable sur le visage. Est-il intrigué du calme du renard, agacé qu'il l'ait interrompu ou bien voit-il du potentiel dans cette relative insolence ? Impossible à dire.
« Alors, autant commencer par le commencement : voir qui seront nos futurs adversaires. » conclut-il en allumant la télévision.
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