Booba feat Max la Bomba
Max entendit son nom retentir, rebondissant contre les parois de la piscine vide. Il tressaillit : là, ça allait vraiment très mal...
Premièrement ; parce qu'il n'avait rien eu le temps de comprendre et que son pauvre cerveau était dans un état de surchauffe avancée. Deuxièment...il n'y connaissait strictement rien en rap ! Il finit par se persuader que ce n'était qu'une simple battle, un jeu stupide et insignifiant ; et cela lui suffit pour un certain temps. Même lorsque son adversaire s'avança dans l'arène, il ne put se dire que cette affaire était on ne peut plus sérieuse pour les habitants du camp de vacances.
Évidemment, l'adversaire en question n'aurait jamais réussi à paraitre sérieux plus d'une minute. Sa Majesté Booba le Roi pénétra dans l'arène sur fond musical rappelant les films de péplums, le silence se fit lorsque Booba traversa la foule qui se sépara, tel la mer, en deux parties sur son passage.
Du haut des gradins, Roméo et les autres échangèrent de rapides coups d'oeil pour s'assurer qu'ils n'étaient pas les seuls du groupe à se poser des questions. Leurs visages exprimaient un certain scepticisme, certes la musique avait une classe indiscutable, l'aura de Sa Majesté Booba semblait agir sur la foule et l'air ambiant...le seul problème, c'est qu'on ne le voyait pas ! Sa Majesté Booba, Roi de la Piscine et du camp de vacances semblait invisible, du moins, il ne dépassait pas, on ne voyait, de là-haut, qu'une minuscule tâche colorée suivit d'un chariot sombre. Cela semblait plutôt étrange...
En bas, dans sa piscine, Max déglutit péniblement quand l'ombre de Booba s'étendit sur la piscine, c'était impressionnant...ou peut-être pas ! Il hésita, la silhouette avait quelque chose d'anormal, elle paraissait plus large et écrasée que de nature...Sa peur se mua en fou rire quand La Majesté Booba en question se dressa enfin au bord du bassin. L'impressionnant Roi mesurait tout au plus 154 centimètres, l'énorme masse de cheveux couronnant son visage comprise, le tout en centimètres pour tenter de rendre le nombre plus important. Mais ce qui acheva Max pour de bon, ce fut cet instant ou il parvint à identifier l'énorme dispositif suivant le roi : un gigantesque projecteur lumineux monté sur une estrade ou se dressait Booba, la machine infernale comprenait quatre roues et on pouvait apercevoir, à l'arrière du projecteur, deux personnes s'acharnant sur un de ces double-leviers fixés sur les chariot de mines. L'ombre n'était aussi impressionnante que pour la simple raison que Booba se tenait juste devant le projecteur. Et lorsqu'une échelle fut lancée vers le fond de la piscine où Max mourrait lentement mais sûrement de rire en se tortillant, le ridicule atteint un point de non-recul : Sa Majesté Booba descendit de l'estrade. Le pire était arrivé, Max s'écroula, agité de soubresauts. L'ombre disparut, Booba ramassa le bas de sa cape royale et la coinça dans sa couronne, lorsqu'il se retourna, la cape formait une sorte de voile surmontée d'un nid...en vérité, la seule image qui traversa l'esprit enfiévré de Max Tupper à cet instant fut celle de la reine Victoria sur l'un de ces vieux tableaux représentant la reine d' Angleterre, ce qui n'arrangea rien à son état . Booba se dirigea vers l'échelle et descendit les barreaux en se dandinant pour dégager ses mains des larges manches de son sweat-shirt.
Il parvint à achever sa laborieuse tâche et à l'instant où sa semelle de basket effleura le carrelage de la piscine, la musique cessa pour laisser le relai à un faisceau lumineux qui suivit le roi jusqu'au centre du bassin où il s'immobilisa. Max prit enfin conscience de l'ampleur du cirque dans lequel il avait accepté de jouer. Sa Majesté n'avait rien trouvé de plus élégant que de s'affubler, en plus de sa cape rouge à fourrure dans laquelle il disparaissait, d'un sweat-shirt vert où il nageait et d'un leggings bleu, sans compter l'énorme radio-réveil qui pendait autour de son cou et le plumeau symbolisant un sceptre. Booba devait avoir le même âge que Max ou Polanski et son visage était le plus sérieux du monde, comme si cette mascarade n'avait absolument rien de curieux et que tout avait toujours fonctionné de manière aussi folle.
Un grincement attira l'attention de Max, il leva la tête pour voir un micro descendre par le biais d'une poulie, comme une canne-à-pêche fixée au bord de la piscine. Booba s'empara du micro et respira profondément avant de rugir dans l'appareil, frôlant le larsen :
"- CHERS AMIS, PEUPLE DU CAMP ET AMOUREUX DE LA MUSIQUE, REINE GUIDANT NOS VIES....BONJOUR-BONSOOOOÂÂaaaarrrr !!
La foule gronda en retour, tapant des pieds et des mains, hurlant, faisant trembler les gradins. Le phénomène était ahurissant quand on savait quel individu le provoquait.
Booba reprit plus calmement, lorsqu'il eut rapidement rétabli le silence.
- Ce soaâr, nous avons...UN CHALLENGER !! MES AMIS, quelqu'un a trouvé, et je lui dis "respect, mon frère", le COURAGE, la FOLIE...de venir M'AFFRONTEEEEER !!!
Il saisit Max par l'épaule et lui demanda son nom, ponctuant la question par un fameux "Mon frère" bien placé.
Il reprit le micro pour conclure avec force.
- AND NOW, MY DEEEAAAAR FRIENDS...let's applaudirrrr...euh, t'as dis comment déjà, mon frère ? Ah, ouais c'est ça...Max Tupper...SOoo and now, MOI, VOTRE VÉNÉRÉ ET BIEN-AIMÉ ROÂâaa, vous demande d'accueillir dignement votre nouvel outsider...un tonnerre d'applaudissements pour MAX LA BOMBAAAAAAAAAAAAaaaa !!!!"
Le volume sonore explosa d'un bout à l'autre des gradins, chacun hurlait son excitation, les paris volants par dessus les têtes de même que les mots d'amour et les noms d'oiseaux. Un vent de folie douce se répandait autour de Roméo. Jamais il n'aurait pensé voir un tel déchaînement d'humeurs diverses et variées dans sa vie...et honnêtement, il aurait peut-être plus apprécié si cela ne s'était jamais produit. Mais comme le laissa échapper Maddie, avec élégance, à ses cotés, "Ah...si la folie n'existait pas, qu'est-ce qu'on se ferait chier !"
La voix du commentateur surgit hors des énormes baffles bordant l'arène :
"- CHER PUBLIC, même si vous n'en avez rien à foutre, LAISSEZ MOI VOUS RAPPELER LES RÈGLES DE CET BATTLE :
1- PAS de poings ou autre manifestation de satisfaction grossière !
...
Entendez bien ! INTERDICTION de se TAPER SUR la GUEULE, les enfants ! MÊME si vous êtes très très contents !"
Le commentateur toisa la foule avec dans l'attitude un petit quelque chose de l'expression d'une grosse poule outrée. Il attendit, Roméo se demanda quoi, jusqu'à ce que les Vacanciers gronde sur une fréquence correspondant à l'affirmative. On aurait dit une classe de gamins désordonnés, bruyants, chahuteurs mais pas vraiment méchants.
Il finit par lancer le micro en l'air, lequel remonta le long d'une sorte de ressort de caoutchouc. Visiblement, conclu Max avec génie, il n'y avait pas vraiment d'autre règle, outre le fait que l'appellation "Battle" ne référait qu'à du rap...Sauf que Max Tupper ne s'y connaissait pas vraiment, même plutôt pas du tout ! Rien, il n'avait jamais écouter de rap attentivement, autant vous dire que cette musique de furieux-barbares c'était l'égal du néant dans la tête du préposé à la mort par Battle de rap contre un nain au choix vestimentaires désastreux.
Mais ce n'était pas le pire dans tout ça, car le rap aurait été surmontable, seulement voilà : Max Tupper avait un sens du rythme et un faculté à chanter du même acabit que le fameux sens de la mode de Sa Majesté Booba ; et ça c'était un réel problème.
Perdu dans ses pensées, occupé à tenter d'établir une stratégie, il ne vit pas Arthur s'approcher. Ce dernier posa la main sur l'épaule de son ami , il commença une phrase :
"- Heeeey, mon frère...tu sais-
- Ah non ! Non-non-non ! Certainement pas, vous... VOUS LA FERMEZ ! C'est déjà bien assez catastrophique pour que je me permette d'attirer encore plus d'ennuis en vous faisant bouffer votre bonnet hideux !
- Nan, mais tu sais-
- Chut !
- Oui mais écoute-
- TA GUEULE ZILLER ! Tu vois, là mon pote, je suis pas cool, je suis pas relaaaax, là, j'suis dans la merde jusqu'au genoux ! C'est mort, c'est des fous, ils vénèrent un nain mégalo ! HAHAHA, UN NAIN MÉGALO ! Hahaha-"
Schrouf...SCHLBARF !
Max tomba à genoux, sidéré, l'air perdu quant au choix de la réaction à adopter. Arthur Ziller, le mec le plus coool et relaaax de la Terre venait de lui administrer avec brio un balayage aussi violent que magistral, le tout en arborant son plus bel air du gars sympa, on aurait pu y croire si la lueur féroce au fond de ses yeux n'avait pas traduit un profond sérieux. Il fallait croire que sous ses abords d'ahuri fini, Ziller savait parfaitement ce qu'il faisait. Il se pencha, saisit Max et le releva. Il approcha le visage de sa victime jusqu'à ce que chacun puisse se regarder dans le blanc des yeux. Maintenant, Max le voyait clairement, Arthur n'était plus cool du tout, ce dernier ouvrit lentement les mâchoires et sussura :
"- Écoute moi bien, mon pote maintenant, tu te calmes et tu écoute.
D'une : c'était la dernière fois que tu m'insultait. De deux : c'est pas un bonnet, c'est un chapeau ! Et de trois : je suis là pour t'aider...
Il glissa la main dans sa poche et en sorti un fin cylindre de papier qu'il alluma. C'était sans doute plus qu'une simple cigarette car il repris de son habituelle voix trainante.
- Aaaloors voilàaaa...ouuuuh, il fait beau !
- Quoi ?!
- Nan rien, mon pote...juste, détends-toi, tu me stresse...bon, donc ....
- dooonc ?
- Oh... laisse-moi réfléchiiiir...ah ouais, voilà...bon, déjà, il te faut un fil rouge, comme un objectif...
- C'est à dire ?
- Ben tu voooois...c'est pour la punchline, quoi...c'est geeeenre...
Max, sentant que Arthur ne suivrait plus bien longtemps à la façon dont sa tête dodelinait, essaya de hâter les choses.
- Genre quoi ? Genre quoi Ziller ? Hé ! T'endors pas !
- Oooooh ! C'est boooon...j m'endoooorzzz...zzzzzzzzzzzzzzzzz...
- Et meeerde !
Voilà, c'était fait, ce qui devait arriver venait d'avoir lieu, Arthur Ziller venait de s'endormir. La seul bouée de sauvetage potentiel de Max venait de s'endormir, là, sous ses yeux. Maintenant toutes ses chances de gagner la battle s'était envolées. Il se laissa tomber à même le sol. L'autre nain mégalomane se ferait un plaisir de le transformer en hachis parmentier. Car ce n'était pas qu'une simple battle, ce serait la plus grosse honte de sa vie, et il avait impliqué les autres dans cette histoire sans rien leur demander. Il pensa à ses compagnons, ses amis. Avec Roméo, engoncé dans un attirail de camouflage précaire : pour l'instant, casquette, capuche, écharpe et lunettes de soleil suffisaient à cacher la nature du garçon ; mais combien de temps leur restait-il avant que les gens se rendent compte que Roméo n'était absolument pas défiguré, comme Max aurait voulu le faire croire ? Combien de temps avant que les autres se rendent compte qu'il y avait un loup dans la bergerie ? Car tout ce qu'ils verraient, eux, ce serait qu'un zombie avait réussi à s'introduire parmi eux, qu'un monstre menaçait leur survie...Il se prit la tête dans les mains. Il plongeait dans la dépression profonde quand un ange descendit des gradins à son insu.
Marjory posa la main sur son épaule :
"- Debout.
- Quoi ?
- Debout, j'ai dis.
Max se releva péniblement, la tête basse. Pour la première fois une expression transparut sur le visage de la jeune femme. Elle fronça les sourcils et contracta les mâchoires. Sous ses airs rassurants et impassibles, elle n'avait plus l'air aussi sereine. Sa voix déraillante résonna de nouveau aux oreilles de Max.
- Relève toi. Maintenant reprends-toi, respire, on a besoin de toi. Cette battle, c'est toi qui l'a voulue alors assume. Si tu perds on est tous morts, tes potes, Arthur et moi aussi.
- Vous n'auriez jamais dû me parler de cette histoire. Je n'aurais pas dû accepter, c'était une erreur...
- Assume ! Moi je n'étais pas d'accord, mais tu es là et nos vie reposent sur toi, alors relève la tête et arrête de faire l'enfant.
-... Ouais...soupira-t-il. Tu me rassure vachement, maintenant j'ai plus du tout la pression...
- Tant mieux alors !
- C'était ironique.
- Ah...Bon ! Booba peut nous tuer. Arthur le savait en te proposant la battle, je le savais et c'était un risque, mais il fallait le prendre. Booba est un tyran, Arthur est idéaliste, il pense que les choses doivent changer et pour ça, il faut que tu gagne...sans ça, aucune chance que Booba saute. Ce type est une saloperie, il faut le jeter dehors.
Max réfléchit quelques instants. Avant de reprendre.
- Mais ce n'est qu'un nain ! Ok, il a quelques problèmes d'égo, mais ça ne fait pas de lui un monstre !?
- Tu ne veux pas savoir.
- Je ne veux pas savoir ?
- Tu ne veux pas savoir. C'est juste une enflure.
- C'est une enflure ?
- Oui."
Une fois de plus, par un étrange procédé, Marjory venait de reprendre le contrôle. La jeune femme donna quelques conseils succincts à Max.
Lorsque le présentateur appela les concurrents sur scène, les mains de Max décidèrent d'échapper à tout contrôle. Il tremblait de partout, son intestin dansait la valse de l'estomac avec sa vésicule biliaire, ses jambes s'activaient sur un rythme de samba porté par son cœur. Tout son corps subissait un ouragan de démence. Deux mains chaudes se posèrent sur les tempes de Max Tupper, le front de Marjory vint s'appuyer sur le sien. Elle plongea son regard brun dans les yeux gris de l'homme. Ce seul regard suffit à le calmer spontanément. Elle murmura deux mots ," Bonne chance. ", avant de le pousser dans la fosse aux lions, poursuivit par son regard et ses mots, seul face à un fou voulant sa mort.
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