Taureau (20 avril - 21 mai)
Taureau. Je ne veux plus être Taureau.
C'est vrai, il n'y a pas d'animal plus stupide. Excitez-le. Fixez-lui une cible. Et laissez la nature faire le reste.
Le taureau se précipite, sans réfléchir, de toute sa force, de toute sa hargne, jusqu'à ce qu'il obtienne ce qu'il désire...
Je me suis comportée comme ça, moi aussi. Je n'ai pas réfléchi. Peut-être même n'avais-je pas encore saisi l'importance de réfléchir, à cette époque...
Dans la Grande Salle de Poudlard, je combats mon tempérament de taureau, mais rien n'y fait. Ma cible se rappelle constamment à moi. A peine ai-je détourné le regard qu'il faut que j'y revienne, encore et encore. Ma cible s'appelle Hermione Granger. Cette garce d'Hermione Granger.
Mes poings se resserrent autour de mes couverts, et je sais que j'ai l'air d'une folle. Ron s'aperçoit enfin de mon regard insistant, et me dévisage. Oui, c'est moi. Ton ex-petite amie, Lavande Brown. Tu te souviens de moi ? Avec toutes ces nuits mémorables que nous avons passées, je ne crois pas que tu pourras un jour m'oublier.
Comment décrire notre relation ?
Charnelle. Physique. Bestiale.
Qu'attendre de plus, de la part d'un taureau ?
J'ignorais l'existence de la bête qui sommeillait en moi, jusqu'à l'été dernier. Jusqu'à ce que je croise Ron au magasin de ses frères, sur le Chemin de Traverse. A cet instant, j'ignore pourquoi... je l'ai trouvé désirable.
« Désirable »... Un tel mot ne faisait même pas partie de mon vocabulaire, quelques mois plus tôt. Et pourtant, aujourd'hui, je connais toutes ses variantes. Attirant. Séduisant. Emoustillant...
Sans aucune raison ni logique, j'ai su qu'il me fallait Ron Weasley. Je l'ai voulu, pressé tout contre moi, en moi. C'était un instinct qui me dépassait, qui me possédait sans même me laisser le temps d'en être effrayée ou surprise. Sans même me laisser hésiter.
J'étais prête à tout, quitte à en oublier ma décence, ma dignité. J'aurais fait n'importe quoi pour l'avoir. Et finalement, je l'ai eu. Ça n'a pas été bien difficile.
A mes attentes grandissantes, Ron a répondu au centuple. Et pour cela, je sais que je peux remercier ses amis, petit pote Potter et Granger. Mais aussi sa sœur, Ginny. Car à eux trois, ils ont alimenté ses frustrations. Son mal-être. Son désir de les rejoindre sur les rivages de l'amour, d'être initié lui aussi aux secrets délicieux des jeux interdits...
Nous nous sommes initiés l'un l'autre, là-dessus, il ne pourra pas me contredire. Je me souviens de notre première nuit comme d'une bataille maladroite et frénétique. Trop de nervosité et trop d'empressement pour ressentir le moindre plaisir, en fait. Et pourtant, dès le lendemain, il m'en a fallu plus.
Au fil des jours, et surtout des nuits, le recul a enfin réussi à me frapper. Au terme d'une de nos étreintes endiablées, j'ai eu le temps d'ouvrir les yeux sur le vide, et de m'interroger sur ce besoin irrépressible qui hurlait en moi, sans jamais s'arrêter. A peine assouvi, déjà affamé. Jamais comblé.
Ce n'était pas la faute de Ron. Cela, je le sais, car mon désir pour lui ne s'éteignait jamais. Et parce qu'au gré de nos ébats, il apprenait, devenait meilleur. Pas seulement un meilleur amant : mais un meilleur amant pour moi. Il y a une nette différence. Apprendre à connaître quelqu'un, physiquement, c'est presque aussi intime qu'une longue amitié. On découvre les rouages inexplorés de nos corps comme on devine les pensées implicites d'un ami. Ron savait ce qui me faisait plaisir, comment me satisfaire, comment me faire jouir. Et moi aussi, j'apprenais.
Je me lassais vite, cependant. Très rapidement, il me fallait de nouvelles positions, de nouveaux jeux, de nouvelles inventions.
Jamais je n'ai ressenti cette pudeur dont ma mère m'avait parlée. Cette soi-disant gêne qu'il est normal pour les jeunes filles d'exprimer, les premières fois. Au contraire, j'ai découvert en moi une femme que j'ignorais être. Sauvage. Torride. Lascive...
J'avoue en avoir éprouvé quelques scrupules... La petite voix de ma conscience murmurait à mon oreille que ce que je faisais était sale. Que je ne devrais pas me comporter de la sorte. Que c'était dégradant. Quelques fois, j'en venais même à me traiter de salope, de traînée...
Et puis finalement, j'ai ouvert les yeux. Cela faisait un mois que Ron et moi sortions ensemble. Il venait de me donner le tout premier orgasme de ma jeune existence. Et j'ai réalisé que je ne voulais pas renoncer à cela. Peu importe ce que ma mère en penserait. Peu importe ce que les autres en penserait. Ce n'est pas moi qui suis incorrecte : c'est l'éducation que l'on m'a donnée. Il ne peut pas y avoir de mal à rechercher le plaisir... Il n'y a que la jalousie de ceux qui ne l'atteignent jamais.
Aujourd'hui, je sais quel démon habite en moi, et nous vivons en harmonie.
Du moins, c'était le cas jusqu'à ce que Ron me lâche...
Rien qu'à cette pensée, je dois me retenir pour ne pas à nouveau enfoncer mon couteau dans la table en bois. Je n'ai pas de sentiments pour Ron. Du moins, pas de sentiments amoureux. Je le sais parce que cela aussi a été un poids de culpabilité pour moi. Comment pouvais-je à ce point désirer un homme sans pour autant l'aimer ? Comment pouvais-je me vautrer avec lui juste pour le sexe ?
Mes actes laissaient deviner de moi une image que je ne voulais pas assumer. Je n'étais pas prête à être cette femme fatale, libérée, perverse... J'avais la sensation de trahir tous mes principes. De trahir la personne que j'étais censée être.
Heureusement que dans ce domaine, au moins, Ron m'ait fait grandir.
Pourquoi un homme qui aime le sexe et enchaîne les relations est-il qualifié de Don Juan, de bourreau des cœurs, pendant qu'une fille dans le même cas est traitée de pute ? Je ne veux plus correspondre à ces stéréotypes. Et je ne les laisserai plus me stigmatiser, ni me refreiner.
Après tout, je suis un taureau.
Le seul problème, c'est que je n'ai plus de partenaire. Et une fois encore, mon regard se retourne vers Ron, et vers cette garce d'Hermione Granger.
Comme je l'ai dit, il n'y avait pas d'amour entre Ron et moi. Mais nous avions plus que cela. Nous vivions quelque chose de plus intense, plus fort. Nous étions des dieux.
Alors certes, cela aurait sûrement été éphémère. Mais j'aurais dû être celle qui décide d'y mettre fin. Maintenant me voilà seule, et désemparée, et l'animal en moi hurle sa faim depuis les profondeurs de mes cuisses.
Tout ça à cause de Granger. Je n'avais jamais vraiment fait attention à elle, avant de m'intéresser à Ron. Trop intello pour moi. Trop ringarde. Et pourtant, maintenant que je la regarde, je la hais. Je n'aurais jamais imaginé pouvoir haïr une personne à ce point.
Je la hais, parce qu'elle se tient à côté de Ron, là où j'aurais dû être. Et parce que je la trouve belle. Cette garce, elle est belle. A sa manière. A la manière des intellos. Mais je vois bien comment Ron la regarde, et je sais que je n'ai plus la moindre chance.
Je devrais me trouver quelqu'un d'autre, me direz-vous ?
C'est vrai. Des ados en rut, ce n'est pas ça qui manque à Poudlard. Surtout chez les Gryffondors. A croire que la guerre nous fait tous péter un plomb. « C'est maintenant ou jamais ! ». Ce genre de conneries.
Au-delà de ces considérations, je sais que je devrais me retirer pour être belle joueuse. Parce que Ron est vraiment amoureux d'Hermione, et parce que je le savais au moment de le draguer. Dès le départ, notre relation était malhonnête. A présent, je devrais faire profil bas, et laisser la place à l'amour, le vrai.
Mais je ne peux tout simplement pas. Je suis un taureau, rappelez-vous. Nous ne sommes pas connus pour notre bon caractère.
La journée se déroule lentement, alors que je ne peux détacher mon regard de Ron et de sa voisine Granger. Leurs mains sont si proches l'une de l'autre... Va-t-il la saisir ? Va-t-elle ?
Mais non, rien ne se passe. Quelle bande d'imbéciles.
Moi, le soir venu, je ne peux plus tenir.
Je sais très bien à quelle catégorie de la population j'appartiens. Si Granger est une intello, moi, je suis une « blonde ». Une écervelée, la fille populaire mais à qui on ne veut surtout pas parler : sois belle et tais-toi. Quelques fois, cette image me révolte. Mais au final, je me rends compte que j'aime être au centre de l'attention, être admirée, aimée, même si ça ne reste que superficiel. J'aime jouer les potiches et faire croire aux autres qu'ils sont intelligents.
Car alors, ils baissent leur garde. Ils se confient à moi, ils se révèlent. Ils pensent : « Cette bonne vieille Lavande... Pas très futée, la pauvre. A qui ira-t-elle répéter ça ? ».
J'aime tromper mon monde, et me faire passer pour ce que je ne suis pas. Je crois que cela demande une force dont peu de Gryffondors sont capables. Faire taire leur orgueil, pour apparaitre stupide. Alors que dans les coulisses, on observe, on apprend...
Ce soir, dans la Salle Commune, mon image de gourde me convient très bien. Je bois un peu, je fais celle qui est éméchée. Je laisse un des imbéciles de ma classe s'approcher, et je lui fais croire que c'est lui qui me capture. Alors qu'en fait, je le tiens déjà dans mes filets...
Je l'entraîne loin de Ron. Dans mon esprit, il est encore ma chose, et je n'ai pas encore réussi à renoncer à lui. Je ne peux pas ruiner mes chances (inexistantes) en m'affichant avec un autre.
Bref, j'entraîne mon substitut dans le dortoir des filles, et je le déshabille sans le laisser ouvrir la bouche.
« Sois beau et tais-toi. »
C'est ma revanche envers tous ces gens, ces hommes, qui pensent que je suis stupide.
Je l'allonge, je l'enjambe, et cette fois, c'est le taureau qui fait le rodeo...
Il ne m'en donne pas assez. Il n'est pas assez vif, il ne sait pas ce dont j'ai besoin, comme Ron. Mon assurance le fait hésiter. Putain de mec. Ça vous effraie de voir une femme, une vraie ?
J'éprouve un soudain regain de satisfaction à l'idée de me servir de lui comme je le fais, comme un objet. Pour le déstabiliser encore plus, je lui démontre mes compétences et je l'enserre, comme je sais si bien le faire, jusqu'à ce qu'il jouisse alors que je le regarde droit dans les yeux, tel un maître apprenant à son élève...
C'est lui qui gémit, pas moi. Moi, mon désir reste inassouvi ce soir. Mais la chose molle que j'extrais d'entre mes cuisses ne sera jamais partante pour un deuxième round.
Il reste étalé sur le dos, sans bouger, haletant. Cela m'arrache un sourire. Pour sûr, il n'est pas prêt d'oublier Lavande Brown.
Je l'embrasse sur la joue, pour lui montrer que c'est moi qui domine, qu'il n'est encore qu'un enfant. Puis je me lève et quitte le dortoir, en quête d'un truc à manger, ou peut-être d'une nouvelle victime. Ma faim s'est déjà réveillée.
De retour dans la Salle Commune, je suis oppressée par la chaleur ambiante et je décide de sortir faire un tour. Dans le couloir, juste à côté de la grosse dame, je trouve une Ginny Weasley en pleurs, debout sur les marches.
- Ça ne va pas ? je lui demande, alors que de toute évidence, ça ne va pas.
Elle fait non de la tête. Elle est incapable d'articuler un seul son. Je me demande si ce n'est pas encore son copain Dean qui a fait des siennes...
Brusquement, je me sens saisie d'un élan de pitié envers Ginny Weasley. C'est elle, la femme fatale de l'école. Tout le monde sait que les mecs se battraient pour une nuit avec elle. Et qu'ils sont nombreux à avoir déjà eu ce privilège.
Ginny fait partie de ces filles qui m'ont permis de m'assumer. Ces filles que l'on traite de putes et de traînées, juste parce qu'elles sont jolies, et parce qu'elles plaisent. Parce qu'elles osent assumer leur sexualité, comme un homme le ferait.
Aujourd'hui, je vois bien que Ginny a des ennuis, et je sais qu'ils sont en partie causés par cette réputation qu'on lui inflige. Je décide de rester auprès d'elle. Elle est comme moi.
- Que s'est-il passé ? je lui demande.
Elle inspire bruyamment, puis parvient à articuler :
- C'est Dean.
- Je le savais.
Elle a un pauvre sourire :
- C'est si prévisible que ça ?
Je hausse les épaules :
- Dean te traite mal. Je le sais, je l'ai déjà vu faire. C'est une enflure. Qu'est-ce qu'il a fait cette fois ?
Doucement, par à-coups, elle me raconte la scène à laquelle elle a assisté dans le dortoir des garçons, entre Seamus et Dean.
- Je n'en veux même pas à Seamus, dit-elle sans arrêter de sangloter. Je sais qu'il s'est fait piéger tout comme moi. Ce qui me fait mal, c'est... que Dean nous ait manipulés de cette manière... Juste pour me blesser moi !
- Enfin Ginny, il te manipule depuis le début. Et toi, tu te laisses faire.
Elle secoue la tête :
- Plus maintenant.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- C'est terminé, je ne peux plus encaisser. Je croyais que Dean était tout ce qui m'aidait à tenir, mais là... Je ne peux plus. Je ne peux plus...
Elle s'effondre en larmes, et je ne trouve rien d'autre à faire que de la soutenir :
- C'est la bonne chose à faire, Ginny, je murmure en lui caressant les cheveux. Arrête de laisser les mecs te traiter comme de la merde. Tu mérites mieux que ça. Tu es belle. Tu es intelligente.
Puis, sentant que c'est là la clé du problème, je lui demande :
- Pourquoi est-ce que ça ne colle pas avec Harry ?
Elle me dévisage sans rien dire, ses beaux yeux trempés de larmes. Elle finit par hausser les épaules :
- Je ne sais même plus, avoue-t-elle. Il a changé, depuis l'été dernier. Et j'ai toujours cru que je serais incapable d'aimer ce qu'il est devenu. Et pourtant...
Son corps tout entier semble pris d'un long frémissement :
- Chaque jour passé loin de lui me tue...
Elle pleure à nouveau, et je la sers dans mes bras. Elle sent bon. Je reconnais les prémices de ce qui grandit en moi. Et à cet instant, j'en veux à la petite nymphe qui m'habite, car cette réaction est tout sauf appropriée. Mais je ne peux pas m'en empêcher. Je n'ai jamais envisagé de le faire avec une fille. Et Ginny est si belle...
Nos visages sont proches l'un de l'autre. Alors, j'écarte les cheveux de Ginny, j'écrase une de ses larmes, et je l'embrasse sur les lèvres. Elles sont douces, comme un pétale de rose. Elles gardent un petit goût de sel.
Ginny ne recule pas, mais ne réagit pas non plus. Son corps semble si frêle contre le mien. Elle tremble, si faible...
Lorsque je la regarde à nouveau, elle bat plusieurs fois des paupières, comme si elle cherchait ses mots. Elle ne fait pas la surprise. Elle ne fait pas celle qui n'a pas compris mon geste. Pour cela, je l'apprécie, et je la désire encore plus. Mais elle dit :
- Merci... La proposition est tentante, sincèrement, mais... Je crois que je pars en mille morceaux, là... Et, il faut que je les rattrape, sinon... je vais m'éparpiller...
Elle essuie ses dernières larmes, comme si elle avait conscience de la folie de ses paroles :
- Merci pour ton soutien, Lavande, merci... Mais je n'ai su être qu'une lâche pendant ces neuf derniers mois... Il est temps pour moi d'essayer d'être un peu courageuse, je crois... Il faut que je parle à Harry.
J'acquiesce, et je lui souris, pour montrer que je comprends. Ginny Weasley s'en va vers la tour d'astronomie, où elle sait que Potter doit s'isoler. Je n'éprouve pas de regrets à la voir partir. Au contraire, je me suis découvert une estime pour elle. Ginny Weasley est une belle personne.
Et en plus, elle m'a fait découvrir autre chose. Comme quoi, mon horizon était encore trop restreint.
Dès demain, j'essaye les filles. J'ai enfin oublié Ron.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top