Sagittaire (23 novembre - 21 décembre)

Sagittaire. Un centaure armé d'un arc.

Il m'est arrivé d'en voir, dans la forêt interdite. Aucun ne m'a adressé la parole, cependant. Ils n'aiment pas beaucoup les étrangers.

Ce n'est pas grave, je comprends. En règle générale, les gens n'aiment pas beaucoup m'adresser la parole, de toute façon.

Sauf Hermione. C'est vrai qu'il lui arrive encore de m'appeler Loufoca par erreur, mais sinon, c'est quelqu'un de très gentil. Je ne comprends pas pourquoi Ron ne le lui dit pas. Hermione a besoin de compliments, de compliments de sa bouche.

Cela tombe bien, les voilà.

Je m'assois à la table des Gryffondors, et tout le monde me salut chaleureusement. C'est encore un peu nouveau pour moi. Harry m'a dit qu'il était mon ami, et cela m'a beaucoup touchée. Aujourd'hui, j'essaye de le croire.

Je dévisage les gens un moment, sans rien dire, sachant que mes paroles les mettraient mal à l'aise. Une fois encore, j'ignore pourquoi. Il semblerait que comme un Sagittaire, j'ai le don de toujours viser juste. A l'endroit sensible. J'écoute, je regarde, et je sens ce que les gens ne veulent pas dire. Ce qu'ils ne veulent pas voir, ou montrer. Mais je ne m'en rends compte que trop tard, alors que j'ai déjà parlé. Cho m'a déjà dit que cela s'appelait de la naïveté. Je ne sais pas trop. Pour moi, c'est un comportement normal. Je ne vois pas l'intérêt de dissimuler ce que l'on ressent, surtout lorsque c'est positif, ou lorsque l'on souffre. Mais il est vrai que je dois être un peu étrange. J'ai du mal à m'en rendre compte. A moins que je ne sois normale, et que tous les autres soient fous.

Cette pensée me fait sourire toute seule, et Ron, croyant que je m'adresse à lui, me rend un salut gêné. Il est vrai que je le fixe sans ciller depuis près d'une minute. Cela ne doit pas être un comportement normal.

- Comment va Lavande ? je demande, me référant à mes observations sur le comportement général de mes camarades.

- Oh, elle est... en forme, répond-il doucement.

- Tu ne parles pas trop fort pour qu'elle ne rapplique pas ?

Il me fait signe de me taire. A nouveau, j'ai parlé trop vite... Je détourne mon regard vers Hermione. Elle est assise à l'autre bout de la table, très loin de Ron, parce qu'elle lui en veut. Mais depuis plusieurs semaines pourtant, elle ne lui prête plus la moindre attention.

- Elle ne lit même plus ses bouquins, fait remarquer Ron à son voisin Harry en ignorant ma présence.

- C'est parce qu'elle a l'air plus heureuse, ces derniers temps, je réponds car c'est pour moi une évidence. Elle doit sûrement être amoureuse.

Ron devient livide :

- Qu'est-ce qui ne va pas ? je lui demande. Tu as attrapé des Nargols ?

Il dévisage Hermione, et ne me répond pas. Ce n'est pas grave. Les gens me font souvent ça. Harry, qui doit percevoir une chose que je ne perçois pas, tente bravement de s'adresser à moi :

- Et toi, Luna... Quoi de neuf à... Serdaigle ?

- Oh, Cho n'allait pas bien, à cause de toi. Mais je crois qu'elle ira mieux maintenant.

Harry semble lui aussi perdre l'envie de me répondre. J'envisage un instant de lui confier mes vraies inquiétudes, celles qui concernent Ginny, mais je crois qu'il n'apprécierait pas que j'en parle en public. Ginny souffre pourtant. Elle a envie de se faire du mal. Et Dean... Dean est quelqu'un de sombre. Aussi loin que se portent mes flèches, je n'arrive pas à lire en lui. J'ignore si c'est parce que sa carapace est trop épaisse, ou si c'est parce que j'ai peur de ce que je pourrais voir en lui.

La clairvoyance est un don et une malédiction. Mais je ne m'en plains pas. Elle me permet de voir des choses tristes, des choses belles. Entre les mains d'une personne mal avisée, elle pourrait devenir une arme. Mais je n'ai pas le désir de blesser qui que ce soit.

Je picore dans une assiette qui ne m'appartient pas, savourant les bruissements de la vie étudiante autour de moi. Tous mes récepteurs sont comblés. Tant d'émotions entremêlées... On me qualifie souvent de rêveuse, mais comment garder les pieds sur terre lorsqu'un tel monde est à ma portée ?

Du coin de l'œil, j'aperçois Cho Chang qui descend les escaliers. Elle m'adresse un sourire gêné, et se détourne. Cho m'évite, depuis ce jour à la tour d'astronomie. Je ne le prends pas mal. Je la comprends. Elle a pris ce moment pour ce qu'il était, et bientôt, nos rapports reviendront à la normale, je n'en doute pas. Je suis simplement heureuse de voir que l'aura de ténèbres au-dessus de sa tête s'est enfin dissipée.

- Bonjour, Luna !

Si les gens avaient une couleur, celle de Neville Londubat serait le vert. Un beau vert, un vert de forêt. Quelque chose de joyeux qui évoquerait la vie dans les arbres, le vent et la renaissance. Avec Neville, pour une raison qui me demeure là aussi cachée, je retiens mes flèches. Il n'est pas rare que ma conscience exerce des manœuvres dont je ne connais rien. Ce n'est pas grave. Je vis avec le mystère qui s'exprime en moi.

Neville est amoureux de moi, je le vois. Son sourire, sa façon de me regarder, son hébétude désuète. Qu'est-ce que je ressens ? Je l'ignore. Cela fait partie du mystère. C'est quelque chose qui flotte loin au-dessus de ma tête, et qui me rend heureuse. Mon père aurait sûrement une explication à cela, mais je n'ai pas besoin d'en savoir plus.

Je ne veux pas blesser Neville. Je ne veux pas lui dire que je sais d'avance tout ce qu'il n'ose pas m'avouer. Avec lui, je fais attention, j'essaie. Pourtant, j'ai le sentiment que c'est lorsque je suis pleinement moi-même qu'il m'apprécie le plus. Cela ne m'était jamais arrivé, avec personne d'autre.

Je suis différente, au sens que tout le monde est différent, bien sûr. Mais je suis juste un peu trop différente. Je ne sais pas en quoi, je ne le fais pas exprès. Neville est le seul que cela ne semble pas déranger.

C'est pourquoi je m'assois auprès de lui, chaque matin à cette table, même si ce n'est pas ma place. Je lui montre la nouvelle édition du Chicaneur, et il me pose des questions sur cette nouvelle espèce de prunes dirigeables que mon père a fait pousser près de notre allée.

Petit à petit, il se détend, il se déride. Et lorsqu'il est enfin à l'aise, il est l'heure de nous séparer, et je le retrouve le lendemain, aussi réservé que la veille.

Je suis un mystère pour Neville, et d'une certaine façon, une façon qui m'est propre, il est un mystère pour moi. J'aime les mystères.

Vous aussi, vous êtes un mystère. Je sais que vous êtes là. Oui, vous. Je sens votre regard, posé sur mes pensées, je sens vos interrogations, vos remarques, positives ou négatives. J'ignore qui vous êtes, mais je sais que vous lisez en moi, en ce moment même, mieux que je ne suis capable de lire en n'importe qui d'autre.

J'ignore qui vous êtes, cher ami lecteur, mais j'espère que votre œil est bienveillant. Je sais que vous lisez en mes amis, mes camarades, les uns après les autres. Eux sont incapables de s'en apercevoir, mais moi je le sens. Vous en avez sans doute beaucoup plus appris sur eux que moi. Vous l'avez sûrement remarqué, mais beaucoup de gens souffrent, dans ce château. Vous ne pouvez peut-être pas y faire grand-chose.

Alors, je ne vous dirai que ceci : comme tous les mystères, je vous aime, et j'espère que ce que vous lirez à l'avenir vous plaira.

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