PARTIE X

[PDV omniscient]

Le troisième cours de la matinée venait de se terminer, et nôtre classe se dirigeait vers le prochain. Alors que seuls les chuchotements par-ci et par-là comblaient le silence pesant au-dessus du rang, de l'action commença à se faire sentir au devant. Plusieurs élèves de l'arrière se réunirent en barrière, sur le palier de l'escalier, bloquant le passage.

Intriguée, Kenza rejoignit également la troupe que formaient ces curieux et fut sidérée en voyant sa meilleure amie se battre contre le deuxième délégué de classe. Ils se contentaient de se fusiller du regard sans parler, seuls les applaudissements d'excitation de temps en temps et des cris étouffés brisaient le silence.

<< -J'espère qu'elle n'a pas appris ce qui s'est passé le jour de son malaise... Souhaita-t-elle intérieurement. >>

Au bout de plusieurs instants de résistance, Adama finit par envoyer Cécilia contre le mur. Une acclamation couronna ce retournement de situation. Kenza bouillonnait de colère, en quoi  voir quelqu'un se faire mal ainsi peut être amusant ?

Cécilia se releva difficilement, mais le regard de haine qu'elle jetait à son "collègue" était si transperçant qu'il aurait pu le couper en deux.

<< -Tu verras, on n'en a pas fini ! Grinça-t-elle dans sa mâchoire contractée. >>

La jeune fille prit son sac et se retourna dignement, comme si rien ne s'était passé pour quitter le champ de bataille. Kenza joua des bras et des coudes pour aller la rejoindre et elle dévala les escaliers à toute vitesse.

<< -Tu t'es cognée la tête ? Tu te sens bien ?

-Non, c'est juste mon dos qui a subi le choc. Ca va très bien ne t'inquiètes pas.

-Ne minimise pas la situation, j'ai bien vu ta tête atterrir contre le m...

-Kenza, pourquoi tu ne m'as pas dit ce que cet animal débile a fait quand je me suis évanouie en classe ? >>

La concernée ravala sa salive. Elle passa une main dans ses boucles brunes en se mordillant sa lèvre inférieure jusqu'au sang. Jamais elle n'a vu Cécilia aussi sérieuse, elle qui est du genre à tout prendre à la légère d'habitude. La déléguée devait être vraiment en colère.

<< -Je... c'est juste que tu venais à peine de t'en remettre et j'ai préféré ne rien te dire pour ne pas que tu aies de problèmes...

-Mais tu sais que si je ne remplis pas mon rôle toute seule et que l'autre s'en mêle sans que je ne le fasse rester à sa place, je peux avoir de mauvais retours et ça peut influencer même mon bulletin ! Si je suis déléguée dans cette classe c'est parce que j'ai redoublé et c'est pour ça que je me dois de vous aider !  >>

Kenza n'osait pas regarder sa meilleure amie en face. Cécilia avait raison et il était vrai qu'elle faisait tout pour remplir son rôle à la perfection. Mais la jeune fille savait que son amie ne lui en voulait pas seulement pour ça.

<< -Puis je croyais qu'on était amies, et entre amies, on se dit tout. On ne se cache rien et toi tu ne m'as pas parlé de ça alors que... >>

Cécilia soupira, se coupant dans sa phrase. Elle passa ses mains dans ses cheveux noirs avant de tourner vers son amie un regard déçu. Kenza frissonna de ce contact visuel. Cette tension qui s'est créée entre elles, était-ce une dispute ? Elle n'en savait rien mais se sentait énormément coupable de mettre Cécilia dans cet état.

Cette dernière finit par se tourner et partir sans rien dire, laissant notre héroïne plantée seule au milieu du couloir, complètement perdue. Mais surtout, le cœur lourd, plein de tristes et douloureux remords.

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La fin de la journée arriva. Les cours s'étaient enchaînés les uns après les autres plus rapidement que d'habitude pour Kenza cet après-midi. Peut-être parce qu'elle n'a cessé de penser et réfléchir, s'enfermant dans sa propre bulle qui l'isolait de la notion du temps. C'était sa propre manière d'affronter des évènements affligeants. Elle s'est sentie aussi constamment gênée par le regard de Cécilia dans son dos, car s'étant déplacée aux premiers rangs, elle se trouvait assise à la table juste devant sa meilleure amie.

D'ailleurs, l'incident entre les deux délégués n'a pas semblé si important aux yeux des autres élèves car tous menaient leur quotidien habituel pour tuer l'ennui. D'habitude, Cécilia leur ordonnait toujours de se taire et rien que pour l'énerver, Adama répétait exactement la même chose sur le même ton. Mais aujourd'hui, ce sont les professeurs qui ont du s'en charger et cette tâche semblait les importuner.

La fin de la dernière heure libéra alors Kenza d'un supplice. Elle rangea ses affaires et s'en alla précipitamment, l'esprit occupé. Durant tout le temps où elle réfléchissait, elle s'est rendue compte d'un manque. Cette impression que vous avez lorsque vous oubliez quelque chose. Et ce sentiment l'occupait fortement.

Devant le portail de l'école, alors qu'elle répondait à un message de sa grande sœur, une main se posant sur son épaule la fit sursauter. Elle se tourna pour se retrouver face à Maxime, qui avait un air grave.

<< -Wow, tu m'as fait peur... Souffla-t-elle, se remettant de son état de surprise.

-Ah bon ? Pourtant je pensais que tu voulais me parler.

-C'est... c'est-à-dire ? Et pourquoi tu tires cette tête ? Le questionna-t-elle, plutôt perdue.

-Ce matin tu avais quelque chose à me dire il me semble. >>

Alors que les évènements précédents lui revenaient peu à peu à l'esprit, Maxime sortit de son sac sa broche en forme de soleil, faisant comprendre définitivement à Kenza ce qu'il insinuait.

<< -C'est...

-Oui, c'est ma broche qui semblait tant t'intéresser au parc, quand on essayait de rédiger l'expression écrite ! Lui rappela-t-il en insistant sur le verbe essayer. Ce matin dans les escaliers, quand tu es partie rejoindre Cécilia en courant, tu l'as faite tomber de ton sac.

-Écoute, je n'avais pas de mauvaises intention en la prenant, je voulais juste...

-Tu sais, tu aurais pu simplement me demander pour l'emprunter, je te l'aurais prêtée et ça aurait été plus simple. >>

Face à son ami, Kenza ne put que baisser la tête. Il avait raison, et elle se sentait idiote d'avoir agi ainsi. Les regrets la rongeaient encore une fois, deux fois plus douloureusement. Elle avait trahi la confiance de ses deux meilleurs et seuls amis et se sentait tant coupable.

<< -Je suis désolée... >>

C'est tout ce qu'elle pouvait dire pour expliquer cette tempête néfaste qui l'envahissait depuis le début de la journée.

<< -Je veux juste savoir pourquoi tu tenais tant à... à l'avoir; termina Maxime, ne trouvant pas un terme moins fort que le vol.

-C'est trop compliqué à expliquer et tu ne me croiras sûrement pas... Mais voilà, j'ai pensé que c'était une pièce de mon pendentif, déclara-t-elle en montrant le bijou pendant à son cou. Je l'ai trouvé au même endroit où tu as trouvé cette broche, donc je voulais essayer de les emboîter... tout simplement.

-Tout simplement, ça tu peux le dire... Je me disais que tu avais des idées louches avant de te parler vraiment, mais je n'ai pas voulu mal te juger. Sauf que maintenant, je me rends compte que j'avais raison.

-Et bien tu me connais mal ! La preuve, tu ne peux rien comprendre de ce que je viens de te dire ! Et tu ne pourras jamais comprendre, si tu penses vraiment que j'ai des idées bizarres ! >>

Remontée, la collégienne se retourna et s'éloigna en serrant les poings. Elle en avait trop accumulé aujourd'hui et ne pouvait pas elle-même fournir des explications avant de faire le point.

Elle ne savait pas elle-même pourquoi au fond, cette broche l'a tant intriguée. Elle s'est en effet bien correspondue à son pendentif mais qu'est ce qui a pu la pousser à croire aussi vite que c'était vrai pour autant ? Pourquoi s'était-elle précipitée à effectuer une conclusion hâtive ?

Elle n'en savait rien du tout et cela la frustrait énormément. C'est surtout aussi parce qu'elle a toujours été sûre d'elle et qu'elle voyait cette situation créée par sa propre volonté se retourner contre elle.

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"Lundi 30 septembre XXXX, 17h58

Salut journal.

J'ai l'air souvent d'une dépressive en écrivant ici, mais j'ai littéralement passé la journée la plus horrible de ma vie.

Je me suis disputée avec Cécilia après qu'elle se soit battue avec Adama, car elle a appris que je lui ai caché comment celui-ci s'est occupé de la classe le jour de son malaise et m'en veut beaucoup pour ça.

Ensuite, en sortant du collège, Maxime est venu me parler de sa broche soleil qu'il m'a vue faire tomber de mon sac. Et il m'en veut aussi de la lui avoir prise sans lui demander.

Et le pire dans tout ça c'est que tout est entièrement de ma faute. Si j'utilisais mon cerveau pour quelque chose d'utile et que je réfléchissais mieux aux conséquences de mes actes, je n'en serai pas là. Ils ne méritent pas d'avoir à leurs côtés une personne comme moi.

Cette maudite histoire de pendentif m'occupe encore l'esprit malgré tout ça ! Je ne comprends pas pourquoi je n'arrive pas à l'oublier. Malgré mes efforts pour me contredire, je suis toujours persuadée que mon pendentif lune et la broche soleil ont un lien. Et je pense finalement que j'ai raison de maintenir mes doutes.

Après être partie du collège, j'ai couru jusque devant mon bâtiment pour me défouler. Je ne pouvais pas pleurer parce que je me maudissais. Il me fallait assumer mes erreurs, peut-être que je pourrai ainsi me réconcilier avec moi-même.

Mais alors que j'avançais vers le portail, une voix à ma droite m'interpella :

<< -Dites, jeune fille, vous voulez bien m'aider  s'il vous plaît ? >>

Je m'étais retournée vers la personne qui venait de me parler et je découvris la nouvelle locataire, la mère de Leslie ou Lyndsay. Je ne sais pas vraiment comment je dois l'appeler, mais passons. Sa mère était appuyé contre le portail, plusieurs sacs de courses à ses pieds. J'acceptai de l'aider je m'avançai vers elle, prenant deux sacs.

<< -Vous pouvez me tutoyer, je ne suis pas si âgée que ça et ça me gêne. >>

Ma grande taille fait toujours qu'on me donne toujours un âge supérieur alors qu'en réalité je n'ai que treize ans.

<< -Et bien c'est entendu, déclara-t-elle en riant.

-Maman ! >>

Leslie arriva vers nous en courant et s'arrêta à notre niveau avant de prendre une grande respiration.

<< -Je t'avais dit d'attendre que je termine les cours pour t'aider pour les courses !

-Je n'allais perdre mon temps pour rien, tu sais que je déteste rester à ne rien faire. >>

Ne travaillait-elle donc pas ? C'est possible, si elle n'a rien à faire de ses journées...

<< -Merci pour ton aide Kenza, mais on se débrouillera.

-Ne t'en fais pas, si je peux rendre service. >>

Elle me fit un sourire en guise de remerciement et je les aidai à monter les sacs. Une fois fait, je m'apprêtai à repartir.

<< -Il faut que j'y aille, ça m'a fait plaisir de vous aider.

-Attends, me retint Leslie. Tu ne veux pas rester un peu avec moi ? Je vois que tu n'as pas l'air très gai alors je me dis qu'un peu de compagnie te remonterait le moral. >>

Sa main gauche qui me retenait par l'épaule était ornée de son bracelet. Et cette fois je pouvais clairement distinguer deux silhouettes se refléter dans la broche violette, l'une se détachant de l'autre. J'ai accepté, comme ensorcelée par cette vision. Leslie montra sa satisfaction par son si rare sourire et m'entraîna dans sa chambre.

En y entrant, la première chose qui me surprit, ce fut la décoration. Elle était à la fois sobre et captivante. Seuls des motifs ressemblant fortement à des runes et des horloges ornaient les murs peints en nuances de marron et violet. Plusieurs attrape-rêve pendaient au-dessus de son lit ou y étaient accrochés. C'était vraiment un tout autre univers.

<< -Alors, elle te plait ma chambre ? Me demanda-t-elle avec un ton sûr.

-Carrément, tu as vraiment du goût ! M'extasiai-je.

-Je m'intéresse vraiment au surnaturel et j'ai choisi d'utiliser ce thème pour me représenter à travers ma chambre.  

-Le rendu est vraiment sympa. >>

Alors que mon regard balayait la pièce, un objet attira mon attention. C'était un cadre posé par terre. Il représentait une lune, attachée à un soleil. Un pendentif, et une broche.

J'en suis maintenant sûre et certaine.

Le pendentif de lune et la broche de soleil forment un bijou commun.

Et ce bijou a très certainement un rapport avec les bracelets de Cécilia et Leslie."

〰🌙 À suivre 🌙〰

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