VIII. Nounours
Il faisait beau en cette matinée de réouverture du O'Bulle. La menace des Peirates et des Transformés était apparemment sous contrôle des agents de la Station. Koei qui était venue aider Agathe à ouvrir le café-restaurant n'en était pas aussi convaincue. Selon elle, il restait encore des Transformés qui se cachaient ou qui étaient volontairement cachés par leurs proches. Les gens refusaient parfois tellement de perdre un membre de leur famille qu'ils étaient prêts à tout. Koei raconta le cas d'un homme qui avait caché sa femme mordue dans la cave. Elle s'était transformée en quelques heures mais pour lui, il n'en était rien. Elle était toujours son épouse bien-aimée. Plein d'espoirs, il était persuadé qu'un traitement serait vite trouvé et qu'il pourrait enfin la retrouver. Il réussit à la cacher pendant deux semaines. Mais un soir, alors qu'il alla la nourrir comme d'habitude, la Transformé tenta de le tuer. L'homme s'était défendu comme il avait pu et s'en était sorti avec quelques blessures. Sa femme avait pris la fuite. Quand il retrouva sa trace, elle était déjà en train d'affronter une unité de la Station.
- L'homme désespéré s'est interposé entre nous, expliqua Koei, le visage assombri. Il nous a supplié de l'épargner, qu'elle ne ferait de mal à personne. Puis finalement, sa femme qui avait trouvé un sabre, le planta en plein cœur. Il n'a pas survécu. Mais je me souviens, que même agonisant, il utilisa son dernier souffle pour nous implorer de laisser sa femme repartir.
- Et ? Demanda Agathe, suspendue aux lèvres de la trentenaire. Qu'avez-vous fait ?
- J'ai respecté sa volonté. J'ai tué la Transformée.
La Sagittaire demeura dans l'incompréhension. Mais la femme aux yeux bridés ajouta :
- J'ai tué la Transformé et j'ai libéré l'âme de sa femme. Elle a pu enfin partir retrouver son mari, dans l'au-delà.
La blonde repensa ses mots. Peut-être que Koei avait raison. Peut-être que l'âme d'un humain devenu Transformé ne trouvait pas le repos tant qu'elle n'était pas libérée de cette enveloppe charnelle devenue hideuse et incontrôlable. Néanmoins, Boucle d'or était quasi certaine que ce n'était pas ce à quoi penser l'homme dans ses dernières volontés.
Une femme habillée d'un trench marron entra, affichant un air sérieux et professionnel. Les traces du temps sur son visage laissait penser qu'elle devait avoir une cinquantaine d'années. Dès son entrée, elle se dirigea directement sur Koei. Son temps semblait précieux vu son allure pressée.
- Je cherche Koei Senshi.
- C'est moi.
- Parfait. C'est bien vous qui avez déposé la fillette aux services sociaux après l'attaque des Peirates? Votre nom était sur le document.
- En effet, dit Koei qui avait l'air de ne pas aimer le ton un poil condescendant de son interlocutrice.
La femme chercha quelque chose dans la poche de son trench. Elle tendit quelque chose à Koei.
- La petite m'a demandée de remettre cela aux deux personnes qui l'ont sauvée. Elle voulait venir d'elle-même mais cela lui est interdit. Il m'a semblé que ça lui tenait à cœur alors... Je lui ai promis de vous apporter ça.
- Ce n'est pas moi qui l'ait sauvée, mais elle, dit-elle en montrant la Sagittaire du doigt.
Agathe qui avait suivi la conversation était gênée. Elle resta très modeste.
- Mais non, j'ai rien fait de spécial !
La femme s'approcha d'elle et la blonde put alors voir ce que sa main contenait : deux petites épinglettes -ou pin's- en forme l'un d'une super-héroïne et l'autre d'un gros nounours.
- S'il vous plaît, donnez en une à l'autre personne avec qui vous avez sauvé la fillette.
- Oh... Euh oui bien-sûr, acquiesça-t-elle dans la précipitation.
Elle prit les petites épinglettes en se demandant comment elle allait donner le nounours à Nar. À moins qu'il préférait la super-héroïne ? Dans tous les cas, il allait falloir le trouver d'abord.
Lundi arriva vite. Agathe avait un objectif : trouver Nar. Mais où pouvait se trouver un solitaire dans son genre ? Elle commençait à connaître les parties les plus fréquentées de l'Académie, mais ce n'était qu'un quart de l'immense château. L'édifice devait certainement abriter des pièces cachées et à découvrir. Agathe se promit un jour de partir explorer les recoins de l'école quand elle aurait du temps avec Mélyn. Ça pourrait être excitant !
Un éclair de génie saisit Boucle d'Or. Il y avait une personne qui analysait le moindre mouvement des élèves et qui connaissait tout sur eux. Le secrétaire du Directeur ! Elle avait un trou de deux heures avant son prochain cours. Elle pressa le pas, en direction du bureau du Directeur où le secrétaire traînait souvent. Elle pria intérieurement sur le chemin de ne pas croiser Mirsad. Il y avait encore tant de questions qu'elle se posait à son sujet et elle n'était pas prête à résoudre dans l'immédiat.
Le sécrétaire sortait justement du bureau quand Agathe arriva.
- Je peux vous aider Mademoiselle Green ?
- Oui ! Justement je vous cherchais euh...
- Gerald. Vous pouvez m'appeler Gerald. Et je suis Vierge. Maintenant que vous savez tous, que me voulez-vous ?
Tout chez lui démontrait une impatience naturelle et une incapacité à tenir en place. Cet homme au corps frêle et aux lunettes sur le bout du nez était une vraie pile électrique. Agathe n'arrivait pas à se faire une opinion sur lui. Elle l'imaginait en train de se servir de ses pouvoirs d'invisibilité pour espionner les élèves. Hm, cringe.
- Sauriez-vous où je pourrais trouver Nar ?
- Le Campionem ? Il mange à la verrière du climat désertique le midi.
La professeure de Faune et flore du monde astral entretenait cinq verrières dans les jardins de l'Académie. Une pour chaque climat : tropical, tempéré, continental, froid et désertique. La blonde avait déjà visité celle du climat froid lors d'un cours de Madame Raha. Elle se souvient qu'elle portait une robe ce jour-là et que cela lui avait valu un bon rhume !
- Néanmoins, je vous déconseille de vous retrouver seule avec lui. On ne sait pas de quoi ce... Cet individu est capable.
Il abandonna Agathe sans un mot de plus, faisant claquer le sol de ses chaussures à talonnettes. La blonde soupira. Elle se disait justement la même chose. Mais la petite devait certainement tenir à le remercier lui aussi. Elle regarda le pin's de super-héroïne accroché à son gros pull col roulé gris et reprit courage.
Dehors, les températures commençaient à tomber au fur et à mesure que l'on se rapprochait de la fin d'année. La blonde se demandait que le Campionem pouvait faire dans la serre désertique. Peut-être ne supportait-il vraiment pas le froid ? Ou peut-être était-il en train de se dorer la pilule ? Elle sentit ses joues s'empourprer en revoyant son torse nu et en l'imaginant plus bronzé qu'il ne l'était déjà. Reconcentration.
Elle s'arrêta devant la verrière du climat désertique. Elle entra prudemment à l'intérieur. Il faisait un chaleur étouffante là-dedans ! Le sol était recouvert d'un sable brûlant. La flore y était pauvre mais unique. La Sagittaire n'avait jamais vu de telles plantes. Assis sur le sable, adossé à un rocher, Nar déjeunait. Il portait un débardeur laissant apparaître ses épais biceps et un pantalon cargo. Son pull traînait sur le rocher. La chaleur n'avait pas l'air de l'affecter plus que ça. Il remarqua directement Agathe quand elle entra. Cette dernière ne ressentit pas son énergie néfaste mais son regard glacial, lui, la fit frissonner pour la énième fois. Elle s'avança d'un pas maladroit. Elle n'était jamais très confiante face à lui. Surtout qu'elle avait presque fini au tapis lors du cours d'Art du combat.
- Excuse-moi de te déranger... C'est que euh... Je...
Elle cherchait ses mots et bredouillait. Nar ne la quittait pas des yeux, silencieux. Cela n'aidait pas du tout. En plus, la chaleur l'empêchait de réfléchir correctement et d'aligner des mots.
- La petite qu'on a sorti des mains des Peirates tenait à ce que tu aies ça. Pour te remercier.
Elle tendit sa main vers lui, dans son creux l'épinglette en forme de nounours. Il baissa les yeux pour regarder le petit objet puis les releva d'un air indifférent vers la blonde. Cette dernière fronça les sourcils.
- La petite voulait qu'on ait chacun le sien. Regarde.
Elle lui montra alors le pin's en forme de super-héroïne. Nar se leva. Il faisait bien deux têtes de plus qu'elle. Elle se sentit vraiment petite face à lui... Et sans défense. Il approcha sa main et attrapa l'épinglette entre son pouce et son index. Il frôla la poitrine d'Agathe qui était devenue rouge. Il faisait une chaleur ici ! C'était clairement la faute de son col roulé sans aucun doute. Elle réussit à articuler :
- Tu préfères celui-là ?
Il lâcha alors l'épinglette et lui tourna le dos pour attraper son pull. Voilà qu'il l'ignorait complètement ! Il se dirigea vers la sortie. Agathe lui bloqua la route. Elle lui lança un regard qui se voulait noir mais qui de l'extérieur ressemblait à celui d'un chaton apeuré. Elle tira sur son débardeur et accrocha le pin's nounours au niveau de son pectoral. La jeune femme ne se rendit compte de leur proximité qu'après avoir fixé le petit objet métallique. Le parfum de Nar vint lui chatouiller les narines. Il sentait bon les épices, un mélange de curcuma et de cannelle. Elle recula vite et balança :
- Voilà comme ça tu le portes, la petite est contente et tu peux le cacher avec ton pull.
Elle quitta la première la verrière à toute vitesse. Dans sa tête résonna un mot que Nar lui avait envoyé :
- Gamine.
C'est vrai qu'elle venait vraiment de fuir comme une enfant. Un peu comme cette fois dans la voiture avec Mirsad. Elle s'en voulut alors à l'égard de ce dernier. Elle était partie sans lui donner d'explications. Lui aussi devait la prendre pour une gamine. Elle serra les poings en marchant, emplie d'un élan de bravoure nouveau. Elle avait encore assez de temps pour aller toquer à la porte du Directeur. Elle trouverait les mots à lui dire sur le moment.
La blonde retourna devant la porte du bureau du Lion. Celle-ci était entrouverte. Son réflexe fut alors de discrètement tendre l'oreille. Elle reconnut d'abord la voix de Mirsad.
- Tu n'as rien à faire là. Si tu avais besoin de mon aide, c'était avant qu'il fallait la demander.
- Mais... Tu ne comprends pas ! La Station nous cache ce qu'ils découvrent ! Ils nous cachent le véritable dessein d'Ilios ! Criait presque une voix masculine.
- Tu as complètement perdu la tête. Je ne peux plus rien faire pour toi.
- Ilios nous envoie ses messagers pour nous sauver Mirsad ! Nous avons tellement fait de mal à notre planète Astra... Il souhaite mettre un terme à ses maux et nous offrir une terre nouvelle où seuls les plus sages vivront.
Mirsad lâcha un soupir.
- Je te ramène dans ta cellule Tom.
Tom ? Comme Thomas Longborn, le Verseau qui avait volé des documents à la Station ? Agathe resta attentive.
- Ne m'approche pas ! S'énerva soudainement Longborn. Tu ne comprends rien. Tu ne peux pas comprendre. La vérité ne se révèle qu'à ceux qui ont tout perdu !
Un objet se brisa. Cela fit sursauter la blonde derrière la porte. Heureusement, elle ne fit aucun bruit. Une vision la saisit tout d'un coup. Elle vit le Verseau usant de son pouvoir pour endormir Mirsad. Il tenait dans sa main un bout de verre d'un vase éclaté au sol, prêt à sauter sur son adversaire dès qu'il serait tombé de sommeil. Mirsad avait beau lutter pour ne pas s'endormir, ses paupières devenaient de plus en plus lourdes.
Agathe revint à elle quand un nouvel objet fut fracassé contre un mur. Elle devait agir. Elle entendit le Lion rugir :
- Tu n'as aucune idée de ce que j'ai perdu !
Agathe surgit dans la pièce sans plus attendre. Mirsad était entré dans une colère noire. Il avait la mâchoire serrée, ses muscles étaient contractés, une énergie féroce émanait de lui. Son aura était plus frappante que d'habitude. Cela paralysa Agathe un instant. Les yeux du Lion se posèrent sur elle. Ils changèrent d'expression en la voyant, passant de la colère à de l'inquiétude. Et en effet, il y avait justement de quoi s'inquiéter. Thomas Longborn n'était pas entré dans la Station comme ça. Agathe était en danger. Mirsad devait désormais se protéger lui-même et la protéger.
Thomas ramassa un morceau de verre, un sourire malsain étiré sur le visage. Il était en pleine bouffée délirante. Agathe réfléchit. Elle devait l'empêcher de parler. Elle attrapa dans son sac un petit objet qu'elle avait acheté après avoir été poursuivie en pleine nuit par le sifflement. C'était justement un sifflet à la résonance si aiguë qu'elle pouvait briser des tympans surtout ceux des Verseaux qui avait l'oreille beaucoup plus sensible. Elle fit vite signer au Directeur de se boucher les oreilles. Il comprit directement et s'exécuta. La jeune fille siffla un bon coup. Longborn se mit à crier et à se tordre de douleur, mains sur les oreilles.
- Arrête ça ! Ordonna-t-il en se pliant dans tous les sens.
Mirsad en profita pour se jeter sur lui. Il entoura sa gorge avec son bras puissant puis serra son emprise en s'aidant de son autre bras. Agathe l'observa tout en continuant de siffler, terrorisée. Il était en train de le tuer ! Longborn manqua de souffle. Ses veines ressortaient sur ses tempes. Il tomba, inconscient. Agathe jeta alors son sifflet pour s'approcher de Mirsad. Elle le bouscula en l'affrontant du regard. Sa colère lui faisait surmonter l'intimidation causée par l'aura du Lion.
- Vous l'avez tué ! Vous êtes complètement malade ou quoi ? Vous auriez pu simplement le bâillonner !
La colère de Mirsad, elle, semblait être redescendue. Son visage redevint neutre comme à son habitude. Blasé, il dit simplement :
- Il n'est pas mort, juste dans les vapes.
Agathe qui était penchée vers lui d'un air menaçant réalisa à quel point elle avait été stupide d'émettre de telles accusations. Mirsad était un homme beaucoup trop droit pour commettre un meurtre dans son Académie. Elle recula, se sentant soudainement ridicule.
- Oh je euh... Excusez-moi, j'ai juste euh...
Il ne se vexa pas.
- Un Verseau de son niveau ne doit pas être seulement bâillonner. Son pouvoir est si puissant que même s'il se contente de marmonner, il pourrait nous endormir tous les deux.
Agathe n'avait pas imaginé l'étendu des pouvoirs de l'ancien membre de la Station. Et dire que Mirsad et lui étaient des égaux... Elle n'avait encore jamais vu le Lion en action. Il devait certainement être effrayant. Ce dernier ligota le Verseau puis le porta pour le mettre sur son épaule comme s'il ne pesait rien.
- Tu voulais me voir ?
Elle grimaça au vue de la situation. Elle ne pouvait plus aborder le sujet comme ça alors qu'il était en train de porter un homme inconscient comme un sac à patates. La scène était absurde.
-Hm... On pourrait discuter une autre fois ? Il me semble que vous avez un tout autre problème à régler d'abord...
- Tu as raison. Je passerai au O'Bulle ce soir si cela te convient.
- O-Oui parfait.
Il allait quitter la pièce mais s'arrêta sans pour autant se retourner.
- Mon boulot est en partie de protéger les élèves de cette Académie. Ne te remets plus en danger.
Puis il quitta son bureau. Agathe regarda autour d'elle. Tant d'opportunités s'offraient soudainement à elle... Elle avait la possibilité de fouiner un peu partout... Mais son respect pour le Directeur était bien plus fort que sa curiosité. Elle se ravisa et quitta à son tour la pièce.
À la pause du midi, Boucle d'or rejoignit comme à son habitude sa complice. Mélyn était plus excitée que d'ordinaire. La veille, elle avait revu cette fille qu'elle avait rencontrée à la soirée organisée chez les Capricornes. En fait, elles s'étaient déjà revues plusieurs fois après cette nuit-là. Elles avaient promis mutuellement de ne pas mettre d'étiquettes sur leur relation. Les deux étaient d'accord sur le fait qu'elles ne voulaient pas se prendre la tête. Cela amusa Agathe. Dire qu'il ne faut pas se prendre la tête, c'était déjà se prendre la tête. Elle avait déjà remarqué que Mélyn était en train de s'attacher. Au moment de la quitter pour rejoindre sa classe, la blonde lui fit un clin d'oeil et lui lança :
- Amuse-toi bien ce soir avec ta personne-dont-la-relation-reste-indéfinie !
Mélyn rougit et s'exclama alors que Boucle d'Or s'éloignait.
- Arrête de lire mon avenir !
Le soir au O'Bulle, Agathe courait à gauche et à droite pour servir les nombreux clients venus dîner. Elle était tendue, d'autant plus qu'Aslan était là lui aussi, accompagné. Une femme, environ la taille de Koei et probablement étudiante, était assise en face de lui pour un premier date. La Sagittaire voyait bien les signes du Lion qui l'appelait à l'aide, or elle était bien trop occupée pour perdre du temps avec ses gamineries. La Poisson, qui travaillait elle aussi, se faisait un plaisir de laisser son neveu s'ennuyer à mourir devant la jeune femme qui lui récitait ses cours comme s'ils étaient son seul sujet de conversation. Une fois que le rush du soir prit fin, Agathe s'approcha de la table d'Aslan. Elle utilisa son pouvoir pour connaître le nom de la fille qu'il avait à sa table.
- Oh ! Alors c'est toi la fameuse Emy dont Aslan me parle tout le temps !
La pauvre fille se mit à rougir, flattée.
- Vous vous connaissez ? Demanda-t-elle de sa voix nasillarde.
Agathe ne laissa pas le temps à Aslan de répondre.
- Bien sûr ! C'est mon cousin !
- Et moi je suis sa tata ! Intervint Koei qui sentait que cela devenait amusant.
- Oh je ne pensais pas rencontrer sa famille si...
- Si tôt ? La coupa Agathe. Oh ça c'est tout Aslan ! Il aime précipiter les choses. Puis je vais être honnête, il a toujours été très... Précoce.
La Sagittaire accentua son propos d'un clin d'œil.
- C'est vrai ça, confirma sa tante. Mais tu dois vraiment être quelqu'un de bien pour qu'il te présente à nous. J'ai hâte que tu fasses partie de la famille.
Emy devint pivoine. Elle ne savait plus où se mettre. Aslan restait assis sur sa chaise, ahuri. Ces femmes allaient le rendre fou. Elles formaient vraiment un duo infernal. Néanmoins, si Emy ne fuyait pas avec ça, il ne comprenait pas ! La jeune femme s'éclaircit la gorge.
- Cela me touche vraiment... Aslan est un garçon si attentif, si prévenant...
Elle prit la main du blond et se tourna vers lui.
- Me présenter à ta famille... Tu peux pas imaginer à quel point ça me réchauffe le coeur. J'avais peur que tu sois ce genre de gars qui prend rien au sérieux... Tu n'aurais pas pu me prouver ton engagement mieux que ça Aslan.
Koei et Agathe échangèrent un regard complice, au bord des larmes. Elles luttaient toutes deux pour ne pas exploser de rire. Comme pour officialiser cette fausse réunion de famille, Mirsad entra dans le café-restaurant. Il s'avança en voyant le petit groupe de quatre. Il attendit qu'on lui explique, stoïque et c'est ce que s'empressa de faire Agathe.
- Tonton Mirsad ! Regarde, c'est la fameuse Emy dont nous parlait Aslan dimanche dernier !
Emy se leva directement en comprenant qu'il s'agissait du père de son date. Elle lui tendit la main, tout à coup très nerveuse.
- Monsieur Léon, c'est un honneur de vous rencontrez.
Mirsad serra sa main d'un air indifférent. Il regarda son fils puis les deux serveuses. Ces deux-là étaient en train de lui jouer un sale tour et il n'allait certainement pas aider son fils à s'en sortir. Ah les femmes ! Qu'elles peuvent être cruelles !
Il alla s'asseoir à sa place habituelle, au comptoir. Agathe laissa Koei continuer de torturer le blondinet et rejoignit Mirsad installé plus loin, à l'abri des oreilles qui traînaient.
Sans qu'il le lui demande, elle lui servit un verre de whisky. Elle s'accouda au comptoir en face de lui.
- Désolée de vous avoir appelé tonton.
- C'était pour la bonne cause, je crois, dit-il avec son visage naturellement fermé mais trahi par son regard amusé.
- J'espère que vous n'étiez pas comme lui quand vous étiez jeune.
- Je suis toujours jeune.
Il leva un sourcil, faisant mine d'être vexé. Agathe sourit. Lui, elle ne l'avait jamais vu avec un sourire. Après un temps d'hésitation, elle se lança :
- Je voulais aussi m'excuser pour être partie de votre voiture comme une sauvage l'autre soir. C'est juste que...
Elle s'arrêta, ne trouvant pas les mots. Mirsad but une gorgée. L'eau-de-vie descendit le long de sa gorge, brûlant tout sur son passage mais habitué, il ne broncha pas.
- Tu as eu une vision, pas vrai ?
En guise de réponse, elle hocha la tête.
- Tu as vu un malheur à venir ? Tu peux me le dire, je peux encaisser.
- À vrai dire... J'ai bien vu un malheur. Le vôtre. Mais... Mais c'était une vision du passé.
Il secoua la tête, sa main tenant fermement son verre presque vide.
- Ce n'est pas possible ça.
Agathe ravala sa salive, avant de parler en baissant d'un ton.
- Je vous ai vu. Complètement détruit. Vous pleuriez dans votre cuisine. Vous étiez si... Sombre. Et dans votre salon, le calendrier était celui de l'année 2009.
Le verre se brisa tout à coup dans sa main. Cela fit sursauter la Sagittaire qui eut un mouvement de recul. Mirsad la regardait, son expression avait changé. Il n'était plus aussi inexpressif. Un mélange de surprise, de tristesse et d'espoir se lisait sur son visage.
- Comment est-ce que... Aslan t'a parlé ?
- Il m'a parlé d'Ellen.
Entendre ce nom sembla réveiller une douleur inimaginable chez lui. Il prit une seconde pour se reprendre.
- Donc... Tu es capable de voir le passé ?
- Je... N'en suis pas certaine. J'ai fait des recherches mais je n'ai rien trouvé. Rien sur un Sagittaire capable de lire dans le passé.
Il hocha la tête, songeur. Agathe vérifia d'un coup d'œil que sa main ayant brisé le verre n'ait rien. Aucune coupure. Elle nettoya derrière lui tout en le laissant réfléchir.
- Tu crois que... Tu pourrais voir ce qui est arrivé à Ellen ? Finit-il par demander.
Agathe s'arrêta, surprise par sa demande. Elle sentit son cœur se serrer dans sa poitrine. Cet homme lui demandait de l'aide. Elle venait de faire naître en lui un espoir qui ne menait peut-être à rien. Elle leva les yeux vers lui. De l'extérieur, rien ne laissait percevoir une faiblesse chez ce Lion. Or, la Sagittaire savait. Elle savait que son aura charismatique lui servait de bouclier. Elle savait que derrière son attitude nonchalante et son air fermé et autoritaire se cachaient une grande souffrance. Lui qui venait si souvent la sauver des griffes de son père dans ses pires cauchemars. Lui qui apparaissait dans ses rêves d'enfant quand elle se sentait si seule. Ils étaient peut-être faits pour se rencontrer. Le Destin les avait peut-être liés finalement.
- Je peux toujours essayer.
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