VI. Le Campionem
Depuis l'incident dans la voiture du Directeur il y a une semaine, Agathe s'était faite discrète à l'Académie. Elle faisait bien attention à ne pas croiser Mirsad dans les couloirs. Elle n'avait pas vraiment envie de lui donner des explications. Surtout que finalement... Elle n'en avait pas vraiment elle-même.
En effet, elle avait passé du temps à la bibliothèque de Xyph pour trouver des informations concernant des Sagittaires capables de voir des visions du passé. Boucle d'or ne trouva rien à ce sujet. Elle avait même questionné tout en restant vague, le professeur Binns enseignant l'Histoire des 12 pouvoirs. Il lui avait expliqué que des Signes avaient parfois présenté des capacités plus puissantes que d'autres mais qu'elles restaient toujours dans les limites de leurs pouvoirs : une Taureau fait voler des objets, un Vierge devient invisible, un Poisson soigne... Et évidemment une Sagittaire voyait le futur.
En se rendant au cours d'Art du combat, Agathe réfléchissait à ce qu'elle avait vu. Peut-être qu'il s'agissait d'une vision du futur finalement. Peut-être qu'en réalité, le calendrier chez Mirsad était encore à l'heure actuelle celui de 2009. Peut-être l'avait-il gardé. Ou peut-être qu'il s'agissait d'une vision du futur d'une dimension parallèle ? Ok, là Agathe allait beaucoup trop loin. Arrivée devant la salle de combat, elle eut un mauvais pressentiment en entrant.
Depuis le début d'année, la Sagittaire était une élève plutôt moyenne en Art du combat. Elle était assez futée pour s'en sortir dans quelques affrontements mais elle n'était jamais assez endurante pour enchaîner plusieurs combats. Le combat à mains nues était son gros point faible. A contrario, le jeune femme était très à l'aise avec une épée ou un katana entre les mains. Depuis toute petite, elle pratiquait l'escrime. Elle était donc très douée dans le maniement d'une lame voire la meilleure. Mais en Art du combat, les armes étaient rarement autorisées en entraînement et interdites en évaluation, d'où le niveau moyen de la Sagittaire.
Son réflexe en entrant dans la salle fut de chercher son camarade Poisson avec qui elle s'entendait le mieux dans cette classe. C'était un jeune homme plus petit qu'elle qui se plaignait sans cesse que des Poissons ne devraient pas avoir à subir cette matière. Pour lui, leur pouvoir ne leur permettait que d'assister les combattants, pas d'en être un. Agathe aurait été d'accord avec lui si elle n'avait pas fait la connaissance de Koei. Cette femme était toujours en première ligne quand il s'agissait d'une bonne baston ! Elle n'avait pas peur de donner des coups, ça c'était sûr !
Le professeur démarra son cours sans plus attendre.
- Aujourd'hui, j'aimerais que vous travaillez sur votre défense et plus précisément sur votre contre-attaque. Pas mal d'entre vous se contente encore d'esquiver. J'aimerais que vous appreniez à anticiper les coups de votre adversaire, à les bloquer et à profiter de cette ouverture pour attaquer. Pour cela, il va falloir que vous observiez les mouvements de l'autre combattant. Vous verrez que chaque combattant peut devenir prévisible dès que vous arrivez à distinguer ces petits détails qui indiqueront sa prochaine attaque. Cela peut être une mimique, une position de pieds, un regard... Soyez attentifs !
L'enseignant parlait tout en marchant. Il ne semblait pas être le genre de personne qui pouvait tenir en place.
- Spécialement pour ce cours-là, j'ai demandé à quelqu'un de venir m'assister. Mais comme prévu, on ne peut pas compter sur lui apparemment, affirma-t-il en baissant les yeux sur sa montre.
A peine eut-il fini sa phrase que la porte de la salle d'entraînement s'ouvrit. Agathe eut un frisson, sentant une sorte de force intangible et sombre pénétrer la pièce. L'énergie qui émanait de l'homme qui venait d'entrer était néfaste. Tout comme le Directeur de l'Académie, il dégageait une aura puissante mais la sienne était funeste. Agathe se souvint du tournoi de rentrée des premières années. C'était cette même énergie qu'elle avait senti après avoir quitté la Grande Salle. Elle fit alors le rapprochement et le professeur confirma son hypothèse.
- Ah ! Te voilà, Campionem.
Les camarades de la Blonde affichaient des têtes d'enterrement. Ils ne se réjouissaient pas de la présence d'une telle arme de combat parmi eux. Certains commençaient même à prier pour leur vie. Celui qui l'avait affronté lors du tournoi avait fini dans le coma pendant une semaine. Heureusement, il s'en était sorti vivant et sans séquelles.
Agathe tenta d'affronter cette force obscure qui lui nouait l'estomac et l'empêchait de trop regarder le nouvel arrivant. Elle s'efforça de le détailler. Des épaules larges et des trapèzes impressionnants. Une taille grande. Un teint olive. Une barbe brune. Des cheveux bouclés peu soignés. Des yeux entre le gris et le vert. Un visage fermé. Le Directeur à côté semblait bien plus expressif, alors je vous laisse imaginer !
Le Campionem était en tenue de sports : un t-shirt noir qui semblait un peu trop serré au niveau de ses biceps conséquents et un training noir lui aussi. Il n'avait pas l'air de quelqu'un qui portait de la couleur.
Alors qu'elle avait enfin réussi à le regarder de haut en bas, Agathe croisa le regard du combattant. Ses yeux glacials la figèrent sur place. Elle eut soudainement très froid et son corps fut parcouru d'un frisson comme quand il était entré dans la pièce. Cet homme n'avait rien d'humain ! Il suffisait de l'observer un instant pour croire aux rumeurs qui existaient sur lui. Ces mêmes rumeurs qui insinuaient qu'il avait agressé une femme. A cet instant, Agathe était persuadée qu'elles étaient vraies : ses mains étaient sûrement tâchées de sang pour qu'il dégage une énergie aussi mortuaire ! Non. La blonde ne devait pas se laisser aller à de tels préjugés. Le Directeur n'aurait pas accepté un agresseur dans son établissement. Elle ne voulait pas y croire.
- Comme vous le savez déjà, votre camarade Nar possède certaines prédispositions pour le combat, intervint alors le professeur en remarquant la tension dans la classe.
- Camarade... Tu parles d'un camarade..., marmonna assez fort l'un des élèves pour que la Sagittaire l'entende.
- Il est notre combattant le plus imprévisible. Ceux qui arrivent déjà à bien anticiper les mouvements de leurs adversaires vont travailler leur contre-attaque avec lui, continua Monsieur Cride. Les Sagittaires qui maîtrisent bien leur pouvoir, vous pouvez dès à présent rejoindre son groupe.
Agathe allait suivre son camarade Poisson dans le groupe de Monsieur Cride mais ce dernier l'interpella.
- Miss Green. Votre place est dans l'autre groupe.
- Je ne suis pas encore très à l'aise avec mes pou-...
- Ceci n'est pas un dialogue, Green. C'est un ordre.
Boucle d'or ravala sa salive et obéit. En s'avançant vers le groupe de six élèves, elle sentait déjà le regard polaire du Campionem sur elle. Sans un mot, il grimpa sur le ring dont disposait la salle de combat. Il regarda les sept étudiants devant lui. Il en montra un du doigt et lui fit signe de monter. Décidément, il n'était pas bavard. Peut-être était-il muet ? L'élève monta sur le ring les jambes tremblantes. Il était Sagittaire et se débrouillait plutôt bien en combat au corps à corps d'après ce qu'avait observé Agathe. Mais personne aurait voulu être à sa place, bon combattant ou non. Elle comprenait de le voir autant effrayé.
Le Campionem n'attendit pas plus longtemps avant de se mettre en garde. Le public put entendre le Sagittaire déglutir. Ce dernier eut tout juste le temps de placer ses mains devant son visage que le dénommé Nar lança l'offensive. Le Sagittaire esquiva. A une seconde près, son poing le mettait K.O. L'homme ou le monstre comme vous voulez, fronça les sourcils, montrant clairement que ce n'était pas ça les consignes. Le Sagittaire devait contre-attaquer. Celui-ci continua d'esquiver ses attaques suivantes. Cela agaçait de manière évidente son adversaire. Un petit sourire mesquin apparut sur le visage du Sagittaire qui avait gagné en confiance, se sentant intouchable grâce à son pouvoir d'anticipation.
La mâchoire de Nar était contractée. Il perdait patience. Agathe sentit que son aura destructrice grandissait de plus en plus. Elle pouvait la sentir d'en bas du ring. Elle la frigorifia de la tête au pied. Nar se jeta sur l'étudiant. Au début, le Sagittaire l'évitait. Mais le Campionem était rapide, agile et surtout... Imprévisible. Le Sagittaire n'arrivait plus à suivre. Le poing du meilleur combattant de l'Académie vint lourdement se loger dans ses côtes. Crack. Ses os n'avaient pas tenu le choc. Il cria de douleur. Le regard de Nar était devenu plus glacial que jamais. Il ne contenait plus aucune lueur de conscience. Il devenait fou ! Aussitôt, son autre poing vint frapper précisément le même endroit que le précédent. Cela arracha un nouveau cri de douleur à sa victime qui s'écroula. Cependant, cela n'arrêta pas la folie du monstre qui se mit au-dessus de lui prêt à le rouer de coups. Les autres élèves se précipitèrent pour aller chercher le professeur Cride. Agathe, elle, monta sur le ring par instinct. Pourquoi fallait-il toujours qu'elle veuille sauver la veuve et l'orphelin ?
- Arrête ! Cria-t-elle au Campionem, mais il n'entendait plus rien et s'était mis à frapper le pauvre Sagittaire.
Agathe était complètement terrorisée par ce qui était en train de se dérouler sous ses yeux. Sa main bougea presque toute seule. Elle attrapa le poignet de Nar. Il bondit d'un coup sur ses pieds et leva son autre poing vers elle, menaçant. Agathe ferma les yeux. Rien. Elle ouvrit un œil puis l'autre. Il était en pleine hésitation. Elle le lisait sur son visage.
Le contact de sa main sur son poignet était... Brûlant. Sa peau était l'opposé de son aura : elle était douce et chaude. Agathe planta ses yeux dans les siens. Il lâcha une sorte de grognement sourd, animal. Son poing prit un peu plus d'élan et s'élança sur la blonde. Il fut stoppé juste à temps.
- Nar. Dans mon bureau. Maintenant.
Le Directeur s'était interposé, sa main posé sur le poing du monstre. Il avait le dos tourné à la Sagittaire. Sa carrure imposante l'empêchait de voir Nar. Les deux hommes avaient des gabaris assez similaires d'ailleurs. Deux titans. Il baissa le poing. Elle devina que le fou avait repris ses esprits.
Monsieur Cride accourut aussitôt.
- Monsieur le Directeur, je-...
- Je vous ai déjà dit que Nar n'avait rien à faire dans votre cours. Vous osez outrepasser mes consignes ?
Le regard de Mirsad devait être assassin vu que Monsieur Cride se fit instantanément tout petit. Il n'avait apparemment pas besoin de crier ou d'hausser le ton pour asseoir son autorité. Il se tourna vers la blonde et la regarda de haut en bas comme pour s'assurer qu'elle n'avait rien. Puis il posa sa grande main derrière la nuque de Nar comme un père le ferait envers son fils qui venait de faire une connerie. Il semblait serrer sa nuque si fort qu'Agathe se demandait s'il n'était pas en train d'utiliser son pouvoir de Lion. Nar ne laissait rien paraître mais il était évident qu'il souffrait. Les deux quittèrent la salle d'entraînement.
Le camarade Poisson monta sur le ring dès que la menace disparut. Il posa ses mains sur le torse du Sagittaire.
- Il a quelques côtes cassées, mais rien de grave. Je m'en occupe.
Monsieur Cride était énervé. Il annonça que le cours était terminé pour aujourd'hui et ordonna aux élèves de quitter les lieux, sauf le Poisson. Agathe marcha robotiquement vers la sortie, encore un peu secouée. Elle entendit le Poisson et le professeur discuter.
- J'ai cru qu'il allait aussi se mettre à frapper le Directeur !
- Non... C'est le seul qui arrive à lui faire face et à le maîtriser. Y'a que lui qu'il écoute et à qui il obéit aveuglément. Certainement parce que Monsieur Léon est le seul qui serait capable de le neutraliser facilement. Il doit le craindre.
Agathe n'en écouta pas plus. Elle alla rejoindre Mélyn qui devait être à la cafétéria à cette heure-là.
Le reste de la journée parut très long à Boucle d'or. Elle n'arrêtait pas de se rejouer la scène de la matinée dans la tête. Les autres élèves avaient raison. Cet homme n'était pas humain. Ou en tout cas, il perdait son humanité une fois qu'il commençait à frapper. Elle eut un frissonnement rien que d'y penser.
Alors qu'elle s'apprêtait à sortir de l'Académie, elle tomba nez à nez avec un visage familier dans le couloir.
- Tiens ! Agathe !
Une gueule d'ange afficha son plus sourire en la voyant. Quelle tête à claques ! Agathe soupira.
- Aslan.
Décidément, cette journée n'en finissait pas et enchaînait les mauvaises surprises. Il s'approcha pour venir la saluer. Il portait une chemise ample blanche, probablement en lin par-dessus un pantalon chino beige. Il était parfaitement rasé et une fois plus proche d'elle, la Sagittaire put sentir son parfum : un mélange de safran et de bois de cèdre. Ce n'était pas déplaisant du tout.
- J'espérais tomber sur toi, avoua-t-il en essayant sur elle un sourire charmeur.
- Tu n'as rien à faire ici, s'agaça-t-elle en roulant des yeux.
- Détrompe-toi ! J'ai deux choses à faire. La première c'est emmerder mon père ! J'ai interdiction de mettre un pied dans l'Académie depuis cette fois, quand j'avais douze ans, où j'ai réveillé un Gayndes enfant et qu'en voulant jouer tous les deux, on a mis une sacré pagaille ! Heureusement que c'était pendant des vacances.
- Attends une seconde... T'as réveillé un Gayndes ? Mais...Comment ?
- Ah oui c'est vrai qu'on cultive la légende dans cette foutue Académie... Les Lions sont naturellement liés à ces créatures. On les comprend et ils nous comprennent. Mais peu sont au courant sinon ce serait l'anarchie. Les Gayndes sont des bêtes impressionnantes certes mais très influençables.
Agathe esquissa une grimace en imaginant tous les Lions qui s'amuseraient à réveiller ces statues pour se faire respecter des autres élèves.
- Ne t'en fais pas, c'est toujours le Lion le plus fort qui finit par les contrôler. Autrement dit, mon super-héro et très très honorable père.
La blonde ressentit un fort sarcasme dans ses paroles. Ces deux-là ne devaient pas s'entendre.
- La deuxième raison de ma présence est que je suis passé au café tout à l'heure et que tante Koei m'a dit que tu ne travaillais pas ce soir.
- Tante Koei ?
- Ouais. C'est la meilleure amie de ma mère. Donc elle est devenue ma tante. Mais ça tu dois le savoir non ? Une fois que je lui ai raconté pour ton sauvetage de l'autre fois avec la souris, elle m'a dit que tu savais que le Directeur était mon père.
- Oui... ça m'a plutôt surprise d'ailleurs. Ton père est très charismatique. Rien à voir avec toi.
Un point pour Agathe, zéro pour Aslan. Il lâcha un soupir.
- Ecoute, je sais pourquoi t'es comme ça. Au café, on s'est bien entendus. Puis l'autre soir avec cette fille dans la piscine, tu m'as vu et t'as dû pensé que j'étais vraiment un sacré séducteur.
- Surtout un sacré con-...
- Laisse-moi finir. Tu as pas tord, j'avoue que les femmes sont mon point faible ! Mais c'est pas pour autant que je suis pas hyper respectueux envers elles ! Je te jure !
- Donc là t'es juste en train de m'expliquer par A plus B que t'es un charo mais un charo bienveillant ?
Agathe le dévisageait, sa posture les bras croisés montrant clairement qu'elle était en train de le juger.
- Hm... Ouais en gros c'est ça.
Agathe avait du mal à continuer de lui lancer son regard accusateur. Elle finit par craquer et se mit à rire.
- Si tu finis un jour devant un juge, je t'en supplie, engage un avocat ! N'essaie même pas de te défendre.
- Très drôle, dit-il en esquissant tout de même un sourire. Je veux juste pas que tu crois que je suis un prédateur et que tu racontes ça à ma tante. Elle me referait le portrait, crois-moi ! Sans parler de ma mère... Elle me balancerait dessus tout ce qui serait à sa portée ! Quand elle s'énerve, c'est-à-dire les trois-quarts du temps, la maison finit sans dessus-dessous.
Agathe l'écoutait, amusée. Quelle famille. Ils semblaient être proches malgré les possibles disputes qui pouvaient apparaître entre eux. Cela lui réchauffa le cœur.
- Bref... Comme tu travailles pas ce soir, ça te dirait de venir manger chez moi ? Comme ça j'ai une chance de te montrer que je suis un charo bienveillant qui fait de bons petits plats. Mon père travaille tard et ma mère est au O'Bulle. Tu risques pas de les croiser.
Boucle d'or s'apprêtait à refuser sans hésiter. Mais quelque chose lui revint en tête. Elle devait s'assurer d'une chose et pour cela, elle devait se rendre chez Aslan.
- C'est d'accord !
- Bien alors allons-y.
- Comment ça ? Là maintenant tout de suite ?
- Je savais que t'allais dire oui, j'ai déjà fait les courses.
Il se dirigea vers la sortie, un sourire présomptueux sur le visage. Agathe devint pivoine de colère. Vraiment, il mérite des claques ! Elle le suivit.
- Eh !
Mais lorsqu'elle passa sa tête par la porte, elle vit Aslan et Mirsad se faire face.
- Aslan ?
- Mirsad.
Cela fit froncer les sourcils du Directeur. Il ne devait pas apprécier que son fils l'appelle par son prénom.
- Qu'est-ce que tu fais ici ?
- J'ai posé maman au O'Bulle et je suis parti faire un petit tour.
- Je t'ai déjà dit que je ne te voulais pas ici.
- Et je t'ai déjà dit que j'en ai rien à faire de ce que tu veux ou pas.
Mirsad restait calme, certainement habitué à l'insolence de son fils. Il s'apprêta à passer la porte. Boucle d'or se cacha. Avant de rentrer, il dit à son fils :
- Si tu remets un pied ici, tu sais très bien que je te virerai par la force.
Et il laissa Aslan pour retourner dans son bureau. Agathe rejoint le blondinet qui masquait son irritation sous son air insouciant. Il détourna le sujet pour qu'elle ne lui pose pas de questions :
- Je rêve où tu fuis Mirsad ?
- Je rêve où c'est l'amour fou entre vous ? Demanda-t-elle sur un ton sarcastique pour lui montrer qu'elle aussi pouvait changer de sujet.
Il eut un petit rire sincère. Il était décidément si charmant que ça en devenait enquiquinant. Elle le suivit jusqu'à sa voiture et fut surprise de monter dans une simple citadine. Aslan n'était pas du genre fils à papa qui utilisait l'argent de ses parents pour s'acheter ce qu'il voulait. Mirsad ne l'aurait pas laissé devenir comme ça de toute façon. Son fils était déjà assez insolent, imaginez s'il avait été pourri-gâté !
La maison des Léon se trouvait en périphérie de la ville, dans un quartier résidentiel plutôt aisé sans en faire trop. Elle était située à trente minutes en voiture de l'Académie. Pendant le trajet, Aslan faisait écouter ses musiques préférées à Agathe. Il aimait les musiques qui réchauffaient l'ambiance du genre reggaeton et musiques latines. Il avait appris à danser la bachata pour faire danser sa mère (et pour emballer les filles). Son père était raide comme un balai quand il s'agissait de danser. Aslan avait enfin trouver un domaine où il était meilleur que lui. On aurait dit qu'il se sentait toujours en compétition avec lui.
Le blondinet se gara devant le garage et sortit de la voiture. Agathe resta un instant dans la voiture à regarder la façade de la maison. C'était une maison comme on en voit dans les films américains. Elle comptait un rez-de-chaussée et deux étages. Elle était entourée d'un grand jardin avec quelques arbres et une belle pelouse bien verte. Devant la maison, de belles plantes poussaient entretenues avec soin. Sur le perron, il y avait un rocking-chair et une banquette. Les yeux bleus d'Agathe s'attardèrent sur le rocking-chair. Elle sentit des larmes monter lui brouiller la vue. Elle les chassa. Elle en ignorait l'origine. Elle sortit de la voiture, évitant de penser à cette sensation inconnue qui l'avait envahie subitement. Elle suivit Aslan à l'intérieur.
Boucle d'or reconnut les lieux de sa vision. C'était donc la même maison. Elle entra dans le salon avec sa cheminée et ses grandes fenêtres surplombé d'une mezzanine. Elle chercha du regard le fameux calendrier. Elle finit par le trouver. « Année 2023 ». La vision qu'avait eu Agathe datait donc bel et bien du passé...
Aslan la rejoignit.
- Mets-toi à l'aise le temps que je cuisine. Tu veux boire quelque chose ?
- Non... Non ça ira.
Il lisait de la déception sur son visage.
- Est-ce que ça va ?
La Sagittaire secoua la tête négativement.
- Désolée, je sais pas ce qui m'arrive.
- C'est moi qui te fait tant d'effets ? La taquina-t-il en lui faisant un clin d'œil et en la bousculant gentiment.
- Va te mettre aux fourneaux au lieu de débiter des âneries.
- Oh la la !
Aslan s'exécuta, plutôt amusé. La blonde remarqua qu'il n'y avait aucune photo dans la maison. Pas une seule. Elle trouva ça très étrange pour une famille aussi unie.
Un moment plus tard, Aslan l'appela pour venir manger. Il avait mis du sien à l'ouvrage ! Il avait joliment dressé la table. Il était important de noter qu'il n'y avait pas de bougies. Agathe avait bien insisté dans la voiture que ce n'était pas un rendez-vous galant ni un rendez-vous tout court ! Elle avait seulement accepté parce que son réfrigérateur était vide...
Leur dîner se déroula en toute légèreté. Le Lion était quelqu'un de si simple qu'il mettait la blonde facilement à l'aise. Les deux passèrent un agréable moment à rire et à se taquiner l'un et l'autre. Ils ne virent pas le temps passer. Ils entendirent la porte d'entrée s'ouvrir. Aslan sauta de sa chaise.
- Merde ! Viens, on sort par l'arrière !
Agathe n'eut pas le temps de poser de questions. Le blond la tira pour sortir par la porte de la cuisine qui donnait sur le jardin à l'arrière de la maison. Elle vit un magnifique arbre, illuminé par de petites lanternes en forme de petites étoiles. Une cabane s'était logée entre les embranchements. Une balançoire pendait de la plus grosse branche. Sur le tronc était gravé « A+E ».
Ils coururent à l'avant de la maison et entrèrent dans la voiture, essoufflés.
- Ouf ! Mon père a dû aller chercher ma mère et ils sont rentrés plus tôt.
- Aslan... Je peux te poser une question ?
Il démarra la voiture.
- Tu veux sortir avec moi ? Écoute Agathe, je suis pas un mec pour toi, tu comprends j'aime trop les femmes, dit-il en plaisantant.
- Haha très drôle. Non sérieusement...
- Vas-y, je t'écoute.
- J'ai remarqué qu'il n'y a pas de photos chez vous. Puis à l'instant, sur l'arbre à la cabane, il y avait un A et un E. A pour Aslan et E pour...
- Ellen.
Agathe tourna sa tête vers lui. Mais ce n'est plus lui qu'elle voyait. Elle était dans une chambre d'enfant. Le papier-peint sur le mur représentait une végétation luxuriante comme celle d'une jungle. De nombreuses peluches géantes d'animaux sauvages traînaient un peu partout. Il y avait aussi des suspensions accrochées au plafond en forme de lianes et un lit superposé. Une parfaite chambre d'aventurier ! Ou d'aventurière ? Seul un objet n'allait pas avec le reste de la chambre qui semblait toute neuve. Une petite peluche en forme de lapin, aux oreilles mâchouillées chevauchait un immense crocodile. Elle semblait avoir du vécu comparée aux autres peluches. Agathe ne pouvait quitter ce doudou des yeux alors que ces derniers devenaient de plus en plus embués. Une voix résonna dans la maison. Elle reconnut celle de Mirsad, bien plus douce que d'habitude.
- Ellen ! Alors ? Ta nouvelle chambre te plaît ?
La blonde entendait ses pas dans l'escalier. Son cœur se serrait dans sa poitrine. Elle n'avait pas peur, au contraire. Elle ressentit une chaleur lui traverser le corps. Un sentiment mêlant bonheur et sécurité.
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